Mai 2023, Gig Harbor

J’devrais avoir le sourire. On les a tous tués. Du moins, tous ceux de la plateforme. Russel a eu ce qu’il méritait : une mort humiliante et bourrée de douleur. Mais… l’ambiance est mitigée, ici. Les Stars sont partis pour Victoria. Moi, j’ai choisi de rester un moment avec les Bastards. Avec Thaïs et Dany. Avec ce dernier, les choses se sont pas tout à fait déroulées comme je l’espérais.

Enfin. Accostée au port de Gig Harbor, la Cage a repris ses activités. Difficile de faire comme si de rien n’était, mais les clients affluent. Près de l’entrée, je scrute chaque personne qui pénètre dans la péniche à la recherche d’un signe quelconque que je pourrais interpréter comme un danger. J’veux plus prendre de risques.

Très vite, c’est un sacré boucan qui s’installe dans le bateau. Le niveau de la Cage et du bar est assez confiné pour rendre ce brouhaha assourdissant. On distingue quelques cris et, parfois, l’impact d’un coup bien placé depuis le ring, ou le bris d’un verre que l’ivresse envoie valser par terre. J’espère que j’aurai pas à m’taper le ménage demain matin.

Samson m’rejoint à l’entrée. Quelques mots échangés, tout s’passe bien, rien d’suspect. J’lui laisse ma place dans un petit check de circonstances et glisse vers la salle. J’ai envie d’voir le combat.

Alors j’me faufile entre les convives, esquive quelques coudes, quelques verres, dans une habileté habituée. J’essaie d’pas penser au fait que si un type crève là dedans et qu’on est pas assez réactifs, on risque de s’retrouver avec une putain de grosse galère de rôdeurs sur les bras.

M’voilà qui me glisse juste devant les grilles. En bas, un combat fait rage entre Thaïs et un invité. Le débile a dû s’dire qu’il avait une chance contre une femme, ils font toujours cette erreur, du moins ceux qui n’la connaissent pas. J’la regarde bouger avec admiration, un coup qui part en plein torse, éclats de voix dans la foule. Mes doigts passent dans la grille, focus sur l’affrontement, et d’autant plus impliqué quand la militaire perd brusquement l’avantage. J’déglutis, et puis m’fige en captant un petit ricanement près d’moi. J’tourne la tête, la relève pour constater le rictus d’un invité. Une sale gueule qui a quelque chose de familier. “Qu’est-c’qui t’fait marrer ?” Le ton est franchement agressif, comme s’il venait de m’insulter.