Ft. Liam.

Une question tournait sans cesse dans la tête de Zoey. Et si Isaac avait fait pareil avec elle ? Si lui aussi avait décidé, après l'avoir trouvé quasi morte sur le bord de la route, de l'attacher à l'extérieur ? Ils ne traitaient même pas leurs animaux de cette manière. Alors pourquoi le faisaient-ils avec cet homme ? Quand le groupe avait commencé à en parler, les yeux de l'ancienne organisatrice de mariage s'étaient écarquillés progressivement. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle entendait. Ses gros yeux allèrent directement se poser sur Jack, tentant silencieusement de lui faire comprendre que ce qu'il disait, ce qu'ils avaient décidé, était tout simplement inhumain. Qu'un tel raisonnement sorte de la bouche de son compagnon la laissa sans voix. Ne réalisait-il pas qu'elle avait vécu la même chose ? Que, grâce à Isaac, il pouvait dormir à ses côtés à l'heure actuelle ?

La dispute qui suivit eut le mérite d'éclairci la situation. Zoey savait pertinemment comment elle était et, au final, devant les arguments de Jack, elle avait fini par comprendre son raisonnement et accepter de laisser l'inconnu dans les écuries. A contre cœur, forcément, mais ils ne pouvaient pas faire autrement. Dans tout ça, elle avait quand même réussi à négocier de pouvoir aller le soigner. De toute façon, s'ils ne voulaient pas se retrouver avec un rôdeur attaché à un poteau, ils n'avaient pas vraiment le choix. C'est donc avec un petit carton contenant des médicaments, des compresses, du désinfectant et d'autres choses utiles que Zoey prenait la direction des écuries, chaque matin et chaque soir.

Ce matin là, Nessie à ses pieds, les oreilles relevées puisque intéressée par le contenu de la boite que tenait sa maîtresse, Zoey avança jusqu'aux écuries et s'arrêta devant la porte. Était-il réellement raisonnable d'y aller seule ? Peut-être qu'une fois éveillé, l'homme se montrerait agressif. Peut-être que, comme son agresseur, il profiterait de la situation pour s'en prendre à elle et tenter de fuir. Jusqu'à présent elle ne l'avait vu qu'endormi. Tellement affaibli, l'homme ne s'était jamais réveillé, même lorsque la brune fut obligée de lui retirer une partie de ses vêtements pour pouvoir le soigner correctement. Mais une fois réveillé, Jack et Isaac s'étaient chargé de discuté avec lui, de lui expliquer les conditions et les raisons de sa captivité. C'était la première fois qu'elle devrait faire face à cet homme, réellement.


Les yeux rivés sur la petite chienne qui avait fini par poser l'arrière train au sol le temps que sa maîtresse termine sa réflexion, Zoey pinça les lèvres en tapant un peu du pied. Non, les gens n'étaient pas tous méchants. Non, elle ne pouvait pas refuser de le soigner parce qu'elle même avait été soignée. Que la vie de cet homme, peu importe qui il était avant et qui il était devenu, était aussi importante que la sienne. Doucement, pour faire le minimum de bruit, Zoey fit glisser suffisamment la porte pour se faufiler à l'intérieur mais elle s'arrêta net dans l’entrebâillement en voyant l'homme lever la tête dans sa direction. En entendant l'inconnu la saluer, tout en accompagnant la chose d'un sourire, Zoey resta interdite quelques secondes. Les phrases méfiantes de Jack lui revinrent en tête, ses consignes aussi. D'instinct, elle baissa les yeux sur le sol, laissant Nessie aller faire le tour de l'inconnu qu'elle connaissait déjà bien pour l'avoir reniflé et léché une paire de fois pendant qu'il dormait. Forcément, la bestiole commença à lui faire la fête, contente de le voir réveillé. Mais Zoey la rappela à l'ordre rapidement. « Nessie ! » Lança-elle sans aucune agressivité dans la voix, simplement en haussant un tout petit peu le ton. Ses yeux passèrent de la chienne jusqu'à l'inconnu puis finir, elle demanda à la chienne de venir à côté d'elle. « Viens là. » La phrase suffisait pour que la petite chienne noire comprenne où elle devait se rendre. En sautant quelque peu sur elle même, elle écouta sa maîtresse et alla s'installer à côté de ses jambes.

Debout face à l'inconnu, conservant tout de même une distance de sécurité réglementaire, elle croisa les jambes pour finalement plier les genoux afin de s'asseoir en tailleur sur le sol, la boite posée devant elle. Elle dévisagea l'homme, cherchant presque à lire en lui. Il n'avait pas l'air agressif et semblait se porter mieux. Elle n'avait pas de raison de l'ignorer ou de ne pas lui parler, même si Jack lui avait demandé. Alors elle lui adressa un sourire doux, comme elle savait tant le faire. « Bonjour. » Dit elle, là aussi avec une incroyable douceur. Ne sachant pas trop par quoi enchaîner, elle désigna rapidement l'avant bras de l'homme avec l'index. « Tes blessures cicatrisent bien. » Ses mains jointes entre ses cuisses, elle en libéra de nouveau une pour désigner la balafre qu'il avait sur le visage. « J'ai fait du mieux que j'ai pu pour celle-là, mais à mon avis tu vas en garder une belle cicatrice. » Avec plus de prudence dans sa voix et dans ses gestes, elle récupéra la boite et leva les yeux vers l'homme. « Je dois continuer à te soigner si on ne veut pas que ça s'infecte. » Et parce que Zoey restait Zoey. « Est-ce que je peux ? » Lui demanda elle, afin d'être bien sûre qu'elle avait son autorisation pour le toucher, maintenant qu'il était parfaitement réveillé.

Le poids de son corps maigrichon le tiraillait de part en part. Cette posture était à la fois très mauvaise pour son dos, et très mauvaise pour son mental. Enfin bon, c'était probablement la meilleure chose à faire, visiblement. Ces gens étaient méfiants, et ils en avaient totalement le droit. Mais bon. C'est quand même plutôt "amusant" comme situation, finalement. Fuir une agression, pour s'écraser sur le parvis d'une maison, tout en protégeant pendant sa chute et le peu de lucidité qu'il lui restait, sa guitare. A son réveil, il était ficelé comme un saucisson sec. La première question était "finalement, est-ce que ça valait le coup de fuir jusqu'ici?". Et il n'avait pas trouvé une quelconque réponse sur le coup. Il se contentait d'analyser, lorsqu'il arrivait à ouvrir les yeux. La fatigue jouait pour beaucoup. Son état également. Et son âge par dessus le reste. A quarante-six ans, il n'était plus autant frais qu'une jeune bambin ayant la vingtaine. Et ça, c'était quelque chose qu'il fallait garder en tête. Du coup, il y avait des moments où il ouvrait les yeux. Mais la fatigue, le fait d'être ligoté, d'avoir tout le temps le dos contre une poutre, le blessait physiquement et aggravait légèrement son cas. Alors il se rendormait pendant des heures. Des fois, il entendait des voix parler. Peut être qu'elles parlaient de lui. Peut être qu'ils étaient tout près, voir même, devant son corps. Allez savoir. Pour lui c'était qu'une bouillie de voyelles et de consonnes. Mais aujourd'hui, ça allait un poil mieux.

Il avait écarquillé les yeux, pour s'adapter à la luminosité des lieux. Il était toujours ici. Et finalement, outre le dos, il y dormait plutôt bien. Du moins, il avait le cœur serein. Parce que techniquement, si ces types voulaient sa mort, ils l'auraient tués au lieu de le ficeler et lui apporter à manger, lui faire des soins, et lui donner à boire. Certes, ils lui posaient des questions à la tire. Mais c'était pas enquiquinant. Du coup, il dormait plutôt bien, ne se souciant pas vraiment de ce qu'il pourrait lui arriver. Ayant cette lucide lueur d'espoir que les autres défendraient leur camp si celui-ci était attaqué. Et du coup, il n'avait pas à craindre une invasion des "gueux" comme il aimait bien les surnommer. Enfin. Il n'avait pas à craindre quoi que ce soit, à vrai dire. Ici, il était sous la tutelle de ces braves gens. Et il saurait les remercier, au cas par cas, lorsqu'il serait temps pour lui d'être détaché. Parce qu'au fond, il savait que ce jour allait arriver, aussi long pouvait-il paraître. Et ce jour là, la première chose qu'il allait faire, c'est fumer une cigarette, et prendre une douche. Puis retrouver sa guitare, et reprendre un air ou deux. Si personne ne l'avait utilisé comme combustion pour la cheminée. La porte de ce qui était provisoirement son lieu d'incarcération, s'était entre-ouverte.

"Salut !" Fit-il, en accompagnant la formule de politesse par un sourire généreux, qu'il avait jadis habitude d'arborer. Comme quoi le naturel revenait toujours au galop ! Et même s'il était attaché, froissé dans son estime de s'être fait agressé par deux connards dont il ne s'était pas véritablement méfié, Liam était un type simple, cool, et incroyablement gentil.

Elle était restée dans l’entrebâillement de la porte. Et oui. Même si le jeu d'ombre et de lumières l'empêchait de voir qui était la personne ici, et même avant qu'elle n'utilise sa voix, Liam avait remarqué directement que c'était une demoiselle. Sa silhouette y jouait pour beaucoup. Il ne disait rien d'autre, laissant le chien faire un tour du proprio. Espérons qu'il ne marque pas son territoire sur Liam. C'est tout ce qu'il demandait. Déjà que, les liens l'empêchait de se gratter, c'était terrible s'il lui urinait dessus. Le guitariste était peu fier de son hygiène. Il espérait juste que le supplice n'allait pas durer trop longtemps.

C'est alors qu'elle s'était installée face à lui, en tailleur. Il gardait son sourire au visage. Les contacts humains, finalement, c'est ce qui lui manquait le plus. Alors, il profitait tellement de pouvoir voir quelqu'un, que tout son corps le lui rendait. Il était heureux. Il lui en fallait peu n'est-ce pas. C'est alors qu'il écoutait le "docteur" puisque c'était apparemment le rôle de la demoiselle ici, lui énoncer les diverses et variées blessures qu'il avait sur le corps. Notamment une au visage. Apparemment elle avait fait du bon boulot.

"Avant tout chose, je te remercie ! Du fond du cœur, pour ce que tu fais pour moi."

Le gaillard essayait de remuer pour se mettre dans une position confortable, avant de remarquer que c'était inutile. Bien évidemment, sans faire de gestes brusques, afin d'éviter toute confusion avec cette personne. Ses yeux étaient légèrement plissés, en amandes. Il regardait la brune avant de reprendre.

"Et... euh... Pourquoi tu pose la question ? J'ai pas envie d'être infecté !" Avouait-il en ricanant joyeusement. Il tentait de bouger légèrement sa cuisse afin de pouvoir bien étendre sa jambe. La poche de son treillis était accessible, mais il n'avait pas les mains pour. Peut être que Zoey allait pouvoir le faire. "Je saurais me montrer le plus docile possible. Est-ce que juste tu peux checker dans ma poche. Normalement, il doit y avoir une clope écrasée, une bande de souffre et deux trois allumettes."

Il ne disait plus rien, préférant laisser le doc' faire ce qu'elle avait à faire. Mais une question le taraudait. Cette question ricochait dans sa tête depuis quelques temps. A quoi ressemblait ses blessures ? Comme il n'avait pas vraiment de miroir face à lui, il ne pouvait pas savoir. Et son débardeur l'empêchait de voir ce qu'il y avait en dessous. Il savait juste qu'il avait mal un peu partout. Notamment au bras, torse, cuisse, dos, tête. Donc oui. Un peu partout finalement. "Elles ressemblent à quoi, ces blessures?".. 'Fin, je veux dire, j'ai vraiment une sale gueule?

Zoey n'avait absolument pas élaboré de stratégie où une fausse gentillesse serait mise en place afin d'instaurer un climat de confiance avec l'inconnu. Non, Zoey avait tout simplement agit d'instinct. Cet homme était arrivé blessé et à bout de force devant leur refuge. A quelques détails près, le brun avait vécu la même chose qu'elle et il était impensable de ne pas agir comme Isaac l'avait fait avec elle. Mais malgré tout ça, les mots de Jack lui revenaient sans cesse dans le crâne. Sans doute que sa rencontre avec Luke y jouait un peu pour quelque chose. Peut-être que cette histoire l'avait rendu un tout petit peu plus méfiante, sans même qu'elle ne le réalise.

N'empêche que, malgré tous les avertissements qu'elle avait reçu de la part de son conjoint, le sourire que lui offrit l'inconnu suffit pour la convaincre qu'elle ne risquait rien. Que les premiers mots de l'homme soient des remerciements la laissa un peu bête. Elle lui offrit elle aussi un sourire un peu gêné et, après avoir secoué la tête pour lui faire comprendre qu'il n'avait pas à le faire, Zoey s'empara de la boite où était rangé tout le matériel dont elle avait besoin. « Tu n'as pas besoin de me remercier. » Lança la brune, le ton doux. Elle n'attendait pas de réponse. Elle ne voulait pas qu'il insiste parce que ce qu'elle disait être vrai, ses remerciements n'étaient pas nécessaires.

Immobile, laissant simplement ses yeux azurs scruter l'homme, Zoey l'écouta répondre à sa question. Il lui assurait de se montrer docile mais sa demande de fouiller l'intérieur de sa poche pour y trouver une cigarette lui fit rapidement froncer les sourcils. Était-ce pour qu'elle se rapproche et qu'il puisse plus aisément l'atteindre ? Allait-il la mordre ? La brune pinça les lèvres et fit une petite moue, signe qu'elle était en train de réfléchir. Tout plein de chose se bousculait dans sa tête. Et si il ne tentait rien ? Mais devait elle prendre le risque de tester ? Si elle prenait le risque et qu'il l'attaquait ? Devait elle écouter Jack et se résigner à seulement le soigner et rien d'autre ?
Dépliant les jambes pour s'installer à genoux face à l'inconnu, elle s'approcha suffisamment pour venir tamponner la cicatrice qu'il avait au visage avec son petit bout de coton.

« Je te soigne en premier. » Dit elle gentiment en continuant de nettoyer la plaie avec douceur. « Si je te fais mal, n'hésite pas à me le dire. » Elle fit une petite grimace en se penchant sur le côté pour attraper un autre flacon et un coton propre. « Je me doute que ça ne doit pas être très agréable. » Et finalement, elle pouffa légèrement de rire en entendant sa question. Avait-il une sale gueule ? Oui, un peu. Pouvait elle lui dire ? Non pas vraiment. Elle balança la tête légèrement, mimant de réfléchir avant de se mettre à rire et donc de se trahir. « J'ai le malheur de te dire que oui, tu as une sale gueule. » Répondit elle en continuant un peu à rire. Et elle continua, plus doucement cette fois. « Mais si tu ne bouge pas trop et qu'on te soigne correctement, tu n'en garderas aucune trace. »

« J'ai du te déshabiller. » Commença elle en reculant un peu. De l'index, elle lui désigna le torse. « Tu as une vilaine éraflure au niveau du torse. En plus des bleus. » Elle descendit le regard vers l'arrière où se trouvait son avant bras, attaché au poteau. « C'est celle de ton avant bras qui était la plus profonde. Ça va demander encore un peu de patience mais..ça devrait aller. » Avec prudence, elle se redressa pour finir se placer dans le dos de l'homme. Nettoyer un bras attaché n'était pas quelque chose de très évident. Une fois installée, elle reprit. « Comment tu t'appelles ? » Au moment où elle posa la question, elle réalisa qu'elle même ne s'était pas présentée. « Je m'appelle Zoey. » Elle laissa un silence et termina. « Tu peux m'expliquer ce qu'il t'es arrivé ? »

Pas obligé de la remercier. Ah bon ? C'était évidemment certain qu'elle utilisait des ressources appartenant au groupe pour soigner une personne qui n'était pas un membre actif de ce groupe. Dans l'idée collective, c'était comme gaspiller ses ressources. Du moins, ça pouvait être perçue comme telle. Mais de son côté, la brune face à lui, semblait faire ça par instinct. Liam le remarquait que très bien. Elle était du genre sympathique et souriante, aidante. C'était tout à son honneur bien évidemment. Fatalement, Liam avait l'impression d'être face à un reflet. Une version féminine de lui-même. Calme. Gentil. Aidant. Le cœur sur la main.

Néanmoins, aujourd'hui, il n'avait guère droit à sa petite pause clope et c'est bien regrettable. Enfin, pas vraiment en fait. Elle n'avait guère refusé. Juste qu'elle préférait s'occuper des soins avant toute chose. Pourquoi pas. Mais si par la suite il pouvait s'en fumer une, ça ne serait que meilleur ! La nicotine aidait à surmonter quelques étapes. Du moins, c'est ce qu'il croyait. Ils eurent par la suite un commun fou rire lorsqu'elle lui avouait qu'il avait une sale gueule. Effectivement. Entre l'âge et les coups reçus, son physique avait du en prendre un sacré coup. Mais bon. Fort heureusement pour lui, ce n'était pas quelque chose qui l'importait tant que ça. Sa gueule, il faisait avec. C'était surtout les douleurs qui le gênaient. Notamment celle dans le dos. A l'approche de la cinquantaine, être attaché pendant une semaine dos à une poutre, est une position très inconfortable. Rien que l'idée de devoir se mettre debout pour marcher le fait grimacer. Il avait cette impression que son corps était en train de lâcher, à petit feu. C'était peut être qu'une idée.

Vint ensuite le tour du médecin. Elle fit un diagnostic complet de son état. Éraflure sur le torse. Blessure à l'avant-bras. Et à chaque fois qu'elle énumérait une blessure, une coupure ou une égratignure, il avait dans sa tête, comme des flashback des scènes où il se fit agresser, dans cette maison, par les deux fumiers. Coup de couteau, coup de pieds, l'arme du brun qui tentait de l'assassiner de loin. Les balles fusantes, s'écrasant contre la paroi d'un mur. Lui qui court. Qui court, avec le cœur qui s'emballe. La peur au ventre. La peur d'y passer. Ses jambes fusaient tellement qu'il avait l'impression, avec le recul, de voler pendant quelques secondes. Que ses pieds n'avaient pas encore eu le temps de toucher le sol, qu'il y eu déjà l'impulsion nécessaire pour parcourir quelques mètres de plus. Encore et encore. Avant de tomber, écroulé sous la fatigue et les blessures. Il suffisait qu'un court instant de répit, pour que toutes les douleurs se réveillent, et que l'adrénaline ne fasse plus effet. Puis ce fut le black-out. Vint toute cette histoire par la suite. La grange. Les gens. Les soins. Le monsieur méchant avec ses gros bras et son marteau. Un sacré trou du cul celui-là.

▬ Je m'appelle Liam, Liam Shelby. Ravi de faire ta connaissance Dr Zoey !

Il jouait franc jeu.

▬ Je vagabondais, je cherchais des vivres pour continuer d'exister. C'était la fin d'une ère à vrai dire. Plus de bouffe. Plus d'eau. Plus de clopes. Plus de toit au-dessus de la tête. Plus de groupe non plus d'ailleurs. Juste un homme et sa guitare.

Il marquait un temps de pause pour essayer de se redresser. La poutre était en train de lui faire mal aux ossements, et il tentait de retrouver une position moins inconfortable.

▬ Puis, vint ces deux mecs. Un blond, et un brun. Le blond s'approche de moi pour faire ami-ami. L'autre avait la main posée sur son flingue. Pas folle la guêpe, j'ai d'abord tenté de la jouer pacifique avec ces deux-là. Mais je le sentais pas. Grand seigneur, je me dis que s'ils voulaient me buter, ils auraient pu le faire lorsque j'étais dos à eux en train de fouiller le coffre d'une caisse. Alors je baisse ma garde, et je leur propose même de faire un petit bout de route ensemble. Apparemment ils manquent de vivre aussi, c'était pour moi un moyen de pouvoir les aider. J'ai été trop bon, trop con. Une fois après avoir fouillé une baraque, le blond me tombe dessus. Y'avais des cadavres au sol. Il me proposait de lui filer toutes mes vivres pour pas finir comme eux.

La rage aux dents, le visage crispé, Liam continuait.

▬ C'est pas dans mes habitudes, mais j'ai ouvert les hostilités, tentant de me battre et trouver un moyen de leur échapper. Et bien évidemment, c'est tourné au vinaigre. L'autre me sort un couteau et tente de m'opérer comme un boucher. Je me suis protégé avec mon bras. Dans la foulée, j'ai du prendre quelques coups. De tout mon poids, j'ai poussé le petit maigre sur le grand, ils sont tombés et je me suis enfuis. Y'a deux ou trois balles qui ont fusées, par chance j'ai rien eu.

Il marquait un énième temps de pause avant de reprendre.

▬ J'ai jamais levé le petit doigt sur un être humain. C'est une règle que je m'étais fixé, au début de cette merde. Les vies humaines sont très importantes dans un contexte comme celui-ci. Sans entraide, on crèvera tous. Néanmoins, je peux pas tolérer que deux types comme eux puissent vivre. Ils s'en prennent à des innocents. Cela dit, ils ont fait une erreur. Dans leur délire, à présent, j'ai son prénom au grand blond. Zack. Et lui, je me jure de le retrouver.

Il haussait les épaules.

▬ Enfin... J'dis ça. Mais j'suis pas sûr de pouvoir y arriver...

« Enchantée, Liam ». Répondit Zoey avec un sourire amusé alors qu'elle s'était décalé quelque seconde pour lui faire face. Toujours occupée à nettoyer ses plaies, l'ancienne organisatrice de mariage écouta le récit de l'homme.
Les histoires des uns et des autres étaient tellement semblables. Les recherches de nourriture, d'eau et d'un refuge étaient principalement ce qui les gardait en vie. Leur seul et unique but dans leur quotidien. L'histoire de Liam n'avait rien de surprenant. Chercher des vivres, faire une mauvaise rencontre et terminer dans un sale état. Plus que jamais Zoey se sentit très proche de cet homme dont pourtant elle ne connaissait quasiment rien.  Lorsqu'elle eut terminé de nettoyer la plaie se trouvant sur son bras, Zoey se redressa et revint à sa place initiale. Accroupie devant lui, elle rangea tout ce qu'elle avait sorti de la boite de secours, le laissant terminer son récit par la même occasion.

La façon dont l'homme s'adressait à elle, les mots qu'il choisissait, Zoey était certaine qu'il était sincère. Il ne s'agissait là que de son instinct, elle n'avait rien pour prouver aux autres que ce qu'il racontait était l'entière vérité mais, elle,elle le croyait. Elle se mordit la joue et baissa les yeux lorsqu'il évoqua l'importance d'une vie humaine et ne pas cautionner que des êtres humains s'en prennent à des innocents. Directement, le visage de Luke lui apparu devant les yeux. La peur qu'elle avait ressenti en prenant la fuite refit surface, lui hérissant le poil et électrisant sa nuque. Une sensation d'insécurité immédiate l'envahit et sa respiration devint saccadée, bien qu'elle chercher à le cacher. Le regard fuyant, elle hocha simplement la tête aux dires de Liam. Contrairement à lui, Zoey n'était absolument pas habitée par un besoin de vengeance. Elle voulait simplement que ce genre de mésaventure ne se reproduise plus. Ni pour elle, ni pour Jack qui, même s'il n'avait eu aucune blessure ou n'avait pas du prendre la fuite, s'était inquiété et l'avait cherché pendant des semaines.

Avec une petite moue, Zoey se décida à répondre. « J'ai vécu à peu près la même chose que toi. » Elle laissa un silence et s’essaya en tailleur face à Liam. « Mais je ne suis pas sûre que les retrouver et les tuer soit la meilleure solution. » Elle eut un sourire désolé puis elle haussa une épaule. « Au final, on deviendrait comme eux non ? » Zoey partageait l'avis de l'homme concernant les vies humaines. Elles étaient toutes importantes. Même celles de ceux qui s'en prenaient délibérément aux innocents. Tuer quelqu'un, peu importe le contexte, était un acte grave. Les menaces qui rôdaient dans les rues suffisaient, les humains n'avaient pas à se tuer entre eux. Une vision un peu naïve mais Zoey s'y raccrochait. « J'étais sur les routes avec Jack. » Doucement elle commença son récit, à son tour, en croisant les bras sur ses genoux.  « Comme toi, on cherchait de quoi manger, un endroit où se reposer. Mais on a été séparé. » Elle resta un instant à fixer Liam. La suite n'était pas difficile à deviner. « Je me suis retrouvée coincée avec un homme que je n'avais jamais vu avant. Il m'a blessé, j'ai du prendre la fuite. » Elle baissa les yeux sur les blessures du guitariste. « J'ai réussi à m'éloigner jusqu'à ce que je perde conscience. Isaac m'a trouvé. Il m'a sauvé. Il m'a mis à l’abri et il m'a soigné. » Elle secoua la tête. « Comme tu peux le voir, je n'ai pas grand chose de menaçant. Je n'avais rien d'important sur moi pourtant. C'était un acte gratuit, d'une mauvaise personne, tout simplement. » Zoey soupira légèrement et se mordilla les lèvres avant de reprendre. « Je n'ai jamais voulu le retrouver et lui faire payer ce qu'il m'a fait. » Elle se mit à rire. « Ce n'est pas le cas pour tout le monde ici, tu comprendras sans doute mieux pourquoi tu es attaché à cette poutre du coup. » Ceci expliquait cela. Au moins, grâce à leur discussion, Liam pouvait être sur que le groupe n'était pas mal attentionné mais simplement prévenant. Que les événements du passé leur avait servi de leçon et qu'ils ne prendraient aucun risque.

« J'espère ne jamais recroiser sa route. Parce que, dans tous les cas, il y aura de la casse. Autant pour lui que pour la personne qui le tuera. » Nessie qui trottinait autour d'eux vint finalement s'installer entre les jambes croisées de la brune. Distraitement, elle se mit à lui caresser la tête. « Si nous sommes encore là tous les deux, c'est justement grâce à l'entraide. C'est ce qui est le plus important et c'est ce qui, à mon sens, doit nous animer. Pas l'esprit de vengeance qui nous ferait devenir fou en peu de temps tu ne crois pas ? »

Sans ajouter un mot, Zoey se pencha et fouilla la poche de l'homme comme il lui avait demandé précédemment. Elle tira de là une clope tordue et un briquet. Délicatement elle alla caler la cigarette entre les lèvres de Liam et l'alluma. « Il faudra simplement être patient et ne pas faire de vagues. Si tout se passe bien, tu pourras retrouver ta liberté et décider de ce que tu voudras faire. Rester, ou partir te venger. ».