Aller, j’ai enfin les infos que je voulais, mais je trouve pas le type. J’vais devoir marcher jusqu’à son camp ? Putain de merde. J’ai pas envie hein, on va même pas se mentir. J’en ai grave marre de marcher, j’vais me faire de la corne sur les pieds et ce sera dégueu. Je refuse. Même les bains arriveront pas tout à fait à bout de tout ça, même une lime ! Ce sera toujours à recommencer sans jamais pouvoir préserver mes beaux pieds.

D’un autre côté, si j’attends qu’il se pointe ici un de ces quatre, j’peux attendre méga longtemps. L’parfum de l’endroit m’écœure un peu plus chaque jour et… j’ai pas trop envie de trainer ici non plus.

Dilemme ? Ouais, pour moi s’en est un. Faut d’ailleurs que j’sorte prendre un peu l’air là, parce que j’en peux plus. Y a pas moyen de se boucher le nez subtilement dans la vie. J’me dis que j’pourrai p-e feindre un saignement de nez ? Au point où j’en suis… Deux bouts de tissus dans les narines hein, hop ? Sauf que j’aurai l’air d’une pauvre conne comme ça. Paraitre ou souffrir des aisselles et du cul sales des gens ? Bordel y a pas de solution miracle hein !

J’préfère sortir un moment avant de céder à me défigurer avec une pince à linge sur le nez ou des lingues dans les narines. J’pousse une des vieilles portes du mall et je me retrouve enfin dehors dans le stationnement. Je m’éloigne pas trop, je suis pas conne non plus. Je vais profiter des gardes qui patrouillent un peu pour s’assurer que tout est réglo. Leur laisser faire le sale boulot si jamais ça déconne quoi.

Y pleut un peu, j’reste proche de l’espèce de petit toit qui protège l’entrée du centre commercial. Y a plusieurs personnes qui s’approchent pour entrer et se mettre à l’abri. Je les dévisage sans me gêner, parce que je me dis que je pourrai être hyper chanceuse et reconnaitre le type que je cherche.

Y en a un qui se détache un peu du lot. Cicatrices à la gueule, tatouage… Est-ce que j’ai l’cul bordé de nouilles à ce point ?

- Hey ? Je prends une chance de l’appeler avec mon plus beau sourire, lui faisant signe de la main de s’approcher. Vous êtes le mécano de Junk Town pas vrai ? Je crois pas que je me trompe vu la description du gars.

Bingo ! Il me donne le bon nom, donc à moins d’avoir à faire à un sombre connard qui veut se faire passer pour le mécano… je crois que j’ai bon. Faudrait une sacrée coïncidence pour que la description colle à quelqu’un d’autre n’empêche.

Bon, j’ai pas du tout envie de toucher sa main crados, mais ça fait partie du jeu. Je suis belle et je joue les gentilles filles, sûr que ça aide ce petit contacte physique. Du coup, je lui serre la main délicatement sans même grimacer !

- Je suis super contente de te trouver. ENFIN, je vais pouvoir faire mon deal et foutre le camp de ce trou à rats. Je m’appelle Sierra, je cherchais un mécano parce que je veux un véhicule en état.

Je souris de plus belle en battant des cils. Rien d’exagéré hein ! Tout est calculé pour être à la fois subtil et charmant. C’est le rôle de ma vie, je sais bien le jouer depuis le temps.

- On m’a parlé de toi lors de mes différents passages ici. J’ai trouvé plus prudent d’attendre que tu passes dans le coin que de faire la route jusqu’à Junk Town. Hop, une petite moue pour faire comprendre que je suis une chose fragile, bouhou. Et le sourire doux qui revient. On peut aller à l’intérieur au lieu de rester dans l’entrée si tu veux. J’imagine que tu auras des questions et moi aussi !

Je recule déjà de quelques pas, pas question de bousiller mon pseudo brushing avec la pluie. De toute, on va pas non plus aller prendre un bain de foule, les gens puent dans le coin et avec l’humidité qui entre à cause de la pluie… tout est poisseux.

- Ça fait longtemps que t’es mécano ? Ou tu as appris depuis la fin du monde ? Déjà que je sache si c’est un pro ou un type qui a appris sur le tas.

Ça confirmera les ouï-dire que j’ai entendus aussi, afin de m’assurer que j’ai vraiment encore une fois le bon Rio en face de moi. Presque envie de lui causer en espagnol pour le tester quoi.

Bien. Il est tout docile, parfait ! Je souris gentiment quand il parle d’éponge. Soit il est con, soit je lui bousille la cervelle parce que mon charme fonctionne. C’est pas que j’ai un peu d’expérience en la matière, mais c’est exactement ça ! Je vais même pas jouer la fille humble, je le suis pas, alors mon monologue intérieur il est loin de se mentir à lui-même quoi.

On entre donc dans le vieux centre commercial pourri, mais heureusement on va pas très loin. Il s’adosse à un mur et semble réfléchir avant de me répondre. Il a pas l’air de feindre ou alors il est aussi bon acteur que moi. Je me permets de l’observer avec attention, il pensera au pire que je le trouve captivant, la vérité c’est que je cherche à déceler tout mensonge. Je serai pas l’arroseur arrosé moi, hors de question.

- Oh, alors tu t’y connais vraiment ! Super ! Je dois avoir une bouille adorable en disant ça et c’est tout à fait calculer. Au moins, les ragots sont vrais.

Je me rapproche un petit peu et viens poser mon épaule contre le mur, juste à côté de lui. L’idée déjà, c’est d’avoir une conversation privée, mais aussi de titiller un peu cet instinct de mec. Ils sont tous pareils… sauf les gays. La différence de gabarit aide toujours, je suis une petite chose ouh lala. Les grands yeux de biche accentués parce que je dois me faire un torticolis pour le regarder d’en haut. C’est tout un art d’être une femme.

- Non t’en fais pas. Que je le rassure. Je le fais juste pour avoir ce que je veux hein, sinon rien à foutre de ses petits sentiments et de son confort. C’est normal de nos jours. Aller hop, une petite moue semi-anxieuse semi-triste. Vaut mieux être parano. Un petit soupire et je reprends. J’ai trainé quelques mois dans le coin et… bon, mon amie et moi on en a un peu marre de marcher. Je sais, je sais, ça fait un peu poule de luxe, mais c’est surtout que c’est plus prudent pour nous d’avoir un véhicule. Oui, mais c’est surtout que je suis une poule de luxe honnêtement. J’ai posé quelques questions dans le coin et éliminé ceux qui voulait juste… profiter de l’occasion. Je pince les lèvres, comme si ça me rendait ô combien mal à l’aise. Des pervers, ça va je gère en réalité. On m’a parlé de toi. Ça été long par contre d’avoir un nom, mais on m’a parlé de Junk Town et tout et comme je voulais quelqu’un de sérieux et pas un type qui voulait… profiter…

Aller, j’pense que c’est crédible à ce point. On passe à autre chose.

- J’aimerais un van. Tu sais, l’genre dans lequel on a une cuisinette et qu’on peut y dormir. En échange… Je suis esthéticienne donc tout ce qui peut toucher à l’hygiène corporelle et au bien-être je connais. Sinon, mon amie et moi on a amassé plusieurs ressources à troquer pour ce projet. On a des munitions, des vivres et des plantes médicinales. Donc je pense que ça va dépendre de ton prix et de tes besoins.

Ça peut être dangereux de causer de tout ça, mais j’ai pas l’impression que ce type va m’arnaquer ou me dépouiller. Spécialement pas parce que j’ai posé des questions, qu’on sait que je voulais le rencontrer. Que ce serait sacrément un mauvais business pour lui quand de nos jours, tout ce fait par réputation et bouche-à-oreille. Faudra quand même que je fasse gaffe un de ces quatre à pas toujours assumer de la sorte…

J’peux pas dire que c’est un gros crados, heureusement pour moi ou malheureusement pour mon business, du coup j’comprends un peu qu’il préfère les ressources pour son camp.

- Ouais pas de souci. Et oui, j’imagine que ça dépendra de ce qu’on trouvera. J’suis pas conne non plus hein, je sais que si c’est hyper destroy, il faudra beaucoup de temps et de matériel pour tout retaper.

Du coup, oui j’espère trouver un van déjà en assez bon état, on va pas se mentir, ça va couter moins cher et j’pense que j’aurai l’esprit un peu plus tranquille du même coup. Sauf que c’est un peu rêvé éveillé de nos jours j’pense. Enfin, j’en sais rien. La dernière fois que j’ai vu les bagnoles qui roulaient bah… ça date quoi. Enfin, les dernières disons que j’me suis planquée. Parce toute seule sur une route, déjà avant c’était dangereux pour une nana comme moi, aujourd’hui ? On en parle même pas. BREF !

- Parfait ! J’vais m’occuper du confort et de la déco. J’ai un p’tit sourire un brin moqueur, mais la vérité c’est que les gens ont pas de goût et moi si, alors je vais certainement pas laisser ça à personne d’autre que moi. Ça veut pas dire que je vais porter quoi que ce soit cela dit. Ma pote est pas dans le coin, donc ce sera que moi. Par contre, tente rien de pas réglo.

J’ai toujours ce petit sourire de nana fragile et douce, mais la mise en garde est claire. Il a l’air motivé par le projet, donc j’pense que ça ira, mais ça reste un homme. Un porc. Comme tous les autres. J’suis pas naïve moi. C’est pour ça que j’utilise ça à mon avantage, par contre faut pas ambitionner. Je mords pas, je tue. Sans remords même.

- Tu penses à quel endroit pour commencer les fouilles ? Bon, je connais un petit peu le coin, mais pas des masses non plus. Tu crois qu’on pourrait avoir un peu de jus aussi ? Non parce que juste un sèche-cheveux je serais au paradis moi. Je sais pas trop comment ça fonctionne je t’avoue. Aller, on joue les idiotes, même si dans les faits, j’ai qu’une notion approximative de la chose.