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Cercle de la vie

Lun 4 Juil 2016 - 13:32

La pelle s’enfonça dans la terre meuble, arrachant l’essence même de la croute terrestre. D’un mouvement répétitif, le mineur balança le contenu de l’outil sur le monticule tout près du trou. Telle une machine parfaitement huilée, le géant au cœur lézardé de cicatrices fraîches et sanguinolentes creusait sans répit la dernière demeure de sa chère amie. Tout près il avait apporté de lourdes pierres pour en ériger un cairn de fortune. La bête inconsolable ne voulait qu’aucun charognard, bipède ou quadrupède, ne festoie sur la dépouille charnelle de la future mère. De celle qui aurait permis d’emmener un peu de lumière bienfaitrice dans ce monde plongée de plus en plus dans les ténèbres et la folie des hommes. Voilà le deuxième matin que le drame, la catastrophe s’étaient produits l’ellipse de la vie du clan de Robert. Cette période de paix toute relative ou le danger semblait si lointain. Et comme si cette époque de violence gratuite n’aimait aucunement les onces de joies et de bonheur éphémères, il se chargeait de déclencher un ouragan de carnage. Cette fois-ci le danger n’était pas les parodies de non-vie qui marchaient sans but sur les landes désertées de la vie pour trouver une pitance sanglante. La jalousie, l’envie et l’égoïsme avaient guidé les actes d’une bande d’hommes en maraudes qui ne voulaient que s’approprier les maigres ressources de la famille adoptive de Bobby. Au lieu de le tuer lui, pauvre être n’ayant aucune utilité dans ce monde dévaster, les assassins avaient jeter leur dévolu sur l’innocence même d’une mère et de la vie nouvelle qu’elle abritait en son sein. Personne ne l’aurait vraiment pleuré, aurait juré une vengeance envers un Dieu sourd de son peuple qui souffre. Il était un monstre et c’était son rôle de mourir pour permettre à ceux qui le méritaient de vivre. Et à cause de sa paresse, il avait décliné la proposition de l’ange d’ivoire de venir avec le trio à l’extérieur, Flann était morte. Sans nul doute que si le golem de chair avait été à l’extérieur, le tir fatal l’aurait choisi…

Jugeant que la profondeur de la tombe était correcte, la surface de la Terre lui arrivait à la hache, Robert jeta sa pelle hors du trou dans un mouvement de rage à peine contenu. Le teint livide, les traits atypiques n’ayant pas connu le repos depuis la soirée fatidique, l’homme difforme ressemblait à s’y méprendre à une abomination trainante et trébuchante. Se hissant un peu de la sépulture fraichement ouverte, le mineur s’assit lourdement pour laisser ses jambes pendre dans le vide. Sentant un poids rassurant dans son dos, une esquisse de sourire traversa les lèvres exsangues et étirées de la chose immonde. Frost le St-Bernard assez âgé du mineur venait de se coucher dans le dos vulnérable de son maître pour surveiller les alentours et aussi protéger la vie insignifiante du sosie de Frankenstein. Robert et le canidé partageaient la même obstination à protéger tout ce qui importait à leurs yeux. À la différence du massif quadrupède, Robert avait lamentablement échoué. Il n’avait pu qu’être une vigile solitaire assis près de la chambre de la petite famille déchirée. Breanna avait passé les deux nuits dans la chambre d’Aori et d’Arun pour les consoler. Elle avait fait ce que sa nature angélique et divine lui dictait. Elle donnait compassion, sollicitude et amour aux âmes en détresse. Pour sa part il avait passé une nuit entière entre les lits de Selene et d’Abigail. Le géant à l’âme si pur avait chanté pour apaiser la souffrance des cauchemars qui hantaient les songes des deux êtres célestes assoupis. Des fois il tenait la main de l’ange à la chevelure dorée et épongeait son front luisant de sueur. D’autres fois il prenait dans ses bras lors des réveils brutaux de sa sœur d’âme. La musicienne avait le visage déformé par la terreur nocturne et la bouche figée sur un cri d’horreur pur. Les bras réconfortants et la présence apaisante du colosse balafré semblaient rassurer les êtres purs endormis.

Il avait tant donné à sa famille que Bobby s’était encore oublié dans le processus de deuil. Des nuits blanches à faire le guet et veiller sur le sommeil agité de ses raisons de vivres aux dures journées de labeur entrecoupé de patrouille pour débusquer des dangers potentiels, le mastodonte à l’énergie inépuisable était rendu au bout du rouleau. Il travaillait pour ne pas laisser ses pensées vagabondes s’enliser dans l’horreur de la situation. Le géant à l’apparence de cauchemar ce devait être fort et d’être le soutient inflexible qu’il avait toujours été. Mais dans la pâleur de son regard océanique si pétillant habituellement, la détresse et la tristesse se partageaient farouchement les émotions de la bête si expressive. Alors qu’il était assis dans ce tordu où la douleur, la mort et la peine allaient prendre bientôt leur dû, le géant sentit les digues de ses paupières se fissurer. Dans un premier temps, des rigoles d’eau salées creusèrent des sillons dans la crasse accumulée sur le visage de granite à peine sculptée de l’homme aux muscles disproportionné. Toutefois, les larmes se transformèrent en ruisseau et gonflèrent ensuite en rivière qui inonda la chemise de Bobby. Celui-ci chuta la tête vers l’avant et enfouis son visage balafré de la cruauté humaine dans ses mains immenses et rugueuses. Les épaules formidables tressautèrent au rythme déchirant des sanglots qui ravagèrent l’âme et l’esprit du golem de chair. S’adressant alors de sa voix blanche et entrecoupée de reniflements et de respirations larmoyantes dues au chagrin, le colosse s’adressa à l’esprit de la défunte qui devait le juger responsable de sa fin prématurée.

Robert- Je m’excuse Flann… J’aurai voulu être là pour te protéger…

Essayant de reprendre une contenance des plus laborieuses, incapable par le poids épouvantable de la culpabilité qui écrasait le cœur émietté de la bête, Robert hochait la tête en signe de négation.

Robert- Pardonne-moi… Je m’en veux tellement…

Tout à sa détresse, le colosse endeuillé n’entendit aucunement les pas feutrés qui venaient dans sa direction. Dans son subconscient, il n’arrêtait pas de se rabaisser, de se qualifier de monstre incapable de tenir une promesse. D’être un idiot qui n’avait pas vu le danger se profiler à l’horizon, trop heureux d’être entouré par des gens formidables. De se dire que s’il n’avait pas croisé le chemin de la rousse, celle-ci serait encore vivante et surement à l’abri dans un lieu sécuritaire et non au milieu des dangers de cette forêt. Cet endroit que le mineur n’avait pas dératisé de toute présence hostile et qui venait d’enlever une vie innocente et précieuse à l’humanité…
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Re: Cercle de la vie

Lun 4 Juil 2016 - 15:46

L'humeur maussade, Gabriel avait l'impression de tourner en rond. Depuis la mort de Flann, plus rien ne semblait avoir le moindre intérêt et chaque fois qu'il essayait de se changer les idées, il croisait des regards emplis de chagrins qui le replongeaient dans une tristesse infinie. C'était comme un cercle sans fin. Assis dans le canapé, un livre idiot entre les mains, il lisait plusieurs fois les mêmes phrases sans les comprendre, l'esprit ailleurs. Dans la maison, un calme plat régnait, à tel point qu'au bout d'un moment, Gabriel capta les raclements de pelles provoquées par la création d'une tombe. La tombe de Flann. Sentant une nouvelle vague de chagrin déferler en lui, il referma violemment le livre qu'il n'arrivait de toute façon pas à lire et le jeta sans ménagement sur la table basse. Son chagrin, mêlé d'une colère passagère, allait finir par le consumer s'il ne se reprenait pas.

Se relevant, il inspira puis expira longuement comme pour essayer d'évacuer ce trop plein de sentiments. Puis, d'un pas plus lent qu'à l'ordinaire, il se dirigea vers l'extérieur. Lorsqu'il aperçu Bobby, le dos voûté et la pelle à ses côtés, il se dit que nul autre que lui n'aurait put être en train de creuser cette tombe. Connaissant le géant, il devait être complètement anéanti. Et pas seulement du fait que Flann était morte, mais également du fait qu'il se sentait toujours responsable de tout et de tout le monde. Son cœur d'or faisait de lui quelqu'un d'une sensibilité à fleur de peau. Il avait plus ou moins réussi à cerner sa personnalité et il se doutait qu'en cet instant, Bobby devait être au bord du gouffre.

S'approchant doucement de lui, il n'osa pas parler de peur de l’interrompre dans le fil de ses pensées. Au souvenir de la façon dont il avait entraîné à sa suite la horde de putréfiés qui les avaient attaqué il en eut la chair de poule. Comment pouvait-on se soucier si peu de sa propre sécurité ? En toute circonstance, il cherchait toujours à faire au mieux, non pas pour lui, mais toujours pour les autres. Une personne à ce point désintéressée et prompte à tendre la main ne méritait pas de subir l'assaut d'un tel chagrin. Plus que quiconque il méritait un peu de bonheur. Pourtant, il se retrouvait toujours lésé. Il donnait sans jamais vraiment recevoir et c'était d'une cruelle injustice.

Debout derrière Bobby, légèrement sur sa droite, Gabriel vint poser une main sur sa gigantesque épaule. Jamais il ne serait capable de le réconforter. Personne ne le pouvait vraiment. En plus, il n'était pas vraiment doué pour ça. Incapable d'exprimer ses condoléances à voix haute, il se contenta de lui tapoter l'épaule en silence. Debout devant le trou béant qui serait la dernière demeure de la défunte, il eut comme un vertige. Ils étaient si peu de chose. Retrouvant tout à coup l'usage de la parole, il parla à voix basse pour éviter que des trémolos ne viennent se glisser entre ses mots.
« Tu veux que je te dise ? » il avait les yeux rivés dans le fond du trou creusé par Bobby, fixant le vide, totalement absorbé par un souvenir qui ne cessait de le ronger.
« Le pire dans tout ça c'est qu'à un moment je me suis retrouvé devant l'une de ces ordures. Il agonisait et moi j'avais juste à l'achever. C'était même peut-être celui qui avait descendu Flann, j'en étais conscient. Et pourtant j'arrivais pas à me résoudre de le descendre. »

La mine sombre, la colère dessinant un rictus au coin de ses lèvres et fronçant ses sourcils il fixait toujours la tombe de Flann lorsqu'il poursuivit.
« Le truc, c'est que je ne m'en veux pas de ne pas avoir voulu le tuer... Je m'en veux d'avoir eu à le faire... »

Il ruminait ça depuis un long moment et d'avoir enfin put l'exprimer à voix haute, c'était comme si d'un seul coup il avait ôté de ses épaules une chape de plomb qui l’empêchait de réfléchir clairement. Il n'aimait déjà pas de devoir achever les putréfiés, mais alors tuer une personne vivante de sang froid ! C'était trop lui demander. Et même si ça avait été le meurtrier de Flann qu'il avait au bout du canon, il n'aurait pas du avoir à faire ça. Ce monde était en train de le transformer, et il refusait d'aller dans ce sens.
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Re: Cercle de la vie

Mar 5 Juil 2016 - 19:55

C'était dur d'admettre qu'ils avaient perdu. Ils avaient perdu leur pari, celui de vivre en paix dans ce monde. La réalité, brutalement, cruellement, leur avait éclaté à la gueule et ils avaient perdu celle qui était synonyme d'espoir ici et d’innocence. Flann portait un enfant et rien de plus atroce ne pouvait être fait dans cet enfer que d'abattre un enfant et sa mère. Évidemment, les assaillants n'étaient sûrement pas au courant. Le ventre de la jeune femme était légèrement arrondi, mais il ne se voyait pas tellement, et surtout pas d'aussi loin. Cependant, Abigail ne pouvait oublier cet acte. Si l'attaque était déjà révoltante, le meurtre de Flann et du bébé l'était plus encore et elle passerait le restant de sa vie à haïr ceux qui avaient fait tant de mal.

Deux jours s'étaient écoulés. Deux jours qui lui avaient semblé une éternité. Un silence pesant régnait entre eux. Personne ne semblait se remettre de la perte de Flann et de l'attaque. Et surtout pas Abi. La journée, elle feignait l'action. Elle ne restait jamais inactive, remplaçant parfois Breann qui s'occupait avec brio d'Arun et Aori sous le choc. Elle s'occupait de la maison, cueillait, chassait parfois. Elle ne pouvait pas restée inactive et remuer sans cesse ou elle deviendrait folle. Sa meilleure défense était celle-ci : ne plus y penser. Du moins, le moins possible. Mais la nuit, tout lui revenait plus violent, plus sanglant. Elle revivait sans cesse la scène, parfois son imagination rajoutait certaines séquences pires encore. Elle suait, gémissait, tournait dans son sommeil. Elle dormait mal. Mais elle ne se plaignait pas. Selene et Bobby ne lui parlèrent pas de ses cauchemars et elle ne parlait pas des leurs, parce qu'ils savaient tous qu'il était inultile d'enfoncer le couteau dans la plaie. Les rêves étaient leur exutoire, leur jardin secret et Abigail tenait particulièrement à ce que chaque image et chaque cri nocturnes restent en elle. Elle ne souhaitait pas partager sa souffrance.

Ce matin-là, à l'aube, elle sortit de la maison pour se rendre dans la forêt récupérer les proies prisent dans ses pièges posés la veille. Elle avait pris un panier en osier trouvé dans le chalet ainsi que la machette. L'attaque avait attiré les morts et ils étaient beaucoup plus nombreux qu'avant. Abi avait pris soin de dissimuler le plus possible les pièges afin que ce qu'elle avait attrapé ne soit pas dévoré par ces Hommes revenus de l'enfer. La machette tenu fermement dans sa main droite en cas d'attaque, elle s'enfonça entre les arbres. Elle se faufilait, tentant d'être la plus discrète possible. Sur les six pièges qu'elle avait disposé, seuls quatre avaient attrapé quelque chose. Sur les quatre un renard avait été presque entièrement dévoré par un mort. Abi retira le cadavre de l'animal et le jeta le plus loin possible. Elle récupéra le piège et continua sa route. Les trois autres animaux étaient intactes. Elle récupéra un lapin (pas bien gros), un écureuil et un hérisson. Elle grimaça légèrement devant le butin pu encourageant mais elle mit le tout, ainsi que les pièges, dans son panier et retourna au chalet en évitant discrètement deux morts.

Elle déposa le panier dans la cuisine et Breann lui annonça qu'elle s'en occuperait. Abi se contenta de hôcher la tête, sans lui accorder un regard ou un mot. Elle n'aimait pas tellement la jeune femme et elle ne faisait plus d'efforts pour cacher son animosité. Elle retourna dehors, parce qu'elle ne supportait pas d'être enfermée dans la maison où elle avait dû tirer une balle de la tête de la future mère. Sur le sol du salon, des traces de sang ne voulaient pas s'effacer. Comme pour leur rappeler sans cesse qu'ils avaient perdu, que tout était instable, que l'innocence avait payé leur hybris. Une fois de nouveau à l'extérieur, elle vit Bobby accompagné de Gabriel. Elle savait que le géant creusait la tombe de la défunte et elle savait qu'il avait voulu être seul pour creuser. Mais à présent, il semblait avoir terminé. Alors lentement, elle se dirigea vers les deux hommes.

Lorsqu'elle arriva à leur hauteur, elle entendit Gabriel parler et, sans sen cacher, elle écouta ce qu'il disait. Au fond d'elle, une voix hurlait qu'il aurait dû, qu'il ne fallait pas. Mais elle resta silencieuse. Gabriel portait bien son nom. Il était un ange incorruptible. Pas comme elle. Toujours silencieuse, elle vint s'installer de l'autre côté de Bobby et remarqua ses larmes. Sans prononcer un mot, elle essuya les perles salées sur la joues de son ami.

« Ne pleure pas. » lui dit-elle doucement. « Ce ne se reproduira plus. On ne laissera plus jamais personne nous faire du mal. Plus personne ne paiera la violence du monde. Je vous le promets. » Elle baissa les yeux vers le trou et pendant un instant, elle eut envie d'y aller à son tour. Elle aussi voulait une tombe, un endroit frais, où elle se reposerait pour l'éternité, où elle oublierait tout ça. Elle aussi parfois voulait mourir. Mais elle se le refusait. Pas tant qu'ils n'étaient pas tous en sécurité et qu'elle ne s'était pas vengé. Puis elle leva le regard et regarda un instant Gabriel. « Non, tu nous as protégé. Tu devrai être fier. » répondit-elle doucement. C'était sa façon à elle de lui dire merci d'être reparti sauver Selene, d'être reparti les sauver tous.
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Re: Cercle de la vie

Mer 6 Juil 2016 - 14:10

La pathétique créature difforme n’était qu’une masse de ressentiment à peine contenu. La rage, la tristesse et la honte d’avoir survécu rongeaient l’âme pure du mineur. Une main se posa alors sur son épaule affaissée. Le géant de fer pivota un peu sa tête en forme d’œuf vers le propriétaire de cette compassion à l’état pur. Il vit Gabriel tout près de lui. Un mince sourire, une fragile apparence d’humanité qui étaient trahis par la détresse des yeux océanique du mastodonte affreux. L’ouïe amoindrie du colosse capta la cascade de paroles de l’homme de lettres. Mais au-delà des mots, des syllabes, l’empathique créature capta davantage. Un maelström d’émotion semblait surgir de l’aura de bienveillance de l’être si doux. De la peine en majorité avec résidus de colère et d’incompréhension. L’esprit lent de la chose comprenait parfaitement le dégoût de l’homme de prendre une vie. Il laissa les dernières larmes couler librement et sans honte sur son visage de granite à peine ciselé. La bête était aussi triste que les pierres et il hocha la tête pour signifier qu’il avait compris l’essentiel du discours de l’homme. Mais un acte de générosité, d’une douceur et de compassion le priva de toutes libertés d’action.

Des mains douces commencèrent à assécher les torrents qui coulaient des yeux larmoyants de Robert. Des mains qui ne pouvaient qu’appartenir à un ange. Relevant le regard vers l’ange de la compassion, la gorge du mastodonte se serra. Abigail était tellement belle, un être divin dans toute sa splendeur. Elle aurait pu guérir tous les maux de la terre avec un simple sourire. Pour l’être si souvent rejeté, il ne comprenait pas l’affection que lui portait la divine apparition. À vrai dire, le géant depuis que Breann l’avait rejeté, croyait de plus en plus qu’il devrait partir loin de ceux qu’il croyait sa famille. Il n’apportait que problèmes et avec la tragédie qui venait de se produire, la poisse purs et simples. Lisant la souffrance dans l’âme de celle qui avait tellement fait pour lui, le regard bleuté de la chose s’assombrit totalement. Après la mort de ses anges, il avait eu trop longtemps ce regard lointain et fataliste. Elle avait la mort dans l’âme et c’était en partie de la faute du géant difforme. Si ce dernier avait été debout, Juliane et Ziggy n’auraient jamais osé faire l’acte terrible qu’ils ont commis. L’Irlandaise aurait encore ce sourire qui faisait tant chavirer le colosse, qui lui donnait l’impression d’être un homme et non un être abject et repoussant. Mieux encore s’il était mort avec sa famille, Flann avait eu la vie sauve et le reste de sa famille d’adoption est en sécurité.

Soupirant tout doucement, la tête pleine de reproches envers sa grotesque personne, Robert se releva. Baissant son regard vers les deux êtres qui avaient donné de leur temps et de leur sympathie pour le golem de chair qui ne méritait aucunement leur grâce, Bobby prit une main de chacun dans ses poings immenses et rugueux. Laissant rouler ses pouces sur la délicatesse de leur peau, une lueur de sollicitude et de compassion traversa les océans tumultueux de ses iris. Habituellement le monstre de foire n’aurait jamais osé faire ce geste, déformer les auras de perfections de ces envoyés divins avec son contact disgracieux. Mais pour une des rares fois, il avait besoin de toucher les gens. De sentir une once d’humanité dans cet univers de folie et de violence. Comme d’habitude, l’empathique créature venait de se jeter à corps perdu pour soulager la souffrance d’autrui en se négligeant totalement. Comme une éponge, il aspira les ondes négatives chez Abigail et Gabriel. Les pensées qui devaient les torturer. Il fit usage de sa bonté d’âme, de son apaisement qui puisait dans son for intérieur. Il donnerait sa vie, son âme et tout ce qu’il possédait pour cette famille qui était si bonne pour l’erreur de la nature. Essayant de parler, la voix du géant était blanche par l’émotion, les mots furent saupoudrés de gentillesse et de sincérité.

Robert- Vous êtes si gentils tous les deux… Euh… De belles âmes. J’aurai tellement voulu en faire plus.

Pour le mastodonte à l’armure de chaire rapiécé, entrainer à sa suite une masse putride de cannibales morts-vivants n’était rien à ce que les autres membres du clan avaient accompli lors de cette soirée où le malheur avait frappé. Harold et Selene avaient plongé dans les ténèbres pour affronter les tireurs. Gabriel et Abigail avaient risqué leur vie pour Robert, ce résidu de lie de l’humanité qui ne valait même pas un regard de leur part. Breann avait recueilli et déployé sa gentillesse divine pour soulager la souffrance de la famille de Flann. L’Irlandaise avait fait un acte de charité et de courage admirable pour empêcher Aori de vivre les atrocités qu’elle avait vécues elle-même. Pour sa part, il avait creusé un trou. Autant dire qu’il n’avait rien fait. Toutes ses actions, que ce soient les nuits blanches, le dernier carré contre la multitude de goules ou êtres simplement là pour tous était naturel pour le géant au cœur d’or, mais couvert de cicatrices. C’était dans sa nature de dispenser le bien autour de lui sans s’en en apercevoir.

Robert- Gaby je sais ce que tu veux dire… Euh… Pardon tu n’aura pas dû faire ça… Euh… Si j’aurai été là je l’aurai fait pour toi tu sais. Merci d’avoir été là pour nous protéger…


Plongeant son regard si débordant d’affection et de tendresse dans les iris si semblables aux siennes, le colosse fit une ébauche de sourire. Un geste si anodin habituellement pour le commun des mortels, mais qui prenait toute son importance dans ces moments douloureux. Les gens qui croisaient le sourire du colosse pouvaient apercevoir la véritable beauté du géant balafré. Une humanité et une bonté d’âme si rare qu’elle était maintenant précieuse. Le ton rauque et trainant de la bête avait repris ses droits, mais les mots poussée par la gorge inhumaine n’était que douceur.

Robert- Je sais que plus rien de méchant va venir… Euh… On est tous ensemble. Je vais aussi tout faire pour rien ne t’arrive… Euh… Je t’ai retrouvé et maintenant plus rien ne va nous séparer si tu veux… Euh…

Se rendant compte de la portée de sa déclaration qui s’était échappée de son cœur pour filer par ses lèvres sans consulter son esprit lent et dérisoire, les joues du monstre de foire rougirent violemment. Tout à sa gêne, il laissa les mains des êtres de lumières s’échapper de leurs contacts répugnants. Avalant sa salive pour s’éclairer la gorge et baissant son regard de honte devant la révélation qu’il allait dire, le colosse se mit à se dandiner d’un pied à l’autre.

Robert- Flann n’aurait pas dû se faire tirer, dessus vous savez… Euh… Ça aurait dû être moi.

Laissant planer un silence pesant pendant quelques fractions de secondes, Robert essaya de reprendre une contenance. C’était le temps nécessaire pour assembler ses pensées vagabondes qui s’éloignèrent à tout vent. Respirant doucement, la bête se lança dans une explication incertaine et tortueuse.

Robert- Elle m’avait demandé de sortir avec elle, ma sœur et Aori pour regarder les pièges… Euh… J’étais fatiguer j’avais travailler toute la journée dans les bois vous savez… Euh… J’ai voulu me lever, mais elle a dit non de rester assis. J’ai été paresseux… Euh… J’aurai dû la suivre… Euh… Les méchants auraient tiré sur moi… Euh… Mons… Euh… Non pas ce mot. Menace pour eux…


Pointant différente partie de son torse large comme une barrique, des cicatrices circulaires des différents projectiles létales qui l’avaient percuté trop souvent à son tour, le géant s’expliqua maladroitement.

Robert- J’ai eu souvent des balles sur moi… Euh… Habitué. Flann sera encore en vie. Elle était importante pour tous. Comme toi Gabriel et toi aussi Abigail. Comme Selene, Harold, Breann, Aori et Arun. Tous important … Euh… Moi j’aurai encaissé…

Le monstre de foire avait délibérément tais son nom de la liste, car il ne croyait aucunement qu’il devait survivre. Pourquoi un ange devait mourir alors qu’un monstre devait vivre? Ça n’avait aucun sens pour la bête dépassée. Ramenant ses mains immenses au toucher ingrat l’une sur l’autre pour commencer à les tordre, le géant au cœur émietté ne savait plus quoi pensé…
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Re: Cercle de la vie

Dim 10 Juil 2016 - 9:37

Alors qu'il cherchait un moyen de ne plus penser au fardeau moral qu'il traînait depuis l'attaque, Abi surgit de nulle pour venir consoler le géant en larme. Sa promesse était douce et avait pour but d'apaiser le cœur de Bobby. Mais au fond de lui, Gabriel savait pertinemment que ce n'était qu'une promesse en l'air. Ils ne seraient jamais vraiment en sécurité. Nul part. Jamais...
Tout ce qu'ils pouvaient faire, tout ce qu'ils pouvaient se promettre les uns les autres, c'était de se protéger mutuellement et de toujours faire le maximum pour que le pire soit évité. À part ça, ils ne pouvaient que subir les intempéries.
Lorsque la jeune femme s'adressa à lui, il ne répondit rien, se contentant d'afficher un sourire cynique tout en continuant de fixer le fond du trou. Il n'avait rien protégé du tout. Il s'était contenté de faire ce qu'il pouvait et lorsqu'il lui avait fallu achever l'un de leurs assaillant, il avait hésité. S'il avait eu le choix, il aurait peut-être même tout fait pour le garder en vie... Ou pas. Il ne saurait jamais ce qu'il aurait fait puisqu'un putréfié avait débarqué. Finalement, il ne lui avait tiré dans la tête que pour lui éviter une mort des plus douloureuses. Il lui avait rendu service en somme. Alors non, il n'était pas vraiment fier de lui. Il n'y avait aucune fierté à avoir à achever un mourant.

Bobby lui saisi alors la main. Il y avait tellement de douceur dans ce geste qui aurait pourtant put être si brutal avec la force dont il disposait. Esquissant un début de sourire, Gabriel accepta le compliment. Mais voilà qu'il recommença à s'auto-flageller. Comment diable aurait-il put en faire plus ? Il s'était jeté à corps perdu dans les bois pour entraîner les morts loin de sa famille. En faire plus aurait signifié se sacrifier au point d'en perdre la vie. Était-ce là qu'il voulait en venir ? Tenait-il donc si peu à la vie ? Avait-il donc si peu d'estime pour lui-même ?

N’émettant aucun commentaire, il le laissa poursuivre et ce qu'il avait imaginé se confirma bel et bien. Sentant la main du géant se rétracter, il l'entendit annoncer sans aucun détour qu'il aurait préféré mourir à la place de Flann... Sentant un mélange de pitié et de colère monter en lui, il profita du silence pour rassembler ses idées. Bobby enchaîna et la colère se déchaîna chez l'instituteur. Comment pouvait-il se rabaisser à ce point ?! Ça le mettait hors de lui. Croisant soudain les bras, les sourcils froncés et tout sourire envolé, il laissa sortir ce qu'il avait sur le cœur.

« Non mais tu t'entends un peu ?! » Le regardant droit dans les yeux, il avait le genre d'expression qu'il prenait lorsqu'il faisait la morale un l'un de ses élèves ; ni trop sévère, ni trop doux.
« Quand est-ce que tu vas comprendre que ta vie n'a pas moins d'importance que celle des autres ? Alors oui, tu n'as pas un physique ordinaire. Oui, tu mets du temps à comprendre certaines choses. Et oui tu aurais peut-être put encaisser une balle de plus. Mais peut-être pas. Et sans toi hier soir je peux te garantir que Flann serait morte de toute façon, de même que nous tous parce qu'on aurait été submergés par les morts ! »
Haussant un peu le ton il se montra plus dur que ce qu'il aurait voulu. Mais être gentil avec Bobby n'était peut-être pas lui rendre service aujourd'hui. Il avait besoin de se faire un peu secouer.
« Il faut que tu arrêtes de vouloir te sacrifier sans cesse ! Parce qu'un de ces jours, tu vas vraiment finir par te faire tuer. Et à ce moment, comment tu feras pour sauver ceux que tu aimes ? Hein ? Dis-le moi un peu ! »
Décroisant les bras, il enfonça un peu son index dans le bras de celui qu'il considérait comme un ami et un élève qui avait besoin de se faire remettre les points sur les I.
« Reste en vie aujourd'hui si tu veux te battre demain. Garde ça en tête la prochaine fois que tu as envie de jouer les martyres ! »

Sa colère diminuant peu à peu, il s'en voulu presque d'avoir ainsi haussé le ton sur Bobby. Lui qui n'était que gentillesse et douceur. Mais il ne supportait plus de le voir aussi abattu pour de mauvaises raisons. Essayant d'afficher un pauvre sourire au coin de ses lèvres, il ajouta pour ne pas conclure sur une note trop négative ;
« On est une famille Bobby. Ça signifie que chaque personne qui la compose, toi y compris, est essentielle. Ne te dévalorise jamais. »

Dans un sens, il comprenait le point de vue du géant. Quand on tenait à une personne, on préférait mourir que de la voir partir ainsi. Mais d'un autre côté, en restant en vie, on pouvait venir en aide à ceux qui en avaient besoin. Dans tous les cas, c'était idiot de se morfondre en culpabilité et en regrets. Ce qui était fait n'était plus à refaire. On ne pouvait en aucun cas revenir sur le passé. Alors à quoi bon s'encombrer de remords ? Il fallait aller de l'avant et réparer ses erreurs commises. Apprendre du passé pour construire l'avenir. C'était ce dont il voulait se convaincre. Alors pourquoi ne cessait-il de repenser à ce type rampant à ses pieds ? Pourquoi ne cessait-il de s'inventer des dizaines de scénarios différents dans le seul espoir de laver sa conscience ? C'était si facile de prodiguer des conseils, de guider les autres. Mais appliquer ses propres recommandations, c'était une autre histoire.
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Re: Cercle de la vie

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