Un haut-le-cœur me souleva l'estomac lorsque je sentis l'odeur immonde qu'accompagnait toujours les choses. Je fermais un instant les yeux, me préparant à affronter la future vision d'horreur. Elles pourrissaient sur place et pourtant, elles continuaient à vouloir dévorer toute chose vivante passant à leur portée. Le nez et la bouche enfouis dans mon écharpe, j'observais la morte-vivante coincée sous une lourde échelle, incapable de détourner les yeux de ce triste spectacle. Elle ne grognait pas encore puisqu'elle ne m'avait pas repérée. Ces choses restaient vivantes alors qu'elles avaient l'air de souffrir affreusement. Au final, était-ce une malédiction ? Quelque chose d'ancien ayant pour objectif de nous faire souffrir continuellement, sans possibilité d'être délivrés par la mort ? Condamnés à ressentir une faim éternelle et insatiable alors même que notre enveloppe se désagrège sur place ?

Non... C'était un sort trop cruel et qui ne pouvait pas seulement toucher les « mauvais », sinon le monde était un endroit bien plus sombre que ce que je ne pensais.

Je rajustai mon sac sur mes épaules et repris mon chemin, détournant mon regard de cette pauvre... ancienne personne. Est-ce qu'elle se souvenait de sa vie ? Est-ce qu'elle était toujours plus ou moins consciente de ses agissements ? Non... Je ne pense pas. Lors des rares fois où j'ai pu les voir de vraiment près, les yeux de ces choses m'avaient parus complètement morts. Je ne comprenais pas comment ils faisaient pour pourtant continuer à voir. Ou peut-être était-ce leur odorat qui s'était considérablement développé pour pallier à cette défaillance ? Bah, pour être fixée, il faudrait que je fasse des tests, et je ne suis pas assez courageuse pour. Justin, en revanche... Il faudra que je lui soumette l'idée en rentrant.

Aujourd'hui, après m'être reposée durant deux jours entiers, je m'étais décidée à mettre le bout de mon nez à l'extérieur du quartier de Justin pour voir un peu dans quel état se trouvait la ville. Elle était méconnaissable. Mais cette sortie m'était nécessaire, j'avais besoin de voir les choses par moi-même, de me dire que la période de tranquillité était définitivement révolue. Alors je m'étais aventurée hors du quartier, silencieuse et attentive, me méfiant du moindre son. J'avais même poussé la témérité en entrant rapidement dans une boutique ou deux pour y chercher des possibles réserves alimentaires de plus. J'avais oublié à quel point la nourriture pouvait être vitale et la vie se charger de me le rappeler de façon un peu sadique. Je voulais aller voir le port, savoir si les gens ayant choisi des bateaux avaient, eux, réussi à quitter la ville avant l'enfer.

Mais à pieds, c'était tout de même sacrément loin en fait. J'avais marché toute la matinée pour y arriver, et le spectacle qui m'accueillit ne fut pas des plus réconfortants. J'y restais un moment, prenant sur moi, profitant au moins de l'air salé. J'allais commencer à rentrer sans plus traîner lorsqu'un mouvement rapide attira mon regard. Aussitôt, je cherchais un endroit en hauteur où me réfugier. Apercevant une autre échelle extérieure permettant de monter les étages d'un immeuble tout proche, je me précipitai là-bas et la remontai après moi, guettant la source du mouvement soudain. C'était trop rapide pour être une chose. Alors quoi ? Un autre survivant ? Ou une chose plus évoluée ? Oh, pitié, non, pas déjà... Les choses ne peuvent pas empirer aussi vite ! Apeurée, je sortis le couteau que je m'étais appropriée et attendis en silence du haut de mon point de vue. Certes, j'avais déjà vu d'autres survivants, il y avait donc de bonnes chances que c'en soit un également. Mais comme toujours, la prudence était de mise.

Mais dans le doute... J'étais à l'abri sur mon perchoir, je pouvais bien tenter d'attirer son attention. Je pars du principe qu'entre êtres humains, nous devons nous entraider. Je sortis de mon sac une lampe de poche et fis quelques appels lumineux, brefs mais répétés, avant de l'éteindre et de la ranger, guettant la moindre réaction à cette lumière soudaine. Je croisais les doigts pour que le possible survivant les interprète correctement.