Il faisait terriblement froid et les réserves commençaient à manquer. Il fallait faire quelque chose, agir, chercher des réserves. Ray s’était proposé tout naturellement, il devait aider. Le chalet comprenait deux femmes enceintes, il fallait les nourrir, s’en occuper. Il y avait des gens plus faibles, plus jeunes. Richard était en pleine forme, il était normal qu’il sorte et qu’il cherche de quoi manger pour tout le monde. Il partirait avec quelqu’un sur quelques kilomètres et ensuite ils se séparaient. Les premières heures de route furent faites en voiture, le froid était moins mordant dans l’habitacle de fer. Il n’y avait pas de chauffage, mais au moins on ne sentait pas le vent glacial. Il savait que la séparation aurait bientôt lieu et cela ne le rendait pas forcément de bonne humeur. L’homme vérifiait son matériel. Il avait pris de quoi boire, grignoter un peu et son fameux pied de biche, indispensable pour détruire les méchants rôdeurs. Ils s’arrêtèrent et l’autre homme le fixa. « On continue à pied. » L’homme hocha la tête et sortit de la voiture. Le froid mordit aussitôt Ray qui frissonna. Il ne s’y attendait pas et il regarda le paysage. Il avait l’impression d’être gelé jusqu’à la pointe des oreilles et il n’appréciait pas cela. Il remonta le col de sa veste qui retenait la chaleur, ajustant des gants qui n’avaient pas toujours été siens, mais aussi à quelqu’un d’autre.

Il se fit la réflexion que cela faisait un an que sa petite Barbara était morte et son regard se voila un instant, très triste. Il chassa la peine, même si elle resterait à jamais en lui et se mit en marche. La neige ne rendait pas sa progression très rapide, bien au contraire. Il se demandait s’il allait mourir de froid et se fit la réflexion que son corps tiendrait. Il se dirigeait vers l’olympic park. Néanmoins il dut faire des pauses. Ce n’était pas si facile de faire tant de kilomètres, il s’arrêtait aussi pour vérifier qu’une horde de zombies ne lui tombe dessus. A cette pensée, l’horreur l’envahit, ainsi que les divers sentiments, tous plus compliqués les uns que les autres. Il ferma un instant les yeux, passa une main sur son visage usé, il ne pouvait pas perdre les pédales, il n’était pas seul. Il ouvrit les yeux et se donna une baffe mentale. Il pouvait le faire, vraiment. Un tressaillement courut le long de son échine, il ne devait pas baisser les bras. Il se redressa et Ray se remit en chemin. Il ne trouvait pas grand-chose et cela le désespérait. Il se demandait s’il n’avait pas mieux temps de rentrer. Malgré tout, il décida de continuer, même si ce n’était pas facile. Ses pieds s’enfonçaient parfois dans la neige et cela avait le don de l’agacer. Il plissa les yeux, vraiment contrarié même s’il décida de faire taire ses démons intérieurs.

Richard ne pouvait pas se permettre d’être de mauvaise humeur s’il voulait survivre. Il continuait de marcher et il commençait sérieusement à s’inquiéter. Des flocons de neige se mirent à tomber et un instant Ray se stoppa. Il leva la tête au-dessus de lui et regarda la neige lui tomber sur le bout du nez, fasciné. Il ressentit soudainement une joie enfantine. Barbara aurait adoré cela, sa petite fille. L’homme se mit en marche sous les quelques flocons de neige, le pas sûr. Il sentait le froid mordiller sa chair, mais avec son objectif en tête, il refusait de s’arrêter. Ray se stoppa, il avait cru voir quelque chose en mouvement non loin de lui. Cela pouvait être un rôdeur, alors il s’était automatiquement figé. Il se demandait très exactement ce qu’il avait sous les yeux. Il observa cette grosse silhouette se déplacer et n’en crut pas ses yeux, un cheval ! Il n’en avait plus vu depuis la fin du monde. Il ne bougea pas, ne sachant pas vraiment comment réagir à dire vrai. Devait-il s’approcher ? Risquait-il quelque chose ? De toute manière il risquait d’être vu, donc autant prendre les devants. Il s’approcha calmement, chose presque irréelle dans ce tas de neige. « Bonjour ! » Situation presque irréelle, croiser un vivant qui semblait bien.

C’était du moins ce qu’il pensait, mais rien n’était sûr. Son regard était rivé sur le palomino qui était tacheté à cause de la neige. Il n’en croyait vraiment pas ses yeux. Il regarda l’alentour et constata que la neige commençait à tenir. « Misère, ça va tenir. » Et le soleil semblait étrangement prêt à se coucher. Ray fronça les sourcils, ne s’y attendant pas, le temps avait passé étrangement vite. « Vous venez de loin ? » Il était naturellement sociable, faisant la discussion l’air de rien. Cela ne voulait pas dire qu’il se dévoilait facilement, bien au contraire.

Ray aurait dû se cacher, jamais se montrer aussi vite et avec aussi peu de précaution. Pourtant il avait décidé de s’avancer et de parler avec calme. Était-ce un imbécile ? Peut-être bien. Il n’en savait trop rien. Le manque de réponse de l’inconnu lui fit dire qu’il n’aurait pas dû parler aussi vite. C’était une grave erreur. Avec la fin du monde, il fallait se méfier de tout le monde pour survivre. Des gens devenaient profondément cruels et vous faisaient du mal. Mais Richard avait franchement du mal à croire que cet homme devant lui, lui voulait du mal. En général il faisait confiance à son instinct qui le détrompait rarement. Clairement, le brun avait fait une grosse erreur en partant aussi loin tout seul. Il ne savait pas s’il serait capable de rentrer avant l’heure demandée. « En quelque sorte. » Fut sa réponse quand l’autre homme lui demanda s’il était paumé. Richard avait compris que lui demander d’où il venait ne servait à rien. Il n’obtiendrait aucune réponse digne de ce nom. La neige se fixait aux cheveux foncés de Ray et il frissonna. Il jetait de temps en temps un regard sur la jument, vraiment fasciné. Il ne pensait pas en revoir dans cette vie. Il avait pensé que la plupart des animaux était mort et il était toujours fasciné quand il croisait des animaux vivants. Il avait beau être sympa, sociable et tout ce qu’on pouvait dire, il avait souvent préféré les animaux aux hommes.

Il y avait une certaine distance entre l’homme à pieds et l’homme à cheval. Peut-être bien une mesure de sécurité. Après tout ils ne se connaissaient pas. Richard pourrait être un fou furieux assoiffé de sang. Il crut voir l’inconnu sortir quelque chose de sa poche, mais ne fut pas très sûr et plissa les yeux. Il ne demanda rien. Il n’avait pas envie non plus d’entretenir la conversation pour rien. Il suivit du regard le mouvement du bras et se demanda si cela ne déviait pas de son chemin. « C’est là-bas que vous vous rendez ? » Richard enfonça ses mains dans ses poches, conscient pourtant que sa position ne le mettait pas en position de force, bien au contraire. Cela devait le faire paraître terriblement faible. Mais Ray n’était pas armé d’un pistolet, alors ce n’était pas avec un pied de biche qu’il allait faire du mal à un homme à cheval. « Du nord, par là-haut. » Il désigna evergreen ridge sans le mentionner. « Si un jour on m’avait dit que je reverrais un cheval. » Il se secoua comme un chat qui venait de tomber dans l’eau et passa une main dans ses cheveux glacés. « On devrait bouger. » Ou alors ils devraient chacun partir de leur côté. Richard ne savait pas vraiment comment se comporter. « Je m’appelle Richard. »

C’était histoire de faire le premier pas. Il avait envie de mettre un nom sur ce visage. Il n’avait pas envie de continuer de nommer cet homme dans sa tête comme l’inconnu ou lui. Non c’était trop pénible. Son regard foncé sonda rapidement la zone alors qu’il bougeait d’une jambe à une autre. Il ne voulait pas geler sur place. Il devait faire encore le tour de la zone et ensuite retourner au point de ralliement. Mais la neige s’intensifiait et cela ne le rassurait vraiment pas. Il voyait à peine les traces qu’il avait faites en venant ici. Une boule d’angoisse naquit dans le creux de son estomac. Mais inutile de perdre les pédales à présent, cela ne l’aiderait nullement à avancer. De plus, perdre le contrôle devant un inconnu ne donnait pas une bonne image. Oui il était quelque peu fier et c’était probablement stupide, mais il s’en fichait. La fierté ne l’avait pas encore tué.