Tout petit, Neil était la fierté de ses parents, un gosse curieux avec un sourire qui faisait craquer tous les adultes. A peine plus grand, il aimait encore mettre la main à la pâte, toucher à tout, poser des centaines de questions et courir dans tous les sens comme un chaton survolté.
Quand ses parents ont divorcé, et que son père s’est tiré à l’autre bout du continent, son énergie s’est transformée. Il est devenu rancunier, et comme son père avait déserté, il ne restait que sa mère pour se venger. Il était à peine adolescent quand il a connu l’envol et la chute sociale. Star de son école, il l’avait toujours plus ou moins été, mais bien entouré, ça jamais. Il a trop tiré sur la corde, persuadé que le monde tournait autour de lui et que jamais l’autorité n’oserait le blâmer.
C’est comme ça qu’il s’est fait virer du lycée, volontairement. Il voulait faire chier sa mère, et si elle était effectivement emmerdée, c’était sa propre vie qu’il venait de foutre en l’air. Ses potes sont devenus des connaissances et avant qu’il ait eu le temps de le réaliser, il était seul.

Sans le moindre diplôme ou ami il a végété pendant de longues années. Dans une torpeur qui semblait le conforter, il squattait l’appartement de sa mère sans même imaginer reprendre sa vie en main. Défaitiste, il n’a même pas pris la peine d’essayer. Il ne sortait de l’immeuble que trois ou quatre fois par mois, souvent pour trainer seul, comme s’il avait totalement oublié comment nouer la moindre relation avec le monde extérieur.
C’est pendant ces années de dépression que la fin du monde est arrivée. Au début confiant, au moins jusqu’en janvier 2016, il attendait, comme toujours, que le monde revienne à la normale sans rien y faire. Puis sa mère est morte.
Il avait passé tellement d’années à la pourrir, et elle tellement de temps à le garder auprès d’elle et le protéger malgré tout, qu’il la croyait immortelle. Il n’avait même jamais imaginé une vie sans elle. Au-delà de la douleur de sa perte et de la fin du monde, tout ce qu’il était venait de se briser. Le fils à maman était seul et absolument pas armé pour la vie extérieure.

Il s’est laissé trainer par des groupes dont les visages changeaient. Immature, fragile et quasiment muet, il ne comprenait pas pourquoi il restait en vie. Des gens tellement mieux taillés que lui pour ce monde crevaient les uns après les autres et lui, contre toute attente, était toujours là. Il n’était pas sûr de s’il était particulièrement chanceux ou qu’au contraire, survivre était sa punition divine.
Quand son dernier groupe l’a abandonné et qu’il s’est finalement retrouvé seul, il a dû réapprendre les bases. Peu à peu, au fil des mois, il est devenu plus que le corps sans vie qu’il était jusque-là. Toujours pas un survivant émérite, il s’est quand même démerdé pour rester en vie. Lorsqu’il a rejoint un groupe pendant l’hiver 2016-2017, il n’était plus un poids mort à trainer. Il les a rejoint et quitté selon ses propres termes.

Posant enfin un pied dans Seattle, il a d’abord formé une alliance avec un type porté disparu depuis, surement décédé. Finalement, c’est American Dream qui l’a récupéré. S’il savait survivre dans la nature, la ville était trop hostile pour être seul, n’ayant pas vraiment le choix, il est resté.
Les tensions du groupe l’ont affecté plus qu’elles n’auraient dû et tout ce qu’il avait gagné en ouverture au monde s’est émietté pour disparaitre. Redevenu égoïste et taciturne, désespoir et rancœur se battent en duel pour être son moteur d'actions. Le groupe le fatigue, de temps en temps il s'accorde des vacances en accompagnant Victoria.