Sympa comme lors de mon dernier court séjour ici, Heather on a toujours l’air de trop, de la déranger. Rien à faire. Je repars dès qu’on me laisse repartir moi. Bien sûr Saoirse arrive et détend un peu l’atmosphère. À peine elle nous offre un sourire que Jennifael arrive dans la pièce et nous ordonne de nous asseoir.

Je m’approche d’un des canapés et je pose une main sur l’accoudoir pour me soutenir au max en essayant de m’asseoir en douceur. Autant j’ai du mal à rester debout, autant d’être assise je douille. L’adrénaline a disparu depuis plusieurs jours et le trou que j’ai dans le bide me fout d’une humeur d’ours mal léché. Pas envie pour autant de me prendre la tête avec qui ou quoi que ce soit.

Donc la Mambo veut nous parler. Quelle surprise…

- Malheureusement, le genre masculin existe. Du tac-o-tac, ça sort tout seul.

C’est toujours des hommes, c’est pas un secret. Il y a des femmes qui sont dangereuses, j’en conviens, mais jusqu’ici mon passif c’est avec le service trois-pièces. CON-TI-NU-ELLE-MENT. Je me contente d’un pouce en l’air pour dire que je me remets comme je peux de la balle que je me suis prise. Les autres en ont plus chié j’ai envie de dire.

- Pour ma part, c’est ça. Je traine beaucoup à Gig, j’y vis pas loin.

Heather. Qu'est-ce qu'elle me casse les couilles, celle-là - et depuis le tout début. Elle n'approuve rien. Tout ce que je peux faire n'est jamais assez, jamais suffisant. Je la dévisage sans même me cacher. Elle doit très certainement rêver du trône de Jennifael, la nuit. J'en suis certaine. Je ne sais pas ce qui pourrait expliquer cette acidité constante dans ses billes, autrement. Bref. Saoirse sauve la mise, comme à l'habitude. Je lui offre un sourire, non sans un regard entendu quand elle parle justement de la grincheuse.

Mon regard vogue ensuite jusqu'à Filipa, et je baisse les cils sur son bandage - non sans un air désolé sur les traits. Je déteste être la cause de toute cette merde. J'ai l'impression d'être mon père, de semer le chaos un peu partout, et de faire payer les autres pour mes conneries. Mais la reine arrive enfin, et je me désole à nouveau en notant à quel point Camila pose difficilement les fesses sur le canapé. Je soupire légèrement, me concentrant sur la Mambo qui entre dans la pièce. L'esquisse d'un sourire étire brièvement mes lèvres, à la remarque de la brune, au sujet du sexe masculin. Elle n'a pas tort, après tout - mais mon sourire crève pourtant bien vite. J'ai l'impression d'être une gosse qui va se faire gronder, voilà pourquoi.

« C'est ma faute. » que je lâche tout de suite, quand Jennifael suggère qu'elles étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Je ne parle pas de mes blessures, mais je veux certainement parler du reste. À quoi bon leur dire que mes côtes brisées me font plus mal que jamais? Que je ne peux même pas me regarder dans le miroir tant je ne me ressemble pas? Que mes doigts mutilés ne peuvent que me dégoûter? C'est inutile.

Je relève mon visage défiguré sur les filles, puis sur celle qui mène notre petit clan. « Je vous présente mes excuses. Je n'ai visiblement pas été capable de m'occuper convenablement de tous les détails en lien avec cette histoire. Je ne sais pas comment j'ai été repérée. Ces types étaient après moi - et moi seule. Ils voulaient venger leur copain, ils - ils voulaient me tuer comme j'ai pu le tuer lui. » Je baisse le crâne, ne me sentant pas du tout à la hauteur. « Je n'ai jamais eu l'intention de vous mettre en danger. » que j'ajoute en voulant disparaître, rien de moins.

Elle remercie Hoani d'un murmure, se laissant tomber sur l'un des canapés, épuisée. Si le poison à été purgé de son organisme, la sensation d'avoir été passé à tabac est elle, particulièrement bien présente. L'avant bras aux veines noircies, les cernes sombres à ses yeux sont plutôt évocateurs de son état, alors qu'elle avise tour à tour les filles. Déjà débout ? s'enquit la dénommée Jennifael dans un sourire qu'elle peine à comprendre, se contentant de baisser le regard en hochant timidement la tête. Relevant un regard un peu perdue sur cette brune qui affirme avec applomb que tout est la faute des hommes, ouvrant la bouche pour répliquer. Mais était-ce une bonne idée, d'évoquer le contraire, de parler de New Eden en présence d'Hoani ? Laissant échapper un soupir avant de se raviser, triturant nerveusement le tissu noir de la robe qu'on lui à prêté. Et si elle pensait répondre à cette histoire de présence, Cara la devance rapidement. S'accusant de tous les maux alors qu'elle fronce les sourcils, reprenant à son attention.

Cara, tu n'as rien à te reprocher... Même si elle assurait avoir tué quelqu'un. Et si tel était le cas, pourquoi ces hommes avaient cherché à toute les massacrer au juste ? Par plaisir, par folie pure ? Je ne peux pas parler pour les autres mais ... J'ai accepté de mon plein gré d'aider Filipa, elle ne m'a pas forcé la main. Et tout le monde à survécu, non ? insiste la brune en espérant trouver du soutien, quand elle capte le regard d'Heather se lever brièvement vers le plafond, comme excédé. Quoi ? Vous auriez préféré qu'on fasse moins de vagues ? qu'elle demande sèchement à la brune en s'interdisant de se rétracter face à son regard de glace. Pas encore une fois. Elle s'était bien assez soumise ces dernières années pour accepter de continuer sur cette lancée. Les faits sont là. Ces types sont morts, et personne ne saura jamais à cause de qui !

J’aide Phoebe à s’installer plus confortablement tandis que je m’assois nonchalamment sur l’accoudoir du canapé à ses côtés, écoutant d’une oreille distraite ce qui se dit entre les sorcières de l’endroit. Ni l’une ni l’autre ne m’impressionnent particulièrement, que ce soit la grincheuse ou la comique de service. Et quand la Manbo, comme on dit, se ramène à la fête, je n’ai pas grand-chose à dire non plus. Plutôt blasée par la situation que j’en viens à passer une main sur ma brûlure au cou, qui me démange désagréablement malgré les soins apportés. Ce connard de maori m’a fait mal, s’il n'aurait pas déjà été égorgé de mes propres mains, je réitérerai l’action bien volontiers.

En poussant un soupir contrit, je lève le pouce en direction de Camila, rejoignant son résumé : « Amen. » Y a franchement pas besoin d’en dire plus, mais notre Hermione nationale se décide quand même à prendre le blâme. Et si je ne pipe mot, quand Phoebe s’en mêle à son tour, j’en viens à lever les yeux au ciel, imitant Heather sans m’en rendre compte. « Bordel, c’est trop tard pour revenir en arrière, pourquoi on tergiverse là ? Personnellement je n’avais pas envie de finir enterrée vivante pour rien, je préfère les savoir à ma place six pieds sous terre. » Je secoue la tête. « On devrait plutôt se demander si on doit s’attendre à des représailles ? Qui sont ces types au juste, sont-ils vraiment tous morts ou on doit craindre des éventuels rescapés ? » Vraie question, parce que je ne connais pas Edwin, ni le pourquoi Cara a été envoyée le buter pour au final se faire choper pour son acte. « Franchement, ça pourrait être utile de nous aiguiller sur eux, vous avez l’air de bien les connaître. » Et à mon goût, on manque de détails sur la fin de cette partie de cache-cache entre Jennifael, Filipa et ces gros connards.