Comment est-ce qu'on en est arrivés là ? J'aimerais bien le savoir. Même si je crois que dans le fond nous avons tous les deux déjà la réponse à cette question. La vie, nos choix, nos convictions profondes. A vouloir trop bien faire, c'est comme ça qu'on finit par prendre les pires décisions. Et je crains malheureusement que ce soit ce qui nous est arrivé. Pourtant, quand elle me pose la question, je soupire et me contente de détourner le regard sans avoir réellement de réponse à lui donner. J'en sais rien... Ouais, je sais, j'aurais mieux fait de m'abstenir de parler. Mais... C'est comme ça.

J'aimerais tellement revenir en arrière. Pouvoir effacer mes torts, recommencer en m'y prenant différemment en espérant que ça change le résultat. Mais le problème c'est que je sais parfaitement que c'est impossible. Sinon ça fait bien longtemps que je l'aurais fait. En allant plutôt me planter dans un tronc d'arbre à toute vitesse au lieu que ce soit cette mère de famille qui y termine ses jours. Enfin bref.

Le temps a l'air d'être toujours aussi lent que tout à l'heure bien qu'il reprenne peu à peu son cours. Mais ça ne change pas grand chose. Tout a l'air figé autour de nous alors que le silence revient. Je détourne le regard, elle aussi. Franchement c'est à se demander ce qu'on fait là. Enfin, jusqu'à ce qu'elle décide soudain de bouger. J'ai à peine le temps de relever la tête que d'un seul coup son corps se heurte au mien. Et dans un mouvement que je n'ai même pas besoin de commander, mes bras viennent l'enserrer par peur qu'elle ne s'éloigne bien trop vite.

A ce moment là, j'ai l'impression que quelqu'un a de nouveau appuyé sur le bouton « play » de la télécommande. Que je peux à nouveau sentir mon cœur battre aussi fort qu'avant. Prendre une pleine bouffée d'air, comme c'était le cas auparavant. Parce qu'elle est là. Contre moi. Et c'est tout ce que j'ai toujours voulu. Moi aussi je le suis...

Si au départ, je dois dire que j'ai prié pour qu'il ne me rejette pas, pour qu'il me laisse juste, encore une fois être dans ses bras. Nous retrouver, comme nous étions avant, un seul et unique être, je regrette presque qu'il ne le fasse finalement pas. Parce que maintenant que je suis dans ses bras, je ne veux plus en partir. Plus jamais. Alors je m'autorise cette pause, celle qui me redonne un nouveau souffle. Qui me dit que tout n'est pas fini, qu'il reste quelque chose à vivre. Quelque chose qui me fera me lever le matin et qui me donnera envie de continuer car sous mes travers de petite peste qui se fout de tout j'y ai pensé. Oui. Mettre un terme à ma vie, mais très vite, mon égoïsme à repris le dessus et j'ai préféré continuer. Certains verraient plutôt l'inverse en ce geste mais pas moi, car je continue de faire souffrir les autres autour de moi, malheureusement.

Alors je reste là, dans ses bras qui m'entourent. J'aimerais que le temps s'arrête, j'aimerais que cette pause dure toujours, mais la réalité nous reprend tout aussi vite. Pour autant, il n'y a rien de brusque, je finis simplement par me calmer dans un premier temps, d'arrêter de pleurer. Et puis, je me recule alors qu'il me dit que lui aussi est désolé. Je le sais, je le sais au plus profond de moi qu'il n'a jamais voulu me faire de mal, il en aurait été bien incapable. Tout comme moi finalement qui pensait que de les laisser partir les sauverais de ma folie. Cette folie, qui, malgré est toujours présente, que j'ai laissé librement prendre part de moi durant ces derniers mois avec Alek. Lui qui ne m'a pas bridé, au contraire, qui m'a redonné goût à cette folie. Est-ce que c'est réellement intelligent de renouer avec mon passé, sachant que j'avais changé pendant mon voyage ? Mais l'amour est-il une chose intelligente ? Je ne crois pas. Finalement, je me recule, souffle encore un coup pour terminer de me calmer. J'essuie mes larmes et j'avoue que je ne sais pas vraiment quoi dire. Liam je ... Tant qu'on est là, tout les deux, autant être honnête n'est-ce pas ? Je n'ai jamais voulu que tu souffres, ni toi ni Ethan. J'étais juste complètement effrayé de savoir que je pourrais lui faire du mal, mais je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Tu ... Tu penses que je ne l'aime pas mais c'est faux. Car dire que je ne ressentais rien pour cet enfant n'était qu'une demie vérité. Je n'avais peut-être jamais réussi à nouer ce lien si beau qu'on appelait le lien mère-enfant, mais pour autant, j'aurais tout fait pour que rien ne lui arrive. J'ai ... besoin de temps, tu comprends ?

Avoir Lexie dans mes bras est aussi invraisemblable qu'elle est réelle. Aussi douloureuse qu'elle me fait du bien. Dans le fond, tout ça n'a aucun sens. Je sais que nous ne devrions pas faire ça. A moins d'être parfaitement au clair avec ce que nous souhaitons tous les deux. Mais quelque chose me dit que vu notre conversation à peine terminée, aucun de nous n'est réellement prêt pour tout ça. Faire un choix et l'assumer jusqu'au bout. Entendre le point de vue de l'autre sans le moindre jugement, en comprenant ce qui a bien pu le motiver à agir comme il l'a fait.

Et pourtant, il est hors de question que je la repousse ou que je la relâche. J'aimerais qu'elle reste dans mes bras jusqu'à ce que mort s'ensuive, qu'on laisse le monde se détruire autour de nous si tel est son désir, mais que rien ne puisse nous séparer. Je suis pourtant assez rapidement – trop à mon goût – ramené à la réalité lorsque Lexie finit par se reculer et reprendre la parole. Toutes les bonnes choses ont une fin, c'est certain.

J'écoute ses mots et un léger soupir m'échappe, mon regard plongé dans le sien. Je ne crois rien du tout du genre... Tu lui as donné la vie et... au fond je suis persuadé que c'est pas possible que rien vous lie. Mais après... Je peux que supposer, et rien savoir de source sûre ni imposer quoi que ce soit. Raison pour laquelle je n'ai pas cherché à me battre ou à argumenter dans le vide lorsque la brune avait pris sa décision de me demander de partir à jamais en emportant notre fils avec moi. J'ai accepté, tout simplement. Aussi douloureux cela pouvait-il être.

Cette fois je hoche la tête quand elle me dit avoir besoin de temps. Je comprends. Évidemment que je comprends. Comment est-ce que je pourrais dire autre chose ? Malgré tout, alors qu'un petit silence s'installe à nouveau, je finis par me racler la gorge en hésitant à poser la question. Mais je finis par me jeter à l'eau. Tu... voudrais le voir ? On sait jamais après tout.

J'ai l'impression que mon cœur et ma tristesse commence à s’apaiser alors qu'enfin, depuis longtemps, nous avons un semblant de conversation ou nous ne nous reprochons rien, ou nous ne nous engueulons pas et où nous n'essayons pas de nous blesser pour nous protéger et éviter d'accepter la vérité. Ses yeux et son regard me transpercent avec toujours autant d'intensité, je pourrais m'y perdre des heures durant. J'ai vraiment essayé tu sais que je lui réponds. Mais, tout en lui me faisait penser à toi et je n'avais pas la force d'essayer de comprendre tes ... Enfin, les raisons de ton absence. Il n'y avait que de la colère en moi. Et il n'avait pas le droit de subir ça. Ce ... Ce petit être qui n'avait rien demandé à personne.

Finalement, il me rassure en disant qu'il me comprend et finit même par me demander si je veux le voir. Ethan. Ce fils que j'ai abandonné. Ce petit être que j'ai laissé, par peur et par égoïsme. Ne me sentant pas capable de l'assumer. Je fais de gros yeux, je suis un peu surprise je dois bien l'admettre. Je ... Tu ... Tu crois que c'est une bonne idée ? Parce qu'après tout, ne va t-il pas commencer à pleurer en me voyant ? Ne va-t-il pas sentir que je l'ai abandonné ? Mais, je crois qu'au fond de moi, une partie, peut être juste une infime partie meurt d'envie de le voir, de voir ce petit être à qui j'ai donné la vie. De voir ce que l'union de notre amour à créer. D'essayer, au moins. Je ... Je crois que j'aimerais oui que je chuchote presque à Liam, un sourire maladroit sur le visage.

Liam part alors chercher Ethan et me demande d'attendre dans son camion. Je tourne en rond à l'intérieur, je fais les cents pas, j'ai le cœur qui bat tellement vite. Et si tout ça n'était pas une bonne idée. Et si je partais, maintenant ? Après tout, personne ne le saurait. Qu'est-ce que je fais ? Merde. Et puis, finalement, je le vois entrer, cet homme, ce père, avec ce petit être dans les bras. Et mon cœur s'arrête. C'est comme si je le rencontrais à nouveau pour la première fois. Cette fois-ci, il n'y a pas de douleurs, pas de pleurs, pas de ténèbres. Juste Liam et Ethan dans ses bras. Comme si rien de tout le reste n'avait existé auparavant.

Et, délicatement, les larmes aux yeux, je me rapproche. Comme si j'avais eu peur qu'ils ne disparaissent au moment ou je serais trop proche d'eux.

Bien entendu, j'ai eu peur qu'elle dise non. Qu'elle refuse de le voir, parce qu'après tout elle m'avait bien demandé la dernière fois qu'on s'est vus de le faire disparaître et qu'elle ne voulait plus jamais avoir rien à faire avec lui. Alors... C'était probablement une mauvaise idée. D'ailleurs j'ai regretté mes mots assez rapidement après les avoir prononcés. Jusqu'à ce qu'elle finisse par accepter. Tu es sa mère... Il a besoin de toi et aura toujours besoin de toi. Quoi qu'il arrive.

Là, évidemment, je me suis mis à avoir ce sourire en coin parfaitement idiot. Comme toujours. Hochant la tête, je lui demande de m'attendre au camion pour l'instant et fais rapidement le chemin pour aller récupérer mon fils. Notre fils. L'enroulant dans ce plaid polaire doublé d'une sorte de laine qu'on a trouvé je sais plus dans quel magasin, je traverse de nouveau le camp pour rejoindre mon repaire personnel.

J'ai un frisson à cause de l'écart de température et referme les portes derrière moi pour être certain que personne ne risque de prendre froid. Surtout pas Ethan après ce qu'il vient de vivre. Eh, regarde qui est là, que je chuchote au petit bout qui se met à geindre un peu dans mes bras et à se redresser. Quant à moi je me contente de bouger un peu sur le côté pour qu'il puisse poser ses yeux sur Lexie.

Dès qu'il voit sa mère, son regard change. Ses bras se tendent dans sa direction, il s'agite. Alors lentement, voyant bien que Ethan réclame d'être rapproché d'elle, je la rejoins et l'incite à prendre notre enfant dans ses bras. Mais pour la rassurer, je la prends elle dans les miens, sécurisant ainsi sa prise sur notre fils. Maman est là... Je pensais pas dire cette phrase un jour. Ou pouvoir assister à cette scène que j'essaie de graver dans mon esprit pour qu'elle y reste jusqu'à la fin de mes jours. C'est qu'on dirait presque une vraie famille, là tout de suite. Et je crois que mon coeur ne peut pas être plus empli d'amour que maintenant.