La nuit est tombée depuis quelques heures, et c'est l'occasion pour moi de sortir la tête du tipi que je dois habiter. Mes colocataires dorment à poings fermés, éreintés par leurs journées, pendant que je tire de sous ma couche mon sac à dos que je viens hisser sur mon dos. C'est l'occasion ou jamais. Les gardes sont loins, j'ai quelques ressources, et il va me falloir marcher quelques jours si je veux atteindre le Missouri avant la fin de la semaine. A pas de chat, je m'extirpe de là en longeant les habitations sans faire un bruit, avant de me fondre dans la pénombre.

Les exclamations amusées de Daryl me parviennent de ma position, encore en train d'essayer de faire de l'humour alors qu'il est fondamentalement pas drôle. Je m'y attarde pas, tant qu'il se marre comme un dindon avec son pote Devon, ça veut dire qu'il est pas attentif à ce qu'il se passe autour de lui, et je trace sans attendre en direction de l'écurie. Si j'y parviens, c'est vraiment à bout de mon air mais peu importe, il faut que je travaille ça : mon endurance. Enfin, on verra plus tard parce qu'en attendant le plus urgent, c'est de chopper Twister et me barrer d'ici.

Pas de message pour Warren, il se débrouillera très bien sans moi. Et puis, c'est un peu de ça qu'il rêve toutes les nuits : que je sois plus là. Alors, peu importe ce qu'il dira, ça m'intéresse pas, et ça l'intéresse pas non plus. Il fait sombre, et c'est à tâtons que j'arrive dans le boxe de Twister avec le harnais en main. Shh... Le doigt plaqué sur la bouche, je lui fais signe d'être silencieux comme s'il pouvait me comprendre comme ça. Bon, c'est pas fameux parce qu'il s'ébroue et fait pas vraiment en sorte d'être discret...

C'est suffisant pour que j'entende derrière moi des bruits de pas et que je balance précipitamment mon sac dans le fond de l'écurie sans attendre. Je pourrais en profiter pour me planquer aussi mais à la place, je reste comme un piquet dans le sol en me retournant, tentant de cacher Twister derrière ma silhouette : Qu'est-ce qu'il y a encore ? Que je grogne en avisant la silhouette dans la pénombre. Je reconnais Nima, et ça m'agace d'autant plus : La vieille est venue se plaindre parce que je lui ai "volé" son cheval ? Je fais que m'en occuper ! Que je me défends rapidement : Si c'est pour me passer encore un savon, j'ai mieux à faire !

Sans doute que trop de contrariétés alourdissent son coeur, quoi que son visage n'en montre rien. L'empêchant de fermer l'oeil correctement, alors qu'elle arpente le campement de nuit pour en apprécier le silence. Ou appréhender une potentielle attaque, elle ne saurait réellement dire, bien que ses pas la guident presque automatiquement dans la pénombre. Ployant sous les ombres pour y conserver sa solitude, armure toujours sur le dos avant de rejoindre l'écurie pour venir s'occuper de Dune, et distinguer une silhouette dans l'obscurité. Evidemment. L'air impertinent, le ton sec, et Twister non loin. Ca ne pouvait être qu'une personne, pour le coup.

Chenoa. Se contente t-elle de répondre en guise de bonsoir, hochant brièvement la tête alors que Twister ne semble pas particulièrement ravi de toute cette agitation. Venant relever ses yeux noirs sur la petite brune, fronçant légèrement les sourcils. Frances ne m'a rien dit. Et si tu ne lui voles pas, pourquoi te justifier de la sorte envers moi pour un acte que tu n'as pas commis, et que tu n'es pas en train de commettre ? Sans doute était-ce l'habitude de voir sa propre fille se justifier sitôt qu'elle était sur le point de faire une bêtise, qui l'amenait à poser la question à voix haute, secouant doucement la tête à ses accusations. Je ne suis pas là pour toi, à la base. Tranche fermement la brune pour stopper le laïus, venant se rapprocher du box de Dune pour caresser son cheval, lui murmurant quelques paroles de sa langue natale.

Je pars à l'aube, m'occuper de Dune me fera passer le temps en attendant le lever du soleil. Explique sommairement la native, amenant le mustang hors de son box pour aviser à nouveau sa cadette. Tu t'occupes de Twister parce que c'est le cheval de Frances, ou uniquement parce que tu aimes les animaux ? Qu'elle s'enquit, lui désignant finalement l'un des chevaux de l'écurie. Quelques uns ici n'ont plus de maîtres. Ils ne sont jamais contre qu'on s'occupe d'eux. Sous réserve que Twister ne soit pas un prétexte pour manquer de faire commettre un meurtre à l'afro américaine. Et l'idée lui arrache une ombre de sourire, qu'elle cache derrière une façade neutre.

Moi aussi j'ai des choses à faire en pleine nuit. Surtout quand sa tête l'empêchait de dormir.

Parce qu'elle fait que m'accuser de ça ! Que je me défends devant la remarque de Nima. Franchement, sa phrase alambiquée, c'est que pour me perdre et me faire douter. Et contre ça, qu'une seule option : rester constante ! Je vais pas me laisser avoir par une autre vieille de la même trempe que Frances qui croit tout mieux savoir que tout le monde. Peu importe ce que je fais en réalité, pour elle et pour tous les autres, je suis coupable alors j'en ai plus rien à faire, tout simplement. Là, elle en fait ce qu'elle veut, c'est plus mon problème.

Je grogne, prête à saisir Twister pour le sortir de là, et puis essayer de récupérer mon sac presque discrètement. Mais elle me parle, en rajoute une couche, et je lâche entre mes dents serrées un "Super, alors continue comme ça," qu'elle peut très lisiblement entendre. Je roule des yeux : Je m'occupe de Twister parce que je l'aime bien et qu'il m'aime bien aussi, que ça soit celui de Frances, c'est pas mon problème, en fait, qu'elle aille pas s'imaginer que j'adore emmerder la vieille ou que c'est une passion chez moi.

C'est pas le cas, c'est juste comme ça. On choisit pas ses coups de cœur, bah c'est pareil pour ce stupide cheval que j'ai pas envie de laisser. Je me renfrogne de plus belle : J'ai pas envie d'un autre cheval, en fait, j'ai pas envie d'un cheval, si elle croit que je vais lâcher Twister parce qu'elle m'appâte avec autre chose, elle se fout le doigt dans l'oeil jusqu'à s'en gratter le trou de balle, celle-là ! Tu cherches quoi ? Je suis méfiante, sans cacher mon agressivité : Si j'en pioche un au hasard, tu vas me dire qu'il est à moi et que je peux partir avec quand je veux où je veux ? Mon cul sur la commode ! Alors va les faire, on fera comme si on s'était pas croisées, que j'ajoute en haussant les épaules.

Si elle t'accuse et que tu ne fais rien de mal, pourquoi ne pas vous en parler de front ? Autant cesser les faux semblants, se mettre d'accord et qu'elles offrent la paix à ce pauvre cheval qui finirait par ne plus savoir ou donner de la tête, non ? Fermant un court instant les yeux alors qu'elle se fait un plus dissidente, inspirant profondément. Par chance, Kaya et elles ne s'étaient jamais rencontrées. Gérer les deux, en même temps ? Non, même pas dans le pire cauchemar qu'elle puisse faire.

Etrange. Je n'ai pas souvenir de t'avoir reproché de t'en occuper. Haussant les épaules à l'idée, alors que l'adolescente enchaîne sur le fait qu'elle ne veut pas un autre cheval. A son bon plaisir, elle n'était pas ici pour se battre de quoi que ce soit. Peut-être que c'eut été plus agréable que de devoir songer à ce qui traînait dans sa tête, mais pas ce soir. Relevant ses yeux noirs avec lenteur sur la silhouette de la brune, visiblement persuadée qu'il s'agissait d'une piètre excuse pour ... Aucune idée. Non. Le ton ferme, quoi qu'elle ne reste d'un calme olympien, reprenant à son égard. Tu ne pars pas ou tu veux, quand tu veux. Pas en pleine nuit par exemple, question de logique. Avec Twister ou n'importe quel autre cheval, là n'était pas son problème. Soulignant une agressivité qu'elle peine à comprendre, plissant brièvement le regard alors que Chenoa semble penser qu'elle peut faire comme elle veut.

Tu te plains qu'on te désigne sans arrêt coupable, mais si tu n'as rien à te reprocher... Pourquoi devrais-je faire comme si on ne s'était jamais croisée au juste ? Avisant Twister, puis Dune, avant de reprendre à son attention. Tu l'as dis toi même, non ? Tu ne fais que t'occuper d'un cheval que tu aimes bien, et qui t'apprécies en retour. La logique veut donc que tu n'ai pas besoin de quitter l'écurie ou le campement en pleine nuit. Et si elle tentait ... Il y aurait toujours les gardes en faction pour l'empêcher d'aller n'importe ou.

Quelque chose me dit que tu n'es plus vraiment une gamine. Soupire la native. Dans son impertinence, dans le feu de son regard ou ses paroles acerbes, tout en Chenoa clamait l'adolescente qui avait grandi sans doute bien trop vite. Mais face à la verve de la brune, se contente t-elle de rester calme. Rien ne servait de hausser le ton dans ces conditions. Si tu le dis. Mieux valait être sourde, qu'entendre ce genre de propos. Amusant, pour quelqu'un qui passe de vouloir simplement s'occuper d'un cheval à quitter le camp en pleine nuit, oui. Fait-elle remarquer d'un haussement de sourcil à son accusation de discours changeant. Son regard s'assombrissant aux nouvelles élucubrations de sa cadette, qui semble fermement décidée à la sortir de ses gonds visiblement.

Et puis, il y à ce coup d'épaule. Vif, qui n'a rien d'innocent, alors qu'une nouvelle salve de réplique acerbes fuse, et qu'elle profite de la proximité pour venir tacler avec précision la cheville de la petite brune de la pointe de sa botte. D'un mouvement fluide et net, rattrapant son corps avant la chute pour terminer dans son dos, la maîtrisant quelques secondes.

Mesures tes paroles Chenoa. Une demande simple et ferme, qui ne souffrait pas d'un refus potentiel en l'état actuel de la situation. Ne relâchant sa pression sur le poignet de la brune que pour reprendre sa distance avec elle, lui jetant un bref regard sitôt qu'elle se détourne. Ma patience possède certaines limites. Je te serai gré de ne pas chercher à les franchir. Au risque que les choses ne deviennent moins agréables. Si elle n'avait pas cherché à remettre de l'huile sur le feu, sa colère froide n'était en rien apaisée, moins encore avec ses dernières paroles. Et si le tacle ou son poignet maintenu n'avaient en rien blessé l'adolescente, soucieuse de ne pas chercher à la malmener gratuitement... Il n'empêchait. La discussion, ici, ne servait strictement à rien. Le vent pouvait hurler tout son soul sur un rocher, ce dernier n'en restait pas moins statique.

Et puis, elle cherchait à disposer de toute manière, non ? Pour laisser seule ici, avec son égo. Venant avec douceur caresser ke flanc de Dune qui piaffait d'impatience, déjà prêt à reprendre la route.