« Quelle idée de con j’ai eu encore. »
Le froid et l’humidité semblaient avoir une vie propre et une conscience politique, dont le programme serait d’aller faire chier Anton et de lui donner froid, de faire rouiller ses armes et de le mettre de mauvais humeur. Mais il fallait bien ça… La situation avec les pirates tendait enfin à se calmer, si bien qu’Anton avait pu se permettre de faire une chose qu’il avait beaucoup trop longtemps repoussé. Retrouver sa femme. Un hiver entier, quatre mois, plus même.

Mais valait mieux tard que jamais, même si Anton se doutait qu’il devrait recevoir un certain nombre de remontrances et peut-être même un coup ou deux. Une discussion semblerait aussi s’imposer. Cependant, première étape, retrouver Lex. Pour ça, Anton avisa un homme qui passait non loin de lui : « Hé grande tige, je cherches une fille, Lex, Lex Muldoon. » Il y avait peu de chance que Lex se présente sous le nom Donovan à tout le monde.

L’homme le regarda sans comprendre avant d’hausser les épaules et de continuer sa route. Tant pis, Anton se mit alors à chercher les brunes à l’air malcommode et aux hanches parfaites.

Au bout de plusieurs minutes, il finit par trouver la femme qu’il aimait, elle était affairé sur une table, de trois quart, concentrée, elle ne semblait pas l’avoir vu. Anton s’arrêta une seconde, replaçant un peu ses cheveux, vérifiant qu’il n’avait rien dans les dents et qu’il était –presque- présentable. Le cœur battant, il s’approcha alors avant de lancer :

« Bonjour madame, désolé de vous importuner comme ça, mais je voudrais savoir si vous avez du temps pour votre mari. » Comme entrée en matière on ferait très certainement mieux, mais Anton avait beau avoir réfléchit pendant des semaines à ce qu’il dirait à Lex en la revoyant, il n’avait rien trouvé de mieux que de faire de l’esprit.

Evidement il était heureux de la revoir et quand il l’avait vu, son cœur n’avait fait qu’un bon. Mais Anton n’était pas du genre à laisser tomber son arme par terre pour la saisir dans ses bras et la soulever par surprise. Déjà ça et ensuite il était presque certains que s’il le faisait, il se prendrait au mieux un pain, au pire un coup de couteau. Mais à ce trait d’esprit, il finit par lâcher un peu piteusement : « Je suis désolé d’avoir autant tardé. » Il en avait vécu des choses malheureusement…

La fumée s'échappe de ses lèvres alors qu'elle avise les autres habitants de la prison, silencieuse. Tariq occupé à faire dieu savait quoi, alors qu'elle s'acharnait à essayer de surveiller Samhain, visiblement trop occupé à à courir partout. Au moins, un d'eux s'amusait. Quelque part, ce n'était pas si mal... Revenant dégager l'écharpe de son plâtre non sans grimacer, avant qu'une voix dans son dos ne la fasse se tendre. Mari. Le terme la laissant silencieuse une seconde, alors qu'il ne lui en faut qu'une de plus pour reconnaître à qui elle peut appartenir, se tournant légèrement pour venir lui faire face. Des deux ? Elle était sans doute la plus abîmée. Et si elle aurait dû sauter de joie, peut-être, de retrouver Anton après tous ces mois, c'est plutôt la rancoeur qui lui tient le ventre à l'instant précis. La même qui l'ai finalement aidé à garder le cap, après des mois à dormir dans les ruines insalubres de Seattle en se faisant appelée sous un faux nom, dans l'espoir de ne pas se faire repérée d'Ulrich.

Ses yeux bruns viennent le détailler en silence, pinçant brièvement les lèvres, alors qu'un silence se fait entre eux. Lui jetant un regard assassin, avant de reprendre d'une voix acérée.

J'crois surtout que tu t'trompes de personne. Et c'est bien tout ce qu'elle trouve à lui offrir en guise de réponse, venant refermer les pans de sa veste pour se protéger un peu plus du froid, à défaut de mieux. Prête à le dépasser sans demander son reste, alors que ses excuses s'entendent finalement dans l'air, lui arrachant un rictus sans joie. T'es désolé, hein ? Putain, c'est l'minimum en vrai. Après quatre mois sans nouvelles ? Il y avait de quoi l'être en effet.

Mais tu l'es sans doute pas autant que moi. L'avisant de bas en haut sans mot dire, avant de se reculer de plusieurs pas. Blessée, sans doute. D'avoir eu cette sensation amère d'être complètement seule, quand elle avait eu besoin de lui. Ou de ces commentaires stupides qu'il avait jugé bon de lui donner, en guise d'adieu temporaire. Le poids des responsabilités des derniers mois avait sans doute eu raison de ses nerfs, finalement. Et sans doute qu'à force de se concentrer sur l'instant présent pour leur survie à tous, elle n'avait pas eu le temps de digérer tout ça.

Donc, nan. J'ai pas d'temps à t'offrir. J'dois y aller de toute manière. C'était de toute manière plus aisé de montrer sa colère, qu'admettre sa tristesse.

Anton ne s’était pas attendu à une tapis rouge, mais il ne s’était pas non plus attendu à un tel rejet de la part de Lex. Il resta pantois quelques instants avant de se reprendre. Il n’avait pas vu immédiatement l’état de Lex, ses blessures, ses mutilations… Elle semblait avoir vécu des moments très difficiles. Ça rendait son approche d’autant plus grotesque, il le reconnaissait. Maintenant, il fallait la rattraper et avoir une discussion sérieuse :

« Oh Lex attends une minute ! » Il allait devoir parler vite et bien, en espérant qu’elle soit dans le bon état d’esprit pour l’écouter et lui expliquer ce qu’elle avait vécu : « Hé, okay, je vois que tu as eu des moments très compliqués depuis notre séparation. » Traumatisant même à en juger par son état. Ça n’allait pas être simple de restaurer la discussion entre eux. Lex semblait être très en colère contre Anton… Peut-être d’avoir préféré rester avec les autres pour les aider plutôt que de filer avec elle ? Très probablement, en même temps, ils venaient à peine de se marier, ça devait venir de ça très certainement :

« Mais ça n’a pas non plus été une sinécure de notre côté non plus. » Il avait eu un bras en écharpe aussi et s’était fait passé à tabac ; sans parler des humiliations régulières des pirates à leur encontre pendant tous ces mois : « Je suis désolé de ne pas avoir envoyé de messages. » Anton avait eu réellement la crainte que ces messages soient interceptés et trahissent la position de Lex aux pirates, une paranoïa d’un Anton qui avait vécu une grande partie de sa vie en étant caché.

Bon, il en faudrait très certainement plus à Lex, mais déjà s’ils pouvaient déjà renouer un semblant de dialogue, ça serait un bon début : « Tu veux bien m’expliquer ce qui t’es arrivé ? » Comment avait-elle fait pour se retrouver dans cet état ? Ce n’était pas les pirates visiblement mais qui ? Comment et surtout pourquoi ?

Attendre une minute ? Elle ne peut que lui offrir un regard noir, évoquant ces moments compliqués, lui arrachant un rire sans joie. Mais à sa remarque ? Elle ne peut que sentir ses muscles se tendre un peu plus. Tu veux qu'on fasse un putain d'concours, qu'on compte les points aussi ? De savoir qui avait le plus souffert ? J'suis trop nombreux pour eux. C'est c'que tu m'as dis, nan ? La réplique n'avait pas quitté sa tête, depuis tout ce temps. Lui offrant un sourire proche du rictus, en reprenant avec froideur. Ouais, t'avais pas l'air trop inquiet en effet. Et ça ... Ca la blesse, quelque part. Plus que de raisons, alors qu'une partie d'elle aurait pu le comprendre, s'il n'y avait pas eu cette incroyable sensation d'abandon derrière. J't'ai toujours suivi, jusqu'en enfer quand il le fallait. Talequah, la chute du Merchants, la mort de Sacha. Elle avait toujours fait au mieux pour lui, pour eux. Et le retour ? T'as même pas été foutu d'être là, en sachant que j'pourrai claquer sitôt qu'Ulrich m'aurait mis la main d'ssus. En sachant c'qu'il m'a fait, comment il m'a marqué. Au moment ou j'avais le plus besoin de toi, merde... Tu n'étais pas là.

Et l'idée lui donne envie d'en pleurer, quoi qu'elle n'en montre rien. L'avisant avec un mépris certain alors qu'elle recule d'un pas, à l'instar d'un animal sauvage quand lui cherche à comprendre l'origine de ses blessures. Qu'est-ce que ça peut t'foutre, hein ? C'était avant, qu'il aurait fallût s'en soucier. Quand elle avait pris la tête de leur équipe de bras cassés, pour aller chercher des ressources. Baissant brièvement le regard vers son doigt manquant et son bras en écharpe, pinçant brièvement les lèvres. Pendant que t'étais visiblement occuper à foutre je ne sais quoi, j'ai pris la tête d'une équipe. On à trouvé des connards de nazis, et j'ai donné d'ma personne pour espérer vous ramener des armes lourdes pour mettre un terme a Ulrich et sa bande de fils de putes. Voilà, ce qu'elle avait fait. Loyale, jusqu'au bout. Ironique hein ? J'ai passé l'hiver à crécher dans des ruines et à rien bouffer, parce que jusqu'au bout, j'ai voulu vous aider. Mais c'était visiblement pas assez cher payé pour espérer avoir un semblant d'nouvelles de ta part... Pas même un message codé, comme celui qu'elle avait pourtant envoyé à Crescent, par le biais d'Emilie.

Et t'en fais pour ça. Tariq et sa mère m'ont remise sur pied. Quand à l'amputation ? J'me suis chargé du type qui à voulu faire sa loi. En lui faisant manger son doigt, mais aussi son service trois pièces. Tu causais d'moments compliqués ? T'as pas la moindre idée de c'que ça fait, de retourner à la case départ. D'réaliser que t'es profondément seule, quand on t'as promis d'te suivre au bout du monde la veille. Non, assurément pas, visiblement.

Alors maintenant, quoi ? T'espérais que j't'accueille à bras ouverts, qu'on allait rire de tout ça ?

Anton écouta Lex, les bras à moitié croisé, mais les oreilles grandes ouvertes. Il se désolait d’entendre ce que Lex lui racontait, que ce soit au niveau des repoches envers lui, envers la solitude et le sentiment de trahison qu’elle pouvait avoir ressenti et, évidemment, envers ce qu’elle avait vécu. A la question pleinne de rancœur de Lex, il répondit par une question purement rhétorique : « J’ai l’air aussi naïf que ça ? » Il enchaina rapidement pour ne pas laisser à Lex le temps de répondre : « Non, je me doutais bien que tu allais m’en vouloir, je savais aussi que tu n’aurais pas vécu des vacances en club. » Partir dans la nature comme elle l’avait fait pour échapper à une menace qui semblait implacable : « Mais je t’avoue que je ne pensais pas que ça serait à ce point là. »

Il se serait attendu à ce que la zone sois quelques peu pacifiée… mais visiblement, là pour le coup il avait était assez naïf avec le recul : « Je suis désolé de t’avoir laissé partir et je suis désolé de ne pas t’avoir accompagné. » Il le disait avec la sincérité d’un homme qui avait perdu le sommeil presque tous les soirs à imaginer sa femme dans les pires situations :

Il avait pensé qu’en restant, il participerait à la protection de Lex et des autres, en aidant à éliminerla menace « J’ai pensé faire ce qu’il fallait en restant pour aider à garder le groupe, notre groupe, notre famille et notre foyer en état. Mais, là, j’ai été naïf… » Même si ça incluait de laisser sa femme seule juste après la cérémonie qui les unissaient : « Pas une grande réussite, on a vécu sous leur joug pendant des mois, j’ai eu le bras brisé, encore, quand je me suis fait passer à tabac. »  ça n’a pas été d’une grande simplicité, Anton avait dû courbé l’échine pendant des semaines avant d’enfin obtenir sa vengeance :

« On a réussi à porter un sale coup aux pirates dernièrement, c’est pour ça que j’ai pris le risque de venir jusqu’ici. On a éliminé beaucoup d’entre eux et capturé un des commandants » Anton ne savait pas exactement où se trouvait l’homme qu’il avait tabassé dans la hiérarchie des pirates, mais il était important  et putain c’était encore la seule chose qui comptait dans l’affaire, faire mal à ce groupe de fils de pute :

« Essayer d’arranger les choses et de te prouver que non, je n’en n’ai pas rien à foutre de toi, que oui je t’aime et que je veux qu’on passe le reste de nos vies ensembles. » Les grandes déclarations n’avaient pas nécessairement beaucoup d’effets sur Lex, mais au moins, il avait parlé avec son cœur.

Ah, désolée, mauvaise réponse. Mais vous r'partez avec le droit d'aller vous faire mettre et votre poids en confiserie. Qu'elle réplique avec une amertume glacée alors qu'il évoque des vérités somme toute logique sur son séjour. Et sans doute que sa silhouette amaigrie ou les ecchymoses qui marbraient sa peau n'en étaient qu'un petit aperçu, en l'état. N'aurait-elle pas dû accepter ses excuses, entendre son raisonnement ? Alors, pourquoi ne parvenait-elle juste pas à se calmer, alors qu'il continuait d'essayer de lui parler, au juste ? Nan, t'as pas été naïf. T'as été con. Et c'était sans doute une des choses qu'elle lui reprochait, en prime.

Quand à son bras cassé ? Un rire sans joie s'échappe de ses lèvres, l'avisant avec un rictus. Woah, quelle surprise...

Mais à l'évocation des commandants capturés ? Elle ne peut s'empêcher de sentir le peu de couleur à son visage disparaître subitement. Qui ? Ulrich ? Elle se refuse à prononcer ce nom qui la hante depuis trop longtemps, avant de retrouver son air glacé. Elle se refusait à entrer sur ce terrain là. Catégoriquement.

Et la suite de ses propos lui donne envie de hurler. Profondément. Ne s'en abstenant que par pure fierté mal placée, alors qu'elle lui décroche un regard noir, et qu'il évoque toute ces jolies choses qui quelques mois en arrière, l'avaient faite rire à gorge déployée. De bien être, de joie. D'une liberté qu'elle s'était interdite de ressentir, jusqu'à ces échanges de voeux sur le Revenge, qui lui semblaient désormais issues d'une autre vie. Et emplis d'une amertume, qu'elle avait sans doute laissé l'empoisonner trop longtemps.

T'as une drôle de manière de montrer qu't'aime les gens. En les laissant seuls, devant leurs pires hantises, par exemple. Mais tu vois Anton, ça à toujours été mon problème quelque part. J'donne tout, mon corps, mon âme. Et au final, j'récolte que dalle à la fin. J'me contente de finir seule, y'a visiblement des schémas qui changent pas. Même si j'ai cru le contraire, quand j'ai accepté de t'épouser. Et s'il souhaitait de base arranger les choses, il semblait surtout parti pour trouver d'ici peu le plus gros puit de pétrole que Seattle ait jamais porté, à force de creuser. De son arrivée désinvolte, à ces mots d'amours qui n'avaient aucun effet sur elle en l'état.

Tu veux arranger les choses ? Donne moi des nouvelles des Exiles. Ensuite, j'espère que tu sais ramer. Parce qu'il pouvait se foutre le doigt dans l'oeil jusqu'à s'en gratter l'omoplate, si il espérait qu'elle lui pardonne tout ça d'un baiser, pour ensuite la ramener à Crescent. Leur conte de fée s'était transformé en film dramatique sitôt qu'il avait pris sa décision. Et qu'elle avait assumé seule, de se noyer dans ses eaux sombres sans chercher à remonter à la surface.

Tu vas assumer les conséquences de tes actes. Et ça commence aujourd'hui, en acceptant l'idée d'me foutre la paix. Elle ne quitterait pas cet endroit avec lui. Tariq et Allegra veillent sur moi, t'as pas b'soin d'te rajouter à l'équipe médicale. Puis t'as su gérer plusieurs mois mon absence, deux mois d'plus, ça t'fera pas un second trou de balle ?