Elle avait légèrement pétée les plombs. Ou peut-être un peu beaucoup. Ouais, carrément beaucoup. Dans le bureau d'Alex, c'était un gros bordel. Non pas parce que mis à part elle, personne ne peut ranger ce bureau. C'est surtout qu'il n'y a qu'elle justement qui sait ranger ce putain de bureau. Assise sur la chaise, porte grande ouverte, coude sur le bureau Hope tenait fermement ses cheveux entre ses doigts. Ca faisait des semaines qu'elle tentait tant bien que mal de reprendre la suite de la Mama qui a quitté le navire, histoire que Connor puisse se concentrer davantage à sa famille et qu'il puisse se remettre de ce départ. Mais c'était sans compter toutes les autres merdes qui sont arrivées ensuite.

Elle n'arrive pas à penser. Dans son esprit, il n'y a que le visage de cet enculé d'ex-mari et des paroles qu'elle a pu entendre le jour où ils ont récupéré Marissa. Putain de merde il était pas censé être mort cet enfoiré ? Hope se lève de la chaise et se faufile entre toutes les feuilles qu'elle avait balancé partout dans la pièce, pour récupérer une bouteille qu'elle avait planqué dans un coin. Un premier verre servi et sûrement pas le dernier, ça ne lui fera pas de mal.

Les mains dans les poches, j'fais ce que je sais faire de mieux : prendre possession des lieux, tout regarder parce que je suis un brin curieux, j'aime pas trop quand j'connais pas bien mon environnement. L'installation chez les Expendables s'est faite en douceur, naturellement, même. Un peu trop, sûrement. J'sais pas bien encore c'que je fous là, si ce n'est qu'une escale de plus sur ma route ou un vrai emménagement. Et pour l'moment, je crois qu'je n'en ai cure, je suis comme les autres qui m'ont accompagné : crevé par le voyage, intéressé aussi par c'qui se fait ici.

J'en suis à ça d'ma réflexion du jour quand j'entends un peu de grabuge, forcément que je m'y dirige tranquillement. Ma tête poppe par-delà le chambranle d'la porte donnant sur un bureau, ou un truc qui y ressemble, parce que c'est un sacré foutoir pour le coup. J'avise une personne d'jà posée, fronçant les sourcils en tâchant d'savoir ce qu'elle fout : pas grand chose à priori. « Ben alors, c'est l'heure du ménage ou de la bringue ici ? » je l'interpelle un peu trop naturellement, j'hausse les épaules alors en désignant la bouteille et les feuilles qui volettent. « Il t'faut un élixir miracle pour ranger tout ça ? » Ou p'têtre un coup de main, tiens, d'ailleurs, je secoue la mienne avec un rictus : « Dante. » J'me présente, newbie que j'suis, un parmi tant d'autres qui ont été ramenés dans les parages.

C'est la dernière bouteille. Elle est pleine, heureusement, et Hope l'avait caché depuis le début de la cure de Connor et depuis qu'Alex l'avait forcé à en jeter une. Mais elle n'était plus là, la blonde pouvait donc apprécier le goût de ce liquide qui dégringole dans son verre sans risquer de se faire jeter comme une gamine. Elle porte l'objet à son nez, se délecte de son parfum avant d'apprécier le goût. Lorsqu'un nouveau décide de montrer son pif dans l'encadrement de la porte, manquant de la faire s'étouffer.

Putain.. Grommelle l'ancienne actrice, qui se redresse aussitôt en toussotant. A croire qu'ils étaient partout maintenant, et qu'ils se multipliaient. Hope le dévisage sans aucune gêne, comme à son habitude ; non, elle l'a vue arriver en même temps que les autres. Hope. Se contente de répondre la blonde avant de finir son verre d'un trait. Elle récupère la bouteille, désigne la sortie du doigt. Je rangerais une autre fois, en attendant je veux personne dans cette pièce. Compte tenu des données sensibles qui s'y trouvaient.

Elle invite donc Dante à sortir, fermant le bureau à clé derrière elle. Alors. C'est une installation courte ou longue durée ?

J'cherche pas à maquiller mon rictus alors que l'inconnue manque d'avaler de travers sitôt que j'me ramène dans l'encadrement de la porte. C'est clair que ma visite est totalement imprévue, un peu comme ma venue tout court chez les Expendables, en fait. Et ça m'amuse, plus encore à sa manière de me fixer sans gêne, la dam'zelle ne manque pas d'air et j'peux pas dire que ça me parle pas, vu comment j'suis.

Me décalant d'la porte alors qu'elle la ferme prestement une fois hors de la pièce, je fronce du nez, narquois : « T'as conscience qu'une phrase pareille donne envie d'faire tout l'inverse, non ? » C'est comme dire non à un môme qui veut entendre oui, j'fonctionne de la même façon.

Mais j'me décide à reprendre le fil de la discussion plus sérieusement : « Ben, j'sais pas trop, à la base, je suis pas quelqu'un qui se pose vraiment quelque part. » Enfin, j'le suis plus, du moins, depuis que j'ai quitté les Remnants l'année dernière. « Mais y a de sacrées merdes dehors qui font reconsidérer les choses. » J'admets, demandant ensuite : « Et toi, ça fait longtemps qu't'es là, je présume, tu gères aussi la boutique ? » Vu ses grands airs et la garde du bureau, facile d'y croire en tout cas.

Elle a un rire incontrôlé et presque nerveux suite à la remarque de l'homme. Contrairement à l'autre, plus discret, celui-ci semble être une vraie tête brûlée dont les ennuis sont son carburant. La dernière à s'y être risquée à fini bouffée par les morts. Elle fixe sur ses mots pour l'analyser. Évidemment, elle joue la comédie et n'est même pas certaine de ça. Est ce que Nicole, cette connasse qui a tenté de kidnapper les enfants, était entrée d'abord dans le bureau ? Est ce qu'elle est vraiment morte à cause des rôdeurs ? Des questions qui resteront sans réponse.

Elle prend le chemin du salon, dans l'idée de partir de poser un peu dehors, accompagnée de Dante sur la route. Elle l'écoute, très attentive. Mmh, je vois. T'es au courant au moins que l'hébergement n'est pas gratuit ? Connor avait sûrement dû glissé l'info, ou les autres, mais Hope préfère être certaine qu'il en soit conscient.

Quant à son passé, elle annonce sans gêne. Ouais, un p'tit moment, avec ma fille. C'est Violet. Discrètement, elle observe sa réaction. Manquerait plus que ce soit un espion de Nick. C'est Connor seul qui gère ici, moi je ne fais que donner un coup de main depuis le départ de notre bras droit. Et les cernes sous ses yeux montrait clairement son manque de sommeil. On va s'poser dehors. Annonce-t-elle en prenant un deuxième verre propre dans le salon, ne lui laissant pas vraiment le choix.

J'ai un ricanement à la menace à peine voilée de la dénommée Hope, guère impressionné par c'qu'elle assène. Ptêtre parce que ça recouvre une once de défi qui n'est pas pour m'déplaire. « Vraiment ? Eh, elle d'vait pas être douée alors, ou bien c'est toi qui lui est tombée dessus pour la jeter sur les morts ? » Cruel, mais simple et efficace au moins, j'aime bien la tactique. Mais j'lève les mains pour la forme quand même : « Message reçu cinq sur cinq cheffe ! » Chasse gardée, yup, j'ai pigé.

Suivant la dam'zelle dans le salon, j'esquisse une moue désabusée : « Parce que vous offriez le gîte et l'couvert avant ? Tout est payant dans ce monde, t'inquiète pas qu'j'saurais me rendre utile. Vous avez b'soin de bras ou quoi que ce soit ? » Autant qu'elle dise les choses et annonce la couleur, relever les manches, j'sais faire, à condition de savoir ce qu'il faut réaliser pour leurs beaux yeux.

Pis d'un coup, v'la qu'elle m'annonce qu'elle a une gosse. Je lui rends son regard un bref instant avant d'tirer une drôle de tronche, fronçant les sourcils. Euh, pourquoi elle me zieute comme ça au juste ? J'suis censé avoir repéré sa gosse, elle se démarque du lot parmi d'autres ? « J'veux pas te vexer mais j'vois pas du tout qui est ta gamine. » Mais bon, euh, d'accord, au pire elle me la désignera toute fière d'sa fille, j'imagine. « Votre second s'est tiré ? Y a une raison, genre c'est nos sales tronches qui lui revenaient pas ? » Il a pas dû bien voir ma gueule si c'est le cas. « T'es l'bras droit par interim quand même, du coup. » Que j'clame, persuadé que c'est le cas vu sa vigilance extra.

Elle désigne l'extérieur, j'la suis sitôt qu'elle choppe un deuxième verre.  « Si c'lui-là est pour moi, j'me pose même par terre, tant qu'je peux boire à mon tour. » J'ai la gorge sèche.

Malgré la méfiance qu'elle pouvait ressentir à l'égard de ces étrangers, la blonde se pince l'arête du nez sans parvenir à retenir un souffle d'amusement. Décidément, celui-là semble regorger de pas mal de surprises, sans parler de sa facilité à répondre au tac-au-tac. Au moins il avait saisit l'idée, qu'entrer dans le bureau signerait son dernier jour sur Terre. De même que pour le boulot à faire au domaine, il ne risquait pas de s'ennuyer. On va en discuter dehors justement. Histoire qu'elle sache à qui elle a affaire.

Elle a un léger rire. Tu le saura bien assez tôt. Parce que si c'était une gamine sage, elle pouvait très vite devenir insupportable. Non elle est partie avant, pour des affaires plus importantes. Il n'avait pas vraiment besoin de connaître les détails. Eh non, j'le suis pas non plus, j'pense pas être assez posée pour ça. Plaisante l'ancienne actrice, qui ne se pense pas être assez mature pour tenir ce rôle.

Elle hoche la tête à sa question alors qu'ils rejoignent l'extérieur, où la nuit était déjà bien avancé. Au moins Violet était couchée et ne risquait pas d'être chiante. Hope s'installe sur une vieille table de pique nique usée, remplissant le verre de son vis à vis. Et donc, Dante, c'était quoi ton boulot avant ? Elle prend une gorgée du sien. Que j'sache où te caser pour le boulot à faire.