Evergreen : ce camp n’avait jamais aussi bien porté son nom avec ses chalets perchés en hauteur sur des étendues verdoyantes  à perte de vue. Hors de portée des rôdeurs, climat plutôt sympathique, tout semblait promettre aux survivants du camp une période plus calme et prospère. Cependant parmi eux un jeune homme n’y trouvait pas sa place. Ne louant que peu voire pas de tout de liens sociaux envers ses compagnons de survie Frost regrettait l’atmosphère sereine du souffle hivernal de ces collines. En vérité il n’y était resté que pour le la bouffe et le logis mais il était temps pour Tanguy de quitter le « cocon familial » et de se projeter vers l’avenir. Certains autres s’y étaient aventurés avant lui sans que l’on ne sache ce qu’il advint d’eux. Kurtis allait s’y risquer à son tour. N’étant pas d’accord avec ces gens quant au concept de survie, Frost ne se sentait pas à sa place sur ce Titanic mais dans l’ombre de ce dernier.

Ce matin de septembre 2016 il se leva à l’aube, prit son vieux sac à bandoulière d’une main, sa fidèle veste en cuir de l’autre et quitta le chalet le ventre vide. La faim, même s’il s’agissait d’une priorité il ne pouvait se permettre d’aller commettre un larcin et prendre le risque de se faire chopper juste pour un burrito...

Il avait marché toute la matinée sans par miracle jamais croiser qui que ce soit, rôdeur ou pire survivant. En même temps au vu des petites routes qu’il avait prises cela ne l’étonnait guère au final.

Pendant un instant, une seule seconde il pensa à retourner là-bas. Non. Ce n’était bien juste qu’un instant de faiblesse, il avait pris une décision mûrement réfléchie depuis plusieurs semaines déjà : il tentait sa chance ailleurs.

À peine avait-il relevé la tête pour sortir de sa torpeur et continuer sa route qu’il se rendit enfin compte qu'il se trouvait face à un cimetière de voitures. Parmi elles il en resterait bien une avec un fond d'essence. Cette dernière lui permis néanmoins d'atteindre les campagnes environnantes de Seattle. Kurtis mit le pied à terre, face à une pancarte indiquant : « McDonald dans 500m ». L’appel de la bouffe… Son estomac commençait à en avoir marre de résister. Bon même s’il y avait que très peu de chances qu’il reste quelque chose à grailler et encore moins un Big Mac en menu Maxi Best of ça coûtait rien c’était sur son chemin alors autant y passer.


Une fois arrivé sur place… Le McDo le moins accueillant qu’il ait jamais vu ça lui rappelait qu’en dépit de son connard de patron qui l’exploitait il avait au moins la chance de ne pas travailler dans une chaîne où les employés allaient et venaient et étaient considérés comme le bas de la chaîne alimentaire de l’emploi… Restant tout de même sur ses gardes il entra par la petite porte de derrière et frappa avec son couteau à plusieurs reprises contre une plaque en métal. Aucune réponse suite à ce brouhaha métallique infernal, pas de râle d’outre-tombe, de menaces d’éventuel survivant et encore moins une charmante serveuse, ou charmant serveur d’ailleurs, pour t’accueillir et prendre ta commande ! Cet établissement devait pas avoir la cote sur Yelp se dit-il…

Toujours était-il que même si les locaux étaient sans surprise vides, les poches à sauces quant à elles n’avaient pas été embarquées, samouraï et algérienne qu’il restait… Tant mieux ses préférées !

Il saisit alors des bocaux vides qui trainaient au sol et stocka les sauces pour les embarquer à son tour.

En partant il ouvrit un bocal, y plongeant sa main pour fourrer dans son bec un peu de sauce. Heureux de sa découverte il ne tarderait pas à sortir de son utopie lorsqu’un bruit de porte grinçante vint briser le silence. Un rôdeur ? Autre chose ? Peu importe…

À McDo : « Venez comme vous êtes ! ».

« Hors de question. » Trancha Michaela, les bras croisés et les sourcils froncés, des éclairs dans les yeux adressés aux jumeaux. Installée confortablement sur la banquette arrière de la voiture, la brune avait volontairement laissé les deux frères se charger du voyage. Et non, Michaela n'était absolument pas d'accord de s'arrêter là pour fouiller un fast-food où il ne resterait absolument rien d'autre que des rôdeurs anciennement serveurs. Qu'est ce qu'ils pourraient bien trouvé à l'intérieur de toute façon ? Rien qui ne leur était essentiel. Et ils n'avaient pas fait la route jusque ici pour visiter un lieu ayant aucun intérêt. Même l'excuse de Sherman n'était pas valable. Trouver à manger dans un tel lieu après plus d'un an d'abandon ne mènerait à rien.

« On ne va certainement pas perdre du temps pour vous trouver douze kilos de sauce barbecue périmée. » La brune croisa les jambes, persuadée que son ordre était enfin compris. Ce qui n'était évidemment pas le cas puisque Sherman, qui avait déjà garé la voiture sur le trottoir opposé au McDo, se mit de nouveau à argumenter. Mais cette fois l'analyste ne pouvait pas réellement dire quoi que ce soit. Ils iraient seuls, elle resterait dans la voiture qu'ils disaient. Les yeux de la brune s'écarquillèrent davantage, outrée par ce qu'il venait de dire mais n'ayant rien pour les menacer, elle n'eut pas le choix que de se taire. Mentalement, elle préparait tout le cinéma qu'elle ferait à Adam en rentrant en lui apprenant que les jumeaux l'avait volontairement laissé seule dans une voiture à des kilomètres du commissariat.

Visiblement décidé à récupérer de quoi s’empiffrer, les deux frères quittèrent le véhicule claquant les portes, laissant une Michaela outrée et boudeuse à l'arrière. Le regard fixés sur eux, elle les observa s'éloigner, persuadée qu'à un moment ils prendraient conscience et viendraient la chercher. Mais rien. Plus les deux s'éloignaient, plus les doigts de Michaela pianotaient vite sur son bras. Et une fois que les jumeaux se trouvèrent trop éloignés, Michaela poussa un grognement et s'extirpa du véhicule. Ils avaient peut-être gagné sur ce point mais la soufflante qu'ils prendraient sur la route et une fois rentré leur servirait de leçon de toute façon. Sa première arme portée en bandoulière et l'autre coincée dans sa ceinture, la brune scruta les environs en se mettant en marche vers les jumeaux.

D'un pas pressé, elle passa devant les imbéciles pour ouvrir elle même la porte de l'enseigne. « Quinze minutes, pas plus. » N'ayant aucune réponse, Michaela referma violemment la porte, ses yeux noirs plantés sur Truman et Sherman. « Est-ce que c'est clair ? » Réitéra la brune, le ton menaçant. Elle eut sa réponse en un hochement de tête des deux frères. « Bien. » Elle rouvrit la porte et d'un geste de bras, elle les invita à rentrer. « Après vous messieurs. » Elle les laissa passer en premier et alla s'asseoir sur une table, laissant ses jambes pendre dans le vide. Elle n'allait certainement pas les aider à fouiller alors autant attendre là où la visibilité sur l'extérieur n'était pas dégueulasse et bien installée. Quelques longues secondes suffirent pour que Truman ne trouve quelque chose. Mais certainement pas ce qu'il espérait. En le voyant pointer son arme précipitamment vers le sol, derrière le comptoir, Michaela alla le rejoindre,

Elle scruta l'intrus de la tête aux pieds pendant de longues secondes, silencieusement. Puis elle prit enfin la parole. « Et vous êtes ? » Demanda elle avec son habituel air snob.