Les souffrances de l'aurore
Ven 29 Juil 2016 - 17:13
29 juillet 2016
L’aurore était magnifique. Depuis le phare, les lueurs rouge et orange du soleil se reflétaient sur la mer, la drapant d’une parure de bijoux colorés. Même aujourd’hui, des tas de gens auraient payé cher pour cette vue somptueuse, sublimée par le silence irréel qui régnait, exception faite du clapotis des vagues contre les rochers en contrebas. Mais Selene était ailleurs. La carabine posée contre la rambarde, le dos tourné à la route, elle essayait de s’évader vers l’étendu d’eau qui s’étirait à l’horizon.
Ça devait faire une ou deux heures qu’elle avait réussi à envoyer Gabriel se coucher, contre son gré. Le pauvre… même lorsqu’elle essayait de le faire fuir, il était là. Il le lui avait promis, plusieurs fois, mais ses mots avaient le don de la prendre à la gorge et de lui arracher le cœur. La musicienne le savait, le sentait : désormais, elle n’était plus assez bien pour lui. Souillée, humiliée, elle était tout juste bonne à rester plantée sur ce phare à compter les instants qui s’égrenaient. Sa présence lui était aussi douloureuse qu’indispensable. Parce que dès qu’il s’en allait, la peur revenait. Viscérale et surnaturelle. La terreur, mais surtout cette voix, ancrée dans son crâne, qui ne se taisait presque plus.
Dix jours. C’était la première fois qu’elle comptait les jours depuis le début de l’épidémie, alors elle en était certaine. Son corps était là, mais son esprit gisait toujours à Tacoma, dans ce centre de hockey. Dix jours… aujourd’hui, elle avait failli flancher. Sous l’insistance de son petit ami, quelque chose s’était allumé. Une flammèche. Il lui disait de venir se coucher, dans leur chambre. Juste dormir, il ne la toucherait pas. Selene savait qu’il ne le ferait pas, mais au moment de passer la porte, une vague de nausée l’avait assailli. Elle ne pouvait pas… c’était fini. Elle avait tout gâché. Alors elle lui avait souri, lui avait promis de le rejoindre « dans cinq minutes ». Mais bien entendu, elle n’était jamais descendue…
La pianiste se sentait mieux en haut du phare. Seule avec son insomnie, avec ses démons, avec les échos qui meurtrissaient sa chair. Le bilan avait été rapide une fois revenue : quasiment tout son corps était marbré de bleus et d’hématomes. La plupart n’avait pas encore disparu. Une main spectrale, violet clair, étranglait toujours son cou gracile et autour de ses poignets, on décelait encore les marques de la ceinture qui l’avait attachée. Le reste, les autres ne pouvaient pas le voir. Même pas Aori et pourtant… elle aurait eu besoin de son aide. Son intimité cicatrisait très lentement, ça lui faisait un mal de chien au début et jusqu’à maintenant, ce n’était pas près d’être fini.
La pianiste n’avait jamais semblé si mal, même du temps où elle errait dans Seattle. Son teint était maladif, presque gris, ses yeux ternis et cernés, ses lèvres gercées, ses joues commençaient à se creuser. Elle devenait un fantôme. C’était ça, un fantôme, parce que ce mec l’avait tuée. La guerrière, la déesse, l’ange déchu… elle ne trouvait même pas la force de le haïr. Elle était une poupée brisée, figée dans le temps, condamnée à regarder les choses lui échapper.
Et combien de temps avant qu’ils te jettent dehors ? … Voyons, tu le sais bien. Pourquoi il te garderait ? … Qui veut se faire diriger par une catin ?...
…T’as eu ce que tu méritais… tu aurais dû le tuer…
Et Gabriel… il doit être dégouté rien qu’à te regarder, tu ne crois p-
…T’as eu ce que tu méritais… tu aurais dû le tuer…
Et Gabriel… il doit être dégouté rien qu’à te regarder, tu ne crois p-
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Elle fit volte face pour parler à la chimère qui la suivait partout désormais. Cette image, mi-ombre/mi-reflet, sans visage. Personnification des murmures cruels qui se tissaient en continue dans sa tête. Selene ne réalisait même plus qu’il s’agissait d’une illusion. Elle perdait complètement pied entre la réalité et l’imaginaire…
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Quelque chose apparut au coin de son œil. La musicienne tourna si vite la tête qu’elle eut l’impression qu’elle allait s’arracher, trop lourde pour son cou frêle. Il y avait quelqu’un ! Comment c’était possible qu’une personne arrive jusque sur le phare sans que quelqu’un ne l’ait vu ? Ils étaient attaqués ?! Les choses se remettaient en place. Les protéger ! Elle devait les protéger. Alors elle attrapa son fusil, pivota souplement et mit en joue l’intrus, le canon pointé sur sa poitrine. Ce ne fut que quand elle allait appuyer sur la détente que l’étudiante reconnut cette crinière blonde et ces yeux azur. Un électrochoc, et elle revint dans le monde réel. Lourdement.
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Re: Les souffrances de l'aurore
Ven 29 Juil 2016 - 20:50
Les yeux grands ouverts elle fixait le plafond. Le silence régnait et ça l'angoissait. Tout l'angoissait. Cela faisait plusieurs heures qu'allongée dans son lit, assaillie par ses pensées, elle ne bougeait plus, fixant inlassablement la pénombre. Elle pensait à sa sœur, à Jonah, à cette gamine, et puis à Selene. Depuis quelques jours, elle vivait dans l'angoisse. L'angoisse d'avoir laissé sa sœur, à deux heures d'ici, se débattre pathétiquement sur le sol du local à poubelle. L'angoisse de la violence de Jonah, de ses représailles et de ne pas pouvoir répondre à ses commandements. L'angoisse d'avoir laissé ce malade tuer cette gamine, sous ses yeux, ne pas avoir su contrôler. L'angoisse de perdre Selene.
Le soleil se levait lentement et c'est à cet instant qu'Abigail décida de se lever de son lit. Elle quitta la chambre en tentant de faire le moindre bruit possible. Elle sortit du bâtiment, histoire de respirer l'air frais. Vêtue seulement d'un débardeur blanc et d'un short noir en tissus, elle sentait la brise du matin lui caressait doucement sa peau sèche. Ca lui faisait un bien fou. Elle se sentait un peu mieux, pendant que les premiers rayons du soleil réchauffaient son visage et que l'odeur salée de la mer lui chatouillait les narines. L'endroit respirait la plénitude, alors que la tempête régnait dans l'âme de la jeune femme.
Instinctivement, elle leva les yeux vers le phare. Elle devina la silhouette frêle de Selene. Hier soir c'était déjà elle qui tournait là haut. Abi soupira. Il était temps qu'elle lui parle. Elle avait voulu lui laisser les jours passés, espérant peut être que Selene irait mieux d'elle même... Mais rien ne s'était arrangé. Plus les jours passaient, plus Selene s'enfermait. Abi n'avait pas voulu la brusquer, elle n'avait pas voulu remuer ce qui la rendait ainsi. Mais elle voulait l'aider. Alors lentement, elle monta les marches qui menaient en hait du phare. La voix de Selene s'élevait. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle disait, mais de toute évidence, elle n'était pas seule.
Abigail décida tout de même de rejoindre Selene et la mystérieuse personne. Si elle aurait parié sur Gabriel, lorsqu'elle arriva près de la brune, elle remarqua qu'elle était seule. Elle avait braqué le canon du fusil sur l'Irlandaise, surprise dans ses tourments. Abi s'approcha, afin que le soleil n'éblouisse plus les yeux de Selene. « C'est moi. » répondit-elle doucement dans un léger sourire. Elle ne lui demanda pas à qui elle parlait. Abi connaissait l'existence des voix. Son amie lui en avait parlé.
Silencieuse, elle se posa contre la rambarde, les avant bras appuyés sur le fer. Elle ne parla pas immédiatement. Elle voulait d'abord que Selene s'habitue à sa présence car depuis des jours elle n'avait plus vraiment été en contact avec personne. Alors elle ne voulait pas la brusquer. Elle posa enfin les yeux sur la musicienne. Elle ne faisait toujours pas à l'image que cette dernière renvoyait. Elle était l'ombre de celle qu'elle avait connu jusqu'à présent. Elle sentit son cœur se serrer et sa gorge se nouer. Elle voulait l'aider. Tellement. Lui hurler qu'elle lui revienne. Elle était sa meilleure amie, sa sœur, la seule sur qui elle pouvait compter, la seule qui la comprenait.
« C'est beau les matins ici. » lança-t-elle doucement. Elle devait briser la distance imposée, avant de comprendre, avant de même essayer de comprendre. « J'essaierai d'aller pêcher un jour. On pourrait, tu sais, faire un petit barbecue. » Elle lui sourit, plus intensément cette fois. Mais approcher Selene, même pour elle, allait être plus compliqué que ce qu'elle avait prévu. Tant pis. Elle irait doucement mais sûrement. Elle l'aiderait. Elle comprendrait ce qu'il s'est passé et son amie en reviendra plus forte que jamais. Elle renaîtra de ses cendres.
Le soleil se levait lentement et c'est à cet instant qu'Abigail décida de se lever de son lit. Elle quitta la chambre en tentant de faire le moindre bruit possible. Elle sortit du bâtiment, histoire de respirer l'air frais. Vêtue seulement d'un débardeur blanc et d'un short noir en tissus, elle sentait la brise du matin lui caressait doucement sa peau sèche. Ca lui faisait un bien fou. Elle se sentait un peu mieux, pendant que les premiers rayons du soleil réchauffaient son visage et que l'odeur salée de la mer lui chatouillait les narines. L'endroit respirait la plénitude, alors que la tempête régnait dans l'âme de la jeune femme.
Instinctivement, elle leva les yeux vers le phare. Elle devina la silhouette frêle de Selene. Hier soir c'était déjà elle qui tournait là haut. Abi soupira. Il était temps qu'elle lui parle. Elle avait voulu lui laisser les jours passés, espérant peut être que Selene irait mieux d'elle même... Mais rien ne s'était arrangé. Plus les jours passaient, plus Selene s'enfermait. Abi n'avait pas voulu la brusquer, elle n'avait pas voulu remuer ce qui la rendait ainsi. Mais elle voulait l'aider. Alors lentement, elle monta les marches qui menaient en hait du phare. La voix de Selene s'élevait. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle disait, mais de toute évidence, elle n'était pas seule.
Abigail décida tout de même de rejoindre Selene et la mystérieuse personne. Si elle aurait parié sur Gabriel, lorsqu'elle arriva près de la brune, elle remarqua qu'elle était seule. Elle avait braqué le canon du fusil sur l'Irlandaise, surprise dans ses tourments. Abi s'approcha, afin que le soleil n'éblouisse plus les yeux de Selene. « C'est moi. » répondit-elle doucement dans un léger sourire. Elle ne lui demanda pas à qui elle parlait. Abi connaissait l'existence des voix. Son amie lui en avait parlé.
Silencieuse, elle se posa contre la rambarde, les avant bras appuyés sur le fer. Elle ne parla pas immédiatement. Elle voulait d'abord que Selene s'habitue à sa présence car depuis des jours elle n'avait plus vraiment été en contact avec personne. Alors elle ne voulait pas la brusquer. Elle posa enfin les yeux sur la musicienne. Elle ne faisait toujours pas à l'image que cette dernière renvoyait. Elle était l'ombre de celle qu'elle avait connu jusqu'à présent. Elle sentit son cœur se serrer et sa gorge se nouer. Elle voulait l'aider. Tellement. Lui hurler qu'elle lui revienne. Elle était sa meilleure amie, sa sœur, la seule sur qui elle pouvait compter, la seule qui la comprenait.
« C'est beau les matins ici. » lança-t-elle doucement. Elle devait briser la distance imposée, avant de comprendre, avant de même essayer de comprendre. « J'essaierai d'aller pêcher un jour. On pourrait, tu sais, faire un petit barbecue. » Elle lui sourit, plus intensément cette fois. Mais approcher Selene, même pour elle, allait être plus compliqué que ce qu'elle avait prévu. Tant pis. Elle irait doucement mais sûrement. Elle l'aiderait. Elle comprendrait ce qu'il s'est passé et son amie en reviendra plus forte que jamais. Elle renaîtra de ses cendres.
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Re: Les souffrances de l'aurore
Sam 30 Juil 2016 - 9:54
Selene cligna des yeux, l’air un peu perdue, comme si elle n’était pas certaine que son amie soit belle et bien là. Il fallut admettre que c’était la réalité, car à la différence de la chimère qui hantait son univers, la blonde ne disparut pas. La musicienne la trouva belle, même sans apparat, même si simplement vêtue. L’irlandaise était la beauté qui lui avait été arrachée à jamais, alors elle se sentit mal à l’aise. Comme aux côtés de Breann ou d’Aori.
Très lentement, l’étudiante baissa le canon de son arme. Maintenant que son amie l’avait rappelée dans le présent, elle sentait le vent frais du matin, l’odeur de la mer, la plénitude de ces lieux désolés. On entendait les vagues, quelques oiseaux aussi, les buissons qui se courbaient sous les rafales, mais rien qui n’était de main d’Homme. Leur règne était terminé. Abigail lui souriait. Elle parlait de la beauté de l’aurore, de barbecue, et à vrai dire, Selene n’avait même pas remarqué. Pas vraiment. Elle regarda les lueurs colorées comme si c’était la première fois qu’elle les voyait, et fut saisit par la vue. Une magnificence irréelle, aux portes d’un autre monde.
-Oui c’est… c’est joli , murmura-t-elle faute de mieux.
Elle ne répondit même pas, au sujet de la pêche et des festivités, parce qu’elle ne s’imaginait pas descendre et se mêler aux autres. Sans doute resterait-elle sur son perchoir à veiller sur eux. Honteuse, la pianiste détourna les yeux vers la terre, ce relief en friche d’où les morts pourraient arriver. Impossible de soutenir les prunelles azur de son aînée. La jeune femme ne réalisait même pas qu’elle aussi était troublée, pas encore, tellement elle était centrée sur son mal-être.
-Il n’y a rien eu cette nuit , rapporta-t-elle comme si c’était soudainement important de le notifier, je pense vraiment qu’on sera plus tranquille ici. Juste 4 rôdeurs en 10 jours.
Eux aussi elle les avait comptés. Cagnotte amère. Il n’y en avait même pas assez pour que son esprit reste occupé. Oublier ce qu’on lui avait fait, oublier qu’elle n’était même plus capable de s’occuper des siens. L’irlandaise avait pris le relais, elle le savait, et fuyait lâchement la conversation qu’elles devraient avoir toutes les deux. Les yeux bleus glacier de Selene l’évitaient, parce qu’elle craignait d’y voir une foule de questions à laquelle elle ne trouvait pas la force de répondre. Une partie d’elle voulait courir, jusqu’à se jeter du haut de la falaise et être broyée entre les eaux clairs et les rochers. Mais paradoxalement, la musicienne voulait rester ici, aux côtés de sa meilleure amie. La seule personne qui « comprenait » ce qu’elle ressentait depuis que tout partait en vrille.
-Les autres vont bien ? demanda la pianiste en tournant le dos à Abigail.
Ça aurait été facile de quitter le phare pour s’informer elle-même, mais… c’était aussi trop dur. Surtout pour Bobby et Harold. Elle ne voulait surtout pas qu’ils la voient, qu’ils l’approchent, parce que… ils le sauraient, pas vrai ? Les hommes flairaient toujours les femmes impures. Machinalement, l’étudiante s’était mise à frotter les traces laissées par la ceinture sur ses poignets. Son visage blafard se marquait de l’esquisse d’une grimace malheureuse, une larme roula sur sa joue. Ses ongles grattaient, grattaient, grattaient, inconsciemment, jusqu’à l’écorcher. Comme si son subconscient espérait extraire de sa chair ce souvenir cauchemardesque…
Très lentement, l’étudiante baissa le canon de son arme. Maintenant que son amie l’avait rappelée dans le présent, elle sentait le vent frais du matin, l’odeur de la mer, la plénitude de ces lieux désolés. On entendait les vagues, quelques oiseaux aussi, les buissons qui se courbaient sous les rafales, mais rien qui n’était de main d’Homme. Leur règne était terminé. Abigail lui souriait. Elle parlait de la beauté de l’aurore, de barbecue, et à vrai dire, Selene n’avait même pas remarqué. Pas vraiment. Elle regarda les lueurs colorées comme si c’était la première fois qu’elle les voyait, et fut saisit par la vue. Une magnificence irréelle, aux portes d’un autre monde.
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Elle ne répondit même pas, au sujet de la pêche et des festivités, parce qu’elle ne s’imaginait pas descendre et se mêler aux autres. Sans doute resterait-elle sur son perchoir à veiller sur eux. Honteuse, la pianiste détourna les yeux vers la terre, ce relief en friche d’où les morts pourraient arriver. Impossible de soutenir les prunelles azur de son aînée. La jeune femme ne réalisait même pas qu’elle aussi était troublée, pas encore, tellement elle était centrée sur son mal-être.
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Eux aussi elle les avait comptés. Cagnotte amère. Il n’y en avait même pas assez pour que son esprit reste occupé. Oublier ce qu’on lui avait fait, oublier qu’elle n’était même plus capable de s’occuper des siens. L’irlandaise avait pris le relais, elle le savait, et fuyait lâchement la conversation qu’elles devraient avoir toutes les deux. Les yeux bleus glacier de Selene l’évitaient, parce qu’elle craignait d’y voir une foule de questions à laquelle elle ne trouvait pas la force de répondre. Une partie d’elle voulait courir, jusqu’à se jeter du haut de la falaise et être broyée entre les eaux clairs et les rochers. Mais paradoxalement, la musicienne voulait rester ici, aux côtés de sa meilleure amie. La seule personne qui « comprenait » ce qu’elle ressentait depuis que tout partait en vrille.
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Ça aurait été facile de quitter le phare pour s’informer elle-même, mais… c’était aussi trop dur. Surtout pour Bobby et Harold. Elle ne voulait surtout pas qu’ils la voient, qu’ils l’approchent, parce que… ils le sauraient, pas vrai ? Les hommes flairaient toujours les femmes impures. Machinalement, l’étudiante s’était mise à frotter les traces laissées par la ceinture sur ses poignets. Son visage blafard se marquait de l’esquisse d’une grimace malheureuse, une larme roula sur sa joue. Ses ongles grattaient, grattaient, grattaient, inconsciemment, jusqu’à l’écorcher. Comme si son subconscient espérait extraire de sa chair ce souvenir cauchemardesque…
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Re: Les souffrances de l'aurore
Sam 30 Juil 2016 - 12:05
C'est vrai que c'était plus calme ici. L'eau leur assurait plus ou moins une protection, ce qui réduisait le nombre de rôdeurs, forcément. Quant au reste, ils étaient assez éloignés de la ville et des autres habitations pour que les monstres ne s'aventurent pas jusqu'ici. Quant aux vivants, ils n'en avaient pas encore vus, à part sur Seattle. Selene avait passé la nuit, comme beaucoup d'autres, en haut du phare à surveiller. Ca devait être épuisant. Mais de toute évidence, la jeune femme ne pouvait dormir. Ses traits tirés par la fatigue, le visage creusé par la faim, elle ne semblait plus vouloir à voir avec la vie. Abi avait peur du suicide à petit feu, de l'auto-destruction discrète, rampante, mesquine.
A sa question, l'Irlandaise hôcha la tête doucement dans un sourire. Oui, ça allait. Plus ou moins. Aori pleurait encore le soir, les bras de Flann lui manquait toujours. Gabriel tournait en rond quand il n'était pas près de Selene. D'un air angoissé, il se rongeait les ongles, fronçait les sourcils et ses yeux s'assombrissaient souvent. Bobby était étrange également. Il parlait peu, restait souvent seul et Abigail l'entendait marmonner en travaillant, comme une complainte grave. Harold semblait toujours en colère, le visage toujours contracté. Breann s'occupait d'Arun. Elle tentait de lui cacher le désastre qu'ils étaient. Quant à elle même... Elle préférait lui faire croire qu'elle allait bien. Qu'aucun démon ne la hantait, ne grattait à la porte. Selene avait ses propres soucis, ses propres combats.
Selene lui tournait le dos, mais elle voyait des mouvements répétitifs au niveau de ses coudes. Elle semblait se gratter. Abi fronça les sourcils et elle entendit un reniflement. Lentement, elle s'approcha de son amie, se glissant à ses côtés. Elle remarqua le sang sur ses poignets et Abi sentait son cœur se fendre. Délicatement, elle posa sa main sur celle de Selene, retirant ses doigts contre sa peau ensanglantée. « Selene... » murmura la jeune femme en plantant son regard sur le visage de son amie. « Regarde moi... Je suis là. » Doucement, elle serra la main de la brune, ses yeux se mêlant à ceux de la pianiste.
La détresse dans son regard rendait malade Abi. Elle se sentait impuissante face à la noyade que vivait Selene. Elle coulait, plus rapidement que jamais, et Abi n'arrivait pas à contenir sa tête hors de l'eau. Elle voulait lui hurler de nager, de se battre, de revenir. Elle voulait la prendre dans ses bras et lui redonner le souffle. Elle voulait la sauver de l'enfer qu'elle avait vécu. Elle savait d'où venait son mal être, mais elle ignorait exactement ce qu'il s'était passé. Les traces de coups, ce n'était pas la première fois que Selene revenait amochée. Mais elle avait toujours surpassé ça, elle avait toujours vu cette épreuve comme la rendant plus forte, plus solide, plus furieuse. C'était différent cette fois-ci.
Abigail soupira légèrement et ses yeux se remplir de larmes. Mais elle les retint. Elle ne devait pas craquer. Pour une fois dans sa vie, elle devait être celle qui était forte, qui porterait du bout de ses bras frêles Selene.
« Tu ne peux pas rester comme ça éternellement, Selene... Tu me manques. » Toujours dans un murmure, elle augmenta faiblement la pression de sa main sur celle de l'étudiante. Elle voulait qu'elle comprenne à quel point elle l'aimait et à quel point elle voulait l'aider. « Tu n'as pas besoin de me raconter ce qu'il s'est passé. Laisse moi juste t'aider. Reviens nous. » Et la larme coula, creusant une tranchée sur sa joue à la peau sèche. Le sel la brûlait, mais elle ne lâcha pas la main de Selene pour l'essuyer. Elle ravala l'avalanche de larmes qui était sur le point de s'abattre sur son visage. « J'ai besoin de toi. » ajouta Abigail après un court silence.
A sa question, l'Irlandaise hôcha la tête doucement dans un sourire. Oui, ça allait. Plus ou moins. Aori pleurait encore le soir, les bras de Flann lui manquait toujours. Gabriel tournait en rond quand il n'était pas près de Selene. D'un air angoissé, il se rongeait les ongles, fronçait les sourcils et ses yeux s'assombrissaient souvent. Bobby était étrange également. Il parlait peu, restait souvent seul et Abigail l'entendait marmonner en travaillant, comme une complainte grave. Harold semblait toujours en colère, le visage toujours contracté. Breann s'occupait d'Arun. Elle tentait de lui cacher le désastre qu'ils étaient. Quant à elle même... Elle préférait lui faire croire qu'elle allait bien. Qu'aucun démon ne la hantait, ne grattait à la porte. Selene avait ses propres soucis, ses propres combats.
Selene lui tournait le dos, mais elle voyait des mouvements répétitifs au niveau de ses coudes. Elle semblait se gratter. Abi fronça les sourcils et elle entendit un reniflement. Lentement, elle s'approcha de son amie, se glissant à ses côtés. Elle remarqua le sang sur ses poignets et Abi sentait son cœur se fendre. Délicatement, elle posa sa main sur celle de Selene, retirant ses doigts contre sa peau ensanglantée. « Selene... » murmura la jeune femme en plantant son regard sur le visage de son amie. « Regarde moi... Je suis là. » Doucement, elle serra la main de la brune, ses yeux se mêlant à ceux de la pianiste.
La détresse dans son regard rendait malade Abi. Elle se sentait impuissante face à la noyade que vivait Selene. Elle coulait, plus rapidement que jamais, et Abi n'arrivait pas à contenir sa tête hors de l'eau. Elle voulait lui hurler de nager, de se battre, de revenir. Elle voulait la prendre dans ses bras et lui redonner le souffle. Elle voulait la sauver de l'enfer qu'elle avait vécu. Elle savait d'où venait son mal être, mais elle ignorait exactement ce qu'il s'était passé. Les traces de coups, ce n'était pas la première fois que Selene revenait amochée. Mais elle avait toujours surpassé ça, elle avait toujours vu cette épreuve comme la rendant plus forte, plus solide, plus furieuse. C'était différent cette fois-ci.
Abigail soupira légèrement et ses yeux se remplir de larmes. Mais elle les retint. Elle ne devait pas craquer. Pour une fois dans sa vie, elle devait être celle qui était forte, qui porterait du bout de ses bras frêles Selene.
« Tu ne peux pas rester comme ça éternellement, Selene... Tu me manques. » Toujours dans un murmure, elle augmenta faiblement la pression de sa main sur celle de l'étudiante. Elle voulait qu'elle comprenne à quel point elle l'aimait et à quel point elle voulait l'aider. « Tu n'as pas besoin de me raconter ce qu'il s'est passé. Laisse moi juste t'aider. Reviens nous. » Et la larme coula, creusant une tranchée sur sa joue à la peau sèche. Le sel la brûlait, mais elle ne lâcha pas la main de Selene pour l'essuyer. Elle ravala l'avalanche de larmes qui était sur le point de s'abattre sur son visage. « J'ai besoin de toi. » ajouta Abigail après un court silence.
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Re: Les souffrances de l'aurore
Sam 30 Juil 2016 - 14:14
Le contact de la main d’Abigail dans la sienne l’électrisa. Une chaleur froide ; réconfortante et insoutenable. Selene allait rompre cette proximité pour fuir, encore, mais alors ses yeux se nouèrent à ceux de son amie. Eux aussi s’embuaient de larmes. Une compassion qui la touchait, comme l’omniprésence de Gabriel, comme les mots discrets laissés par Bobby, mais à laquelle elle se sentait incapable de répondre. La musicienne hocha la tête en se mordant les lèvres. Oui, l’irlandaise était là, elle n’était pas seule…
Le reste du discours de son aînée l’atteignit directement en plein cœur, franchissant sans peine son armure brisée. Pouvait-elle revenir ? On l’avait frappée, on lui avait tiré dessus, on l’avait rackettée, on l’avait livrée aux mordeurs, on l’avait menacée… chaque fois, elle avait survécu. Chaque fois, elle était devenue plus forte. Mais ça… c’était quelque chose qu’elle ne pouvait tout bonnement pas assimiler. La pression des mains d’Abigail s’était accentuée. Elles étaient plus chaudes que les siennes, glacées par la nuit, et donnaient l’impression de brûler sa peau décolorée.
Son ultime déclaration lui fit si mal qu’elle s’arracha brusquement à ses doigts amicaux et se détourna, une nouvelle fois. A son tour d’être face à la mer. La musicienne pleurait vraiment désormais, en silence, les larmes floutant les lueurs changeantes de l’aurore. Elle agrippa la rambarde, comme si elle risquait de tomber, et serra à s’en faire craquer les phalanges. La blonde venait de mettre quelque chose en exergue… elle était une battante, elle « voulait » renaître. Mais son esprit était comme bloqué dans le passé, prisonnier d’un cauchemar. En bas, Selene vit la silhouette qui hantait ses songes lever vers elle sa face sans visage. Sa voix recommençait à murmurer des horreurs, mais elle les ignora.
-Je suis… enfin… je l’aime vraiment, tu sais ? dit-elle dans un souffle, je pensais même qu’avec lui je pourrais… avoir une vie, et pas juste survivre.
Être une femme, devenir Madame Fowler, devenir mère, et avoir la chance de vivres ces soirées tranquilles où l’on pouvait embrasser sa famille du regard et se dire ô combien on était chanceuse. Malgré l’épidémie, malgré qu’ils vivent à 8 dans une maison pour 5, malgré la peur constante… Gabriel lui avait rendu cet espoir. C’était cette lumière que l’ivrogne de Tacoma lui avait volé et sans elle, la pianiste redevenait une coquille vide. Une carcasse de chair de plus, qui avait la malchance de continuer à penser. Elle ferma les yeux et revoyait encore tout, dans le détail.
-Il m’a sauvée… c’était… il s’est battu pour moi, alors que ce n’est pas dans sa nature. Je m’étais jamais sentie aussi importante pour quelqu’un, mais du coup… , Selene déglutit difficilement, ses traits inondés de larmes, j’ai réalisé que moi, je ne m’étais pas assez battue pour lui…
Non… elle aurait pu tenir un peu plus. Résister, jusqu’à ce que son petit ami arrive. Il aurait suffit de quoi, quelques minutes ? Elle n’avait pas assuré, elle avait laissé un type la souiller, à tout jamais. Si l’ancien professeur prétextait ne pas être dégouté, c’était la musicienne qui l’était. Dégoutée d’elle-même, d’avoir baissé les bras, de ne pas avoir été capable de faire couler le sang quand elle en avait l’occasion. Elle baissa la tête, honteuse, ses mains toujours serrées sur la rambarde. L’écho de la voix de sa meilleure amie lui revenait en tête. Elle avait besoin d’elle ? Mais la pianiste n’avait plus rien à offrir…
« Si tu ne veux pas que la peur du Mal te hante »… à quoi bon ça lui servait aujourd’hui ? Car c’était le Bien qui l’effrayait. Abigail était là, frissonnante d’affection, implorant qu’elle se réveille de ce mauvais rêve, mais l’étudiante était terrorisée à l’idée de ne pas en être capable. Elle aurait presque envie de sauter pour échapper à la culpabilité. Tomber du phare, la tête la première, et espérer que ça suffirait pour mettre fin à ses jours. Selene se balança dangereusement, hypnotisée par la vue et l’appréhension de la chute, mais n’accomplit jamais son geste. Il fallut un moment à ses lèvres sèches pour se décoller et poser la question qui germait subitement :
-Pourquoi… pourquoi tu as besoin de moi ?
Le reste du discours de son aînée l’atteignit directement en plein cœur, franchissant sans peine son armure brisée. Pouvait-elle revenir ? On l’avait frappée, on lui avait tiré dessus, on l’avait rackettée, on l’avait livrée aux mordeurs, on l’avait menacée… chaque fois, elle avait survécu. Chaque fois, elle était devenue plus forte. Mais ça… c’était quelque chose qu’elle ne pouvait tout bonnement pas assimiler. La pression des mains d’Abigail s’était accentuée. Elles étaient plus chaudes que les siennes, glacées par la nuit, et donnaient l’impression de brûler sa peau décolorée.
Son ultime déclaration lui fit si mal qu’elle s’arracha brusquement à ses doigts amicaux et se détourna, une nouvelle fois. A son tour d’être face à la mer. La musicienne pleurait vraiment désormais, en silence, les larmes floutant les lueurs changeantes de l’aurore. Elle agrippa la rambarde, comme si elle risquait de tomber, et serra à s’en faire craquer les phalanges. La blonde venait de mettre quelque chose en exergue… elle était une battante, elle « voulait » renaître. Mais son esprit était comme bloqué dans le passé, prisonnier d’un cauchemar. En bas, Selene vit la silhouette qui hantait ses songes lever vers elle sa face sans visage. Sa voix recommençait à murmurer des horreurs, mais elle les ignora.
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Être une femme, devenir Madame Fowler, devenir mère, et avoir la chance de vivres ces soirées tranquilles où l’on pouvait embrasser sa famille du regard et se dire ô combien on était chanceuse. Malgré l’épidémie, malgré qu’ils vivent à 8 dans une maison pour 5, malgré la peur constante… Gabriel lui avait rendu cet espoir. C’était cette lumière que l’ivrogne de Tacoma lui avait volé et sans elle, la pianiste redevenait une coquille vide. Une carcasse de chair de plus, qui avait la malchance de continuer à penser. Elle ferma les yeux et revoyait encore tout, dans le détail.
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Non… elle aurait pu tenir un peu plus. Résister, jusqu’à ce que son petit ami arrive. Il aurait suffit de quoi, quelques minutes ? Elle n’avait pas assuré, elle avait laissé un type la souiller, à tout jamais. Si l’ancien professeur prétextait ne pas être dégouté, c’était la musicienne qui l’était. Dégoutée d’elle-même, d’avoir baissé les bras, de ne pas avoir été capable de faire couler le sang quand elle en avait l’occasion. Elle baissa la tête, honteuse, ses mains toujours serrées sur la rambarde. L’écho de la voix de sa meilleure amie lui revenait en tête. Elle avait besoin d’elle ? Mais la pianiste n’avait plus rien à offrir…
« Si tu ne veux pas que la peur du Mal te hante »… à quoi bon ça lui servait aujourd’hui ? Car c’était le Bien qui l’effrayait. Abigail était là, frissonnante d’affection, implorant qu’elle se réveille de ce mauvais rêve, mais l’étudiante était terrorisée à l’idée de ne pas en être capable. Elle aurait presque envie de sauter pour échapper à la culpabilité. Tomber du phare, la tête la première, et espérer que ça suffirait pour mettre fin à ses jours. Selene se balança dangereusement, hypnotisée par la vue et l’appréhension de la chute, mais n’accomplit jamais son geste. Il fallut un moment à ses lèvres sèches pour se décoller et poser la question qui germait subitement :
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