The person I miss

Est-ce que j’ai un peu la trouille de me retrouver ici ? Aussi étranger que ça puisse l’être, oui… Aussi idiot ça puisse être, oui. La famille Ross est sans doute une exception face à tous les autres individus de Walla Walla. Je suppose que nous avons un passif il faut dire, mais… je ne peux pas restée loin de Tasya. Elle est devenue ma famille. Nous avons traversé Colville ensemble et tout comme pour Mason, ils me sont devenus bien trop précieux pour que je m’en éloigne. Même par peur de Jacob.

C’est risible. Je rétorque sans crainte à Benjamin, mais à mon ancien beau-frère… Je me sens aussi brave qu’une enfant au beau milieu de la nuit noire.

Je pince les lèvres en me retrouvant devant la porte que ne je connais que trop bien. Il ne faut pas que je réfléchisse, sinon je vais faire demi-tour.

Je toque donc avec délicatesse contre le bois, espérant que c’est Tasya qui viendra m’ouvrir, que Jacob sera au travail ou je ne sais trop quoi…

Alba dans les bras, il est parti faire un tour avec elle notamment pour récupérer des provisions dont ils ont besoin à la maison. De quoi nourrir tout le monde, difficile de découper le temps autrement. Même si Tasya vient juste de revenir, Jacob commence à sentir l'impatience de l'extérieur désormais, celle qui implique qu'ils repartent pour quelques jours ou quelques semaines. Presque un besoin. Encore plus présents maintenant qu'il faut composer avec tous ces changements dans leurs vies.

Il remonte sa rue, avisant autour de lui jusqu'à discerner une jeune femme, la silhouette maigre, dans l'entrée, devant chez lui. Il met du temps à la reconnaitre, en parvenant derrière elle. Tu peux entrer Elliot, annonce-t-il de sa voix grave. Son ton est doux malgré sa fermeté, aucune agressivité dans les termes. J'ai les bras occupés comme tu peux le voir mais la porte est ouverte, Alba ne moufte pas pour autant, trop bien lovée contre lui. Normal, à son petit âge, de ne pas avoir grand chose à faire du reste du monde.

Tasya se mord la lèvre tandis que du salon, des pleures se font entendre. Elle tente désespérément de faire un gâteau tout en s'occupant des jumeaux, mais ils semblent s'être ligués contre elle. Dès qu'elle passe le pas de la porte de la cuisine, un des deux enfants se met à pleurer pour réclamer sa présence ou décide de faire 50 bêtises.

En quelques minutes, ils ont réussi à déterrer la plante verte dans le salon et mettre de la terre partout, à inonder l'entrée avec les bols d'eau des chiens, à déchirer un livre qu'ils ont trouvé sur le canapé. C'est incroyable. A Colville, elle a géré une épidémie, un manque de nourriture, des blessés et là, elle peine à faire un gâteau et à s'occuper de deux enfants en même temps. Deux choses simples à gérer pourtant, pas vrai ?

Lorsqu'on toque à la porte, elle abandonne une cuisine à moitié dévastée, attrape Eva avant qu'Elio lui tire les cheveux et s'avance pour ouvrir. Sur le pas de la porte, elle repère Jacob et... « Elliot ! » Tasya se précipite pour la prendre dans ses bras tandis qu'Eva se met à râler d'être soudainement compressée. Aussitôt, elle s'en veut, elle a été tellement prise par son retour qu'elle n'a pas été vérifiée comment allait son amie, sa sœur de cœur. De ce qu'elle en sait, Elliot loge désormais chez Benjamin et Hailey et concernant cette dernière, Tasya n'a aucun doute sur le fait que la jeune femme sera très bien accueillie.

« Ne regarde pas le bazar. Les jumeaux commencent à bien se déplacer et... » Elle hausse les épaules. Et elle est un peu dépassée, oui. Tasya adresse un sourire à Jacob et s'avance pour le libérer des provisions tout en venant glisser un baiser sur le haut du crâne de Alba.

Je sursaute en entendant Jacob derrière moi. J’ai l’impression d’être une biche dans les phares d’une voiture et il faut une petite seconde pour que mon cerveau décrypte ce qu’il vient de me dire. Je peux entrer c’est ouvert.

Je… je crois que je ne m’attendais pas à ça. À ce ton surtout…

Je pose les yeux sur Alba qui est dans ses bras. Toute délicate et paisible… elle a grandi déjà depuis que je l’ai vu. La porte s’ouvre derrière moi tout en m’arrachant un nouveau sursaut. Je me demande si un jour je retrouverai un peu de calme intérieur, que les bruits brusques et les mouvements vifs ne me feront plus… peur ? Tasya se précipite sur moi pour me prendre dans ses bras et ça m’apaise immédiatement, même si Eva est un peu coincée entre nous.

Je dégage une petite mèche de ses cheveux derrière l’oreille de la petite tandis que Tas s’écarte un petit peu.

- Ne t’en fais pas. Le bazar ? Ça me semble tellement être un concept sans importance maintenant. Oh, je peux vous aider, que je propose timidement, vous avez les petits dans les bras et… Je tends machinalement les mains pour offrir de porter les courses.

Le sursaut d'Elliot est immanquable, pire encore : son indécision à rentrer par elle-même. C'est finalement Tasya qui vient ouvrir, sans doute consciente qu'il se passe quelque chose dehors, ou parce qu'Elliot a frappé un peu avant. Quoi qu'il en soit, sa femme lui réserve un accueil plus pertinent que ce qu'il peut faire. Déchargé ensuite de ses courses, il conserve sa fille contre elle pour qu'elle n'aille pas plus loin. Alba est généralement bien contre lui, à chercher sa chaleur et sa protection. Elle est d'un calme qu'il ne connait pas avec les jumeaux, étrangement.

Elliot propose de leur prêter assistance, et il hoche la tête après un échange silencieux avec Tasya. Oui, ça lui convient bien, ça ne le dérange pas en tout cas. Il tente tout pour un retour à la normale, et surtout pour encadrer sa femme là-dedans. Aussi normal qu'il en est capable lui-même, et ça n'est pas facile. Tu veux rester manger avec nous ? Propose-t-il à la femme de Cooper. Je ne t'assure pas un repas très calme avec les petits, mais ça nous ferait plaisir que tu sois là, en particulier à Tasya, il imagine sans peine.

« Oui, reste manger, ça nous fera plaisir ! » confirme Tasya. Et aux paroles de Jacob, elle renchérit : « Ni un repas très calme, ni un repas digne d'un restaurant ! » Elle esquisse un sourire désolé. Dans tous les cas, ce sera mieux que ce qu'elles ont connu à Colville, c'est certain. Elle se recule pour les laisser entrer et constater l'affreux bazar qu'il règne dans le petit salon. Eva toujours dans les bras, la mexicaine tente de redresser la plante verte tombée au sol puis de ramasser les morceaux de livre éparpillés un peu partout. Oui, les jumeaux s'en sont donnés à cœur joie.

Un bruit de chute se fait entendre depuis la cuisine et elle réalise qu'il manque un de leurs enfants. « Elio ! » souffle Tasya en découvrant le bébé, assis au milieu des œufs qu'il a gentiment fait tomber par terre en tirant sur la nappe de la table de la cuisine. Il s'amuse maintenant à les écraser avec ses petits poings, avec un plaisir non dissimulé.

« Papa » Le petit garçon gazouille et s'avance fièrement sur ses deux jambes en direction de Jacob, laissant derrière lui des empreintes de pas mêlées de jaune d’œuf et de coquilles écrasées. Tasya le regarde avec un air mi-dépassé, mi-fière de l'entendre prononcer ce simple petit mot qui la bouleverse.