« Sean ? » Ma voix résonne dans le salon alors que je sors de la salle de bain. Sienna est partie faire quelques courses et j’ai demandé à mon fils de m’attendre, le temps que je me prépare. Je lui ai promis d’aller jouer au ballon dans le jardin. Mais après un rapide coup d’œil dans la pièce, je me rends compte qu’il n’est plus là. Je dirige mon regard en direction de la porte d’entrée, grande ouverte. « Bon sang ! » Je ne prends pas le temps de prendre une veste, ni d’enfiler une paire de chaussures. Je me précipite dehors alors que l’éclat d’une vitre brisée résonne à quelques pas de là. « Sean ! » Je j’appelle alors, arrivant à grandes enjambées près de l’entrée de la maison voisine.

Là, je retrouve mon fils en compagnie d’une femme brune. « Sean ! Qu’est-ce qu’il se passe ?! » Mon regard s’attarde sur mon fils avant de capter les yeux sombres de l’inconnue qui se tient devant moi. A-t-elle vu ce qu’il s’est passé ?

C’est alors que ma voisine sort de sa maison, visiblement agacée. Elle me dévisage avant de me rétorquer « Votre mal-élevé de fils vient de lancer un caillou à travers ma fenêtre ! Quand est-ce que vous allez réagir Mr Barnett ?! Votre fils est le Diable en personne ! Vous pourriez faire quelque chose pour une fois ?! » Je passe une main dans mes cheveux, terriblement embêté, regardant Sean avec un regard noir. Mais les remarques de la femme m’exaspèrent. Le Diable ?! Elle exagère ! Et je ne suis franchement pas d’humeur à supporter de telles réprimandes. « Oh ça va ! Ce n’est qu’une vitre ! Je viendrai vous la changer ! On ne va quand même pas en faire toute une histoire. Ce n’est qu’un enfant ! » La femme fronce les sourcils avant de me répondre sur un ton sec « Oui un enfant qui deviendra un voyou si vous ne faites rien ! » Je fulmine, serrant les dents pour m’éviter de surenchérir. Je crois alors le regard de la brune qui est toujours là et qui a assisté à toute la scène. « Quoi ?! Vous avez quelque chose à dire vous aussi ?! Si non, barrez-vous ! » J’attrape la main de mon fils, visiblement embêté après avoir fait une bêtise, bien décidé à me casser d’ici.

Le bruit de vitre brisé la fait sursauter et la sort de ses pensées. Assez vite, son regard passe sur un petit garçon qui court dans sa direction sans même regarder où il va, venant percuter l’israélienne de plein fouet qui l’empêche en dernière seconde de tomber par terre. « Olà… Tout va bien ? » Lui demande-t-elle, en lui offrant un doux sourire.

Mais autour d’eux, la situation s’envenime. Un homme de sale humeur débarque, cherchant son fils sans doute, la sonde un instant avant que la propriétaire de la vitre brisée ne sorte à son tour pour répandre son venin sur le père du garçon. La scène est assez comique, dans un sens, Ela y assiste sans rien dire alors que discrètement, le garçon vient se cacher derrière les longues jambes de l’israélienne.

Elle se ferme néanmoins quand l’homme s’attaque ensuite à elle avant d’attraper son fils par la main. Elle hausse un sourcil. « Cela dépend, est-ce que votre fils va subir cette humeur de chien, lui aussi ? » Argue-t-elle, un peu plus froide. Car si tel était le cas, elle n’avait pas l’intention de bouger. Que l’enfant soit responsable ou non de cette bêtise.

La propriétaire de la maison poursuit son sermon, m’accusant très certainement d’être un mauvais père. Du moins, c’est ce que je comprends, n’écoutant que d’une oreille. Ce qu’elle peut me reprocher, j’en ai rien à faire. Bien évident, elle a le droit d’être en colère. Mais comparer mon fils au Diable, sérieusement ?!

Et si je pense être tranquille en demandant à Sean de me suivre ; voilà qu’une inconnue me dévisage à son tour. Et si elle est restée silencieuse jusque-là, les paroles qui me sont adressées ont le don de m’exaspérer davantage. « Pardon ?! » Que je lui clame alors qu’elle semble sérieusement me regarder d’un œil soupçonneux, insinuant que je pourrais faire du mal à mon fils. « C’est vous qui allez la subir si vous ne dégagez pas de là tout de suite ! » Que je lui hurle alors, exaspéré et perdant patience. Sean me regarde avec des yeux ronds, peu habitué à me voir aussi en colère. Jamais je n’ai levé la main sur lui, jamais je ne le ferai ! Je lance un regard noir à la brune alors que mon fils vient s’accrocher à moi.

Ils ne pouvaient pas faire plus mauvaise rencontre.

La colère de l’homme ne désemplit pas - au contraire. Il y a une part d’elle - brisée par New Eden - qui se recroqueville face à ce regard et la menace qu’il représente. Mais… Elle n’est plus victime. Elle n’a plus à baisser les yeux et disparaître. Alors, fort de ne plus subir, elle croise les bras sous sa poitrine et se montre froide et distante. « C’est une menace ? » Demande-t-elle, en soutenant son regard.

« Avez-vous remarqué que votre colère ne fait plus loi, ici ? Il va falloir vous calmer, car je ne bougerai pas d’ici sans être certaine que vous ne vous retournerez pas sur lui. » Les éclats de voix semblaient attirer quelques curieux aux fenêtres des maisons environnantes. « Je travaille pour le Comité de Femmes, qui statue notamment sur le droit de garde des enfants. Et aucune violence sur enfant ne sera plus jamais tolérée ici, à Walla Walla. Il me semble que les changements énoncés sont clairs. » Argue-t-elle, ferme et implacable.

Forcément, elle prend ma remarque comme une menace. Je lève les yeux vers le ciel, profondément agacé. Franchement elle me casse les couilles, elle ne veut juste pas se barrer ? Et me laisser tranquille ?! Mais non Madame me sort la carte « Je fais partie du Comité des femmes, blablabla. » Je l'écoute à peine, jusqu'à ce qu'elle évoque le sujet des violences sur les enfants. « Pardon ?! » Je la regarde avec de grands yeux avant de reprendre « Je n'ai jamais levé la main sur ma femme, ni sur mes enfants. Vous venez vous occuper de cette histoire alors que nous ne savez rien de ma situation. » Je fronce les sourcils, avant de lui rétorquer « Sa mère et sa petite sœur ne sont pas revenues de Colville. Vous voulez en parler de ça ?! Parce que niveau violence, j'crois qu'on ne peut pas faire pire. » Je serre les dents, parlant d'une voix moins colérique mais bien plus froide. « Mais allez-y, enlevez lui aussi son père ! On n'est plus à ça prêt après tout ?! »

L’israélienne reste stoïque et parfaitement maîtresse de ses émotions face à la colère qu’il lui renvoie. Mais peut-être qu’elle se trompe, effectivement. Peut-être n’a-t-elle pas tant un homme violent qu’un homme fatigué et en colère. Alors, quand l’homme lui parle de sa femme, de sa fille et de Colville, la priorité d’Ela est d’essayer de lire entre les lignes. « Je suis désolée, pour votre perte. » Lance-t-elle, après quelques secondes de silence. Son ton est plus bas et plus mesuré.

« Je ne veux que m’assurer que votre fils ira bien, une fois passé cette porte. Je vous crois. » Ajoute-t-elle, rapidement, en levant une main en signe de paix. « Ce que je veux dire… C’est que j’ai vu ce que la colère et le chagrin peuvent faire aux gens… » Elle ne fait plus d’accusation, plus de menace. Elle-même à souffert de ces maux par le passé.

Elle l’avise, l’observe en silence. « J’ai été à Colville. » Dit-elle, d’un ton plus bas. « Je m’appelle Ela Amrani. Est-ce qu’on peut parler… Monsieur… ? » Demande-t-elle, ensuite.

Je ne prends pas de pincette, simplement agacé par le culot de cette femme. Mais ses menaces ne m’effraient pas, j’ai hâte de voir ce qu’elle va rétorquer à ça. Je scrute son visage, remarquant rapidement un changement dans son comportement. Mais ce n’est pas pour autant que je baisse la garde, gardant toujours une certaine distance et un air renfrogné. Je ne dis rien de plus, la laissant parler.

Puis lorsqu’elle finit par se présenter, plus calmement je lui réponds « Barnett. Sénateur Barnett. » J’ai encore du mal à ne pas paraître froid, ayant du mal à digérer les propos qu’elle a pu avoir quelques minutes auparavant. « Navré que vous ayez dû subir ça. » Mason m’a fait le récit de son séjour là-bas et je sais à quel point la vie était terrible là-bas. « Ils l’ont envoyée là-bas avec notre plus jeune fille alors que j’étais en expédition aux côtés du Colonel Philips. Je n’ai rien pu faire. Je l’ai appris après la révolte contre l’Adonaï. Tout ce qu’elle voulait, c’était une meilleure reconnaissance des compétences des femmes, une vie plus juste pour elles… »