Reese O'Connell.
Sam 31 Oct 2015 - 21:30
30 • AMERICAINE • LIBRAIRE • EMERALD FREEDOM
J'me sens d'humeur philosophe ce soir. Ça fait longtemps que j'ai pas eu quelqu'un a qui parler...
On peut débuter là et parler de comment deux ans d'enfer change n'importe quel personne sur terre. Comment côtoyer des morts nous fait mourir nous aussi, à l'intérieur. Je vais pas dire que c'était pas couru d'avance. J'ai longtemps espérer que les âmes les plus pures arrivent à survivre, avant de me rendre compte que c'est elles qui se font bouffer en première. Mais faut croire que le mal, c'est comme la gangrène. Il se cache dans des détails insignifiants dont on avait pas tenu compte dans un premier temps et nous prend à la gorge avant même qu'on se rende compte que ça nous gratte.
Je devrais arrêter de vous baver des conneries de ce genre pour en venir directement au fait : J'vais pas vous dire que j'étais déjà préparer à devenir le repas le plus apprécier du coin, ça serait vous mentir. On comprend pas même quand ça nous tombe sur la pomme. Mais j'ai lu tellement de livres en tout genre de paranoïaques fantasmant sur la fin du monde que quand toute cette merde a commencé à nous éclabousser, j'ai pas été la plus prise de court. On peut pas en dire autant de mes voisins qui ont, au sens propre comme au figuré, assez mal tournés. Je viens d'un coin ou si t'es pas débrouillarde de base, t'es sûr de mal finir. Alors j'peux dire que la vie en elle-même m'a formée pour que je devienne une survivante.
C'est un peu ce que j'ai toujours fait. Survivre, je veux dire. Je vais pas m'en plaindre parce que je sais que tout aurait pu être pire. J'crois que c'est également l'une des phrases que je dis le plus : "ça aurait pu être pire". Quoi qu'on en dise, savoir que je pourrais être le quatre heure du type à la sale gueule me fait apprécier les petites choses de la vie plus facilement. Avant, j'avais l'impression de pas vivre. D'être en pause, constamment. Genre, comme si je voyais ma ligne de vie défiler devant mes yeux sans pouvoir y prendre part. Vivre dans une peur indicible et invisible finalement, une peur propre au commun des mortels qu'on a réussi à nommer "Névrose" pour faire propre sur le papier. Aujourd'hui, même si notre situation est carrément pas enviable, être le potentiel repas de la quasi-totalité de la population mondiale m'a fait prendre conscience d'énormément de choses. La première, c'est que j'ai de très bonnes raisons aujourd'hui d'avoir peur et de fuir.
Mais surtout que j'ai pas envie de mourir. En soi, c'est déjà une bonne nouvelle. Disons que j'ai moins envie de crever en me faisant becter par un pauvre type qu'a pas été foutu de courir plus vite. J'l'aurais trop mauvaise. La seconde, c'est que même si je déteste les Hommes en générale en tant que bonne misanthrope convaincue, je suis moins dérangée par leur conversation maintenant que les autres sont plus capables d'aligner deux mots. Ça peut même me manquer, parfois. Enfin pas trop, parce que faire la route seule en volant deux trois bouquins de ci de là pour passer le temps, c'est aussi vachement mieux qu'un débat politique sur comment on est censé survivre tous ensemble.
Je suis pas faite pour la vie de groupe. Encore moins pour la vie de couple. Et mon mari pourra vous certifier qu'être constamment avec moi, ça n'a rien de très simple. Moi, pénible ? Moi, compliquée ? Si peu. J'ai juste des principes d'indépendances qui sont importants pour moi. Si William n'était pas aussi patient, et moi aussi amoureuse de lui... On en serait pas là lui et moi. Puis, avec lui, je me sens en sécurité. C'est important. Surtout maintenant que la population a drastiquement réduite et que je deviens également un gibier d'un autre type. Les joies d'un bond prodigieux en arrière dans tous les acquis et les batailles qu'ont mené les féministes jusqu'à nos sombres jours...
Et sinon, il y a mes filles. Jane et Catherine. Les choses les plus importantes sur terre, des trésors merveilleux.
Je savais de toute façon, il n'y aurait que certaine catégorie de gens parmi les survivants : Les psychopathes qui n'hésitent pas à tuer et qui s'en amusent même en se cachant derrière l'idée qu'il n'y a plus de règles, donc tout se justifie. Les paranoïaques que je mets avec les misanthropes, qui, en fréquentant assez peu les gens en générales avaient forcément moins de chances d'en croiser et donc plus de se démerder pour survivre. Les rats et les parasites, qui vivent aux dépends des faux-héros. J'fais partie des misanthropes et des rats. Cachés bien en évidence au milieu du monde. Mais comment j'aime pas vraiment être assimilée à un animal pas forcément valorisant, je préfère être une souris. C'est de la même graine mais en plus mignon.
Bon, c'était une chouette conversation, mais je ferais mieux de filer. J'ai piscine.
A toute.
On peut débuter là et parler de comment deux ans d'enfer change n'importe quel personne sur terre. Comment côtoyer des morts nous fait mourir nous aussi, à l'intérieur. Je vais pas dire que c'était pas couru d'avance. J'ai longtemps espérer que les âmes les plus pures arrivent à survivre, avant de me rendre compte que c'est elles qui se font bouffer en première. Mais faut croire que le mal, c'est comme la gangrène. Il se cache dans des détails insignifiants dont on avait pas tenu compte dans un premier temps et nous prend à la gorge avant même qu'on se rende compte que ça nous gratte.
Je devrais arrêter de vous baver des conneries de ce genre pour en venir directement au fait : J'vais pas vous dire que j'étais déjà préparer à devenir le repas le plus apprécier du coin, ça serait vous mentir. On comprend pas même quand ça nous tombe sur la pomme. Mais j'ai lu tellement de livres en tout genre de paranoïaques fantasmant sur la fin du monde que quand toute cette merde a commencé à nous éclabousser, j'ai pas été la plus prise de court. On peut pas en dire autant de mes voisins qui ont, au sens propre comme au figuré, assez mal tournés. Je viens d'un coin ou si t'es pas débrouillarde de base, t'es sûr de mal finir. Alors j'peux dire que la vie en elle-même m'a formée pour que je devienne une survivante.
C'est un peu ce que j'ai toujours fait. Survivre, je veux dire. Je vais pas m'en plaindre parce que je sais que tout aurait pu être pire. J'crois que c'est également l'une des phrases que je dis le plus : "ça aurait pu être pire". Quoi qu'on en dise, savoir que je pourrais être le quatre heure du type à la sale gueule me fait apprécier les petites choses de la vie plus facilement. Avant, j'avais l'impression de pas vivre. D'être en pause, constamment. Genre, comme si je voyais ma ligne de vie défiler devant mes yeux sans pouvoir y prendre part. Vivre dans une peur indicible et invisible finalement, une peur propre au commun des mortels qu'on a réussi à nommer "Névrose" pour faire propre sur le papier. Aujourd'hui, même si notre situation est carrément pas enviable, être le potentiel repas de la quasi-totalité de la population mondiale m'a fait prendre conscience d'énormément de choses. La première, c'est que j'ai de très bonnes raisons aujourd'hui d'avoir peur et de fuir.
Mais surtout que j'ai pas envie de mourir. En soi, c'est déjà une bonne nouvelle. Disons que j'ai moins envie de crever en me faisant becter par un pauvre type qu'a pas été foutu de courir plus vite. J'l'aurais trop mauvaise. La seconde, c'est que même si je déteste les Hommes en générale en tant que bonne misanthrope convaincue, je suis moins dérangée par leur conversation maintenant que les autres sont plus capables d'aligner deux mots. Ça peut même me manquer, parfois. Enfin pas trop, parce que faire la route seule en volant deux trois bouquins de ci de là pour passer le temps, c'est aussi vachement mieux qu'un débat politique sur comment on est censé survivre tous ensemble.
Je suis pas faite pour la vie de groupe. Encore moins pour la vie de couple. Et mon mari pourra vous certifier qu'être constamment avec moi, ça n'a rien de très simple. Moi, pénible ? Moi, compliquée ? Si peu. J'ai juste des principes d'indépendances qui sont importants pour moi. Si William n'était pas aussi patient, et moi aussi amoureuse de lui... On en serait pas là lui et moi. Puis, avec lui, je me sens en sécurité. C'est important. Surtout maintenant que la population a drastiquement réduite et que je deviens également un gibier d'un autre type. Les joies d'un bond prodigieux en arrière dans tous les acquis et les batailles qu'ont mené les féministes jusqu'à nos sombres jours...
Et sinon, il y a mes filles. Jane et Catherine. Les choses les plus importantes sur terre, des trésors merveilleux.
Je savais de toute façon, il n'y aurait que certaine catégorie de gens parmi les survivants : Les psychopathes qui n'hésitent pas à tuer et qui s'en amusent même en se cachant derrière l'idée qu'il n'y a plus de règles, donc tout se justifie. Les paranoïaques que je mets avec les misanthropes, qui, en fréquentant assez peu les gens en générales avaient forcément moins de chances d'en croiser et donc plus de se démerder pour survivre. Les rats et les parasites, qui vivent aux dépends des faux-héros. J'fais partie des misanthropes et des rats. Cachés bien en évidence au milieu du monde. Mais comment j'aime pas vraiment être assimilée à un animal pas forcément valorisant, je préfère être une souris. C'est de la même graine mais en plus mignon.
Bon, c'était une chouette conversation, mais je ferais mieux de filer. J'ai piscine.
A toute.
Je ne suis pas très grande, mais est-ce vraiment important ? J'ai l'habitude de me dire que les talons aident à compenser ce que la nature ne me donnera pas. Par contre, cette dernière a eu la sympathie de me donner un corps assez enviable. Je ne suis pas bien grosse, mais j'ai des formes, et fut un temps ou je m'en servais lors des soirées un peu trop arrosées. A côté de ça, j'ai une longue crinière brune et bouclée, qui s'emmêle systématiquement. J'ai arrêté d'essayer d'en faire quelque chose quand j'ai compris que mes cheveux ont leur propre envie, et mode de pensées, et qu'un jour ils gouverneront le monde. Ou un truc du genre.
Je ne sais pas si je ressemble plus à ma mère ou à mon père, vu que je ne les connais pas, mais je suis sûre que l'un des deux avait les iris noirs, très sombres, et des petits yeux en amandes. On me dit souvent que j'ai une bouille sympathique, souvent surmonté d'un petit sourire cynique. Armé de mon meilleur humour (ou en tout cas, j'aime le croire), mes expressions ont tendance à facilement filtré sur mon visage.
Je n'ai pas de style particulier, par contre. Je m'habille selon mes envies, mes humeurs. Mon époux a appris avec le temps à traduire ma manière de me vêtir pour savoir comment s'en sortir en ma compagnie. On se comprend bien comme ça. Enfin, habituellement, c'est plutôt un jean et des bottes avec un pull simple, selon la saison, ou des robes d'été lorsque le beau temps revient. Maintenant, je ne suis plus certaine qu'un jour, j'aurais l'occasion de reporter une jupe ou des talons, mais il ne faut jamais perdre espoir.
Je ne sais pas si je ressemble plus à ma mère ou à mon père, vu que je ne les connais pas, mais je suis sûre que l'un des deux avait les iris noirs, très sombres, et des petits yeux en amandes. On me dit souvent que j'ai une bouille sympathique, souvent surmonté d'un petit sourire cynique. Armé de mon meilleur humour (ou en tout cas, j'aime le croire), mes expressions ont tendance à facilement filtré sur mon visage.
Je n'ai pas de style particulier, par contre. Je m'habille selon mes envies, mes humeurs. Mon époux a appris avec le temps à traduire ma manière de me vêtir pour savoir comment s'en sortir en ma compagnie. On se comprend bien comme ça. Enfin, habituellement, c'est plutôt un jean et des bottes avec un pull simple, selon la saison, ou des robes d'été lorsque le beau temps revient. Maintenant, je ne suis plus certaine qu'un jour, j'aurais l'occasion de reporter une jupe ou des talons, mais il ne faut jamais perdre espoir.
Je suis née dans le coin.
Enfin... Je crois.
Tout du moins, c'est ce qu'on m'a dit quand j'ai été en âge de demander. Et vu que personne savait vraiment d'où je venais ni de qui, j'ai vite été obligé d'arrêter de poser des questions, malgré mon envie d'en savoir plus... Chose assez courante quand on grandit dans un orphelinat qui ramasse des gamins sortant de dieu sait où. Je me suis faite une raison. Et avec un effort d'imagination, j'ai su combler les trous de mon histoire : Je faisais partie de ces petits êtres non-désirés, non-attendus, issus de l'union de deux anonymes qui ne savaient comment s'occuper de moi... Poétique, non ? Alors que la vérité, en elle-même, l'est beaucoup moins. Ma mère n'était probablement qu'une bêcheuse, à moitié droguée qui ouvrait trop facilement les jambes, tombée enceinte avant sa majorité mais ne voulant surtout pas le dire à papa maman pour pas avoir de problème... J't'en foutrai des problèmes, moi. Et mon père, un pauvre type qu'est probablement décédé d'une overdose peu de temps après. Ou d'un autre truc de camé, sans intérêt finalement. Là encore, je me suis faite une raison.
Au milieu de tous ces gosses à problèmes sans buts dans la vie, des raisons, j'ai toujours sut en trouver. J'en avais à la pelle, me servant à justifier un peu tout et n'importe quoi. J'étais peut-être pas la plus mal lotie au milieu de ces échantillons d'emmerdes en puissance. Ouais, j'porte pas dans mon coeur tous ces gens qui m'ont vu grandir et que j'ai côtoyé pendant toutes ces années. Mais faut dire ce qui est, j'avais jamais vraiment trouvé ma place au milieu de ces gosses à problème qu'avaient des crises d'identités existentielles... J'étais plutôt du genre à me foutre dans mon coin avec un livre à la main, à aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte. Elle l'était, définitivement. Et c'était pas bien dur d'avoir autre chose à offrir qu'un lit dégueulasse dans un bâtiment qui tombe en ruine.
C'est sûrement parce que j'étais déjà aigrie par la vie qu'on a jamais voulu me sortir de tout ça. Et aussi parce qu'à part pour dire des gros mots, je l'ouvrai pas beaucoup. Au fond, j'étais un peu comme une bête blessée, qui se terrait dans son coin pour pas avoir à faire au monde. Et ma blessure, un énorme égo meurtri qui m'avait contrainte, une grande partie de mon enfance, à ne pas vouloir me mêler aux autres et à me construire seule. Je trouvai refuge dans les livres, de petits comme de grands auteurs, qui m'offraient à chaque fois mille réponses à une question. Grâce a eux, j'ai fini par me faire une raison pour un peu tout, j'ai fini par comprendre pourquoi et à me dire que "parce que". Mais comme tout, ça laisse des séquelles. Les miennes ont marqués chacune de mes décisions, faisant de moi une belle névrosée.
Mais, je peux pas dire, j'ai pas eu de bons moments là-bas. J'y ai compris la vie à coup de poings, à coup de griffes. J'y ai appris l'amitié le plus simplement possible, bien loin du monde perché qu'on regardait de nos fenêtres. J'y ai appris à me défendre comme une sacrée furie. Je connaissais le monde de la rue, embarquée à chaque fois avec des compères de fortune, sur le bout de mes dix doigts. J'ai volé, j'ai frappé, été frappé, mais j'ai jamais pleuré. Toujours la tête haute derrière mes airs chétifs. Et quoiqu'on en dise, j'ai été une gamine sacrément heureuse.
A ma manière. Mais c'est pas le plus important.
Et à mes dix-huit ans, on m'a foutu à la porte avec un sac et dix dollars pour un repas. En m'disant que j'aurais qu'à en faire ce que je voulais même. Et sans pouvoir regarder en arrière, j'me suis lancée dans la vie. J'ai fait ce que je savais faire de mieux : des conneries. Jusqu'à ce que je me range dans une librairie entre deux bouquins poussiéreux, pour y trouver un job digne de moi et de ce que j'aimais, sous la tutelle d'une bonne femme sacrément caractérielle et de son mari-serpillère. Un petit truc de quartier, modeste en soi, mais bien pour moi.
J'ai emménagé dans un immeuble miteux dans une petite ville pas loin de Seattle. J'ai commencé à construire ma vie au milieu de voisins un peu envahissants quand on a des séparations fines et d'autres un peu plus flippants quand on y regarde de plus près.
Et puis, il y a eu William.
Je l'ai rencontré quelques jours avant mes vingt trois ans, et dans un premier temps, je n'ai vraiment pas prêter attention à lui. La première fois que je l'ai vu, je n'ai échangé que quelques mots avec lui pour enregistrer l'une de ses commandes. Quelques temps plus tard, il est revenu. Et trois jours après. Et encore trois jours après. Sans jamais que je ne me doute de rien. Il a fallu que ma patronne m'enfonce le coude dans les côtes pour me dire « il est vraiment pas mal celui-là » et que j'esquisse un petit sourire en disant « ouais, pas mal ».
Puis, il y a eut les conversations et finalement un cadeau devant la librairie, une fois. Un cadeau en rapport avec un bouquin de Sherlock Holmes dont nous avions discuté lui et moi. Une édition originale qu'il avait eu un mal fou à dénicher, et qu'il tenait à m'offrir. Avec en plus la demande d'un rendez-vous. Un premier rendez-vous. Sa lettre disait « un dîner, et si non, juste un café ». Dans le doute, j'ai accepté le café. Et le soir, j'ai demandé le dîner.
Nous nous sommes rendus compte ce jour-là que nous étions vraiment très différents. Deux caractères forts, deux parcours de vies très éloignés... Mais dès que j'ai appris à le connaître, j'ai appris à l'aimer. Même si c'était difficile à encaisser, à comprendre, pour moi. Même si ça n'avait aucun sens dans le fond et que je trouvais ça dingue, nous nous sommes mis ensemble. La première année a été faite de très bons moments et de disputes. La seconde dans la lignée de la première, en pire puisque nous avons emmenagé ensemble. Et dans la foulée, il m'a demandé en mariage. Et à partir de là, il n'y a plus eu de disputes comme toutes celles que nous avions avant. Plus de doutes. Juste une confiance limpide l'un envers l'autre. Il voulait être avec moi, et je voulais être avec lui.
Je me suis faite appelé madame O'Connell, et j'en étais tellement fière.
Puis en 2009, je suis tombée enceinte. C'était inattendu et parfaitement étrange. Nous n'avions pas de famille avec qui partager la nouvelle, mais des amis qui l'ont très bien accueilli. Et William a été l'homme le plus heureux du monde lorsque je lui annonçais ça. Moi ? J'étais morte d'inquiétude. Les neuf mois qui ont suivi la découverte ont été un enfer hormonal sans précédent. Heureusement que mon très cher anglais était d'une patience d'ange. Car le 15 avril 2010, Jane est née. Une véritable merveille que j'ai aimé immédiatement. Et quatre mois plus tard, rebelote. Un deuxième en route. Catherine, qui est venue au monde le 21 mai 2011.
Nous vivions bien. Nous étions heureux. C'était tout ce qui comptait. Nos deux filles grandissaient bien, nous envisagions éventuellement de remettre le couvert...
Et en un mois, plus rien n'a été pareil.
Enfin... Je crois.
Tout du moins, c'est ce qu'on m'a dit quand j'ai été en âge de demander. Et vu que personne savait vraiment d'où je venais ni de qui, j'ai vite été obligé d'arrêter de poser des questions, malgré mon envie d'en savoir plus... Chose assez courante quand on grandit dans un orphelinat qui ramasse des gamins sortant de dieu sait où. Je me suis faite une raison. Et avec un effort d'imagination, j'ai su combler les trous de mon histoire : Je faisais partie de ces petits êtres non-désirés, non-attendus, issus de l'union de deux anonymes qui ne savaient comment s'occuper de moi... Poétique, non ? Alors que la vérité, en elle-même, l'est beaucoup moins. Ma mère n'était probablement qu'une bêcheuse, à moitié droguée qui ouvrait trop facilement les jambes, tombée enceinte avant sa majorité mais ne voulant surtout pas le dire à papa maman pour pas avoir de problème... J't'en foutrai des problèmes, moi. Et mon père, un pauvre type qu'est probablement décédé d'une overdose peu de temps après. Ou d'un autre truc de camé, sans intérêt finalement. Là encore, je me suis faite une raison.
Au milieu de tous ces gosses à problèmes sans buts dans la vie, des raisons, j'ai toujours sut en trouver. J'en avais à la pelle, me servant à justifier un peu tout et n'importe quoi. J'étais peut-être pas la plus mal lotie au milieu de ces échantillons d'emmerdes en puissance. Ouais, j'porte pas dans mon coeur tous ces gens qui m'ont vu grandir et que j'ai côtoyé pendant toutes ces années. Mais faut dire ce qui est, j'avais jamais vraiment trouvé ma place au milieu de ces gosses à problème qu'avaient des crises d'identités existentielles... J'étais plutôt du genre à me foutre dans mon coin avec un livre à la main, à aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte. Elle l'était, définitivement. Et c'était pas bien dur d'avoir autre chose à offrir qu'un lit dégueulasse dans un bâtiment qui tombe en ruine.
C'est sûrement parce que j'étais déjà aigrie par la vie qu'on a jamais voulu me sortir de tout ça. Et aussi parce qu'à part pour dire des gros mots, je l'ouvrai pas beaucoup. Au fond, j'étais un peu comme une bête blessée, qui se terrait dans son coin pour pas avoir à faire au monde. Et ma blessure, un énorme égo meurtri qui m'avait contrainte, une grande partie de mon enfance, à ne pas vouloir me mêler aux autres et à me construire seule. Je trouvai refuge dans les livres, de petits comme de grands auteurs, qui m'offraient à chaque fois mille réponses à une question. Grâce a eux, j'ai fini par me faire une raison pour un peu tout, j'ai fini par comprendre pourquoi et à me dire que "parce que". Mais comme tout, ça laisse des séquelles. Les miennes ont marqués chacune de mes décisions, faisant de moi une belle névrosée.
Mais, je peux pas dire, j'ai pas eu de bons moments là-bas. J'y ai compris la vie à coup de poings, à coup de griffes. J'y ai appris l'amitié le plus simplement possible, bien loin du monde perché qu'on regardait de nos fenêtres. J'y ai appris à me défendre comme une sacrée furie. Je connaissais le monde de la rue, embarquée à chaque fois avec des compères de fortune, sur le bout de mes dix doigts. J'ai volé, j'ai frappé, été frappé, mais j'ai jamais pleuré. Toujours la tête haute derrière mes airs chétifs. Et quoiqu'on en dise, j'ai été une gamine sacrément heureuse.
A ma manière. Mais c'est pas le plus important.
Et à mes dix-huit ans, on m'a foutu à la porte avec un sac et dix dollars pour un repas. En m'disant que j'aurais qu'à en faire ce que je voulais même. Et sans pouvoir regarder en arrière, j'me suis lancée dans la vie. J'ai fait ce que je savais faire de mieux : des conneries. Jusqu'à ce que je me range dans une librairie entre deux bouquins poussiéreux, pour y trouver un job digne de moi et de ce que j'aimais, sous la tutelle d'une bonne femme sacrément caractérielle et de son mari-serpillère. Un petit truc de quartier, modeste en soi, mais bien pour moi.
J'ai emménagé dans un immeuble miteux dans une petite ville pas loin de Seattle. J'ai commencé à construire ma vie au milieu de voisins un peu envahissants quand on a des séparations fines et d'autres un peu plus flippants quand on y regarde de plus près.
Et puis, il y a eu William.
Je l'ai rencontré quelques jours avant mes vingt trois ans, et dans un premier temps, je n'ai vraiment pas prêter attention à lui. La première fois que je l'ai vu, je n'ai échangé que quelques mots avec lui pour enregistrer l'une de ses commandes. Quelques temps plus tard, il est revenu. Et trois jours après. Et encore trois jours après. Sans jamais que je ne me doute de rien. Il a fallu que ma patronne m'enfonce le coude dans les côtes pour me dire « il est vraiment pas mal celui-là » et que j'esquisse un petit sourire en disant « ouais, pas mal ».
Puis, il y a eut les conversations et finalement un cadeau devant la librairie, une fois. Un cadeau en rapport avec un bouquin de Sherlock Holmes dont nous avions discuté lui et moi. Une édition originale qu'il avait eu un mal fou à dénicher, et qu'il tenait à m'offrir. Avec en plus la demande d'un rendez-vous. Un premier rendez-vous. Sa lettre disait « un dîner, et si non, juste un café ». Dans le doute, j'ai accepté le café. Et le soir, j'ai demandé le dîner.
Nous nous sommes rendus compte ce jour-là que nous étions vraiment très différents. Deux caractères forts, deux parcours de vies très éloignés... Mais dès que j'ai appris à le connaître, j'ai appris à l'aimer. Même si c'était difficile à encaisser, à comprendre, pour moi. Même si ça n'avait aucun sens dans le fond et que je trouvais ça dingue, nous nous sommes mis ensemble. La première année a été faite de très bons moments et de disputes. La seconde dans la lignée de la première, en pire puisque nous avons emmenagé ensemble. Et dans la foulée, il m'a demandé en mariage. Et à partir de là, il n'y a plus eu de disputes comme toutes celles que nous avions avant. Plus de doutes. Juste une confiance limpide l'un envers l'autre. Il voulait être avec moi, et je voulais être avec lui.
Je me suis faite appelé madame O'Connell, et j'en étais tellement fière.
Puis en 2009, je suis tombée enceinte. C'était inattendu et parfaitement étrange. Nous n'avions pas de famille avec qui partager la nouvelle, mais des amis qui l'ont très bien accueilli. Et William a été l'homme le plus heureux du monde lorsque je lui annonçais ça. Moi ? J'étais morte d'inquiétude. Les neuf mois qui ont suivi la découverte ont été un enfer hormonal sans précédent. Heureusement que mon très cher anglais était d'une patience d'ange. Car le 15 avril 2010, Jane est née. Une véritable merveille que j'ai aimé immédiatement. Et quatre mois plus tard, rebelote. Un deuxième en route. Catherine, qui est venue au monde le 21 mai 2011.
Nous vivions bien. Nous étions heureux. C'était tout ce qui comptait. Nos deux filles grandissaient bien, nous envisagions éventuellement de remettre le couvert...
Et en un mois, plus rien n'a été pareil.
William travaillait beaucoup depuis quelques temps. Il partait tôt pour rentrer tard. Ça m'a posé question quand les informations ont commencé à passer des messages bizarres. Chaque matins, dans la voiture, j'avais l'habitude de les écouter d'une oreille distraite.
Parmi le quotidien, il y avait les disparitions. Et progressivement, on s'est mis à parler d'agression. Puis de morts. Puis de violence. De choses comme ça.
Notre quotidien n'a pas vraiment bouger durant la première semaine. Si les messages allaient crescendo dans la bizarrerie puis l'horreur, on faisait comme si de rien. Et puis un soir, William m'a demandé de ne pas amener les filles à l'école. Devant mon air troublé, on a parlé. Pour la première fois depuis presque dix ans de vie commune, on parlait de l'actualité, chose que nous ne faisions quasiment jamais. Le monde changeait. Il se métamorphosait. Comme un cancer qui le gangrenait et le rendait fou.
Le monde devenait dingue.
William me disait que c'était passager. Au fond, il espérait surtout que c'était le cas. « Passager ». ça devait revenir vite à la normale, parce que l'état fonctionnait toujours, gérait les choses, bref. En tout cas, c'était ce qu'ils disaient, clamaient, haut et fort. Il n'y avait pas de raisons de douter. Même si au fond, j'étais morte de trouille et de peur. Alors, soit. J'ai fait comme il a dit. Je lui faisais confiance, je croyais en lui. Je comprenais ce qu'il me disait à mi-mot.
Et durant une matinée, j'ai reçu un appel de William. Il me disait que des militaires allaient venir nous chercher dans l'heure, que je devais préparer nos valises, prendre le nécessaire, ne pas forcément trop me charger. Les filles m'ont aidé. Elles ont fait leur sac en prenant les jouets qu'elles préféraient. Et je leurs disais faire le nécessaire pour revenir chercher les autres si on ne rentrait pas très vite.
Et en effet, dans l'heure, deux hommes ont tapé à la porte de notre maison. Nous ont demandé de les suivre jusqu'à leur camion, où ils ont aidé mes filles à grimper et nous ont amené jusqu'au lycée Garfield.
Quand William nous y a retrouvé le soir, j'ai compris une chose : ça n'était pas prêt de s'arrêter. Et il faudrait désormais faire au mieux.
Parmi le quotidien, il y avait les disparitions. Et progressivement, on s'est mis à parler d'agression. Puis de morts. Puis de violence. De choses comme ça.
Notre quotidien n'a pas vraiment bouger durant la première semaine. Si les messages allaient crescendo dans la bizarrerie puis l'horreur, on faisait comme si de rien. Et puis un soir, William m'a demandé de ne pas amener les filles à l'école. Devant mon air troublé, on a parlé. Pour la première fois depuis presque dix ans de vie commune, on parlait de l'actualité, chose que nous ne faisions quasiment jamais. Le monde changeait. Il se métamorphosait. Comme un cancer qui le gangrenait et le rendait fou.
Le monde devenait dingue.
William me disait que c'était passager. Au fond, il espérait surtout que c'était le cas. « Passager ». ça devait revenir vite à la normale, parce que l'état fonctionnait toujours, gérait les choses, bref. En tout cas, c'était ce qu'ils disaient, clamaient, haut et fort. Il n'y avait pas de raisons de douter. Même si au fond, j'étais morte de trouille et de peur. Alors, soit. J'ai fait comme il a dit. Je lui faisais confiance, je croyais en lui. Je comprenais ce qu'il me disait à mi-mot.
Et durant une matinée, j'ai reçu un appel de William. Il me disait que des militaires allaient venir nous chercher dans l'heure, que je devais préparer nos valises, prendre le nécessaire, ne pas forcément trop me charger. Les filles m'ont aidé. Elles ont fait leur sac en prenant les jouets qu'elles préféraient. Et je leurs disais faire le nécessaire pour revenir chercher les autres si on ne rentrait pas très vite.
Et en effet, dans l'heure, deux hommes ont tapé à la porte de notre maison. Nous ont demandé de les suivre jusqu'à leur camion, où ils ont aidé mes filles à grimper et nous ont amené jusqu'au lycée Garfield.
Quand William nous y a retrouvé le soir, j'ai compris une chose : ça n'était pas prêt de s'arrêter. Et il faudrait désormais faire au mieux.
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