Sommeil, le luxe d'une âme en paix
Mer 20 Avr 2016 - 18:09
Daryl était assis dans un coin du chalet, dans la salle principal, l’attention entièrement monopolisée par ce couteau qu’il aiguisait d’un mouvement souple et précis. Parfois, la lame lui renvoyait une image informe de son propre visage, ses traits tirés, sa peau pâle qui exacerbait ses deux poches bleuâtres sous ses yeux sombres. L’ensemble était à l’image de ses pensées: las mais durs.
Des semaines qu’il n’était plus qu’un fantôme à la station de ski. Une rare apparition. Il allait, il venait, partait parfois pour plusieurs jours ; revenait à peu près en forme, le plus souvent tenant à peine sur pieds. Le brun s’était enfermé dans une sorte de routine, nécessaire, qui hélas n’avait mené nulle part jusqu’à présent. Pour la simple raison qu’il était toujours rentré seul. Nulle trace d’Emily, d’Hope, de Kate ou de Joshua. La piste s’était arrêtée nette dans ce foutu bled au nord de Seattle, cette fois où il avait commencé les recherches avec Rose et Gary. Une belle paire, ces deux là.
Depuis, ses pérégrinations ne lui avaient apporté qu’une chose: la ferme conviction qu’il lui faudrait retourner tout l’état de Washington, malgré tout les obstacles qu’il allait avoir dans les pattes. Et Dieu sait qu’il en a rencontré: des vivants, comme des moins vivants.
Seulement, mieux valait cette vie, à marcher sur le fil d’un rasoir, qu’à rester entre ces épais murs de bois et regarder les aiguilles défiler sur le cadran de sa montre. Aussi dur soit-il, le rythme de vie que Daryl s’imposait lui permettait également de ne pas perdre les pédales. Plus de quelques heures à la station et le voilà qui ruminait encore et encore cette journée. Comment il avait perdu sa famille. Comment il n’avait rien pu faire. Comment il aurait du faire quelque chose. Mais la vérité, c’est qu’il avait agi comme un con. Comme d’habitude.
Ce soir donc, comme tout ceux qu’il passait ici pour souffler un peu, l’aîné Cooper en arrivait invariablement à cette même conclusion: c’était sa faute. Pas autant que ces enfoirés qui leur avait braqué une arme dessus, bien sûr ; encore que s’il ne foutait pas le camp sous peu, sans doute finirait-il par le penser pour de bon. Mais il avait du pain sur la planche, et un matériel à entretenir s’il voulait persévérer dans ses recherches.
Posant la pierre à aiguiser et la lame sur la table, il les troqua contre un verre rempli d’un liquide brunâtre qu’il porta à ses lèvres sans grande conviction. Ca ne lui aurait pas déplu de se saouler la gueule: mais il devait être le plus frais possible pour partir demain matin. Alors, ce verre, il comptait bien le savourer. Même si c’était un whisky bon marché, qui brûlait la gorge sans grande subtilité à chaque gorgée. Un vrai tord-boyaux, le seul d’ailleurs qui trônait encore dans le rayons "alcools forts" de l’épicerie qu’il avait visité ; comme s’il n’attendait que son illustre sauveur. Daryl avait pris la décision de le garder pour lui plutôt que l’ajouter aux réserves du chalet. Que quelqu’un s’essaye à le lui reprocher: nuls doutes qu’il allait être bien reçu.
De toute façon, vu l’heure avancée, il y avait de fortes chances qu’il soit le seul éveillé - mis à part ceux qui montaient la garde sur les balcons. Se satisfaisant pleinement de cette situation, il reposa le verre à moitié plein sur la table, se permettant enfin de se détendre dans le confortable canapé sur lequel il était assis. Demain serait - encore - une rude journée.
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