2 Mai 2016, fin de journée.

« Celle-là alors ? » Après tout, ils avaient l'embarras du choix. Trouver une maison vide pour y passer la nuit ne demandait pas nécessairement beaucoup d'effort. En tout cas, pas pour la trouver. Pour l’aménager, c'était une autre histoire. Généralement, elle s'y prenait plus tôt afin de ne pas être piégée par l'obscurité et qu'elle finisse par dormir dans un endroit à moitié sécurisé. Sauf que maintenant, elle n'était plus seule. Pour combien de temps, jusqu'à où, elle ne savait pas encore vraiment. Elle n'avait pas osé poser la question. Simplement parce qu'elle n'avait plus osé parlé pendant un bon moment après qu'il ait annoncé ne pas vouloir rentrer et qu'elle s'était presque mise en colère. Pour elle, Jack ne pouvait tout simplement pas tout quitter et se mettre en danger pour la suivre puisque il ne la connaissait pas et qu'en plus, elle n'avait pas d'endroit précis où se rendre. Elle allait errer en attendant le jour où elle trouverait enfin un groupe. Lui en avait déjà un. C'était insensé de partir, qu'il les abandonne pour aider une parfaite inconnue. Il aurait du rentrer avec Erik, il aurait du retourner dans cette maison qui était la sienne. Mais tous ses arguments n'avaient servis à rien. Jack en avait décidé ainsi et il avait pu lui faire découvrir son côté têtu d'ours un poil mal léché.

« Elle est vachement grande quand même. » Ajouta la wedding planer en levant les yeux jusqu'au toit. « On va mettre deux heures à la sécuriser complètement. » Ce qu'oubliait Zoey, c'était que Jack ne faisait pas son gabarit et avait un tout petit peu plus de force qu'elle. Sécuriser une maison lorsqu'on est capable d'en construire une ne devait pas être très compliqué. Suivant l'ouvrier de près, elle marcha dans ses pas jusqu'à ce qu'il s'arrête devant la porte d'entrée de leur futur refuge. En l'observant bidouiller la poignée puis la serrure avant que finalement il aille jeter un coup d’œil par la fenêtre, Zoey croisa les bras tout en s'appuyant contre le murs. « C'est bête de devoir rentrer par effraction dans une maison quand on en a une à soit, sécurisée et remplie de personne pour la garder. » Alors oui, elle faisait de l'ironie. Mais ce n'était pas non plus méchant. Elle disait plus cela pour le mettre une nouvelle fois devant l'évidence. Ce qu'il était en train de faire était complètement bête. « Il faut vraiment être bête.. » Les sourcils hauts, les yeux exagérément ronds en train de le fixer, les lèvres pincées, elle hocha la tête en s'empêchant de sourire mais si la tentative fut peu concluante.

D'un côté, maintenant que Jack avait décidé de faire la route avec elle, Zoey se sentait obligée de parler, de faire un peu d'humour, simplement pour essayer de retirer le poids qu'elle sentait sur ses épaules et qu'elle connaisse un peu plus cet homme qui s'était montré peu bavard depuis le début. Que son esprit cesse d'imaginer les visages offusqués et les noms d'oiseaux auxquels elle aurait le droit lorsque Erik serait de retour chez eux. Même si elle savait qu'elle serait complètement pétrifiée si Jack en venait à changer d'avis, elle ne pouvait pas cesser d'insister. Il avait encore le choix. Ils n'étaient pas si éloignés que ça et en simplement trois ou quatre jours il pourrait être de retour chez lui. « Bête, bête, bête. »Murmura la brune en contournant l'homme pour aller vérifier une fenêtre elle aussi.

- Mhhh... marmonna Jack en regardant de droite à gauche pour détailler les environs. Ouais, va pour celle-ci, convint-il.

L'ouvrier resta planté aux côtés de la jeune femme alors qu'ils observaient tout deux la bâtisse. Une belle baraque, haute, dans laquelle, quelques mois plus tôt, il devait certainement faire bon vivre. De l'extérieur, elle semblait presque avoir été préservée de l'apocalypse. Le mure face à eux était encore relativement propre, comme si aucun infecté n'était venu frotter sa chair en putréfaction contre la peinture blanche, attiré par une quelconque chose vivante à l'intérieur. Pas de tâches de sang noirâtres donc. Ni de traces de passages. Les fenêtres étaient encore intactes. Quant à la porte, elle paraissait close. Oui, celle-ci ferait amplement l'affaire. Surtout si ce n'était que pour y passer une seule nuit. Enfin une seule nuit... Ça, Matheson n'en savait encore rien. Plus rien n'était vraiment établi maintenant qu'il avait choisi d'accompagner Zoey sur les routes. Ils pouvaient très bien s'arrêter là un jour, une semaine, un mois. C'était le propre du voyageur sans destination de n'avoir ni obligation ni plan. Cette maison ou une autre... En soi, c'était du pareil au même.

Jack s'avança, une main posée sur la tête de son marteau, suivi de près par la brune. Si Williams paraissait impressionnée par la taille de l'endroit, lui ne fit aucun commentaire. Pas qu'il n'avait rien à dire non. Il aurait très bien pu lui parler des différents chantiers sur lesquels lui et ses gars avaient bossé. Comme ce manoir à Mercer Island. Un magnifique édifice et certainement le contrat qui leur avait le plus rapporté. Et pour cause. Six chambres, un énorme salon, une cuisine, trois salles de bain qu'il avaient fallu retaper quasiment entièrement puisque le propriétaire souhaitait que l'intérieur fasse peau neuve. Mais non. Sa bouche resta complètement fermée. L'ambiance entre les deux étaient pour le moins étrange. Elle n'était pas tendue pour autant, elle était juste... Étrange. Le temps qu'ils prennent chacun leur marques vis-à-vis de l'autre probablement. En tout cas, Zoey semblait toujours ne pas comprendre sa décision, comme elle lui fit comprendre de manière plus que détournée, arrachant à l'entrepreneur un sourire en coin.

- Ça expliquerait pourquoi j'ai fait beaucoup d'erreurs, admit l'homme en rentrant dans le jeu de la sud-africaine plutôt que de lui soutenir le contraire. C'est peut-être pour ça aussi que j'ai pas fait beaucoup d'études, continua-t-il d'un air aussi amusé que possible, scrutant l'intérieur de la maison par l'une des fenêtres qui donnait sur le salon. On va rentrer par là.

Sans attendre de réponse, Jack empoigna son marteau et donna un premier coup sec sur l'un des carreaux puis plusieurs autres pour débarrasser le cadre des bris de verres. Passant son bras à l'intérieur, il attrapa la poignée et déverrouilla la fenêtre. Il avait fait du bruit. Un peu. Valait mieux ça que le boucan qu'il aurait fait s'il avait dû défoncer la porte à coups d'épaule. Et puis c'était aussi la meilleure option. La porte n'avait pas bougé lorsqu'il avait trifouillé la poignée alors autant la laisser ainsi. Moins d'efforts, moins de bruits. Moins de risques de se luxer l'épaule. Bah oui ça pouvait arriver. Il aurait pas eu l'air fin devant Zoey tiens.

Les deux pattes de l'ours retombèrent lourdement au sol après qu'il eut passé la fenêtre. Matheson resta devant l'ouverture quelques secondes pour scruter l'intérieur du salon, bloquant l'accès à la brune. Son état confirmait définitivement que la maison avait été épargnée. Elle n'avait pas fait un si mauvais choix que ça. Il n'y avait pas l'air d'avoir de cadavres ambulants non plus, pas de primes abords. Jack émit un son à mi-chemin entre le "Humpf" et le grognement, comme pour signifier son approbation définitive sur le choix de l'endroit.

- C'est bon, dit-il en se retournant, une main tendue vers le petit bout de femme pour l'aider à grimper à l'intérieur.

Les mains collées sur la vitre à scruter l'intérieur, Zoey laissa échapper un éclat de rire en reculant le visage lorsque Jack lui expliqua qu'être bête devait être la cause de ses nombreuses erreurs. Pour le coup, elle ne put qu'hocher la tête, tout à fait d'accord avec ses dires. Il avait fait beaucoup d'erreurs et voilà qu'il continuait. Il n'avait donc pas tiré de leçon de ses précédentes expériences. Il avait donc réponse à tout et il n'était pas prêt à changer d'avis. Très bien, elle n'insisterait plus. Mais la suite lui tira une grimace puis elle haussa les épaules. Elle ne connaissait pas encore assez Jack pour le contredire mais pour elle, les études ne voulaient pas tout dire. Elle ne prendrait pas le risque de s'avancer sur le sujet pour ne pas laisser l'opportunité à Jack de l'envoyer bouler et que l'ambiance devienne très lourde tout à coup.

Elle le laissa passer devant. De toute manière il était resté devant l'encadrement de la fenêtre alors elle n'avait pas d'autres choix. Elle prit quand même soin d'éviter les bouts de verre au sol et une fois qu'elle eut le feu verre, elle chercha un moyen de monter, les yeux fixés sur la main tendue. « Deux petites secondes.. » Dit elle en s'éloignant sur la droite, laissant Jack à l'intérieur. Les bras chargés d'un fauteuil en rotin, elle réapparut dans le champ de vision de l'ours. « C'est parce que sinon... » Avec des gestes, elle tenta de lui expliquer que la manœuvre ne serait pas très facile pour une fille petite comme elle. «  C'est que, j'allais pas pouvoir, enfin..voilà c'est mieux comme ça ! » Conclu la brune en posant un pied sur le siège et en attrapant la main que lui tendait de nouveau l'ouvrier.

Légèrement, elle retomba sur le sol. En repositionnant correctement son sac sur ses épaules, elle observa la pièce. Une cuisine, belle et bien rangée. « Ça à l'air très calme. On va devoir fermer la fenêtre ? » Demanda Zoey en levant un index derrière son épaule. C'était lui le connaisseur, pas elle. Il savait comment arranger la chose. Enfin, Zoey en était persuadée. « Je vais par là! » Et sans attendre quoi que ce soit, elle s'engouffra dans le couloir qui déversait le salon situé juste en face. Elle n'avait pas attendu les ordres de Jack. Pas qu'elle veuille en faire qu'à sa tête mais plutôt pour lui montrer qu'elle était doté d'un minimum de débrouillardise. Après tout ce n'était pas compliqué de fouiller une maison ? Elle l'avait déjà fait des dizaines et des dizaines de fois avant d'être accompagnée par Jack alors celle-ci ne serait pas différente des autres.

Confiante, la tête un peu dans les nuages en commençant à imaginer comment elle aménagerait le salon pour qu'ils puissent être à l'aise, Zoey progressa dans le couloir. Première porte, une salle de bain. Deuxième porte, des toilettes. Troisième porte, une chambre avec un rôdeur à l'intérieur, installé près de la fenêtre. « Oh zut. » En un claquement de doigt, la wedding planer tourna les talons, s'accrochant aux sangles de son sac à dos pour courir jusqu'à la cuisine là où devait encore se trouver Jack. « Jaaaaaack » Appela la jeune femme sans vouloir trop crier. Elle déboula dans la cuisine et rien, plus de Jack. En quelques enjambées, elle traversa la pièce pour se rendre dans l'entrée. « Il y a un... ! » Pas le temps de finir, l'invité se présentait de lui même, derrière elle, la gueule grande ouverte et en poussant un long râle. Chance pour eux, le cadavre avait du mal à avancer, traînant une pâte. « Un rôdeur. » Termina Zoey en allant courageuse se poster derrière Jack.

La main toujours tendue, l'ours se pencha par la fenêtre pour regarder la jeune femme tandis qu'elle allait chercher un fauteuil sur le porche avant de le ramener à leur point d'entrée. Il arqua un sourcil, tentant de décoder les explications de la brune, explications qui contenaient plus de gestes que de mots. S'il ne maîtrisait pas encore très bien le Zoey, l'ouvrier n'eut aucun mal à comprendre ce qu'elle cherchait à lui dire. Peut-être était-ce dû au fait qu'après des heures d'entraînement, Jack parlait le mec bourré couramment ? Bon bon, en vérité, c'était uniquement grâce à son esprit de déduction. Il était évident que la brune n'était pas partie chercher le siège afin d'en faire du petit bois pour leur feu du soir donc évidemment qu'il allait lui servir de marche-pied. Matheson récupéra la petite mimine de la jeune femme dans sa grosse paluche et, une fois que la sud-africaine en mesure de passer de l'autre côté, l'agrippa à la taille de sa main libre pour l'accompagner dans sa descente. Jack avait pas vraiment envie qu'un accident arrive et qu'elle se retrouve, poignets les premiers, dans les bris de verre de la fenêtre.

- Oui, répondit-il à la question de celle qu'il avait choisi d'accompagner sur les routes.

Le temps que le quarantenaire se penche pour attraper le dossier du fauteuil et le ramener à l'intérieur que la wedding planner s'engouffrait dans un couloir. Cette dernière disparut de son champ de vision avant même que le scotto-américain ne puisse émettre le moindre son. Il resta interdit un instant, scrutant l'endroit d'où elle s'était volatilisé avant de revenir à lui-même. Inquiet, il l'était un peu. Ils avaient beau se connaître depuis quelques jours tout au plus, si il avait fait le choix de partir avec elle ce n'était pas pour la perdre aussi rapidement. Se faisait-il du souci pour rien ? Probablement, oui. Zoey avait bien réussi à survivre seule pendant un temps, elle savait se débrouiller. Jack bougonna dans sa barbe et se décida finalement à fermer la fenêtre pour inspecter la maison de son côté. Il lui fallait trouver de quoi bloquer l'accès à leur entrée. Quelque chose de simple, qui ne leur prendrait pas de temps à mettre en place. Comme la table en bois massif, encore recouverte d'une nappe ocre dévoilant ses pieds, qui trônait en plein milieu de la cuisine. Oui, ça pourrait largement faire l'affaire. Si le quarantenaire aurait certainement pu la basculer seul grâce à un habile système de levier, la déplacer contre la fenêtre serait beaucoup plus rapide à deux, aussi décida-t-il d'attendre le retour de la brune pour s'en occuper. Posant son marteau sur le plan de travail où la maîtresse de maison devait autrefois préparer le repas, il ouvrit les placards à un à un, espérant trouver quoique ce soit qui ait une quelconque utilité.

Premier placard, vide. Second placard, casseroles et poêles, rien d'intéressant non plus. Au troisième, l'idée qu'ils doivent taper dans leurs réserves s'imposait petit à petit dans son esprit et... Zoey l'appela. Sans réfléchir, l'ours attrapa son outil et vint à la rencontre de la femme. Un rôdeur. Évidemment. Qu'il n'y en ait pas un aurait été trop beau pour être vrai. Instinctivement, il accompagna de sa main libre les pas de la brune venant se ranger derrière lui.

- Tiens-moi ça, dit-il en fourrant le manche de son marteau entre les mains de la sud-africaine.

À peine débarrassé, Jack tira un coup sec sur les extrémités de la nappe pour la récupérer entièrement et, sans réfléchir davantage, s'approcha du marcheur pour le recouvrir de l'objet. L'image lui rappelait presque ces enfants qui se recouvraient d'un drap blanc pour jouer aux fantômes ou se déguiser le soir d'Halloween. En beaucoup plus macabre. Repoussant avec force le macchabée, il récupéra son marteau et lui asséna un violent coup à la tête. La crâne se brisa et la chose s'écroula au sol. Se penchant au-dessus du mort, il le frappa une nouvelle fois afin de s'assurer que celui-ci ne revienne plus jamais hanter personne. L'ocre de la nappe disparaissait petit à petit derrière un rouge noirâtre à mesure qu'elle absorbait autant de sang que possible. Car au final la nappe, c’était autant pour entraver les mouvements du wendichose que pour pas saloper l'endroit. Surtout s'ils devaient encore terminer de le fouiller, y cuisiner et y passer la nuit. Autant éviter de le faire dans une mare d'hémoglobine, avec une odeur de mort pour leur ravir les narines. Jack reposa son marteau et attrapa le corps par les épaules.

- Je vais le mettre dehors, tu m'ouvres la fenêtre ? demanda-t-il. Le temps que Zoey s'active, Matheson traîna le cadavre jusqu'à l'ouverture et le balança le corps du mieux qu'il put. Jack dut s'y reprendre à deux fois, d'abord le torse, puis les jambes. Une fois le boom signalant la rencontre du corps avec le sol, il regarda Zoey. On sortira par la porte d'entrée. Le ton était presque amusé et un petit sourire orna son visage. Viens aide moi, reprit-il aussitôt plus sérieux. On va mettre la table contre la fenêtre et on fouillera le reste de la maison. Ensemble cette fois.

Toute seule, Zoey aurait bien été obligée de s'occuper du mort. Sauf que, à chaque fois qu'elle devait tuer un rôdeur, la manœuvre s'avérait périlleuse. Elle aurait réussi au final, mais l'opération aurait pris bien plus de temps qu'avec Jack. Elle aurait certainement couru un peu partout dans la maison afin de distancer le mort pour gagner du temps. Temps qu'elle aurait utilisé pour trouver une solution, une arme, une tactique d'attaque. Maintenant qu'elle était accompagnée d'un homme qui les craignait bien moins qu'elle, elle n'avait même pas chercher à s'en occuper toute seule. Les yeux ronds comme des soucoupes fixés sur le cadavre qui avançait péniblement vers eux, elle récupéra le marteau de Jack d'un geste machinal. Qu'allait-il faire ? Pourquoi lui donnait il sont marteau qui, normalement, lui aurait servi pour tuer ce monstre ?

Ses sourcils se froncèrent en voyant son coéquipier tirer sur la nappe. Elle cligna des yeux de surprise en le voyant balancer le tissu par dessus la tête du mort. « Mais qu'est ce que tu fais ? » Murmura Zoey, ne comprenant rien à ce qu'était en train de faire l'ouvrier. Mais l'homme ne prit même pas la peine de lui répondre. A la place, il récupéra l'outil qu'il lui avait confié quelques secondes plus tôt. La brune fit quelques pas de recul, laissant Jack se rapprocher, marteau à la main, qu'il enfonça dans le crâne du rôdeur. Sans trop savoir pourquoi, le bruit la fit sursauter légèrement alors que l'homme jetait une nouvelle fois son arme sur la tâche noirâtre qui venait de se former sur le tissu.

Il était mort. Et enveloppé.

Si au début elle n'avait pas compris l'intérêt de la nappe, en voyant le sang être totalement absorbé par le tissu tout lui sembla beaucoup plus logique. Et ça l'impressionnait. D'avoir réussi à penser à ça, dans l'urgence, alors qu'un rôdeur se trouvait juste en face d'eux était pour elle...complètement hallucinant. « T'as pensé à ça... » Ses yeux impressionnés vinrent se poser sur le visage de Jack, qui déjà, commençait à récupérer le corps par les épaules. « Je vais le mettre dehors, tu m'ouvres la fenêtre ? » Comme si on venait de lui rendre l'usage de ses jambes, Zoey s'élança d'un coup en direction de la fenêtre pour exécuter l'ordre que venait de lui donner l'ouvrier. Complètement inutile, elle resta à côté de la fenêtre, observant Jack qui se dépatouillait pour sortir le corps. Elle adressa tout de même un regard au mort qui venait de heurter le sol à l'extérieur avant de reporter son attention vers l'homme. Sortir par la porte d'entrée ou sortir par le toit, qu'importe par où Jack préférait sortir, Zoey aurait automatiquement dit oui. Parce qu'après tout ça, elle n'en menait pas large. « Oui d'accord. » Se contenta de répondre la brune, d'une petite voix en hochant doucement la tête.

Il était clair qu'elle écouterait ses ordres désormais. Il venait de lui prouver qu'il était bien plus débrouillard qu'elle et elle ne voulait plus l'exposer au danger par sa faute. Même si Jack souriait, Zoey elle eut un peu plus de mal à se détendre. Elle lui offrit un léger sourire crispé avant d'elle aussi reprendre tout son sérieux lorsqu'il lui demanda de l'aider. Mais lorsqu'il lui précisa qu'ensuite ils vérifieraient la maison en insistant sur le fait qu'ils le ferait ensemble, Zoey s'était sentie toute ratatinée. « D'accord. Oui je sais, j'aurai pas du partir toute seule. » Elle osa enfin relever le regard vers Jack, luttant pour continuer à le fixer. « Mais j'pensais pas..enfin..y'avait pas de bruit alors.. » Puis finalement, vu qu'elle sentait qu'elle s'embourbait dans ses propres explications, elle soupira, baissant les épaules et basculant un peu la tête sur le côté alors qu'elle pinçait les lèvres. « Tu sais. » Reprit la wedding planner en commençant à s'activer pour mettre la table contre la fenêtre. « Si j'étais toute seule, je l'aurais simplement enfermé dans une pièce et je me serais installée à l'étage...pour ne pas trop l'entendre. » D'une certaine façon, Zoey tentait d'expliquer à Jack qu'elle n'était pas pourvu de la même intelligence que lui. Que elle, elle vivait avec le système D depuis le début de tout le merdier et que grâce à la chance, elle s'en était sortie.

« Tu en as tué beaucoup toi ? » Demanda elle en baissant désormais le regard .

Le petit sourire que lui offrit la brune était clair et n'indiquait qu'une chose : la vaine tentative d'humour de l'écossais d'origines était tombée à l'eau. Blaguer sur le fait que sortir par la fenêtre serait plus délicat maintenant qu'un macchabée se trouvait juste en-dessous lui paraissait pourtant... Approprié ? Baaaah... Jack n'avait jamais été très doué pour les plaisanteries. Il n'y avait guère qu'au bar ou sur les chantiers où ses blagues faisaient mouches. Loin de se laisser abattre par son échec, Matheson attrapa un rouleau d'essuie-tout laissé à l'abandon dans la cuisine et déchira deux feuilles pour nettoyer distraitement son marteau, le regard posé sur l'organisatrice de mariage. L'ouvrier eut un petit sourire. À la voir, on aurait dit une enfant qui venait de se faire gronder et regardait le sol, une jambe en appui sur la pointe du pied, ne sachant plus où se mettre. Jack hocha rapidement de la tête comme pour lui signifier qu'il n'y avait pas de mal et se dirigea volontairement vers l'extrémité de la table la plus éloignée de la fenêtre, écoutant la femme lui expliquer comment elle se serait débrouillée sans lui. Il était vrai qu'elle leur avait très rapidement expliqué qu'elle n'était pas en mesure d'affronter les infectés. Jack n'en avait pas fait grand cas sur le moment et n'en fit toujours pas grand cas cette fois-ci. Ça n'avait plus réellement d'importance maintenant qu'il l'accompagnait. Qui plus est, le quarantenaire finirait bien par réussir à lui faire surmonter sa peur.

- Je suppose oui, fit-il de nouveau pour répondre à la question de la brune. Je ne les ai jamais vraiment comptés. Prête ? demanda l'entrepreneur en empoignant la table. On va la soulever juste un peu pour la mettre face à la fenêtre. À trois. Un, deux, trois. À sa surprise, il décolla sans effort la pièce en bois du sol et fit quelques pas sur le côté de façon à ce qu'elle soit à la perpendiculaire du mur puis il attendit que la sud-africaine pose son côté avant de lâcher à son tour le sien. Bon. Matheson fit jouer le mobilier pour vérifier son adhérence au parquet. Elle était plus légère que je pensais, commenta-t-il. Ça devrait aller. Tu devrais t'écarter, rajouta-t-il rapidement. Jack s'agenouilla et cala son épaule sous un coin de la table, attrapant le large pied de ses deux mains. Le premier... commença l'ours avant de se redresser dans un grognement, soulevant la table avec lui. Le premier, c'était dans les bois, derrière la maison où tu nous as trouvé. Un autre grognement alors qu'il changeait de prises et de positions. L'infecté s'en est pris à un ami à moi. Declan. Soutenant le mobilier, il jeta un coup d'oeil vers le plafond. Ça passerait limite. Jack poussa une dernière fois la table et cette dernière s'écrasa contre le mur dans un autre "boom", bien plus sourd celui-ci. Les bras encore tendues, l'homme resta ainsi quelque secondes, silencieux, attendant de voir si leur entrave sommaire tenait en place et ne glissait pas. Rien, aucun mouvement. Je lui ai fracassé le crâne à coups de branche, expliqua l'ouvrier en se frottant les mains comme si sa besogne du jour était terminée. J'ai arrêté de compter après celui-là, expliqua-t-il sans quitter la table des yeux.

Oui, Jack avait arrêté après "un". Le scotto-américain poussa un petit soupir. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas parlé de Declan. Pas depuis qu'il en avait parlé à Mendosita et à son groupe. Il n'avait eu aucune raison de le refaire depuis. Il n'aimait pas spécialement de toute façon. Matheson s'était toujours senti responsable de la mort de son jeune employé et ami. Elle aurait pu être évitée. Il aurait pu entendre l'infecté arriver. Écouter la forêt, surveiller son environnement... Les leçons remontaient à bien longtemps mais il avait été entraîné pour. Par les Scouts, par son père. Mais ce jour-là, entre les craquements du bois, les coups de hache, les rires... Il n'avait rien vu venir et Declan était mort. C'était en partie sa faute. Son erreur. Une erreur qui ne se reproduirait plus, de ça, Jack s'en était fait la promesse. Avec Carmen et les autres déjà. Maintenant avec Zoey. Zoey... Il aurait pu ne pas lui en parler, s'en tenir au fait que le premier était dans la forêt derrière la baraque et point barre. Mais maintenant qu'ils voyageaient ensemble, le mieux étaient encore de lui parler un peu de lui, qu'elle comprenne un peu le genre d'homme qu'il était et la vie qu'il avait mené. C'était mieux. Pour travailler sa sociabilité déjà. Ils vivraient ensemble 24h/24, autant rendre la chose plus agréable pour elle et lui éviter de voyager avec un bougon comme lui. Mais surtout pour la confiance. Une chose certainement plus importante que tout le reste. Jack bougonna dans sa barbe et reporta de nouveau son attention sur la sud-africaine.

- On y va ? demanda-t-il en prenant son marteau en main, un fin sourire sur le visage. Sortant de la cuisine, il ouvrit la marche vers le couloir qu'avait emprunté Zoey pour continuer l'inspection de la maison là où elle s'était interrompue. Ce n'était pas un reproche tu sais, fit l'ours sans se retourner, d'un ton plus doux qu'à l'accoutumée. Mais nous sommes deux maintenant. Autant éviter de prendre des risques inutiles. Jack lança finalement un regard par dessus son épaule, un petit sourire sur le visage. Où est-ce que tu t'es arrêtée ?

Savoir combien de rôdeur avait tué Jack ne l'intéressait pas vraiment. Si elle avait posé la question c'était simplement pour camoufler son embarras et passer à autre chose. Parce qu'il était sûr qu'il en avait tué bien plus qu'elle. Il suffisait de l'observer. Chose que Zoey faisait depuis le moment où ils avaient commencé à marcher à deux, laissant Erik derrière eux qui s'en allait rejoindre la maison que l'ouvrier abandonnant pour suivre une parfaite inconnue. A chaque rencontre de rôdeur, l'homme n'avait pas hésité et ce qui était le pire dans tout ça était que, dans sa façon de faire, ça semblait presque habituel et quelque peu lassant. Zoey était bien loin d'avoir cette expérience et, d'un côté, elle ne pouvait s'en vouloir qu'à elle même. Avec un tant soit peu de courage, elle aurait arrêté de les fuir pour les affronter. Et aujourd'hui, en ouvrant cette porte, elle ne serait pas mise à courir comme un enfant de cinq ans pour retrouver l'adulte capable de gérer la situation. Son cas était désespérant, Zoey le savait et d'ailleurs elle poussa un petit soupire en y réfléchissant. Pauvre Jack, il ne savait vraiment pas avec qui il venait de s'embarquer.

Mais Zoey était prête à faire des efforts. Justement pour ne pas paraître comme un poids. Rien qu'à l'idée que Jack puisse penser ça d'elle, l'ancienne organisatrice de mariage se sentait oppressée par la honte. Non, elle ferait des efforts. Ce rôdeur serait le dernier qu'elle éviterait. Là était la dernière fois qu'elle accourrait pour se cacher derrière lui. Et pour montrer sa volonté et aussi qu'elle n'était pas qu'une demoiselle en détresse, Zoey était prête à tout. Alors quand l'ouvrier lui demanda si elle était prête, elle lui répondit par un hochement de tête et une moue concentrée. Elle était prête à mettre tous les efforts nécessaires pour soulever cette table. Même si elle devait y laisser une épaule ou se froisser un muscle. Mais lorsque la table se souleva du sol il ne fallut qu'un quart de seconde pour qu'elle comprenne qu'encore une fois, elle ne servait à rien. A la remarque de Jack concernant la poids de la table, Zoey lui offrit un léger sourire crispé. Toute seule, elle aurait du s'y prendre à deux ou trois reprises pour positionner la table contre le mur. Mais ça, elle se garda bien de le dire et, comme demandé, elle effectua deux pas de recul pour le laisser faire.

Plantée à côté de lui, inutile, à l'observer soulever la table, elle l'écouta expliquer comment s'était déroulé sa première rencontre avec un rôdeur. Et ce n'était pas vraiment comme ça que Zoey avait imaginé les choses. D'après son histoire, le premier infecté s'en était pris à un certain Declan, juste à l'arrière de sa maison qu'il n'osait pas nommer comme « la sienne » visiblement. De ce que Zoey comprenait, Jack avait perdu en premier son ami et  il y avait de grande chance que sa femme, Mandy, et ses enfants aient suivi quelques temps après. Même si l'ouvrier n'avait encore jamais abordé le sujet, Zoey avait suffisamment observé la maison pour voir qu'il y avait des chambres d'enfant. Jack avait une famille et le sujet devait être encore trop douloureux pour être abordé. « A coups de branche ?! » Répéta Zoey, les yeux ronds en suivant des yeux l'homme qui venait de terminer son bricolage. Il fallait une sacrée rage pour tuer un de ces « truc » avec une branche. Et maintenant qu'il lui avait dit ça, Zoey s'était imaginé la scène. Ce qu'il avait du rester de la tête du rôdeur devait être liquide.

N'empêche que, toutes ces informations, Zoey les enregistra dans un coin de sa tête. C'était comme si elle obtenait la première pièce d'un puzzle immense, cette petite partie de son histoire était précieuse. « Je suis désolée pour Declan. » Ajouta la brune en voyant Jack bougonner avant de la regarder à nouveau.

« On y va ? » Lui demanda l'homme avec un fin sourire. «  Oui ! » L'exagération de son enthousiasme trahissait certainement la gêne qui restait en elle. Mais le sourire que lui adressa Jack l'apaisa quelque peu. Il ne semblait pas lui en vouloir ou penser qu'elle était nulle. Non, il voulait simplement se remettre au travail pour sécuriser leur refuge. Bien évidemment, cette fois, Zoey resta derrière lui pendant qu'il avançait dans le couloir qu'elle avait emprunté quelques minutes auparavant. Ils y allaient ensemble, comme il lui avait dit. M'enfin là, il y allait surtout tout seul et Zoey qu'on ne distinguait même plus derrière l'ours, servait uniquement de guide. En se mordant les lèvres, elle leva les yeux au moment où il se mit à lui parler. Et là, Jack prononça les mots justes. Oh elle savait très bien qu'il ne lui avait fait aucun reproche, elle n'était pas rassurée pour ça. Elle se sentait mieux parce que Jack ne lui en tenait pas rigueur et que, quelque part, il l'acceptait comme elle était. Il ne la poussait pas à affronter les rôdeurs. Il ne la brusquait pas en lui hurlant qu'elle allait mourir si elle continuait à avoir peur. Non, il lui assurait juste qu'il était là, qu'ils étaient deux et qu'elle devait le prendre en compte. Et entendre ses mots lui redonna des couleurs au teint auparavant grisé.

En lui attrapant l'avant bras, Zoey le fit s'arrêter. Ce qu'elle voulait lui répondre ne pouvait pas être balancé comme ça, au dessus de son épaule. Elle voulait qu'il puisse voir la sincérité de ses mots. Pourtant elle laissa planer un silence avant de relever le regard vers le visage de l'ouvrier et de lui dire avec toute la douceur du monde. « Merci. » Elle ne pouvait pas lui dire autrement. C'était un merci pour à peu près tout. Le fait qu'il soit là, qu'il l'ait débarrassé du rôdeur, qu'il ne la juge pas. Son merci englobait tout un tas de chose.

Puis, pour ne pas s'attarder, elle coupa le moment assez rapidement en désignant de l'index la porte encore ouverte de la chambre où elle avait trouvé le mort. « Bah...Là.. » Termina Zoey, maintenant amusée.

Le reste de la visite s'était fait assez rapidement et, par chance, aucun autre rôdeur ne s'était caché derrière une porte. Mais Jack comme Zoey s'étaient activés jusqu'à ce que la nuit tombe pour installer leur maison temporaire. Recouvrir les fenêtres avec des tissus afin de cacher leur présence. Récupérer de quoi dormir. Fouiller toutes les pièces et en prendre ce qui pouvait leur être utile. Une fois que le plus gros fut fait, Zoey s'attarda sur le salon pendant que Jack, lui, s'affairait ailleurs. Les deux canapés rapprochés, elle avait débarrassé la table basse de tout ce qu'il s'y trouvait pour y en faire une table à manger un minimum présentable.

C'était inutile et donc une perte de temps. Mais Zoey restait persuadée qu'un repas prit à table, correctement installé et que le couvert joliment disposé influençait sur le goût du plat. Et comme la majorité du temps, leur repas de ce soir serait une boite de conserve. Alors autant la servir dans une belle assiette non ?

Installée en tailleur sur l'un des canapés, la boite de légumes préalablement réchauffée entre les mains, elle releva le regard vers Jack lorsqu'il rejoint la pièce. Un large sourire sur les lèvres tout en remplissant ce qui serait son assiette, elle lui fit un petit signe de tête pour l'inviter à la rejoindre. « Suprême de légume sur lit de rien. » Évidemment, Zoey avait bien rempli l'assiette de l'homme et s'était laissé une petite part qui formait une jolie boule au milieu de son assiette. Mais en le voyant s'installer en face d'elle, Carmen, Axel, Erik lui revinrent en tête. La maison également. Avec le bout de fourchette, Zoey commença à jouer distraitement avec le contenu de son assiette puis, d'une voix timide elle prit la parole. « Jack... » En le voyant relever le nez, Zoey n'était plus très certaine de vouloir oser. Elle resta la bouche ouverte et bégaya pendant deux secondes. « Est-ce que je peux te poser une question ? ». Avec tous les efforts de la terre, Zoey réussissait à garder la tête relevée. Cette question était bien trop importante. Enfin, surtout la réponse. Mais elle n'était pas évidente à poser et il n'était pas dit que l'ouvrier accepte d'y répondre. « Qu'est ce qui est arrivé à ta femme...et..à tes enfants ? » Voilà, elle avait osé. Maintenant, elle prenait feu de l'intérieur tellement elle était gênée. Ses joues étaient d'ailleurs devenues roses et brûlantes.

Mais il fallait qu'elle sache. Même si maintenant, une fois la question posée, elle réalisait que peut-être elle allait se retrouver avec un ours braqué et encore moins bavard qu'avant.