Everybody's changing

ft. Alex

Plusieurs jours étaient passés depuis que les civils s'étaient relevés contre les corps armés qui régissaient le bâtiment. La vie semblait peu à peu reprendre son court mais les blessures étaient encore trop récentes. Rares étaient ceux qui avaient été épargnés, les moins chanceux d'entre eux n'étaient plus de ce monde, quelques chanceux comme Rosaleen n'avait que des blessures légères. Son nez était encore un peu douloureux mais elle ne pouvait rien faire de plus, tout comme son éraflure au bras qui cicatrisait doucement. Elle tenait le coup physiquement, mais mentalement c'était tout autre chose, elle qui avait toujours su voir le positif en chaque situation, elle ne parvenait pas à mettre de côté ses croyances et à accepter les horreurs qui avaient été commises. La jeune femme en venait à se demander quand viendrait son tour et ces pensées atroces l'empêchaient de dormir convenablement la nuit. Elle s'était isolée sans demander son reste, ne croisant les autres que par nécessité comme pour aller par exemple au réfectoire. La rousse pourtant si avenante et positive évitait volontairement tout contact, la peur y était pour beaucoup ; s'ils n'avaient eu aucun scrupule à tuer tous ces hommes et à assener à leurs morts un coup de couteau dans le crâne, pourquoi en auraient-ils à se débarrasser d'elle ? Ils auraient beau lui dire le contraire, la galloise se rendait bien compte qu'elle n'était en rien utile ici, elle ne pouvait pas défendre le groupe et sa médecine alternative n'avait pas été suffisamment prouvée aux yeux des autres pour qu'ils la considèrent comme telle.

Sa crainte l'avait même poussé à éviter Ian, ou du moins se contenter des conversations d'usages quand elle le croisait au détour d'un couloir. Elle lui en voulait d'avoir tué ce militaire, certes sans cela elle serait certainement morte, mais était-ce une excuse valable ? Elle ne souhaitait pas que l'urgentiste soit accablé de mauvais karmas par sa faute, et s'en voulait tout autant de ne pas avoir pu faire quoi que ce soit. L'aurait-elle seulement voulu ? Quand bien même s'ils lui avaient fourré une arme en main qu'elle ne s'en serait servit sous aucun prétexte.

Mais malgré tout cela, Rosaleen ne pouvait aller contre sa nature profonde et s'était décidée à prendre sur elle pour s'impliquer un minimum dans la vie du groupe ; beaucoup d'entre eux s'attelaient à aménager des pièces, sécuriser les alentours, mais un bon nombre était blessé. Elle se doutait que ça devait être difficile à accepter, mais il était trop tard maintenant pour revenir en arrière et ceux qu'ils avaient perdus ne reviendraient plus ; le bûcher qui avait été fait suite à cela en était une preuve indéniable. La galloise passa autour de son épaule sa sacoche en bandoulière où elle avait rangé ses crèmes et pansements ; si elle devait aider elle le ferait, mais ils n'avaient pas intérêt à broncher quant à ''l'inefficacité de ses préparations'' ou ils n'auraient qu'à se débrouiller seuls.

Elle posa une main mal assurée sur la poignée de la porte de la pièce qu'elle avait investi et aménagée comme un petit sanctuaire. Prenant une profonde inspiration en fermant les yeux, elle poussa la clenche alors que son autre main serrait la lanière du sac. A peine sortie, Rosaleen se sentie comme étouffée par toutes les énergies qui régnaient ; un mélange de mort et une tension palpable. Mais elle devait essayer... au moins pour elle. Au bout de quelques pas, elle aperçut au détour d'un couloir Alex, elles s'étaient déjà parlé quelques fois -ou plutôt, Rosaleen avait parlé-, et elle s'était chargée de bander l'épaule de la femme après que Ian en ait extrait la balle qui s'y était logée. Elle s'engagea dans le couloir alors que la maître-chien croisait son regard. Levant une main légèrement tremblotante, elle s'avança vers elle en se demandant jusqu'à la dernière minute si elle n'aurait pas mieux fait de rester dans sa chambre jusqu'à ce qu'ils l'oublient, et qu'elle oublie elle-même tout ce qu'ils avaient fait et ce à quoi elle avait assisté. A quelques pas d'Alex, elle prit la parole d'une petite voix, tentant un sourire un peu nerveux.

« Bonjour Alex. Tu... Ton épaule, ça va ? »

A quoi bon demander si elle allait bien ? Après ce qui était arrivé, il faudrait plus de temps pour prétendre ''aller bien'', et la brune n'était de toute façon pas spécialement bavarde quand il s'agissait d'elle alors autant se contenter d'une discussion de surface. La galloise était prête à être à l'écoute, voire même à l'aider si elle pouvait faire quelque chose, mais elle n'avait pas spécialement envie de se fondre dans la masse, contre eux-tous elle ne pourrait rien faire.

Everybody's changing

ft. Alex

La galloise avait hoché la tête d'un air un peu désolé quand la brune la repris sur son prénom. Elle lui avait déjà dit plusieurs fois mais la rousse avait toujours eut du mal à appeler par un surnom une personne qu'elle ne connaissait pas vraiment, comme si cela était trop familier. Elle se sermonna cependant pour faire un effort, ne souhaitant pas agacer son aînée qui avait déjà l'air légèrement importunée par sa présence.

« Pardon, Lex. »

Elle avait retenté un petit sourire, mais ses yeux eux étaient à la fois vides et fuyants, elle ne savait plus où se mettre ; peut-être aurait-elle mieux fait de ne pas sortir de sa salle dans laquelle elle s'était établie finalement ? Baissant la tête pour cacher son trouble, elle étira nerveusement le bout des manches de son gilet. Qu'est-ce qui lui avait pris au juste ? Personne n'avait envie de parler après ce qu'il s'était passé, et elle ne se sentait de toute façon à l'aise avec personne ; elle n'avait même pas encore trouvé le courage de discuter avec Ian. La voix de la maître chien lui fit cependant relever la tête et elle entra dans la pièce d'un air un peu étonné, s'installant sur une chaise contre le mur. Sa question la surpris d'autant plus et elle laisse un instant son regard voyager entre la brune et le chiot calé sur ses genoux.

« Non en effet... »

Devait-elle lui parler ? Lui dire ce qu'elle avait sur le cœur ? La wiccan n'était pas certaine que ses états d'âme et ses craintes intéresse réellement sa camarade. Elle craignait plutôt qu'elle se mette à lui rire au nez ouvertement, allant crier au monde entier à quel point la galloise avec peur d'un quelconque complot envers elle, ou quoi que ce soit d'autre. Rosaleen aurait peut-être mieux fait d'aller voir quelqu'un dont elle était déjà proche ; bon elle ne se sentait pas prête à régler ses comptes avec Ian, ni même à affronter Ayden, mais pourquoi n'était-elle pas allée vers Sally ? Peut-être parce-que son amie avait autre chose à gérer que les tourments d'une ignorante. S'éclaircissant la voix, elle descendit le regard sur ses doigts qui trituraient toujours les manches.

« Je ne me sens pas très bien depuis que... Depuis ce qu'il s'est passé avec les militaires. »

Relevant son visage vers la brune avec une petite moue à la fois complètement perdue et légèrement en colère, elle serra les poings et prit son courage à deux mains, se devant de dire à quelqu'un ce qui lui pesait tant.

« J'ai peur que ça arrive, encore et encore, que quelqu'un vienne et fasse... Qu'il me mette une lame dans le crâne, comme à ces pauvres gens déjà morts... nos morts. »

Parce-que c'était bien ça le réel problème au fond, en plus de toutes ces vies qui avaient été prises alors qu'il y aurait forcément eut une autre solution, ils avaient encore été jusqu'à assener ce coup de couteau dans chaque crâne ; mais à quoi bon ? Pourquoi faisaient-ils ça ? Ne pouvaient-ils pas simplement laisser leurs morts en paix ? Rosaleen secoua la tête, se demandant à quels points étaient-ils prêts à aller, bafouer leurs défunts de la sorte... ce n'était pas acceptable. Quand bien même les militaires avaient fait des horreurs et agis en monstre, le respect de l'autre ne pouvait être ainsi mis de côté.
Elle respira bruyamment, relâchant un peu la pression de ses poings et fermant les yeux pour éloigner cette colère sourde.

« Je suis désolée, je ne veux pas t'importuner avec ça. »