Ce n'est pas nécessairement évident de prendre mes marques, ici. Mais j'imagine que c'est pareil partout. Le truc, c'est que je n'ai normalement pas autant d'efforts à fournir. C'est toujours papa qui faisait ce qu'il fallait, avant, qui suivait le plan et qui le modifiait au besoin. Comme un chef d'orchestre, même - je suis capable de l'avouer. Oh, je ne regrette pas mon départ, sauf que c'est un brin plus compliqué que je le pensais. Ce n'est pas que je suis particulièrement gênée - je suis plutôt un de moulin à paroles, au contraire. Et j'ai l'impression que les gens pourraient vendre leur mère pour que je la ferme. Enfin, sauf Nascha. Elle est la gentillesse incarnée, cette fille.

Bref, je me cherche un truc à manger - sans trop de succès. Alors je me pose avec mes bouquins, installée dans un tas de couvertures bien douillettes. Si seulement mes concoctions pouvaient couper la faim, ou mieux encore, me remplir l'estomac. Sans mes petites sorcières de Coven, pourtant, j'ai un peu de difficulté à formuler mes nouvelles recettes. Je travaille là-dessus depuis un moment déjà, mais je me concentre moins sur les poisons, dernièrement. Je tente d'explorer les remèdes, et il est évident que j'ai encore du chemin à faire, de ce côté-là.

« Présente! » que je réponds en levant la tête, quelques mèches dans les yeux, quand j'entends mon prénom et que je vois Roman apparaître. Si je rigole un brin au départ, je ne tarde pas à perdre mon sourire idiot en réalisant qu'il semble un tantinet... agacé? J'en sais rien. Je suis tout à fait capable de lire les gens, normalement - mais là, je le fixe trop longtemps, et je n'arrive à rien.

Il me demande ce que j'ai bien pu mettre dans son thé, la veille. Je fronce les sourcils, et encore plus quand il ose demander si j'ai voulu l'empoisonner. Je plisse les yeux, me demandant un instant si je dois dire la vérité, et si je dois prendre le risque me faire tuer sur le champ. « Enfin, pas volontairement? » Mon sourire forcé est de mise, mais je me doute que mes traits doivent certainement trahir mon petit malaise. Je voulais simplement l'aider à dormir - mais mes doses sont peut-être à revoir? Pendant une seconde, je me déteste de penser comme une Constantine, quand je songe à utiliser le cocktail pour voler, pour faire du mal, voir pire. Mais je secoue la tête en chassant la pensée de mon crâne.

« Pourquoi, qu'est-ce qui se passe? Je veux dire - t'es en vie, non? »