Des jours qu'on voyage, des semaines peut-être j'en sais rien. Je vais pas mentir, ça devient compliqué et y'a une part de moi de plus en plus conséquente qui craint d'avoir fait une erreur. Parce qu'à vouloir protéger Sienna d'absolument tout, à essayer de lui épargner la moindre fatigue, moi je tire un peu trop sur la corde. Je crois que sur la semaine qui vient de passer, si j'ai dormi six ou sept heures c'est franchement que j'ai eu de la chance. Mais j'ai tellement peur qu'il nous tombe un truc sur la gueule, qu'à son tour elle finisse par souffrir par ma faute... C'est beaucoup trop dur. Et égoïstement, je préfère crever que vivre ça encore une fois. J'ai vu bien trop de personnes chères à mon cœur disparaître. Je sais pas si je serais capable d'encaisser encore une fois de plus.

Mais heureusement pour nous, on a eu un peu de chance. Des gens avec qui on a échangé mes connaissances de bûcheronne ont accepté de nous prêter une chambre dans leur abri pour la nuit. C'est pas forcément le super grand luxe mais putain de merde je vais pas me plaindre. Y'a un matelas, des couvertures, et surtout une opportunité de pioncer. Passer un petit peu de temps en sécurité. C'est sûr qu'il reste une petite part d'appréhension et je vais clairement pas dormir sur mes deux oreilles – j'aurais bien dit dormir que d'un œil mais j'en ai plus qu'un donc bon – au cas où ils tenteraient un truc débile. Bref.

Balançant mon sac au sol à proximité du lit, je pose plus délicatement celui de Sienna que j'avais entre les mains. Et l'instant d'après, je me laisse tomber sans la moindre retenue sur ce matelas à la con. Oh bordel de merde je crois que je vais jamais me relever, que je dis en sentant tout mon dos craquer, vertèbre par vertèbre, et mes muscles se détendre presque douloureusement. Un espèce de râle ou grognement bizarre de soulagement m'échappe et je ferme l’œil un instant, posant mon bras sur mon visage. Tu tiens le coup, ça va ? Au moins cette nuit, on aura un vrai putain de lit et on pourra un peu se reposer.

J'avais l'intention de rouler sur le côté pour me relever mais mon corps m'envoie me faire cuire le cul et je bouge juste pas. Bon, plus tard. Eh, tu crois que c'est possible de découvrir des muscles qu'on connaissait pas dans notre corps encore maintenant ? Putain j'ai tellement tout qui se détend que dans deux minutes je vais commencer à flipper sur la tenue de mes sphincters si ça continue.

Je sais pas trop combien de temps est-ce que je reste couchée sur ce matelas, à sentir tout mon corps se détendre presque bizarrement, comme si subitement il allait m'être impossible de me relever. Comme si tout ce putain de lit était en train de m'absorber comme des sables mouvants à la con. En fait, je suis sortie de mes pensées – qui étaient je sais même pas où précisément, à part à me dire que je vais plus tenir longtemps à ce rythme – que quand j'entends la voix de Sienna.

Je rouvre mon œil, posant mon regard sur elle en relevant légèrement la tête, la suivant du regard jusqu'à ce qu'elle prenne place dans le lit. Au prix d'un effort monstre, je me tourne vers elle en roulant sur le côté, venant soutenir ma tête avec l'un de mes bras quand mon autre main vient glisser sur la jambe de la brune. J'ai l'habitude, t'inquiète pas pour moi. Vraiment. C'est juste... j'ai beaucoup trop peur de te perdre et j'ai pas envie de te faire prendre le moindre risque. T'as déjà accepté de sacrifier beaucoup, par ma faute. Je lui offre une petite moue désolée, pas vraiment capable de faire plus.

Heureusement, elle sait bien comment faire changer l'ambiance et sa remarque au sujet de mes muscles m'arrache un petit ricanement amusé, soufflé par le nez. Pour le bien de la science tu dis ? Et tu t'y prendrais comment, pour étudier ces fameux nouveaux muscles? J'arrive malgré tout à avoir un petit sourire au coin des lèvres, presque mutin, alors que mon cerveau m'autorise enfin à me détendre un peu et à m'octroyer un moment de pause dans mon stress habituel.

Dans un petit grognement, je force tant mon corps que mon esprit pour me redresser, venant déposer un chaste baiser à la commissure des lèvres de Sienna. Je suis désolée si c'est pas la grande joie ces derniers temps, si je suis fermée ou je sais pas quoi. C'est juste... une bonne grosse dose de stress. Mais je te promets que dès qu'on aura trouvé un endroit où nous installer en sécurité, tout ira mieux. D'accord ?

Forcément que les mots de Sienna me font me sentir encore plus conne. Parce qu'il y a pas un moment où je me suis dit qu'en faisant tout ça, je pourrais la blesser ou la faire se sentir mal. Sauf qu'avec ce qu'elle me dit, bah forcément je le prends dans ce sens là. On forme une équipe, ouais. Et je me comporte comme la pire des connasses de merde à faire comme si c'était une incapable. Parce que ouais, forcément de son point de vue ça doit être ça. Alors que du mien, c'est juste que j'ai peur du plus profond de mon âme qu'il lui arrive quelque chose par ma faute. Bien sûr qu'on est une équipe. C'est juste que... j'ai toujours eu l'habitude de tout prendre sur moi, histoire que les autres aient pas à le faire. Et le problème c'est que j'ai jamais été à la hauteur. Alors... Je voulais juste essayer de l'être pour une fois. Pour toi. C'est sûr que je suis pas douée pour me confier, tout ça. Enfin, je l'étais pas. Et bizarrement, je crois que c'est le seul truc que le lavage de cerveau de New Eden a pu faire de bien. C'est qu'avec Sienna j'ai partagé tellement de trucs, elle m'a tellement aidée à me retrouver que... Je peux juste rien lui cacher en fait. C'est flippant ce bordel quand on y pense.

Mais encore une fois, heureusement que la brune est putain de douée pour m'arracher des sourires quelles que soient les circonstances. Même si c'est la merde, même si j'en peux plus et que je menace de m'écrouler à tout instant, elle parvient à faire sortir ce qui est bon en moi même si c'est pas forcément facile à trouver. Et à sa façon de hausser les sourcils, un rire m'échappe avant de légèrement la pousser du bout des doigts. J'ai vraiment une mauvaise influence sur toi bordel, que je dis en rigolant encore un peu.

Malgré tout, je me rends vite compte que Sienna ne compte pas abandonner le combat qu'elle a décidé de mener et lorsqu'elle tapote le matelas, je retire mon haut en comprenant certainement que je vais avoir droit à un traitement parfaitement divin – sans aucune objectivité hein évidemment – puis je m'installe à plat ventre en enfouissant un instant mon visage dans les draps. Sauf qu'il faut bien respirer à un moment et donc je tourne la tête tant pour ça que pour lui répondre. Je m'avoue vaincue. Mais à une condition ! Si je m'endors, tu me réveilles. J'ai pas envie d'en perdre une miette.

Un léger sourire aux lèvres, je reviens brièvement saisir la main de la brune avant de la relâcher pour qu'elle puisse faire ce qu'elle a en tête. Je suis toute à toi, complètement à ta merci, alors fais de moi ce que tu veux.

Franchement trouver cette putain de piaule à la con aura finalement été le meilleur truc qui soit arrivé depuis qu'on est partis de New Eden. Parce que bordel, un matelas, Sienna et un massage en prime ? Eh, c'est quoi j'ai gagné au loto ou quoi ? Bon par contre je suis pas débile, à la réponse qu'elle me donne suite à ma condition, je me rends bien compte qu'elle va surtout bien m'envoyer me faire foutre et pas me réveiller. Vu à quel point elle insiste toujours pour que je me repose. C'est vrai que c'était pas la meilleure exigence que je pouvais avoir du coup. Pile poil pas bon !

Malgré tout, j'ai un petit rire et me contente de fermer les yeux – enfin l’œil – pendant qu'elle s'installe sur moi. Déjà il faisait pas chaud dans la pièce malgré les tentatives d'isolation qu'ont fait ceux qui vivent ici, mais c'est pas à cause de ça que j'ai un frisson qui parcourt ma peau. Dès que les doigts de Sienna s'aventurent dessus, je sens mon cœur qui accélère un peu. Comme à chaque putain de fois. C'est abusé, je sais pas si c'est à cause du reboot que ces fils de putes de New Eden ont fait sur mon cerveau, mais j'ai jamais ressenti ça. Je sais que j'oublierai jamais Alba, je l'ai aimée de tout mon cœur. Mais c'était tellement différent. Avec Sienna... J'ai l'impression de découvrir plein de trucs pour la première fois. Et ça me plaît autant que ça me fait flipper. Pas l'habitude d'être à l'aise avec des trucs que je contrôle pas. L'histoire de ma vie quoi. Bref.

A sa réponse, un sourire étire mes lèvres et je viens même mordiller celle du bas en ayant pas mal d'images qui me viennent en tête. Et rien de super chaste, on va pas se mentir. Ou tu pourrais me prendre tout court, que je dis avant même de me rendre compte que j'ai pas fait que le penser. Oups ? Bah, maintenant c'est dit hein, tant pis. Au moins, elle pourra pas dire qu'on est pas sur la même longueur d'ondes. Parce que j'ai bien entendu le ton de sa voix hein.

En tout cas, les caresses qui se transforment peu à peu en massage m'arrachent un petit grognement de soulagement. Bordel cette fille a vraiment des doigts de fée. Dans tous les sens du terme. Si mes muscles restent vachement contractés parce que je crois que de ma vie j'ai jamais pris le temps d'avoir droit à un massage, je sens que je me détends malgré tout. Et ça fait un putain de bien fou. J'avais pas l'intention de remettre en doute tes capacités, que je dis simplement. Mais je m'arrête pas là. Mais si tu veux tout savoir, y'a d'autres circonstances dans lesquelles je pourrais adorer que tu m'étrangles, fais attention... Eh, faudrait pas non plus oublier que j'étais une pute avant. Alors c'est pas moi qui vais être choquée de quoi que ce soit. Et ma meuf en était une aussi. Du coup niveau expériences, j'en ai fait pas mal. Assez pour savoir ce qui me plaît.

Putain ce que j'aime ce que tes doigts savent faire.