Cela faisait deux jours que Jonathan s'était retrouvé séparé de son amie, deux putains de jours à fuir le garage et à devoir supporter la blessure qu'il s'était faite à la main gauche en voulant échapper à cette horde. Oh la blessure n'était pas un fait d'arme, aucune gloire à en tirer. Dans sa course, Jon n'avait pas prêté attention au nivellement de terrain et s'était retrouvé en deux temps, trois mouvements au sol au milieu de débris de bouteille en verre. Il écopa de quelques éraflures sur les parties de son corps non-couvertes : le visage et les mains, sauf que l'une d'elles se retrouva avec le cul d'une bouteille planté dans la longueur de la paume. Son premier réflexe fut de l'enlever instantanément, il ne s'imaginait pas que ce morceau était si bien encré dans son corps.

Il avait tenté de se rendre dans des pharmacies pour soigner cette blessure, le jeune homme avait bien trop peur du risque d'infection pour ne pas prendre cela au sérieux, mais à chaque fois, il dût rebrousser chemin face au trop grand nombre de créatures présentes, d'autant plus qu'il agissait comme un aimant en se faisant repérer bien trop vite pour tenter une quelconque approche. En guise de désinfectant, il se contenta d'une fiole d'alcool déjà ouverte trouvée dans une poubelle. Depuis combien de temps était-elle là ? Aucune idée, mais tout l'alcool ne s'était pas évaporé en tout cas. Quant au bandage, Jon prît un tee-shirt duquel il arracha des morceaux, faute de mieux. Pourtant, cette solution n'était pas la plus saine étant donné le risque d’aggraver la situation avec un bout de tissu non stérilisé, et encore moins propre.

Le plus compliqué fut de trouver un abris. Au départ, il pensait retourner dans la maison occupée avec Reese et Kerwan, mais à force de courir dans tous les sens, il ne parvenait plus à trouver ses repères. Il avait toujours vécu dans cette ville et avec sa profession il était amené à la traverser en long et en large, mais là, tout était si différent et méconnaissable qu'il finissait par être perdu. Alors, le brun continua d'avancer et de s'éloigner de la horde, et surtout de son amie, mais à cet instant, cette décision lui parut être la meilleure option qui lui était offerte. Il fallait compter sur le fait que les créatures soient attirées par quelque chose d'autre, qu'elles s'éloignent ou se dispersent avant d'espérer remettre un pied dans les environs.

Le livreur jeta son dévolu sur une église, se disant qu'en tout temps, elles représentaient un espace neutre où les violences s'arrêtaient à leurs portes, mais n'entraient jamais. Il espérait surtout que dans ce pays si croyant, il existait encore des personnes avec ce type de pensées, lui permettant alors de trouver un refuge temporaire. Le seul petit hic était qu'il s'agissait d'une église chinoise. En soi, cela laissait le jeune homme indifférent, il se fichait pas mal des croyances de chacun, sans pour autant manquer de respect, mais pour lui, les chinois étaient bouddhistes uniquement. Il n'avait d'ailleurs jamais fait attention à cet édifice où il était pourtant clairement indiqué ''Eglise Baptise Chinoise'' en anglais mais aussi en mandarin ou cantonais 西雅圖華人浸信會.

C'était peut-être pour cette raison qu'il avait choisi d'y pénétrer, piqué par la curiosité de voir l'intérieur du bâtiment. Les craintes qu'il ressentait se faisaient de plus en plus présentes. Il n'eut jamais l'occasion d'explorer seul un édifice de cette taille, comment procéder ? Comment ne pas se faire surprendre par des créatures ou des êtres humains ? Son cœur s'emballa rien qu'à l'idée de se retrouver face à quelqu'un ou quelque chose et ses mains devinrent moites. Mais ces deux derniers jours furent des plus éprouvants, ne dormant que d'un œil, Jon se sentait à bout. Il avait besoin de se reposer, ne serait-ce que quelques heures.

Refermant la lourde porte qu'il venait d'ouvrir, il attendit plusieurs secondes à l'affût du moindre bruit pouvant provenir de ce lieu. A part sa respiration saccadée, il n'entendit rien, à son plus grand étonnement. La nuit étant tombée, il amena maladroitement son sac de randonnée face à lui pour prendre sa lampe-torche, qui décida de faire des siennes, éclairant uniquement par des flashs lorsque Jon tapa violemment dessus. Il finit par la ranger, préférant se guider maladroitement dans cet endroit mais armé. Il inspecta au mieux les rangées de bancs et l'autel, avant de se diriger à l'arrière de celui-ci pour se rendre dans la sacristie. Malgré ses faibles connaissances sur tout ce qui touchait aux religions, il savait que cette pièce était de taille réduite et ferait un bon abris plutôt sécurisé.

Jonathan cala une petite table présente contre la porte. Il n'imaginait pas tomber dans un endroit avec un tas d'objets utiles ou un lit, mais le minimalisme présent était plutôt troublant. Dans son malheur, un sourire étira ses lèvres lorsqu'il vit une simple chaise, car les températures la nuit baissaient et avec du carrelage au sol, le froid se faisait davantage ressentir. Alors, le fait de s'asseoir sur cette chaise réjouissait le jeune homme qui s'installa face à la porte, arme à feu en main. Le sommeil le gagna seulement quelques minutes après, laissant le pistolet sur ses jambes.

Épuisé par les derniers jours écoulés, Jon dormait à poings fermés, rêvassant d'un bon repas au coin d'une cheminée avec Reese et Mox où ils profiteraient ensemble de ce moment, riant de leurs aventures et radotant à propos du foyer, mais une coupure se produisit durant ce songe lorsqu'il sentit quelque chose frôler ses doigts. « Hm... » lâcha-t-il avec difficulté en papillonnant des yeux afin de tenter de se réveiller un minimum. Il aperçut une forme sans la distinguer davantage, humain, créatures, objet, tout aurait pu être possible. Ce fut finalement le son d'une voix inconnue qui le sortit de sa somnolence au point que ses yeux s’écarquillèrent lui permettant de voir une jeune femme face à lui. « Oh putain ! » dit-il surpris en agitant ses pieds pour se reculer. Un peu trop violemment d'ailleurs, la chaise bascula en arrière et il se retrouva au sol. Son premier réflexe fut de chercher son arme pour la brandir et menacer la brune, mais le pistolet était introuvable, du moins au toucher, car Jon la vit dans les mains de celle qui venait de lui flanquer une peur bleue.

« Qu'.. Tu... Tire pas ! » bafouilla-t-il en sentant son cœur s'emballer. Alors, ça y était, son heure était venue ? Peut-être qu'elle se contenterait de le voler sans aller jusqu'à le tuer. C'était ce qu'il espérait. Voulant ajouter quelque chose pour mettre toutes les chances de son côté, il fut devancer par la jeune femme qui lui indiqua vouloir l'aider. La respiration de Jon était toujours saccadée, il ne comprenait pas pourquoi elle lui disait ça, il avait pas besoin d'aide, non ça allait. Peut-être jouait-elle en disant ça pour l'amadouer et finalement le dérober. Pourtant, en croisant son regard, Jon perçut de la peur dans le regard qu'elle lui adressait. Elle semblait être aussi effrayée que lui. « Je suis pas seul ! » finit-il par dire sans grande conviction.

Ses propres mots le devancèrent, il avait bien penser à les formuler pour tenter de réduire tout danger, mais s'était abstenu de le faire. Il recula davantage en s'éloignant involontairement encore plus de ses affaires. « Qu'est-ce qui me prouve que tu dis vrai ? Que t'es pas comme les autres hein ? » murmura-t-il d'un ton sec. Sa plus grande crainte depuis le début des événements était bel et bien l'être humain, seul ou en groupe, l'espèce était bien plus dangereuse et mauvaise que ces créatures. Plutôt que de se serrer les coudes, elle préférait faire régner la loi du plus fort et se montrer lâche à la première occasion. Reese et lui avaient fait confiance au début à un petit groupe, tout se passait bien, la solidarité était de mise, mais au premier danger, les autres n'avaient pas hésité un seul instant à les abandonner en les laissant à un sort s'annonçant des plus tragiques.

Heureusement pour Jonathan, son amie resta à ses côtés, l'aidant à se défaire de cette tige métallique plantée dans son corps. Sans elle, il ne serait pas dans cette église, il aurait été à son tour contaminé, changeant ainsi de camp. Ils avaient dû survivre en comptant que sur eux. Oh, il y eut quelques rencontres avec des personnes n'étant pas encore tombées dans cette folie barbare, notamment Kerwan avec qui ils avaient passé près d'un mois jusqu'à il y a encore quelques jours. Si ça n'avait tenu qu'à Jon, il ne l'aurait pas accueilli, mais Reese s'était montrée assez convaincante pour qu'il accepte. Ce n'était que dernièrement que le brun commençait à faire un peu confiance à cet homme.

Et là, le fait de se retrouver face à une jeune femme à première vue inoffensive ne fit qu'éveiller ses craintes. Pour lui, le danger était encore plus important quand la personne paraissait être de confiance au départ car elle pouvait jouer de ça afin d'arriver à ses fins. « Je crois que ce que je vois, alors prouve-moi que tu veux m'aider. » lança-t-il d'un regard noir. La plus grande preuve serait qu'elle lui rende son arme, mais ça, il n'y croyait pas trop. Ce serait presque suicidaire pour elle parce que si Jon voyait le mal en chacun en se disant par exemple qu'elle essayait de le manipuler, l'inverse pourrait très bien être le cas. Il pourrait donner l'impression d'être apeuré pour gagner sa confiance et finalement révéler une nature bien plus cruelle.

Ce n'était évidemment pas le cas, les tremblements incontrôlés de sa main blessée étaient là pour le rappeler tout comme les grimaces sur son visage causées par la douleur lorsqu'il tentait de les arrêter en serrant son poing. Jon préférait s'imaginer tous les scénarios pour se préparer au pire, même si ce n'était pas une chose à laquelle on était réellement prêt, surtout pas lui. Il n'avait jamais eu à tuer un Homme et ne pas inaugurer cela ce soir-là.

La jeune femme prît sa décision et se sépara de l’arme en l’éloignant d’elle, mais également de celui lui faisant face. La première pensée de Jon fût de se sentir toujours aussi démuni étant donné qu’il ne pourrait récupérer cette arme et que rien ne lui garantissait qu’elle n’avait pas dans son sac autre chose pouvant représenter un danger. Et la deuxième a été de trouver la brune plutôt maligne en faisant le choix de ne pas lui donner, car si lui se sentait menacé, elle aussi très certainement et cette précaution était intelligente. Bien que ce ne soit pas le cas, Jonathan aurait très bien pu jouer un rôle le temps d’avoir en main le pistolet et pouvoir ainsi retourner la situation en la braquant.

Elle semblait faire preuve de bonne volonté, au point de pousser le sac du brun vers lui. Une nouvelle façon d’illustrer ses propos sur ses intentions qui étaient apparemment bonnes ? Possiblement. En attendant Jon ne se fit pas prier et récupéra son bien qu’il serra contre lui sans quitter un instant des yeux la jeune femme. Il ne manquerait plus qu’elle se jette sur lui avec un couteau ou une quelconque lame alors qu’il détournerait les yeux durant un court instant. Il palpa son sac afin de vérifier que rien n’ait disparu, en même temps, si elle était une simple voleuse, elle ne se serait pas embêtée à faire toute ça, se contentant de prendre ce qu’elle aurait voulu, y compris l’arme car Jonathan n’aurait rien pu faire pour la contrer. Son but était de survivre et de retrouver son amie Reese, alors il n’aurait pas tenté une mission suicide pour garder ses quelques biens.

Il la regarda s’assoir et ne sut quoi répondre lorsqu’elle évoqua la blessure qu’il avait à la main. Regardant celle-ci, il déplia ses doigts et sentit que le morceau de tissu était accroché à la coupure et fit instantanément des gros yeux en se demandant comment il réussirait à enlever ce bandage de fortune sans rouvrir la plaie. Et si en plus il y avait une infection ? Jon n’avait rien trouvé d’utile pour panser cette blessure et avait fait avec les moyens du bord, mais peut-être qu’il aggravait les choses en laissant ça ainsi.

Si bien que sa main commençait à trembler au fil des secondes et de ses questionnements, sa respiration se faisait plus saccadée et audible. « Oui très con même ! » lâcha-t-il essoufflé. Devrait-il céder à la panique et la laisser regarder ou devrait-il continuer à se méfier d’elle comme de la peste ? Le brun était tiraillé entre deux peurs nourries par la peur de faire le mauvais choix. S’il refusait son aide, il pourrait aggraver la situation, mais d’un autre côté, si la jeune femme n’y connaissait rien et disait simplement cela pour l’amadouer, elle pourrait tout aussi bien empirer les choses ou faire n’importe quoi tout en laissant penser Jonathan qu’elle essayait d’aider.

La décision n’était pas des plus faciles à prendre pour lui, pourtant, il fit rapidement un choix « Ok, j’accepte. - admit-il en relevant la tête afin de regarder son interlocutrice - Mais pas d’entourloupe hein ! » ajouta-t-il en fronçant les sourcils comme pour se montrer menaçant. Nul doute qu’il agirait s’il sentait un quelconque souci se tramer, mais pour à l’heure actuelle, ses craintes du risque d’infection étaient bien plus élevées que les autres. Il s’était résigné à laisser une chance à la brune, juste une, comme à son habitude, à elle de la saisir et de lui prouver qu’elle disait vrai, sans ça, il n’hésiterait pas à employer la force.

Ici, il n’était pas question de la frapper ou la tuer, non, non, ce n’était en rien le genre du chauffeur, mais il ferait en sorte de l’éloigner de lui soit en la sortant de la pièce, soit en partant lui-même. Mais cette dernière possibilité n’était pas pour lui plaire, il avait eu de la chance de trouver cette église vide, le bâtiment avait un côté très apaisant sur Jon, rien à voir avoir la religion, enfin ça, il ne le percevrait pas étant donné qu’il n’était pas sensible au sujet, mais le calme qui y régnait était hors du temps, laissant cette impression d’endroit unique à l’abri de tout.

La jeune femme s’approcha alors et il lui tendit sa main pour qu’elle l’ausculte. « Je m’appelle Jon, et toi ? » demanda-t-il intrigué, comme ça, il pourrait l’interpeler par son prénom plutôt que par un ‘’Eh !’’ ou un ‘’Psst’’, s’il s’adresserait à elle. Si.  Car rien ne lui laissait penser qu’il la côtoierait bien longtemps, quelques heures très certainement le temps qu’elle fasse le nécessaire pour la main et s’assurer éventuellement que son travail portait ses fruits, mais rien de plus. Et en même temps, pour quelle raison l’un d’eux aurait l’envie de passer plus de temps que ça avec l’autre ? Aucune, en tout cas pour Jonathan.