Une journée de boulot qui s'était déroulée comme les autres, à la différence près qu'environ un tiers de mes étudiants s'étaient mis aux abonnés absents et qu'un autre tiers était complètement ailleurs. Pouvais-je réellement leur reprocher cela ? Je n'étais moi-même pas au mieux de ma forme en considérant la situation actuelle. Toutes ces agressions et pillages, je commençais vraiment à me demander dans quel monde nous vivions. Qu'est-ce qui pouvait pousser ces gens à faire cela ? Nous n'avions pas vraiment eut d'informations quant aux menaces qui avaient surgis ci et là, alors peut-être que tout cela était simplement dû à une sorte de bande organisée qui avait décidé de terroriser l'Etat ?

    Je sortais donc de mon dernier cours et, après être repassé dans le bureau pour déposer deux trois papiers, je m’apprêtais à rejoindre William qui m'attendait probablement déjà dans un bar à une dizaine de minutes de l'université. Sur le chemin du parking, je voyais des gens traîner à droite à gauche, ils avaient l'air relativement méfiants et n'avaient de cesse de regarder sans arrêt à droite, à gauche, ou derrière eux. Un de mes élèves qui n'avait pas assisté au cours du jour passait par là et me salua en s'excusant de son absence. Le rassurant rapidement, je grimpais dans mon vieux Land Rover et me mit en route pour rejoindre mon ami que je n'avais pas vu depuis pratiquement deux semaines ; il était souvent occupé avec les récents événements et ne pouvait refuser les missions qu'on lui proposait. Je comprenais parfaitement cela et j'étais dans une humeur impatiente à l'idée de passer cette soirée avec lui.

    Arrivé sur place, je mis quelques minutes à trouver où garer mon véhicule puis rejoint à pas rapide l'établissement ; il ne faisait pas encore trop froid -il ne faisait jamais trop froid pour moi-, mais je n'avais pas spécialement envie de trop m'attarder à l'extérieur. Entrant dans le bar qui avait au final tout l'air d'un vieux pub irlandais, je ne pu m'empêcher de secouer la tête en souriant ; au final, ça ne m'étonnais pas vraiment. Le repérant dans la salle, je m'avance vers lui et lui serre l'épaule en passant, m'asseyant en face.

« Alors, on veut renouer avec l'autre côté de l'Atlantique ? Content de te voir ! »

    J'avais ponctué mes paroles d'un sourire sincère et avait rapidement oublié toutes ces questions qui me taraudaient l'esprit concernant la situation là-dehors. Il faisait bon à l'intérieur de l'établissement et la serveuse, une jeune femme qui devait bosser ici pour payer ses études, me salua chaleureusement en me demandant ce que je souhaitais ; voyant que William était déjà servis, je commandais un double Yellow Spot sans même prendre la peine de regarder la carte. Reportant mon attention sur lui, je lançais :

« Comment ça s'est passé ces derniers temps ? Pas trop dangereux ? J'imagine que Reese et les filles doivent être bien contentes que tu sois rentré. »

    Je ne savais pas si William allait rester là longtemps ou s'il repartirait je ne sais où rapidement, mais même quelques jours suffisaient à un homme pour se ressourcer auprès de sa famille.

    Je souriais à la remarque de William, pas mécontent de me retrouver dans un tel endroit. Au départ je m'étais dis qu'il serait peut-être plus judicieux d'éviter les bars et toutes sortes d'endroits où les gens perdaient vite les pédales et leur sang-froid, surtout au vu de ce qu'il se passait dehors, mais ici tout paraissait plus calme, le monde semblait tourner au ralenti, protégé de toute l'agressivité que l'on peut y trouver, et j'appréciais grandement de pouvoir finalement me détendre ici.

    J'écoutais attentivement William quand il me parla de son boulot, désireux d'avoir la moindre information sur ce qui se tramait réellement, mais il ne semblait pas en savoir plus que moi. Peut-être ses supérieurs ne souhaitaient-ils rien faire circuler pour le moment, pas même aux leurs. Nous n'avions donc qu'une seule chose à faire et c'était d'attendre que les choses se calment en espérant que nos familles n'en pâtissent pas.

    Il aborda justement ce sujet en répondant à ma question. Je hochais la tête, comprenant parfaitement la situation dans laquelle Reese et les filles étaient ; Christy était passée les voir quelques jours avant le retour de William et elles avaient selon elle longuement discuté de la situation. J'espérais sincèrement que le monde n'allait pas aller plus mal que cela, quelle vie aurait Jane et Catherine dans un environnement et un futur incertain ? Et même si mes fils étaient déjà grands et avaient déjà passé leur enfance, ce n'était une vie respectable pour personne.

« Christina n'est pas trop d'avis à ce Sven continue à loger à l'université, mais il maintient le fait qu'il n'a pas l'intention de s'arrêter de vivre ''pour si peu'' comme il dit. James ça a l'air d'aller, apparemment San Francisco est un peu plus calme pour le moment. »

    Ou peut-être avait-il simplement affirmé cela pour ne pas inquiéter sa mère ? Elle était du genre à se faire beaucoup de mouron pour ses enfants, ce qui était normal, et son aîné avait cette habitude de ne pas mettre ses soucis en avant lors de discussions. Je n'en savais par conséquent pas beaucoup plus pour le moment. Repensant au boulot, je poursuivis :

« C'est assez bizarre de faire cours, un grand nombre d'étudiants sont encore là mais on sent bien que leurs esprits sont ailleurs et que les agressions passées sont sur toutes les lèvres. Je continuerais certainement à faire cours même s'il finit par n'y en avoir qu'une dizaine, au moins ça changera un peu les idées. »

    J'étais comme ça, pas vraiment positif et ce depuis toujours, mais je ne supportais pas vraiment de rester les bras croisés à attendre que les choses passent. Il était pratiquement inimaginable pour moi de m'imaginer cloîtrer à la maison jusqu'à ce que la situation soit pleinement sécurisée ; rien qu'à l'idée d'y penser je me sentais comme un lion en cage. Remerciant la serveuse qui venait d'apporter mon Whisky, je portais le verre à mon nez pour en humer le parfum, avant de reprendre :

« Tu sais combien de temps tu vas rester ? Au vu de la situation ils pourraient te permettre de rester aux côtés de ta famille. »

    Je posais la question plus pour poursuivre la discussion que pour avoir une réelle réponse, bien conscient qu'au vu du poste de William, il n'était jamais certain du temps qu'il avait à passer dans tel ou tel endroit.