Ils ont eu ce qu’ils méritaient. Russel, en particulier.

J’ai encore honte d’avoir vomi mes tripes après le traitement que lui a fait subir Ruby. J’devrais mieux encaisser tout ça. J’peux pas paraître… fragile.

J’évite d’aborder le sujet, depuis qu’on est rentrés à Port Angeles. J’préfère raconter comment on les a massacrés. Comment on leur a fait payer. J’sens que Luna partage pas totalement cet enthousiasme, quand j'ai la fierté d'compter les cadavres. Peu importe.

J’la laisse dehors avec le potager, rabats ma capuche sur mes épaules, m’essuie grossièrement le visage et les mains sur une serviette qui traine dans l’entrée avant de plonger dans le bâtiment. Alice m’a demandé de la rejoindre quand j'aurai fini avec ma sœur, dans l’après-midi. Pour lui apprendre deux-trois trucs au fusil... Difficile d’avoir une heure précise.

Elle doit être dans la piaule qui nous sert de dortoirs. J’m’apprête à ouvrir la porte quand j’me rends compte qu’elle l’est déjà légèrement. Dans l’embrasure du battant, mon regard tombe bien malgré moi sur une paire de jambes. Nues. Qui se plient avant de disparaître sous un pantalon. Un peu plus haut, le dos est encore à l'air, fin et musclé, la nuque cachée sous les cheveux blond platine de la navigatrice.  

La main effleurant la poignée, je n’bouge plus. D’un. Millimètre.

Faut pas qu'je fasse le moindre bruit. Le spectacle happe toute mon attention, et j’espère si fort qu’elle se tourne assez pour me donner un angle de vue sur sa poitrine quand elle va attraper un T-shirt que… j’capte une seconde trop tard qu’elle a tourné la tête vers moi.

Nos regards se croisent, mon coeur m’arrache les côtes en s’extirpant de ma poitrine et j’attrape subitement la poignée pour me claquer moi-même la porte au nez.

Quelques secondes de silence face au battant, je déglutis, j’ai super chaud, j’panique, j’peux pas m’enfuir, elle vient d’me voir, mais c’pas ma faute si elle sait pas fermer les portes, et en même temps -

Elle rouvre devant moi - bien habillée cette fois. “Je… tu…” je bafouille, passe une main moite sur ma nuque, retiens pas un petit regard sur le T-shirt qui couvre trop bien ses formes. “Téton… euh t’as ton… fusil ?” La honte, merde. J’sens mon visage devenir brûlant, j’ai horreur de c’genre de situations.

Est-ce que ça l’avait apaisée, que tout soit enfin fini ? Elle ne savait pas vraiment, mais elle avait la sensation du devoir accompli. Même si tout ça lui laissait un goût amer, et une grandement incertitude. Elle s’efforçait pourtant de passer à autre chose, la vengeance obtenue devant suffire pour ça. Alors elle apprenait comme promis à Luna à utiliser la radio, elle observait les mouvements à Victoria, depuis leur découverte avec Ruby, se demandant s’il y avait vraiment des survivants non contaminés. Elle cherchait à s’occuper sans se laisser le moindre répit, pour ne pas laisser libre cours à ses pensées. Et, si elle avait longtemps eu du mal avec les armes à feu, avait toujours un peu de mal d’ailleurs, elle ne voulait plus jamais se sentir démunie comme ça avait pu être le cas. C’est pour qu’elle avait demandé à Ace de lui apprendre à tirer au fusil, surtout après avoir vu son efficacité contre les pirates. C’était probablement la première fois qu’elle le voyait réellement s’en servir, et si c’était presque inquiétant qu’il le fasse aussi bien, elle préférait se concentrer sur sa maîtrise plutôt que le fait qu’un enfant n’aurait jamais dû avoir à apprendre ça.

Elle avait été nager avant ça, pour se vider la tête plus efficacement. Elle ne s’était pas éloignée, s’était rendue dans un coin reculé ou personne ne pouvait arriver facilement, et elle était revenue dans la pièce improvisée en chambre pour enlever sa tenue de plongée humide. Si elle avait poussé la porte, elle n’envisageait pas que qui que ce soit la rejoigne dans la pièce. Pas en plein milieu de journée. Combien de temps avait-elle passé dans l’eau ? Pas plus d’une heure, probablement, mais elle perdait la notion du temps, dans ces cas-là.

Se décalant légèrement pour attraper le haut qu’elle avait posé sur son lit, elle capta brièvement une tête dans l’embrasure de la porte, avant qu’elle ne se claque subitement. Elle n’avait pas pu identifier de qui il s’agissait, mais elle n’entendait aucun bruit de pas qui s’éloignaient de la porte. Enfilant rapidement le haut, et ses gants de navigation, elle franchit la distance qui la séparait de la porte pour l’ouvrir, tombant sur Ace. « Entre, il est dans la chambre. » Peut-être pas le meilleur endroit où le conserver, mais elle était constamment sur ses gardes avec ses affaires, maintenant. Est-ce qu’elle devait seulement dire quelque chose ? Elle était pas sa mère, ou sa sœur, et certainement pas le meilleur exemple non plus. Mais en même temps… « Je sais pas combien de temps t’es resté là, mais tu devrais pas regarder les gens sans qu’ils soient d’accord. » S’il se mettait dans la tête de mater les femmes du groupe, pendant qu’elles se lavaient ou se changeaient… Jeune ou pas, tiraillé par les hormones ou pas, ça ne plairait clairement pas à Alice. « Et des gens de ton âge, aussi, peut-être. » Elle pourrait être sa mère.

Attrapant le fusil, elle adressa quand même un petit sourire à l’adolescent : ça ne servait à rien de le braquer, de toute façon. « On y va ? » Où exactement ? Elle ne le savait pas, mais il fallait qu’il soit suffisamment isolés pour ne pas attirer la terre entière – humains ou morts-vivants.

Bordel, j’déteste ce face à face. J’ai juste envie d’me barrer. En même temps, j’arrive plus à bouger. L’coeur qui bat à tout rompre, les mains moites, j’me sens surtout affreusement con sous le regard d’Alice que j’ose même pas croiser.

“Je…” j’déglutis, “J’viens d’arriver. J’ai rien vu.” Un mensonge qui manque certainement d’aplomb. Mais attends… Y’a des filles qui seraient d’accord ? J’fronce les sourcils, d’abord de perplexité, et puis franchement contrarié quand elle me pique sur mon âge. J’suis plus un gamin. En plus on fait la même taille.

J’ose enfin relever le nez pour la fusiller brièvement du regard. J’me mordille l’intérieur de la lèvre avant d’souffler, “Ouais.” On y va. Vaut mieux passer à autre chose, j’crois.

Le poste de contrôle est planté sur une presqu'île toute en longueur, occupée en bonne partie par une ancienne piste d’atterrissage. Autant dire que la vue est dégagé sur cette large zone bétonnée, malgré la végétation qui, depuis le temps, a gagné du terrain. T’façon, ce serait pas plus mal d’attirer les derniers rôdeurs du coin pour s’en débarrasser.

La pluie s’abat sans pitié sur nos têtes alors qu’on sort du bâtiment pour avancer jusqu’au bout de ce lopin de terre, vers le vieux parking relié à la piste. Là gisent encore une bonne dizaine de véhicules H.S dont on a déjà récupéré ce qui pouvait l’être.

“Une vitre, c’est un point. Un rétro, c’est dix.” Que j’annonce encore un peu trop froidement en m’arrêtant avec Alice à bonne distance de nos cibles. J’lève les yeux vers elle, l’observant dans l’ombre de ma capuche. J’arrive pas vraiment à m’détendre après c’qui vient d’se passer. “Faut que tu l’cales bien sur l’épaule. T’es droitière ?” J’dégaine ma propre arme pour lui montrer la position à prendre. “Y’a plus de recul qu’avec un flingue, faut qu’tu sois prête à encaisser.”

J’inspire un coup, pose le regard sur les voitures, le nez chatouillé par les gouttes qui perlent depuis ma capuche. J’tire, première détonation qui ne donne lieu à aucun impact, la balle file vers l’horizon. Faut deux essais de plus pour enfin éclater une vitre, mais au moins le boucan et l’explosion de verre me passe un peu les nerfs. Léger sifflement qui persiste dans mes oreilles, j’baisse mon arme. “À toi.”

Tu peux tirer 3 dés fusil par post.

• Si réussite : tu éclates une vitre.
  
• Si RC : un rétro.
  
• Si échec : dans le vent.
  
• Si EC : le recul te fout un coup au visage ou à l'épaule.
  

Peu importe le résultat, tire aussi un dé spécial.

• Si succès : 1 rôdeur est attiré et se met doucement en chemin.
  
• Si échec : RAS
  

dés:

La navigatrice hésitait à lever les yeux au ciel ou à sourire, devant la mauvaise foi d’Ace. Son hésitation, son regard qui déviait légèrement… Tout incitait à croire que non, mais il ne servait à rien d’insister. Elle l’avait bien vu avec ses petites sœurs, même si elle n’était pas bien plus âgée qu’elles à l’époque : plus elle cherchait à leur interdire quelque chose ou à les en convaincre, moins elle y parvenait. Plus elles insistaient. Alors elle hocha simplement la tête, se contentant de le laisser y penser.

De toute façon, elle était plutôt anxieuse à l’idée de la leçon qui l’attendait, toujours pas très à l’aise avec les armes à feu, et elle n’eut aucun mal à se concentrer sur ça plutôt. Elle était efficace et redoutable avec son fusil-harpon, mais elle le maniait depuis qu’elle était toute jeune, alors qu’une arme à feu… Ça avait été créé pour tuer des humains, ou du moins, c’était ainsi qu’elle le voyait. C’était… Elle n’aurait su réellement le dire, mais c’était bien pire dans son esprit. Elle arrivait pourtant à tirer avec un revolver, bien qu’Oakley ait dû insister pendant une longue période pour qu’elle le fasse. Mais là… Elle avait sollicité Ace, lui avait demandé d’elle-même, alors elle ne pouvait qu’y arriver, non ?

De toute façon, elle ne voulait plus se sentir démunie, parce qu’elle refusait d’apprendre à réellement utiliser une arme à feu. Alors elle avait fini de s’habiller, se couvrant un peu plus chaudement et mettant son imperméable au cas où, vu les giboulées récentes, et avait suivi Ace sur la piste de tir improvisée. « Non, gauchère. Et… Enfin, j’sais pas vraiment tirer… Elle avait interrompu sa phrase, avant de souffler. Plutôt pas du tout, même. » Alors une vivtre ? Un rétro ? Si elle arrivait déjà à toucher une carcasse de voiture, ce serait sûrement bien…

Elle le regarda, sachant déjà qu’il allait se débrouiller sans trop de problème pour l’avoir vu à l’œuvre, mais il ne fit mouche qu’une fois, au final. Ça ne changeait rien aux yeux d’Alice, quoi qu’il en soit, et elle hocha trop brièvement la tête, prenant une grande inspiration, alors qu’il lui cédait la place. « Ok. » Essayant de tenir correctement le fusil, elle regarda une des voitures à mi-distance – pas les plus proches, pour ne pas donner l’impression de céder à la facilité. Elle aurait peut-être dû, alors qu’elle échouait absolument à toucher. Et qu’elle attirait un rôdeur. « Euh… Désolée ? » Elle se sentait incroyablement mauvaise. Pourtant elle savait qu’elle commençait à zéro.

Spoiler: