« Elle est juste là, ta maman! » qu'elle affirme à Raf, sur un ton peut-être un peu trop enfantin, alors qu'elle avance vers Maddie. Le petit bout d'humain que May ose tenir dans ses bras lève les mains vers sa mère, visiblement heureux de la voir. « Je pense sincèrement qu'il croyait ne plus jamais te revoir, tout à l'heure. » qu'elle ajoute à la blague pour décrire le drame que Cendrillon vient de faire subir au bambin, en le prenant avec elle pour quelques heures. Oh, ce n'est pas comme si c'était la première fois, mais le petit semble un brin plus capricieux qu'à l'habitude, aujourd'hui. Enfin, Liv le laisse galoper jusqu'à Summer, avant de venir poser les fesses près d'elle.

« J'espère qu'il n'a pas attrapé un virus. On dirait que rien n'était assez bien pour lui, ce matin. » lâche la blonde en soufflant du nez, léger sourire aux lèvres.

Enfin, Goldie ne veut inquiéter personne. Le mot virus est déjà assez chiant comme ça, vu les circonstances - alors elle change de sujet. « Sur quoi tu bosses, ces temps-ci? » demande-t-elle avant de se relever pour faire du café. Certes, le café instantané est drôlement moins délicieux que celui qu'elle pouvait faire à Fort Ward, mais c'est mieux que rien. Elle s'occupe donc de mettre l'eau à bouillir, sur le feu. C'est toujours aussi particulier de réaliser que la vie est si radicalement différente, depuis la chute du camp.

La princesse pose les billes sur les tentes militaires, autour d'elles - la tête un peu dans les nuages. Liv ne dort plus, c'est probablement imprimé sur ses traits. La fatigue est d'ailleurs encore plus forte, depuis la dernière semaine. Peut-être que c'est elle qui va être malade, finalement. Mais l'eau bouille enfin - heureusement. « Je te sers un café, Maddie? » qu'elle demande en se levant, ne s'éloignant que de quelques pas, question de s'emparer de ce qu'il faut pour servir l'or noir. Elle revient ensuite vers sa copine, déposant devant elles les breuvages chauds, avant de serrer sa veste sur ses épaules.

« Je voulais te dire, d'ailleurs - je, je suis désolée si j'ai été un peu distante, dernièrement? Je crois que j'ai un peu de mal, avec tout ces changements, finalement. » Tous ces changements, et surtout le départ de Nathan, soyons honnêtes. « J'ai passé des années à vouloir rester sur les routes, à vouloir fuir tout ce qui était trop grand, trop beau. Et aujourd'hui... » Doit-elle vraiment terminer sa phrase? Probablement pas.

J’ai passé une bonne partie de la matinée avec Levi ; pour discuter des priorités et des explorations à venir. La liste des choses à faire ne cesse de s’allonger et je n’ai pas eu de véritable nuit depuis des jours. Entre les cauchemars de Rafaël et mes insomnies, je ne dors pas beaucoup la nuit. Alors, avant de retourner à mon travail, je m’octroie une petite pause.

Plongée dans mes pensées, c’est la voix de May qui me ramène brusquement à la réalité. Je relève les yeux alors que Rafaël se précipite déjà vers moi. Je l’accueille dans mes bras, affichant un grand sourire. Le petit garçon s’accroche à moi et je laisse échapper un léger rire lorsque May m’explique qu’il craignait ne plus jamais me revoir. « Je devais parler avec Tonton Levi. Tu te souviens ? » Dis-je avec un sourire amusé. L’israélien n’est franchement pas fan de ce surnom mais cela me fait beaucoup rire ; surtout quand Raf’ l’appelle ainsi. « Tu m’as manqué aussi. » Je l’embrasse sur le front avant de tourner la tête vers May. Elle me dit que mon fils a été un peu plus grognon que d’habitude, peut-être à cause d’un petit virus qui pourrait le rendre ainsi. « S’il continue à être trop grognon, je l’enverrai voir Gabriel. » Le médecin voit régulièrement Rafaël ; j’ai tendance à m’inquiéter un peu trop vite lorsqu’il est un peu malade… Mais vu nos conditions de vie actuellement, je préfère ne prendre aucun risque. Après un long câlin, Rafaël quitte finalement mes bras pour aller jouer près de nous.

« Sur pas mal de choses… Je ne sais plus où en donner de la tête. Entre le matériel qu’il faudrait récupérer pour le labo, les zones à explorer, les contacts avec certains groupes à renouer… Il faut prioriser… » Je laisse échapper un léger soupir. « Mais… On avance doucement… » J’aimerais que ça aille plus vite, forcément…

May me propose alors un café, je lui adresse un petit signe de la tête. « Merci. » Que je lui souffle quand elle dépose le gobelet fumant à côté de moi. La blonde s’installe près de moi, s’excusant au passage de ne pas avoir été suffisamment présente ces derniers temps. Je fronce légèrement les sourcils « Qu’est-ce que tu dis ? Tu n’as pas à être désolée pour quoi que ce soit… C’est compliqué pour tout le monde. » Nous avons pratiquement tout perdu en quelques heures à peine. C’est normal que ce soit difficile ; d’autant plus pour elle, avec Nathan qui a préféré s’éloigner un peu… « Aujourd’hui… Ford Ward nous manque, oui… A moi aussi. Et… Nathan nous manque aussi. » Je scrute Rafaël quelques secondes « Il ne comprend pas vraiment ce qu’il se passe. Il me demande souvent pourquoi on ne rentre pas à la maison… Avec vous… » J’affiche un sourire triste, Raf’ me réclame son père tous les jours et c’est sûrement ce qu’il y a de plus compliqué à gérer.

« Bonne idée, oui. » Mieux vaut être trop prudente que pas assez, après tout. Même si c'est sûrement rien - une mauvaise journée, tout au plus. Les gosses sont toujours si compliqués. Le médecin pourrait trancher, finalement. En espérant que ce n'est pas elle qui divague à cause de ces stupides comprimés. Bref. May le regarde partir jouer - sans se soucier des deux blondes, soudainement. Le petit semble définitivement grandir trop vite. Mais Liv écoute son amie répondre à sa question, concernant les projets qui sont en cours. Et le simple fait de l'entendre parler d'un programme aussi chargé lui donne presque la nausée. Summer ose dire qu'il faut prioriser, le pire. « Et ton sommeil, c'est aussi dans la liste des priorités? T'as l'air fatiguée, Mad. » Goldie ne fait que lui dire la vérité, quoi. Ce n'est pas méchant, au contraire. Madisson est trop importante pour ne pas lui dire les choses telles qu'elles sont, quand il est question de sa santé à elle.

« Est-ce que t'es... inquiète de notre relation avec certains groupes? » Elle le demande, ça aussi, de but en blanc. May n'a plus le temps d'hésiter, aujourd'hui. « Et Tonton Levi, lui? Est-il... soucieux de quoi que ce soit? » La question est générale, oui. Mais elle veut surtout savoir si son propre comportement est suspect, aux yeux du boss. S'il en parle à d'autres. Enfin, peu importe.

La miss lui offre son café, avant de prendre elle-même une gorgée et de se poser à nouveau. Mais après ses aveux, Maddie lui affirme qu'elle n'a pas besoin de s'excuser, que la situation n'est facile pour personne. Certes, elle a peut-être raison. Mais Liv ressentait le besoin de le lui dire - elle ne sait pas vraiment pourquoi. Peut-être qu'elle est rongée de culpabilité, qu'elle ne se fait plus trop confiance, avec un enfant en bas âge. C'est à son tour de soupirer, de toute façon, surtout quand sa vis-à-vis parle de Nate. Et de son absence.  

Son regard se pose sur Raf, l'espace de quelques secondes, quand sa mère admet que les choses sont difficiles à gérer, en l'absence de Shot. Le bambin ne capte rien - sans grande surprise. Et personne ne va le blâmer pour ça, évidemment. Il réclame son père avec elle aussi, et à chaque fois, elle doit se contrôler pour ne pas fondre en larmes. Comme si le petit garçon venait lui enfoncer un couteau dans la poitrine à répétition, sans le vouloir. « Je lui ai donné un de ses dessins, la dernière fois que j'ai vu Nathan. Il était super content. » qu'elle lâche en tentant tristement de sourire. « Je vais pas te mentir, c'est plutôt compliqué, depuis son départ. J'ai du mal à comprendre qu'il puisse vouloir une telle chose. »

Elle fronce ensuite les sourcils, en venant à une conclusion qu'elle déteste. « Je crois que je lui en veux. »

Un café me fera le plus grand bien. La fatigue se fait ressentir, la manque de sommeil se fait souvent ressentir ces derniers temps. May l’a bien compris, elle ne tarde pas à me le faire savoir. « Clairement. Non. Je ne dors pas assez. » Je ne vais pas lui mentir. « Quand je finis par prendre quelques heures pour le faire, ce petit garçon trouve toujours un moyen de m’en empêcher. » J’affiche un sourire tendre tout en posant mon regard sur Rafaël qui joue près de nous. Ce n’est pas simple de gérer le groupe en plus de ma vie de jeune maman. Mais je n’ai pas le choix.

A la remarque de May concernant les autres groupes, je me raidis un peu. « New Eden reste une menace constante… Nous devons rester vigilants… Et je crois que nous devrions tenter de renouer des contacts avec The Haven ; Junk Town aussi… Peut-être qu’ils pourraient nous aider à avoir des nouvelles de Casey… » Je soupire avant de reprendre « Mais pour être honnête… Ce qui m’inquiète le plus c’est de ne pas savoir combien de groupe ont pu être en contact avec cette Peste Rouge… » Plus les jours passent et plus cette maladie semble gagner du terrain… Quant à la remarque sur Levi, elle a le don de me faire sourire un peu. « Tu sais, c’est toujours difficile de savoir avec Levi. Tout ce que je sais c’est que je suis contente et soulagée de le savoir avec nous. Nous pouvons compter sur lui pour que les choses s’améliorent et nous allons avoir beaucoup de travail dans les semaines et les mois à venir. »

Nos regards se posent finalement sur Rafaël. May finit par m’avouer ce qu’elle a sur le cœur. Je viens attraper sa main, refermant doucement mes doigts sur les siens. « Eh… » Je capte ses yeux clairs avant de reprendre « Personne ne va te reprocher de lui en vouloir. Pas moi en tout cas. Mais je connais Nathan, s’il a décidé de s’éloigner de nous, c’est parce qu’il veut le meilleur pour toi, pour nous. Il est persuadé de nous protéger en faisant ça. Et… Il se trompe peut-être ou pas… En tout cas, je trouve ça plutôt courageux. Se priver de son fils, c’est sûrement très compliqué pour lui. » Mon intention n’est pas de le défendre parce que je ressens exactement la même chose que mon amie… Mais nous n’avons pas vraiment le choix… « Tout ça… Dis-toi que… Ce n’est que provisoire. »

« Je n'en doute pas une seule seconde. » qu'elle lâche en rigolant, au sujet de Raf qui doit certainement réclamer sa mère à toute heure du jour et de la nuit. Surtout sans Nathan. Enfin, la petite note sans mal à quel point Maddie semble se crisper, quand le duo change de sujet. Tel un miroir, Liv fait la même chose - se disant simplement que si Summer a des raisons de s'inquiéter, elle le devrait aussi. Elle baisse ensuite les yeux, prenant une gorgée de café à la mention de Casey. Encore aujourd'hui, May regrette l'absence de sa pote. Il lui arrive encore de se demander où elle est, si elle est en sécurité, voir même vivante. Et elle n'imagine pas la douleur de sa plus jeune soeur.

Enfin, sa cadette parle de liens avec certaines communautés, de tensions avec d'autres. Ce n'est pas son truc, à Liv, toutes ces histoires de diplomatie. Elle est loin d'être douée à ce jeu-là. Et quand Madisson chante ensuite les louanges de Levi, Cendrillon ose rire un peu, amusée par ses paroles. Oh, ce n'est pas du sarcasme. Elle est simplement forcée d'avouer que sa copine a raison. Il est facile de reprocher tout un tas de trucs à leur dirigeant - très très facile, même. Mais ses forces demeurent un atout majeur, pour leur groupe.

« Beaucoup de travail, oui. Je me demande parfois à quoi va ressembler la suite, honnêtement. » Elle s'arrête un instant, avant de continuer.

« Nous sommes chanceux de t'avoir toi, surtout. » qu'elle souffle en étant complètement honnête. Mais après ses aveux un peu maladroits, son amie s'empare de sa main avant de planter son regard dans le sien. Si Goldie est un peu surprise, elle ne lâche pas sa main pour autant, rassurée par ce geste qu'elle apprécie plus qu'elle ne souhaite l'avouer. Maddie souligne le courage de Nate, sa volonté de vouloir protéger ce qui compte pour lui. Liv tente de sourire, sans vraiment y parvenir. La petite ne peut pas contredire la maman de Raf, mais cette impression acide ne semble pas vouloir quitter pas son estomac. L'impression que Nathan choisira toujours ce devoir chevaleresque qu'il s'impose, lui et ses nobles intentions, au lieu de la choisir elle. C'est ridicule, sûrement. Elle hoche de la tête, dans tous les cas. Certes, c'est compliqué pour lui. Et pour tout le monde autour de lui. Nouveau soupir. Sa comparse est beaucoup plus sage qu'elle, sans aucun doute.

« Provisoire, oui. » C'est ce qu'elle doit se répéter. Même si en attendant, sa béquille demeure les comprimés. Parce que même avec des gens autour d'elle, May est horriblement seule. Un bruit attire alors son attention, lâchant enfin la main de Summer en tournant la tête pour voir Raf revenir vers elles - une spatule de bois à la main? Dieu seul sait où il a bien pu trouver ça. « Je dois retourner au dispensaire. » affirme ensuite Goldenberg, avalant le reste de sa tasse de café. Elle la serre dans ses bras, brièvement, avant de s'éclipser. L'excuse est parfaite.

***

Elle était probablement la première personne à qui elle avait voulu annoncer la nouvelle. Enfin, après Nate. Et après Moira - qui sans le vouloir faisait plus que jamais partie de sa vie, depuis qu'elle avait découvert son petit secret. Sauf que son vice est sous contrôle, même des semaines plus tard. Oh, ça n'a rien de miraculeux, et même avec cette crevette dans le bide, chaque jour est plus difficile que le précédent. Mais il faut ce qu'il faut, et elle refuse de faire du mal à cette chose qui tente de grandir en elle. Surtout qu'elle est capable de le réaliser, maintenant - capable d'accepter qu'elle est particulièrement heureuse de cette nouvelle.

« Maddie? » Elle la cherche un peu dans le camp, haussant la voix en prononçant son prénom sans pour autant vouloir qu'elle s'inquiète et qu'elle pense au pire. « Madisson! » Liv dévale entre les tentes, un t-shirt ridicule entre les doigts, destiné à Raf. Un t-shirt avec avec une inscription à moitié effacée sur le devant, côté coeur. Quelques mots qui veulent pourtant tout dire, quand elle trouve enfin Summer, pour lui tendre le petit cadeau avec impatience. Big brother.