C'est tellement agréable. Je ne dirais pas que ça a le goût d'un passé retrouvé, mais je retrouve une certaine quiétude. C'est étrange de se sentir en sécurité dans un endroit inconnus, encore plus s'il se nomme Tortuga ou Rogue. J'ai trouvé un endroit ou poser mes affaires, j'y passe des nuits tranquilles bercée par les bruits de fêtes, les cris de disputes et de bagarres, les chants alcoolisés qui s'éteignent lentement avec l'aube naissante. Quand la nuit reviens la communauté se remet à vivre. Il n'y a pas tant de différence entre ici et chez nous, bien que l'une de ces différence me fait me sentir mieux: Je ne connais personne ici. J'ai évité Lex depuis que nous sommes arrivés.Le premier jour je me suis promenée dans les rues et sur les docks en trouvant l'endroit un peu triste, mais c'est à la lueur de la lune et des étoiles que l'endroit s'anime, comme un vampire lubrique. Je me demande si toutes les communautés ont une identité spécifique, bien a elle? J'imagine que oui, après tout, elles se sont formés autours des points communs de quelques individus. Tortuga ressemble à un repaire de pirates, ou de Hell's angels en fin de tournée. Malgré l'impression de décontraction débonnaire, ils ne sont pas laxiste sur la sécurité. En vérité leurs protections sont inspectés et ils ont des vigies un peu partout. Une fois la nuit tombée on à l'impression que l'endroit nous engloutis, on disparaît pour se fondre dans l'endroit comme si nous y avions toujours vécu. J'imagine que la nouvelle-Orléans, au moment du carnaval, devait avoir un effet un peu similaire. Je renifle l'air, comme si je pouvais y sentir les odeurs sucrés de barbe a papa et de pommes d'amour, comme si Tortuga était une immense fête foraine ouverte chaque nuit, mais en fait je crois que les parfums de la communauté sont plus proche d'une réalité glauque que ce que ma vue me laisse imaginer. Je sens les relents de mazout et d'iode salée, le fer rouillé, et l'alcool moisie. A m'écouter, comme ça, on pourrait croire que cela me déplaît, mais ce n'est pas le cas. Je me sens disparaître, me fondre dans l'ambiance nocturne comme si plus personne ne faisait attention à moi. Les gens se promène, rient, se battent, boivent, jouent, inconscients des menaces, aussi insouciants que des enfants, et moi je ne suis plus personne ici, même pas une inconnue, seulement un fantôme qui observe les vivants s'amuser et vivre comme si le monde tournait toujours.

J'ai toujours un oeil au dessus de mon épaule. La terreur que des pirates surgissent d'un coup pour me couper la langue avant de m'emmener en enfer ne sortira jamais de ma tête, mais je m'habitue facilement à cette force que Tortuga possède de vous rendre insignifiant. Comme toutes les nuits le créole est ouvert, et j'ai décidé d'y dépenser un peu d'argent ce soir. Je sens les regards de quelques garçons sur moi. J'ai peur d'eux quand ils s'approchent, mais comme je ne suis pas un visage connus ils restent à distance. J'ai enfilé une tenue fraiche, une mini-jupe grise argentée, un tee-shirt assortie, une veste de jogging noire et une paire de baskets Adidas. Les mains dans les poches de ma veste j'observe le port et le bateau sur lequel les pirates avaient mener leur raid. Je ne sais pas si je serais capable d'y remonter. Je me souviens des tortures subits dessus, cette fille à qui ils ont fait si mal, et ce type qui est mort pour l'avoir protégée. Je me demande si elle est encore en vie?

Ma main droite monte à mon cou pour vérifier que mon collier, un jolie ras de cou avec un faux un petit cœur d'argent, est bien en place. Je sais qu'ici aussi ils savent ce que signifie le tatouage que je cache en dessous. Je me tourne vers le bar bien décidé à vaincre mes appréhension et aller y faire un tour ce soir. La nuit dernière j'étais resté devant, pas ce soir, je vais boire, tenter de trouver les affaires que je cherche, et éviter Lex si c'est possible. Pourquoi pas, subir une gueule de bois demain, après tout, nous avons du temps devant nous.

Quand j'arrive devant les portes ou s'agglutinent des petits groupes, je remarque une femme que j'ai l'impression de connaître, ou d'avoir déjà vue en tout cas. Son visage me dit quelques chose, mais je ne me souviens plus son nom. Je cherche dans mes souvenirs et... Oui, ça me reviens. Je ne connais pas son nom parce que la fois ou je l'ai vue elle sautait sur un type pour le maîtriser, et moi... Moi j'étais au bord de l'évanouissement. Elle était avec les sauveurs. Je me glisse entre les personnes qui encombrent l'entrée et tente de la rejoindre.

-"Pardon... excusez moi...." J'arrive enfin à passer les portes. Un épais nuage de fumée de cigarettes flottent au plafond. L'odeur de bière et d'alcool est assez fort pour couvrir celle de l'urine, de la sciure de bois et de la transpiration des gens autour. Pendant quelques minutes je me demande ou elle est avant de la trouver accoudée au bar. Je m'avance jusqu'à elle. En vérité je ne sais pas vraiment comment l'aborder. Rentrer ici m'a déjà demandé un effort. Pendant quelques secondes je me dis qu'il suffirait que je lui tape sur l'épaule, armée d'un sourire avenant, mais finalement je me ravise. Je vais simplement commander mon verre. Au moment ou je me décide c'est elle qui se tourne. Je dois avoir l'air bizarre alors que nous sommes presque nez à nez. Je cherche une excuse et n'en trouve aucune.

-"Heu... hé... bonsoir... Je ne voulais pas te déranger je... Je ne sais pas si tu te souviens de moi?" Bon, alors pour le coup si elle se met à rire en me répondant que non et en me plantant sur place comme la débile que j'ai l'air d'être... Je crois que je la comprendrais.

Elle se souvenait de moi. Je me rappelait que le gars qui m'avait tiré de la chambre de torture m’appelait Kat, ce qui expliquait son hésitation, mais elle avait bonne mémoire. Il faut dire qu'elle était même physionomiste! Quand j'étais sortie de la pièce j'avais un œil si gonflé par les coups qu'il était totalement fermé, mes lèvres étaient enflés et coupés, du sang recouvrait mon visage et mes mains... Je devais ressembler à la sœur de quasimodo échappé de la ferme de la famille Hewitt. Mais elle se souvenait de moi, et cela le même effet que si un groupie adolescente voyait sa star préférée lui faire signe et lui demandait si elle voulait un autographe sur son tee-shirt. Mon cœur c'était arrêté le temps d'un battement.

-"Kaitlyn McGraw, oui c'est ça, j'étais sur la plateforme..." Je ne savais très bien ce que j'allais raconter à la suite mais une partie de mon esprit avait rapidement mis un stop à tout ce qui pouvait sortir après le mot plateforme. Il n'y avait que des horreurs, et ce n'est absolument pas ce que je voulais déballer en premier à cette femme. Je refermais ma veste jusqu'au niveau de ma poitrine, un sourire sur le visage et une gêne que je n'essayais même pas de cacher. "... Où vous m'avez sauvé." Oui, voilà bien la seule chose aussi belle qu'agréable à garder de ce moment. Sur le moment je repensais aux Juifs qui avaient été sauvés par les soldats américains pendant la seconde mondiale, ceux qui tentaient de les retrouver pour les remercier, et je me suis sentie assez proche d'eux pour avoir une idée de ce qu'ils pouvaient bien ressentir en face de leurs sauveurs. Un mélange étrange de reconnaissance, d'admiration, de culpabilité et de honte, comme si j'avais été fautive de la situation dans laquelle elle m'avait trouvé et qu'elle se dressait en face comme un héro parfait et invincible.

-"Je ne savais pas que tu accompagnais Valerian et Lex ici, comment… enfin, je ne sais pas par où commencer, comment vas-tu, peut-être ? Tu as pu récupérer de ce qu’ils t’ont fait, là-bas ?" Je relève les yeux vers elle. Elle a l'air si décontractée. Elle me demande comment je vais. Je vous rappelle se sentiment de groupie adolescente? Je souris et mes yeux s'éclairent. Pendant quelques secondes je ne me demande même pas si je la dérange, si elle me pose ces questions par politesse, pour se débarrasser de moi, ou par véritable empathie.

-"Oui, je suis arrivée avec Lex et Val. Je ne savais pas qu'ils te connaissaient." En vérité je n'ai pas encore conscience de la personne à qui je parle. Pour moi elle est une Inglorious -groupe qui n'existe plus- comme les autres, elle n'est pas la chef de cette communauté qui envahis Tortuga chaque nuit et avec qui les Exilés sont venus traités des accords commerciaux. Je me retrouve tellement naïve que je m'apercevrais plus tard, en découvrant à qui j'avais affaire, que j'aurais pu dire un nombre incalculable de conneries pouvant mettre fin à notre partenariat et ça, dans le seul but de lui plaire. "J'ai..." je hausse les épaules en cherchant la meilleure façon de mentir. "Je n'y pense plus, c'est derrière moi maintenant. Je me suis remise, et j'y pense le moins possible. J'ai tellement de choses à faire pour notre communauté. Ouf... Si tu savais. Je suis mécano, normalement je m'occupe des moteurs de nos navires, mais depuis que nous nous sommes réinstaller j'ai du travail par dessus la tête." Pourquoi je lui dis tout ça? J'imagine que c'est Logan qui m'influence, lui qui répète qu'il faut vivre dans le présent, l'accepter, tout comme Dana. Est-ce que je suis en train de faire semblant de leur ressembler? Je crois que oui! Je me donne un peu plus de consistance que ce que j'en ai en réalité, sourire affirmé, assurance de la guerrière qui surmonte toutes les épreuves, un sur-jeux qui ne tromperait ni Val, ni Lex, ni Gin, ni aucun exilé qui m'a vue vivre depuis que je suis revenus de là-bas. Elle me répond d'un sourire. Je ne sais pas si elle crevé mon pathétique mensonge ou si j'ai réussi à faire passer l'idée que j'étais capable d'encaisser sans broncher.

-"Tu veux boire quelque chose, peut-être ? On n’a pas encore une large panoplie de remontants, mais ça viendra, la première cargaison d’alcool que vous nous avez apporté aide déjà."

J'allais dire oui, sans réfléchir, les yeux déjà aussi brillant qu'une petite fille qui va passer un goûté avec sa princesse préférée, avant de me rendre compte de la situation. Est-ce que je suis en train de la coincer entre le bar et sa table, celle qu'elle attend de rejoindre avec ses amis groupés autour tandis qu'une espèce de délurée lui tient la jambe? Est-ce qu'elle me propose ça par politesse? Est-ce que je me pose trop de question?
Je tire sur ma jupe, regarde autour de moi en tournant ma langue sept fois dans ma bouche. Il y a tellement de monde ici...

-"J'ai une bouteille qu'il nous reste de la cargaison, elle est normalement réservée pour le voyage de retour, à moins que nos chefs de communautés ne se décide à faire plus d'affaires, mais je pense qu'elle ne manquera à personne si je l'emprunte. Normalement, je l'avais mise de côté pour un ami, mais je suppose que je peux bien l'ouvrir pour celle qui m'a sauvé la vie, si tu veux." Je me souviens d'elle ceinturant le type qui me traînait par le poignet, mon pouce déboîté dans sa pogne serré. C'est le premier visage que j'avais vue, le sien. J'avais compris que nous avions nos sauveurs ici quand j'avais croisé son regard bleu et ses cheveux blond. Après ça, Emilie était apparue, puis Hayden m'avait soulevé. Je rêve encore de ce moment, souvent, même si souvent cela tourne au cauchemars, et même si ma vision était trouble et réduite, je ne pouvais pas oublier ce visage. Ils étaient les anges qui avaient passé les portes de l'enfer pour envahir le royaume de Satan et sauver nos âmes.

-"Ca te dis de venir avec moi sur notre bateau? Enfin si vous êtes autorisés?!" Quand je comprendrais que les autorisations c'est elle qui les donne j'aurais certainement envie de me cacher, mais en attendant j'avais l'impression de trouver une complice avec qui faire un mauvais coup. Sans conséquence puisque cette bouteille était a moi et que je comptais l'offrir à Yulia et Logan, mais ce n'est pas la réalité qui compte, mais notre perception. "A moins que tu ne sois attendu, bien sur.... Enfin, si tu as des amis, je peux simplement la rapporter ici..."

Je lui devine une espèce d'amusement que je décrypte comme une forme d'acceptation et je lui répond par un sourire franc.