Je n'arrive pas à me la sortir de la tête. Cette image d'Emily, en train d'agoniser dans notre cellule. Le son de la brune qui s'étouffe dans son propre sang. Ce regard qui, j'en suis certaine, acceptait déjà de rencontrer la faucheuse. Mon flingue braquée sur la pute qui ose la toucher, la retenir. Je m'en veux tellement de ne pas avoir été là plus rapidement. Je questionne absolument toutes mes décisions, depuis cette nuit de merde - et ce, dès que j'ouvre les billes, le matin. C'est ma faute, le pire. C'est à cause de moi qu'on était là, toutes les deux - je ne peux même pas le nier. C'est à cause de moi qu'elle souffre autant, qu'elle portera dorénavant encore plus de cicatrices. Et quand je sais à quel point elle déteste déjà celles qui trônent sur sa peau, je ne peux que m'en vouloir encore plus.

Je ne la quitte pas, du coup. Heather pourra dire ce qu'elle voudra, me rappeler que j'ai encore trop de points faible à combler pour me permettre d'être aussi distraite - j'en ai franchement rien à foutre. J'accepterai les conséquences de mes actes une fois de retour au Coven. Pour l'instant, Em est ma priorité. Je ne vais pas prétendre que je suis vraiment en état pour rentrer, de toute façon. Si je ne suis pas aussi amochée que ma copine, je ne sais pas vraiment comment je pourrais monter un cheval, là, tout de suite. Mon épaule fonctionne à peine, sans parler de la lacération à mon bras qui ne semble pas vouloir guérir, et du trou de balle à ma main qui bousille ce qui me reste de dextérité, avec mes deux bouts de doigts en moins. Et tout ça du côté gauche. J'imagine que c'est le seul point positif de la chose. Je peux toujours tirer de la droite, avec un peu de pratique.

J'ajuste mon bras dans l'écharpe qui tente de mieux soutenir mon articulation, grimaçant légèrement en revenant donc vers Gig pour visiter le petit bout de femme qui ne quitte plus ma tête. Et après m'être assurée que Camila progresse dans sa rémission, je décide de trouver de l'eau pour les fleurs sauvages que j'ai pu trouver pour Em. J'ai le maigre bouquet dans la main droite, et un vase poussiéreux dans la gauche. J'arrive à peine à le tenir, et franchement, je ne sais pas à quoi je pense quand j'ose le remplir d'eau. C'est trop lourd, mais je tente de me dire que j'arriverai à marcher jusqu'à sa chambre, dans l'infirmerie.

Mais ce qui devait arriver arriva. Je ne regarde pas où je vais, et je m'éclate la tronche contre une femme, devant moi - renversant toute l'eau sur l'écharpe, et renversant les fleurs au passage. Tout de suite, je commence à me confondre en excuses, me penchant douloureusement pour ramasser les tiges que je peux sauver.

« Pardon, je suis vraiment désolée, je - » Je lève les cils sur l'étrangère, ne lui offrant qu'un pauvre sourire nerveux. « Milles excuses, c'est ma faute. Vous n'avez rien? »

Ca la bouffait.

D'observer cette course alentour, qui semblait ne jamais vouloir s'arrêter, alors qu'elle s'autorisait enfin à reprendre son souffle. Evan, Camila, Reed et sa propre fille; Comment pouvait-elle réussir à garder al tête froide, quand la moitié de son ancien groupe était actuellement blessé, au juste ? Il va s'en sortir. Ce ne sont que quelques points. Assure la brune à la dénommée Cat, concernant l'état d'Allen. Vous devriez pouvoir reprendre la route d'ici quelques jours, sitôt qu'il aura récupéré un peu de force. assure t-elle à la quarantenaire qui hoche gravement la tête, alors que l'effervescence des derniers jours laisse petit à petit, place à un silence sourd au sein du bâtiment principal. Tant par la panique que par la peur de voir revenir les pillards, le plus gros des effectifs à décidé de quitter l'endroit, rendant le tout encore plus lugubre que d'habitude. Et si elle avait bien tenté de rassurer les survivants, les chambres qui se vidaient n'étaient pas signe de résilience à ses yeux.

Je peux te laisser prendre le relais ? demande la brune au brun en charge de l'infirmerie, esquissant un bref hochement de tête en guise de remerciement avant de s'enfoncer dans les couloirs, la mine sombre. Veillant à ne rien montrer de la douleur qui étreignait sa cage thoracique, de cette envie viscérale de retrouver Em et Gawain pour les maintenir en sécurité, loin de toute cette violence qui continuait de se deviner sur les murs de cette foutue prison.

Whatever. Songe t-elle sombrement en avisant les avertissements au mur, perdant de sa concentration avant de sentir un heurt. Une petite brune déjà confondue en excuse alors qu'elle se penche à son tour pour l'aider à ramasser quelques fleurs au sol, les lui tendant avec douceur.

Ce n'est rien. Je n'étais pas plus attentive. Ironique, pour une femme médecin. Tendant la main pour lui proposer de réceptionner le vase qui semble bien lourd. En pleine forme. Donne moi ce vase, et dis moi ou je dois le déposer. Et la proposition n'attends pas de refus, alors qu'elle reprends. Tu voulais rendre visite à un des blessés ? Je suis en renfort le temps de ma visite, je peux peut-être te dire ou est le bon chemin.

« Merci. » que je lâche doucement, surprise de la voir m'aider. Elle m'assure qu'elle n'a rien, tandis qu'elle m'ordonne de lui donner le vase qui semble trop lourd pour mon épaule et mon bras complètement hors service. Je ne peux qu'obéir, l'écoutant enchaîner les questions alors que je dépose les fleurs sur une petite table qui se trouve juste à côté. « Le temps de votre visite? Ce n'est pas vraiment le meilleur moment pour visiter. » que j'ose dire en soufflant du nez, avant de rire comme une pauvre conne. Oh, rien de tout ça n'est amusant, je le sais. La preuve; j'ai les yeux rivés sur les inscriptions sanglantes qui osent encore polluer les murs de la prison. Mon regard se voile, un instant - alors que je tente de combattre les douloureux souvenirs de cette nuit-là. Enfin, je baisse les billes pour les chasser, me concentrant plutôt sur le moment présent.

Lentement, je retire l'écharpe mouillée à mon bras, faisant de mon mieux pour ne pas grimacer devant l'étrangère. Je dévoile sans le vouloir les trop nombreux pansements qui recouvrent ma peau, avant de me tourner pour laisser sécher l'écharpe en l'accrochant à la porte d'une cellule. « Oh, je - je sais où est sa chambre. Je voulais juste - je sais pas - lui changer les idées. Qu'elle regarde autre chose que son visage, dans le miroir. C'est stupide, sûrement. Mais à défaut de pouvoir lui offrir une peau ou une bouteille d'alcool... » Oui, je parle trop. Ce n'est rien de nouveau. Je le réalise toujours trop tard, de toute façon.

Je tente de vérifier mes pansements, mais j'abandonne un peu l'idée quand la douleur se ramène dans mon articulation toute entière. Tant pis. « Je viens voir Em. » que je précise donc finalement, ne pouvant m'empêcher de sourire en prononçant son prénom. « Savez, la petite tête brûlée qui aime bien s'insurger de tout? » Je rigole à nouveau, me reprenant pourtant rapidement quand je capte que ce n'est peut-être pas très approprié de déconner de la sorte. Enfin. Il faudrait bien que je lui dise qui je suis? Elle est peut-être un peu traumatisée, depuis les événements. Je le suis, dans tous les cas, et j'ai tendance à douter des gens autour de nous - surtout quand il est question d'Emily. Je devrais vraiment la fermer, finalement.

« Moi c'est Cara. » que j'ajoute en tendant ma main saine. Un peu plus et je me présente en utilisant ce surnom idiot qu'Em utilise tout le temps. La honte, putain.

Au contraire. J'aurai aimé être là plus tôt. Assure la brune fermement, le remord venant à nouveau la dévorer de l'intérieur. Ces fils de putes de skinwalkers avaient encore frappé, trop fort. Mais déjà elle arrête d'y penser, sitôt que la petite brune évoque sa volonté de changer les idées d'un des blessés. Un, ou une ? Ses indices lui dont froncer imperceptiblement les sourcils avant que le prénom d'Em n'apparaisse dans la conversation. Gardant toute contenance à la dernière minute avant d'hocher la tête, esquissant un sourire pour masquer l'étincelle de curiosité dans son regard. C'est très généreux de ta part. Et je suis sûre que ça lui fera plaisir. assure t-elle avec douceur, la suivant dans le dédale de couloir du bâtiment alors que la définition même de Em lui arrache un rire sincère, secouant doucement la tête. Oh, il paraît qu'elle ressemble beaucoup à sa mère, tu sais. Alors je ne suis qu'à moitié surprise. Et ce sourire qui était né aux lèvres de la jeune femme n'était pas innocent. Ce n'était définitivement une visite de courtoisie armée d'un bouquet de fleurs et d'un vase trop lourd pour elle;

Cara, donc. Avisant cette main tendue en devinant son coeur s'adoucir sans mal face à la douceur qui émane de la jeune fille, lui offrant un sourire sincère - sans doute le premier depuis son arrivée ici - Enchantée Cara. Je suis Faith. venant serrer cette main tendue non sans une certaine émotion qu'elle contient, comprenant sans trop de mal désormais cette discussion de coup de foudre qu'avait réclamé Em, quelques semaines auparavant. Et cet air profondément niais qu'elle affichait au cours de la conversation, quitte à s'asseoir par terre sans comprendre ou était le problème. A croire que l'amour l'avait d'avantage doppé qu'un rail de cocaïne. Et que cette fois ci, elle ne cherchait en rien à consommer avec modération.

La mère d'Emily. ajoute t-elle finalement sans se départir de son sourire, amusée par avance de la réaction que ça pourrait amener chez Cara sitôt les mots prononcés. Je suis ravie de te rencontrer. Malgré les circonstances, ça va sans dire.

« Nous sommes deux. » que je murmure pour moi-même, dans un soupir. Les mots de l'étrangère ne peuvent que me frapper de plein fouet, tellement je m'en veux. Parce que je regrette - moi aussi - de ne pas avoir été plus rapide. Si seulement j'avais pu la retrouver plus tôt. Emily peut bien dire que je suis son héroïne, je ne suis rien de plus qu'une incapable. « Oh, c'est la moindre des choses. » que je lâche un peu distraitement, pour ne pas perdre la face - et surtout parce que j'ai la trouille de tout faire foirer, avec mes fleurs à la con. Je voudrais plutôt lui offrir le monde, mais le monde baigne dans sa propre merde depuis trop longtemps, maintenant.

Je regarde la femme d'un drôle d'air, n'empêche, quand elle me parle de sa mère. Emily ressemblerait à une femme qui n'a pas le moindre intérêt envers son propre sang? Quelqu'un qui abandonne, qui néglige? Ça ne ressemble pas du tout à la brune, loin de là. Son courage est hors du commun, et je suis prête à en débattre. Je suis confuse, du coup - et je recule légèrement, comme pour mieux m'entendre penser. C'est un échec, alors que la suite me fait complètement flipper.

La mère d'Emily. Immédiatement, j'ai l'impression de tomber d'un immeuble d'au moins dix étages. Je suis clouée sur place - et je m'étouffe, toussant comme une putain de débile en venant plaquer la main contre ma bouche. Elle m'assure qu'elle est enchantée de me rencontrer, mais je ne capte absolument rien. Et dès que j'arrive enfin à prononcer quelques mots, je suis incapable de m'arrêter.

« C'est vraiment une drôle de chose à dire - c'est vachement étrange, même, parce que la mère d'Em n'a jamais pu être là pour elle, qu'elle est la source de tout un tas de traumatismes et de doutes, qu'elle ne pouvait que rêver de l'avoir comme fille, putain - » J'ose reprendre mon souffle. « Em n'aura jamais été plus qu'une vulgaire crotte de chien collée sous sa semelle, et elle mérite tellement mieux qu'une mère comme ça. Je - vous comprendrez donc que j'ai des raisons de questionner votre identité, maintenant - » Avec tout ce qui se passe ici dernièrement, ma réaction est-elle vraiment exagérée? Mes billes semblent parcourir la pièce comme si je cherchais une arme potentielle, d'ailleurs - à travers cette glorieuse diarrhée verbale.

Oh, je n'ai pourtant rien à faire de ce qu'elle pense de moi, de toute façon. Je ne pense qu'à elle, là, tout de suite. Et il faudra me tuer avant que je ne laisse quelqu'un lui faire du mal à nouveau.

Oh, voyez vous ça. Elle se tait, sitôt que le regard de Cara semble changer drastiquement en venant l'observer de nouveau. Mains posées sur ses hanches, avisant la petite brune monter en pression sans se départir de son sourire, quoi que ce dernier ne devienne plus froid au fur et à mesure de ses mots.

Acide, et prompt à la défendre, hmhm. note t-elle en haussant un sourcil amusé, reprenant à son égard. Tu noteras que j'ai parlé de mère, et non de génitrice. Être mère signifie bien plus que donner la vie, aussi je te serai gré de ne pas me confondre avec sa mère biologique. Quoi que je ne sois particulièrement outrée qu'elle ne t'ai pas parlé de moi. Oh ça, elle allait l'entendre oui. Pour un peu s'en sentirait-elle réellement vexée, bien plus encore au fait de la promiscuitée qui semblait lier les deux jeunes femmes.

Mais puisque tu semble décidée à en savoir plus, allons-y. Offrant un sourire à la petite brune, reprenant à son égard. Je suis Faith. Celle qui à trouvé Em à l'agonie, et à pris soin d'elle depuis tout ce temps au stade de l'élever comme ma propre fille. A savoir une tête brûlée qui à une forte tendance à foncer dans le tas, et apte à une répartie de qualité par dessus le marché. Et si la chose est dite avec affection quand il s'agit d'Em, son regard n'en reste pas pour autant chaleureux. Et maintenant que le plus gros est dit, et que les choses sont claires entre nous ... Si tu m'en disais un peu plus sur ta relation avec Em ?   s'enquit la brune en plissant brièvement le regard, une étincelle ravivant un instant la sombreur de son regard.

J'avais tout un tas de questions sagement gardées dans un coin de ma tête, mais maintenant que l'interrogatoire est lancé, j'ai très envie de me prendre au jeu tiens. Parce que ce n'était certainement pas la coloc un peu sympa qui allait manquer d'en venir aux mains pour un simple terme, moins encore en ayant autant de détails sur le passé d'Emily et sa mère biologique...

Acide? Je la regarde, plus confuse que jamais. Non parce qu'elle semble s'amuser de mes commentaires, au lieu d'être complètement enragée. Elle pense m'éduquer en m'informant du rôle d'une mère, et c'est à cet instant précis que je capte enfin ce qui se passe. Faith est sa mère adoptive. J'ai l'impression que je me vide de tout mon putain de sang, sur le coup, tandis qu'elle me raconte les circonstances de leur rencontre. J'ai envie de fondre dans le plancher, qu'on me ramasse à la petite cuillère et qu'on me disperse dans le vent, dehors - rien que pour me punir. Je suis vraiment l'experte des conneries. Je pense que je peux même sentir une goutte de sueur qui descend le long de ma colonne vertébrale, dans mon dos. Et malgré le malaise énorme, je dois avouer que la description de la brune est tout à fait exacte. J'ai envie de rire - enfin, presque.

« Je - je suis désolée, je savais pas. Je ne pouvais pas savoir, pardon - je voulais seulement, je - » Il faudrait bien que j'arrive à prononcer une phrase complète avant demain matin, quand même. J'inspire et expire donc avec l'intention de reprendre le contrôle, concentrée. « Je couvre ses arrières, c'est tout. » Putain, je ne sais pas où j'ai pu trouver le courage de dire ça.

Sauf qu'elle me demande de parler de ma relation avec Em, et je ne peux que recommencer à paniquer. Faith ose admettre qu'elle n'hésitera plus à me poser encore plus de questions, d'ailleurs. Un interrogatoire, c'est le mot qu'elle utilise pour décrire le reste de cette conversation. Et dire que je voulais seulement amener des fleurs à la principale concernée. Je baisse la tête, les billes rivées au sol, nerveuse. Je ne sais pas pourquoi elle me terrorise autant, mais je tente de faire comme Emily. Je tente d'être courageuse. Peut-être que j'ai quelque chose à prouver, après tout.

« Je l'aime. » que je lâche finalement d'une simplicité désarmante. « Je suis amoureuse de votre fille, madame. Et j'ai bien l'intention de la protéger de ces fils de pute. » Mon regard se relève pour venir soutenir le sien, comme pour lui montrer que je suis sérieuse. Et je le suis.