Est-ce qu'ils pouvaient discuter, maintenant tout de suite ? Pour le coup, l'hispanique avait refait heure par heure le décompte de sa journée.
Est-ce qu'elle avait mal parlé à quelqu'un qui serait allé se plaindre ? Avait cassé quelque chose, fait pleurer un des membres du groupe ? Non, elle n'était même pas allé se disputer avec Quinn pourtant...
Levant un regard interrogateur vers son mari, elle l'avait néanmoins suivi comme il le lui demandait jusqu'à leur chambre, lui laissant le soin de forcer sur la porte alors qu'elle resserrait les pans de sa veste en laine longue contre elle. Avec le retour du mauvais temps, et le manque d'entretien, elle avait tendance à particulièrement geler sur place à l'intérieur de ce chalet... Inquiète, elle ne fit néanmoins aucun commentaire pour suivre son mari à l'intérieur, attendant la suite. En douceur, elle s'était assise à ses côtés sur le lit, lui laissant le temps de prendre la parole pour ne pas le brusquer.

Et alors, elle avait compris. Joey. Il allait sérieusement falloir qu'elle songe à toucher deux mots au biker, et lui rappeler de se mêler de ses affaires. Ce n'était pas de la colère dans le regard de Gary, mais bel et bien de l'inquiétude. Une inquiétude qu'elle avait cherché à éviter tout le long de cette grossesse, espérant qu'il ne se rende jamais compte des risques encourus. Sauf que non. Joey avait ouvert sa gueule, une fois encore.

Je vois... S'était-elle contenté de répondre de manière laconique, alors que son mari cherchait à connaître d'avantage de détails. Allait-elle mourir ? C'était envisageable, en fonction de comment se déroulerait l'accouchement. Mais les femmes avaient accouché des centaines d'années sans les aides cliniques, et malgré quelques pertes la plupart avaient pu même recommencer jusqu'à avoir 7 ou 8 enfants.
Défiant son regard bleu quelques secondes alors qu'elle faisait le tri dans sa tête, la chirurgienne tenta tout de même un argument.

Si je te raconte les risques, tu ne vas plus dormir de la nuit, et tu n'as pas besoin ded ça en ce moment, tu le sais mieux que personne.

Néanmoins, il n'avait pas bronché, alors qu'elle soupirait longuement, ramenant une boucle brune à l'arrière de son épaule.

Oui, ça peut se compliquer. Le bébé peut être mort né, arriver par le siège, je peux mourir d'une hémorragie, ou d'une banale infection. Mais, ça n'arrivera pas.

D'une voix calme mais ferme elle avait assuré cette réponse en venant effleurer sa joue de sa main, lui offrant un regard rassurant.

J'ai survécu à la chute d'un stade, tu crois sérieusement qu'un banal accouchement me fait peur ?

C'était faux, bien évidemment. Bien sûr qu'elle avait peur, et avait envisagé toutes les possibilités. Mais elle ne pouvait décemment pas en parler avec lui, de peur qu'il ne panique encore plus et la fasse paniquer pour de bon. Ils pouvaient pas se le permette, et de toute manière sa grossesse était suffisamment avancée pour savoir qu'elle ne pourrait pas vivre de fausse couche. Elle devrait mener cette grossesse à terme, ou rien.

Ma mère à accouché chez elle Fit-elle remarquer en fronçant les sourcils. L'ambulance n'est pas arrivé à temps et du coup... Je suis née chez moi, en fait. Et elle n'en est pas morte.

Bon d'accord, elle était morte relativement vite. Mais pas à cause d'elle au moins !

Evidemment que ça lui faisait peur. Tout comme elle était terrifiée à l'idée de mourir dans d'atroces souffrances. Bien sûr qu'elle y pensait chaque jour, même si elle cachait ses sentiments derrière des hurlement de colère monumental à l'égard du premier qui la contredisait. Mais avec Gary... C'était tellement plus dur de cacher quoi que ce soit.
Alors qu'il se pose des questions, s'inquiète, elle ne pouvait que le comprendre, mais le rassurer... C'était une autre histoire. Elle n'avait jamais été une excellente menteuse, même pour tenter de rassurer des familles sur le cas de ses patients.

Tu sera là. C'est déjà suffisant... Souffla t-elle avec sincérité en posant une main contre sa joue, essayant de ne pas penser au pire malgré elle. Par instants, des flash de sa propre mort lui venaient à l'esprit, brouillant sa vue alors qu'elle cherchait à se concentrer sur la discussion. Ses doigts se mêlèrent aux sien alors qu'elle les serrait de toute ses forces pour se rattacher à la réalité, tandis qu'il épanchait ses doutes et ses peurs les plus sombres.
Et si ça arrivait, que se passerait-il ensuite ?
Un instant, l'hispanique ferma les yeux en y pensant. Les rouvrant pour capter le regard de son mari, elle inspira doucement pour inciter son coeur à cesser de battre aussi fort alors qu'elle reprenait la parole.

Si ça doit arriver... Tu m'empêchera de devenir l'un d'entre eux. Pas même une demi seconde. Une fois son dernier souffle poussé, il devrait prendre les choses en main. Tu m'a déjà cru morte une première fois, tu sauras y faire face. Parce que tu n'auras pas le choix, et que des tas de personnes ici comptent sur toi, à commencer par Joey, Norman et Max.

Il le fallait, voilà tout. La vie ne leur laissait plus le temps de pleurer les morts, ou de se lamenter sur leur triste sort. Quand le stade était tombé aux mains décharnées des rôdeurs, elle n'avait pas eu le temps de quoi que ce soit. Elle s'était contentée d'avancer aux côtés de Hope, jusqu'à retrouver un point d'ancrage en evergreen ridge. Voilà tout.
Elle, forte ? Rosee n'avait pu s'empêcher de rire légèrement en entendant ça. Non, elle n'était pas forte. Elle ne parvenait pas à tuer les rôdeurs sans ressentir une pointe de culpabilité, ne savait pas se battre. Se cachait derrière ceux qui sortaient en extérieur tous les jours, bien assise au chaud dans un fauteuil à se contenter de soigner ceux qui en avaient besoin. Se plaignait de tout et n'importe quoi, étant donné que son confort avait disparu des écrans radars. Non, elle n'était pas de ces gens qui savaient survivre à l'épidémie. Peut être que le jour ou elle accoucherait, si les choses se passaient bien, elle apprendrait. Mais pour l'instant... Non, elle était tout sauf courageuse et forte, bien loin de là.

Je ne suis pas. Mais tu m'apprendras, quand je n'aurai plus un ballon à la place du ventre... Lui fit-elle promettre en venant saisir sa main pour la poser sur l'arrondi du dit ventre alors que de timides mouvements s'y faisaient ressentir. Un silence s'installa alors qu'elle laissait à son mari la possibilité de sentir le bébé bouger, avant de rajouter. Et tu dois aussi l'apprendre à Norman. C'est un enfant, mais il s'habituera plus vite à ce monde que n'importe quel adulte, maintenant qu'il y est plongé.

Evidemment qu'elle aussi aimerait que tout se passe bien. Après avoir surrvécu à la chute de Century, elle se voyait mal perdre la partie sur quelque chose d'aussi anodin qu'un accouchement...
Mais au moins, Gary lui promit que si les choses se passaient bien, il s'occuperait de faire en sorte que Norman s'adapte parfaitement à ce monde en évoluant avec lui. C'était déjà un point rassurant pour elle, que de se dire que si les choses tournaient mal, son mari et son fils sauraient s'adapter à ce monde qui était désormais le leur.
Elle n'avait pu s'empêcher de sourire avec mélancolie en l'entendant répéter une des phrases de leur voeux de mariage, soufflant à la suite. Et dans la santé, comme dans la maladie... J'dois dire qu'on à été très clairvoyant pour le coup. Fit-elle remarquer d'un rire léger en y repensant.
Ce mariage avait eu beau se faire à la va vite alors qu'elle n'était qu'à quelques semaines du terme, il n'empêchait qu'il restait un des plus beaux jours de sa vie encore à l'heure actuelle.

La liste. Bon dieu, elle avait oublié cet infime détail concernant le fait qu'un nouveau né aurait besoin de choses pour son arrivée ici. Soupirant en réalisant la tonne de boulot que ce serait, elle hocha doucement la tête.

Ouais, exact. Il faudra qu'on regarde sur la carte les villes les plus proches en espérant qu'il existe un magasin fantastique du genre "le monde du berceau", ou on aurait juste à se servir...

Dans l'idéal, elle aurait voulu qu'Elisabeth soit ici. L'ancienne sage femme qui avait gérer son accouchement avait toujours su avoir les mots pour les rassurer, et lui donner de bons conseils. Mais à l'heure actuelle, elle se demandait même si l'afro américaine avait pu rejoindre Issaquah ou vivait sa soeur, comme elle le lui avait dit la dernière fois qu'elles s'étaient appelés...
Mais l'idée que Gary retourne à nouveau en éxtérieur en revanche... C'était quelque chose qui lui donnait presque envie de perdre les eaux là tout de suite. Grimaçant en l'écoutant dire qu'il était prêt à se jeter dans la mêlée encore une fois, l'espagnole posa une main contre la sienne pour capter son regard.

Gary... Pour une fois, je préférerais que tu reste plutôt avec moi. On est déjà assez angoissé à l'idée de l'accouchement, alors si tu n'as pas les idées clairs en ravitaillement... je ne veux pas imaginer. Je te demande juste de ne pas faire n'importe quoi dehors. Tu comprends ?

C'était une chose qu'il craigne de la perdre. C'en était une autre qu'il risque sa vie tous les jours dehors, avec un pourcentage de chance largement surélevée au sien, bien au chaud à l'intérieur du chalet.