Je voudrais dormir. Je le veux plus que tout mais je n'y arrive pas. A côté de moi, Dany avait fini par sombrer dans un sommeil agité et que je supposais cauchemardeux. Je n'ai pas osé approcher pour tenter de l'apaiser, je ne voulais pas risquer de le réveiller, encore moins de l'effrayer. Je l'ai regarde un long moment avant de me décider à sortir de la tiny. Ça servait à rien de rester là à ruminer et broyer du noir. Autant ruminer et broyer du noir dehors. Ça ne change pas grand chose mais au moins je ne me sens pas enfermé.
Alors je me suis rendu sur la péniche, et me suis enfoncé dans ses entrailles. Finalement me revoilà enfermé, à croire que la nuit est trop grande pour moi, et qu'être en son sein m'effraie. C'est peut-être le cas ? J'aimais regarder les étoiles avec Aamir. Avant. Avant que je sois forcé de partir. Avant qu'il meure. Je me cale dans un coin de la Cage pour en détailler les moindres recoins, que j'ai pourtant déjà engrangés de long en large à force de les scruter. J'ai remarqué les plus petites fissures dans le bois, les nœuds, les lignes de vie. Et puis là dans la Cage, les traces de sang séché qui n'ont pas pu être totalement retirées, trop imbibées. Mes pensées s'envolent malgré moi à nouveau vers Aamir. Mon ancien amour. Ancien puisqu'il n'est plus. Ancien parce que je dois me faire à l'idée de ne plus jamais revoir ses yeux noisette et son sourire en coin. Je ferme les paupières et me crispe mais aucune larme ne daigne couler. Je n'y arrive plus. Toute la douleur reste en dedans sans réussir à s'écouler.

Puis finalement je me lève, une nouvelle fois. Je crois savoir qu'Orpheus est de garde ce soir. Peut-être que lui parler me changera les idées.
Je ne connais pas grand chose de lui, si ce n'est qu'il était pirate. Enfin.. Pirate contraint et forcé. Comme j'ai pu être combattant pour Oblivion, pas de mon plein gré. Cette seule pensée me crispe. Mon coeur se serre à nouveau et je suis obligé de prendre une longue inspiration pour calmer l'angoisse qui me prend à la gorge. C'est fini, terminé, je n'aurai plus jamais affaire à eux. Du moins c'est ce dont je tente de me convaincre, une fois encore.

Dehors l'air est doux, et je me dirige lentement vers le point d'observation de la péniche. Au premier regard je ne vois personne. Merde, où est-il passé ? Est-ce qu'il y a un problème ? J'accélère le pas jusqu'à apercevoir au sol, une couverture et un corps dessus. Un corps.. Nu ? Mais qu'est-ce qu'il..?

- Ouais y'a.. Moi. Chris.

Je suis tellement sur le cul de la vision qui s'étale devant moi que j'ai même pas le réflexe de détourner les yeux par pudeur.

- Bordel Orpheus, qu'est-ce que tu fous..? J'avais l'intention de le découvrir, certes, mais pas à ce point. Je finis par me reprendre et me racler la gorge. Je comptais rester un moment avec toi pour discuter mais.. T'as l'air très.. occupé. je suppose.

Il a l'air soulagé quand il me reconnait. Moi je dois toujours avoir l'air un peu con, pour le coup. Faut dire qu'il m'a pris par surprise, à poil sur sa couverture. Malgré moi je me dis que si c'est toujours comme ça qu'il monte la garde, on devra pas s'inquiéter de se prendre une attaque dans la gueule un de ces quatre matins.

- Et tu montes la garde.. Allongé avec un joint ?

J'aborde pas encore le fait qu'il soit à poil, je sens que ça va valoir le coup de demander des explications plus précises. Mon regard s'accroche au joint. J'en ai fumé quelques uns depuis mon retour. Avec Dany, principalement. Mais jamais quand j'étais de garde. Hey, mais attends... Je ne suis pas, de garde. Je suis juste passé au bon endroit -ça reste encore à prouver- au bon moment ! -ça aussi-.  Je lui lance un regard de reproche pas vraiment convaincant, d'autant moins que je viens m'asseoir à côté de lui sur sa confortable couverture.

- Ok.. Si tu partages j'irai pas raconter à notre cheffe que tu montes la garde défoncé..

Si mon ton est sérieux, mon regard lui, ne le reste pas longtemps. Je ne suis pas du genre à aller jouer les balances sans raison, et je ne pense pas qu'Orpheus soit un danger pour la faction. Peut-être lui faut-il apprendre un peu de rigueur, éventuellement.

- C'est malgré tout pas très sérieux.. Fais gaffe si Samson te tombe dessus, lui il sera sans pitié. Quant à moi, je suis partagé entre la fermeté quasi militaire dont je fais habituellement preuve, et l'envie prégnante de me changer les idées, voire de me mettre la gueule à l'envers avant de penser à me foutre littéralement en l'air. Alors quand il se redresse en tailleur et me tend le stick, mon choix se fait naturellement. Faut que j'arrête de ruminer. Que j'arrête de ne penser qu'à ça. Qu'à Lui. Et Orpheus est mon incongru sauveur dans cette entreprise.
J'attrape le petit cône et le cale entre mes lèvres, attrapant le briquet qui traine sur la couverture.

- Je fume, ouais.. Ça m'a manqué ces derniers temps. T'as pas idée.

En fait j'en avais pas non plus idée jusqu'à ce que Thaïs m'en donne une à griller et que je me rende compte à quel point ça m'apaisait. Et encore, là je parle d'une vraie clope. Pas d'une cigarette du bonheur.
Je tire dessus une première bouffée, puis une seconde, envoyant la fumée blanchâtre dans le ciel, et le lui tend ensuite. Bon je vais te demander tout de suite et arrêter de faire comme si c'était normal : pourquoi t'es à poil ? Je le scrute quelques secondes -son visage uniquement-, avant de m'assombrir quand lui aussi se fait curieux. Mon dos vient se poser sur le drap, les bras repliés sous ma nuque. Je regarde un moment le ciel avant de répondre.

- J'ai passé deux ans avec eux. Et cette dernière année.. je sais pas si on peut dire que j'en faisais partie. Je n'étais pas là et tout le monde me croyait mort, alors... Je le dis sans une once de reproche. Même moi je me voyais mort, à chaque matinée je m'étonnais d'avoir passé la nuit. J'ai fait partie des tous premier membres. A l'époque la faction était tenue par Bill et Zola. Mais tu peux pas les connaître.. forcément.

Puisqu'on est dans les questions touchy, je fonce droit au but à mon tour.

- T'es resté longtemps chez les pirates ?