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Eli - Run, clever boy.
Mar 24 Jan 2017 - 0:52
21 ans ≡ Mexicain ≡ Artiste de rue ≡ Emerald Freedom
i've got a war in my mind
Eli est du genre à faire passer sa propre personne et son confort en dernier. À se priver de repas pour qu'un autre y ait droit. Il s'en fout, ne se considère pas comme très important, et certainement pas mieux que ses congénères. Il a toujours vécu dans la modestie et le partage. Ça aide, depuis le début de ces événements. Il a plus d'espace dans ce lycée barricadé que dans le vieil appartement qu’il partageait avec ses colocs. Et puis, les privations se font moins ressentir que pour les petits bourges qui tombent de haut. Il s'en moque gentiment, d'ailleurs. Dans un sens, il serait presque satisfait de les voir redescendre sur Terre. Tout le monde au même niveau ; tout le monde dans la même galère.
Socialement parlant, Eli est relativement à l'aise en communauté -lorsqu'il s'entoure de personnes au caractère tempéré ou de jeunes de sa génération. Autrement, il est probable de voir naître facilement quelques tensions dont il ne pourra pas se détacher. Bien qu'il ait parfois besoin de se retrouver seul, il serait incapable de vivre sans contact humain. Il accorde assez facilement sa confiance, ne se montre jamais vraiment méfiant. Après tout, tant que ça n'essaie pas de le bouffer, ça ne peut pas être bien méchant. Pour ce qui est de son rapport à l'amour et aux femmes... Il a réappris à s'amuser, se consoler, mais restera toujours fermé à toute forme de véritable sentimentalité.
Ce qui l'emmerde dans le fait d'être en groupe, c'est avoir à répondre à une forme d'autorité. En particulier quand celle-ci prend les armes et n'hésite plus à tirer. A force de refroidir les rescapés, les défenseurs de l'ordre en ont perdu ce qui leur restait d’humanité. Il les déteste. Profondément, et sans aucune forme de distinction. Pourtant, Eli sait qu'il n'y a nulle part où il sera plus en sécurité. Seul, il aurait déjà eu le temps de claquer une centaine de fois. Il est courageux, mais il est aussi réaliste. Il est plus fort à s'enfuir qu'à se battre. Alors, il ne cherche pas l'action s'il peut l'éviter. Il s'y engage seulement quand il peut avoir son utilité, s'il y a un civil à sauver.
Il est jeune, il a le feu aux tripes. Il ne supporte pas les lois qu'il considère illogiques et n'hésite pas à les remettre en question, quitte à parler franchement, sans détours, et à paraître sacrément impudent. Il hausse vite le ton, parce qu'il a du mal à organiser ses pensées, à argumenter de manière réfléchie. De fait, il a trop souvent l'impression de parler à un mur lorsque son interlocuteur a la trentaine passée, et a bien du mal à croire que ces vieux gringos puissent le comprendre.
Grandir le nez dans la merde, ça forge la créativité. Faut toujours trouver un moyen de se débrouiller, même si ça veut dire s'armer d'un bâton et d'un bout de ficelle, bricoler les radios défectueuses avec un vieux morceau de trombone ou bouffer de la soupe aux orties pendant une semaine. Il est astucieux, inventif, et prend souvent des initiatives en dépit des avis extérieurs. Son goût pour l'aventure et son rejet de l'enfermement font qu'il se propose régulièrement de lui-même pour sortir en mission de ravitaillement.
Eli est grand ; 1,87m et la tête qui dépasse des foules. Haut mais très mince, la chair sèche, les muscles travaillés -par nécessité- mais loin d'une carrure de sportif. Des cheveux bruns mi-longs, souvent mal coiffés, et des fringues piochées au hasard dans ce qu'il peut bien trouver à sa taille. Ses origines marquent clairement son visage, des yeux sombres en amande jusqu'à la peau hâlée.
Aux poignets, quelques bracelets de cuir et de perles en bois. Au cou, une chaîne usée porte une agate taillée qui flotte contre son buste.
S'il a survécu jusque là, c'est grâce à son agilité. Sa capacité à courir, grimper, bondir, se glisser dans les refuges étriqués. Il tient ça de la rue, le développe sur ce nouveau terrain de jeu. Comme quoi, se faire chasser par la flicaille lui aura finalement servi à quelque chose. A la ceinture, il garde en permanence un couteau de chasse pour faire face aux moments les plus critiques. Il a toujours détesté les armes à feu. Mais l'année passée au sein d'Emerald Freedom lui aura appris à les manier lorsqu'il le faut.
the last of us
"Un p'tit merdeux pas foutu d'se trouver un job." C'est ce que disait mon père. En espagnol. Et avec tout le mépris du monde.
C'est vrai, je n'ai jamais aimé l'idée d'entrer dans le moule. J'avais aucune envie de finir ma vie à récurer des chiottes pour cinq dollars de l'heure, comme ma mère. Ou à tenir la porte aux clients friqués d'un hôtel de luxe, comme mon père. J'ai anéanti les espoirs de mes parents en suivant ma propre vision du rêve américain.
Il y avait le soleil, puissant, qui nous grillait en douceur. Puis les autres gosses du quartier qui passaient leur temps à courir après un vieux ballon de foot déglingué. Déjà à l'époque, j'revenais tous les jours à la maison avec des bleus sur les bras et des éraflures sur les genoux. Ma mère en était folle, me répétait “Tu vas finir par t’tuer.” J'étais trop borné pour l'écouter.
C'est à l'école, que j'ai donné mes premiers coups de craie. J’passais entre les pas des gamins pour recouvrir la cour de formes compliquées. Jusqu'à la prochaine averse, j'avais marqué le terrain de ma main. C’est une sensation qui m’faisait vibrer.
J'lui en ai voulu, de nous avoir ramenés ici. Il faisait bien trop froid, j'avais perdu tous mes amis dans le voyage, et me v'là entouré d'une bande de gringos qui bitaient pas un mot d'espagnol. J'me suis coltiné tous les surnoms possibles, sans me dire à l'époque que c'était raciste. J'leur foutrais bien une paire de claques à chacun, aujourd'hui. Mais j'suis à peu près sûr qu'ils ont déjà eu leur compte.
J'étais pas non plus persécuté. Juste isolé, débarqué en plein milieu d'année comme une pièce rapportée. J'ai fini par me faire ami avec un noir, Tyron, et une p'tite rousse, Kathlyn. Le clan des reclus, des mal-aimés. La communication était pas mon fort, mais ils m'ont aidé à mieux comprendre l'anglais. J'pensais pas qu'ils me suivraient si longtemps. Tyron est vite devenu mon meilleur pote, et j'me suis entiché de Kathlyn quand les hormones ont frappé, quelques années plus tard.
"Pourrait pas fout' aut' chose que fumer des joints un peu ? I' s'ramollit ton fils. R'garde ça, l’a encore les yeux rouges comme sa ch'mise !" Ces discours mâchés par l'un comme l'autre des géniteurs me courait sur les nerfs. A quatorze ans, faut bien l'avouer, j'étais pas l'enfant le plus facile à vivre. Turbulent, des notes désastreuses, j'passais plus de temps planqué dans le grenier de Tyron qu'à réviser. Paraît qu'on suit le même chemin qu'ses parents. Faut croire que j'me pourrissais volontairement pour ne jamais les dépasser. J'étais pas encore fini que j'tâchais déjà de m'achever. Ma mère m'répétait sans arrêt qu'elle me verrait bien en costard-cravate dans un bureau d'avocat ou en blouse blanche à faire médecin. Ils avaient de beaux projets, mais c'était pas les miens. Les murs de ma piaule étaient recouverts de gribouillages, de peintures, collages, et quelques paroles morbides avec lesquels j'me cassais la voix pré-pubère en taquinant ma guitare. Les livres de maths servaient davantage à caler l'pied d'mon bureau bancal qu'à être étudiés. Pourtant, j'étais pas con. J'aurais pu réussir comme tous les autres gosses, j'parlais mieux anglais qu'mes parents. J'avais juste d'autres passions. Le genre qui ronge les nuits, fait peser des cernes d'une tonne et demi et endort pendant les cours quand c'était pas pour gratter un mot sur le pupitre d'une pointe de compas.
Tyron et Kathlyn étaient pas bien loin, mais pas dans le même lycée. Ils étaient entrés dans l'établissement le plus près du quartier, alors que mes parents avaient poussé sur leur seul ami un peu haut placé pour me faire intégrer le Garfield Highschool. Chaque jour, j'devais me taper une heure de bus pour le rejoindre, une heure de bus pour en revenir. Au début, j'me suis pris au jeu, j'me suis anesthésié à grand coup de musique hip-hop pour faire défiler l'temps. La conscience me travaillait sur l'idée que mes parents avaient pu se démener pour cette place. Que j'devais au moins faire l'effort d'essayer. Bien sûr, ça n'a pas duré.
Le soir, on se retrouvait tous les trois chez Tyron. Son père était veuf depuis peu de temps après la naissance du fils, et il ne faisait pas d’histoires. Kathlyn avait bien changé, avec les années. Elle ressemblait de plus en plus à une femme, unique, comme on n'en voit jamais. Pas le genre mannequin blonde et élancée. Non, elle était toujours aussi rousse, aussi pâle, et elle avait une incisive cassée qui la bourrait de complexes. Si bien qu'elle se retenait de rire et se cachait derrière ses mains. On fumait ensemble, souvent sans rien se dire, à écouter ses morceaux préférés que je supportais à peine, ou à s'affaler dans le canapé de Tyron devant des films absurdes. Elle calait sa tête sur mon épaule, et j'me réchauffais tout entier. Suffisait que je la vois, pour me sentir tout fébrile, et heureux à la fois. Petit puceau qui ne savait définitivement pas y faire, malgré les encouragements sans discrétion aucune de son pote. On en riait, putain, mais plus le temps passait et plus ça me démangeait.
J'me suis fait arrêter pour la première fois quelques mois après la rentrée, pendant l'année de mes quinze ans. Pour un graff à la con, sur l'un des ponts de Seattle, pas loin du lycée. J'aurais bien crié au délit de faciès, mais j'étais seul sur le coup, et j'savais pas encore me faire discret. J'y ai laissé pour cent balles de peinture, et une belle amende qui a fait gueuler les parents. J'ai retenu la leçon. Pour continuer, fallait apprendre à remballer vite fait et s’enfuir.
Une nuit, quand la télé crachait encore ses images de dessin animé en boucle, Tyron s'est écroulé sur le tapis et s'y est endormi. Kathlyn, qui était toute aussi arrachée que lui, que moi, s'est roulée en boule dans mes bras. J'pouvais sentir mon coeur s'agiter jusque dans le bout d'mes doigts. Boom, boom, les pulsations puissantes et incessantes. L'herbe m'en donnait le tournis. Elle m'a dit qu'elle l'entendait et s'est mise à en rire, la main devant la bouche.
Mes parents ne m'apercevaient plus qu'en coups de vent, lorsqu'il fallait que je vienne changer de vêtements. A seize ans, j'avais trouvé un petit boulot dans le bâtiment. Mes journées étaient organisées ainsi : Réveil à 8h aux côtés de Kathlyn, chez Tyron. Lycée, jusqu'à 16h quand je prenais la peine de ne pas sécher bêtement. Se péter les rotules au boulot, jusqu'à 22h. Préparatifs et graffs avec Kathlyn qui se prêtait au jeu, jusque tard dans la nuit. Et on recommence. Et encore, et encore, jusqu'à se priver de sommeil, puisqu'on y perd un temps fou. Tyron, de son côté, s'était mis au parkour. Parce qu'il trouvait ça cool, et surtout parce que le type qui s'était improvisé prof de rue lui plaisait. Faut tout de même préciser qu'il était bien trop vieux pour lui. Il m'a convaincu d'essayer, et j'y ai passé la plupart de mes weekends, jusqu'à la fin.
Dix-huit ans. J'ai tenté de passer mon diplôme, pour la forme. J'ai échoué à l'examen, sans grande surprise, et ai mis un point final à mon parcours d'étudiant avant même de l'entamer. Définitivement, j'ai déménagé dans le centre de Seattle, en colocation avec mon pote et ma copine, loin de mes parents et de leur déception pesante.
Tyron était devenu apprenti commercial, pour le compte de la boîte de son père. Il portait la cravate mal nouée, et s'entraînait devant nous à gerber ses discours à gorge déployée. C'est pas qu'il était mauvais, mais il avait clairement pas la gueule de l'emploi. On se moquait gentiment, il nous rétorquait que c'était toujours mieux que de rien foutre, et qu'au moins lui, il payait le loyer. C'est vrai, financièrement, c'était pas simple. Kathlyn s'était inscrite à la fac, et grappillait quelques heures à faire le service dans un restau du coin. Moi, j'passais mon temps à essayer d'me faire un nom.
J'ai graffé pour une expo sauvage qui m'a permis de nouer quelques contacts. J'peignais de grands visages déformés sur des bouts d'mur qu'on nous donnait le droit d'exploiter. C'était légal, et par conséquent, bien moins intéressant. Mais le chèque était là, à la fin d'la journée. J'me suis même fait sponsoriser par une marque de peinture. Ça sonne ridicule, mais j'ai fêté ça comme la plus grande consécration de ma vie.
Bien sûr, ça ne m'a pas empêché de gravir les toits pour poser ma patte sur des coins de bâtiments inaccessibles. De glisser sur des tuiles trempées, de m'abîmer les mains sur le crépi dégueulasse des façades. Tout ça était vite récompensé par les regards curieux du public, quand le petit matin se levait et que deux gros yeux apparaissaient dans un nuage de peinture, sur l'horizon découpé de Seattle. J'étais fier, et j'avais toutes les raisons de l'être.
" - Y a un mec qui en aurait bouffé un autre, dans l'Texas..." Kathlyn glisse le pouce sur son smartphone, fait défiler le texte, la voix étouffée par le masque de protection. Quelques mètres derrière moi, alors que je recouvre un mur de grandes tracées noires, du haut de mon escabeau.
- Faut qu't'arrêtes de croire tout c'que tu trouves sur le net, Kate.
- Hmm..." Pas besoin de me retourner pour comprendre qu'elle tire la gueule. Elle poursuit,
" - Tu sais, je ne m'étonne plus de rien, de la part des texans.
- C'est p'têtre ton oncle qu'à fait l'coup.
- T'es con, ma parole."
Je souris, comme elle, qui ferme l'article qu'on aurait vite fait d'oublier.
" - Les mecs, z'allez pas croire c'que j'ai vu !" C'est Tyron, cette fois, qui déboule dans l'appartement, essoufflé et en sueur, la cravate qui pend de son épaule ; la gueule ahurie, qui lui vaut bien un rictus moqueur.
" - Ta gueule dans un miroir ?" Je pouffe à ma propre remarque, le bras autour des épaules de Kate, attendant du soutien de sa part. Mais elle reste silencieuse, alors que l'autre s'énerve. Elle a le teint plus pâle encore qu'à son habitude. Les yeux figés sur l'écran de télévision qui diffuse le journal quotidien.
"- Un mec fou, putain !" Reprend Tyron, qui force une place à nos côtés.
" - Fou comment ?
" - Fou ! Genre la rage, j'sais pas ! S'est j'té sur un autre, l'a mordu au visage, et ça pissait le sang bordel !" Il est sérieux. Et il panique. Ses mains tremblantes qui viennent chercher la mienne, et la télé qui crache les nouvelles. "Plusieurs cas d'agressions sont à relever aujourd'hui dans la ville de Seattle. Des manifestations violentes qui semblent gagner le pays. On ignore encore les revendications de ces actes." Kathlyn est totalement absorbée. Concentrée. Elle pianote sur son téléphone, cherche quelque chose. Trouve.
"- Y a une rumeur qui dit que des morts cliniques se réveillent...
- C'est des conneries.
- Le type puait la mort.", répond Tyron en machonnant le filtre de la cigarette qu'il essaie d'allumer.
"- Wow, mais qu'est-ce qu'vous avez fumé, sérieux ? Y a des gens qui pètent un câble, c'est pas nouveau...
- Ils nous disent pas tout ! Y a des témoignages à la pelle sur les forums !
- Arrêtez un peu la parano ! Ça va s'calmer, c'est bon !" Le ton a grimpé, et j'm'extirpe rapidement du canapé. Kate a déjà baissé les yeux sur son portable, et Tyron fige comme une pucelle apeurée devant le journal télé. Je peste, passe à côté, l'éteins.
" - Qu'ess'tu fous, l'chicanos ?!
- Z'êtes en train d'vous laver l'cerveau avec ces conneries.
- Tu d'vrais écouter ta meuf un peu, y s'passe un truc chelou dehors !
- On nous l'dirait s'il fallait s'inquiéter, tu penses pas ?" Il se lève. Furieux. Fond sur moi, m’entraîne au sol, me frappe à la tête d'un poing enragé. C'est pas la première fois que j'me prends un pain, mais c'est la première fois que c’est lancé avec autant d’coeur. J'le sens passer. Et j'perds pieds.
Une belle bosse sur le haut de mon front. J'suis resté assommé des heures, avant de revenir à moi pour mieux me rendormir. Ma dette de sommeil en a profité pour me prendre en traître.
"- Arrh, quel con..." J'presse la main sur mon crâne, me redresse douloureusement. J'suis dans le lit, mais m'en déracine sans attendre pour rejoindre le salon.
" - Tyron est parti rejoindre son père." J'tourne la tête. Effectivement, il n'y a plus qu'elle.
" - Pourquoi ?
- Viens, faut que tu regardes ça." Elle me fait signe d'approcher. Et j'grimace encore, mais accepte de m'asseoir par terre, devant elle, pour mieux me lover dans ses bras.
" - Ça a l'air sérieux.
- Ça l'est, Eli. Ils conseillent à tout le monde de rester chez soi, à cause d'un virus qui serait lié aux agressions." J'soupire, emmêle mes doigts aux siens, embrasse le dos de sa main. J'peux distinctement ressentir tout le stress que pompe son pauvre coeur.
" - On devrait peut-être retourner voir nos parents, nous aussi." lance-t-elle, au grand désespoir.
" - 'sont sans doute plus tranquilles en banlieue, Kate.
- Alors on reste ici ?
- Tu vas rester ici, ouais. J'ai un contrat ce soir, j'peux pas m'défiler.
- T'es pas sérieux ?
- Ça fait des s'maines que j'le prépare.
- Mais tu pourras le faire après...
- Si j'me dégonfle, ils prendront quelqu'un d'autre." Je renverse la tête en arrière, pour mieux la voir. Ses grands yeux remplis de reproches et d'inquiétude.
" - T'es chiant. Je t'accompagne.
- C'est en pleine nuit.
- Je sais." Je tire une moue contrariée. Mais concède d'un hochement de tête, viens chercher sa nuque pour l'attirer et l'embrasser. Quoi qu'il se passe dans la rue, ça ne peut pas être plus grave qu'une bande de cassos déchaînés.
Ça fait quoi ? 72h que j'suis pas sorti ? A peine trois jours. Et la face de la ville a complètement changé. Les rues désertes. Le silence. Le froid morbide. Quelques voitures qui sillonnent les rues. Y en a une plantée contre un mur, le capot encore fumant. Personne au volant. J'tiens Kate par la main, les affaires balancées sur l'épaule. Le pas pressé. Ça m'fout des frissons d'horreur dans l'dos.
" - C'était p'têtre pas l'idée du siècle, en fin d'comptes.
- C'est que maintenant que tu réalises ?" Ouais, j'crois.
" - Y aura personne à ton truc, on devrait rentrer." Elle me tire par la manche. Mais je la retiens.
" - Attends...
- Attends quoi ? Viens, il fait froid.
- T'as vu ça ?
- Hein ?"
Je pointe du doigt un immeuble, à quelques carrés de là. L'un des étages est nimbé de flammes. Ça crache par les fenêtres des langues de lumière et des nuages noirs. Je jure voir un corps y passer. Tomber comme une brique. S'écraser trente mètres plus bas. "Merde..." Les yeux ronds comme deux grosses billes brunes. Je sursaute. Des coups de feu, plus près. "Putain !" Je recule et entraîne Kate avec moi contre un mur. Depuis la rue qui coupe celle-ci, des hommes habillés de treillis marchent à reculons en matraquant la gâchette. Il y a des cris. Pas humains. Des grognements, plutôt. Des plaintes, des sons gutturaux. Et puis, plus rien. L'un des hommes fait signe au second de s'engager à nouveau sur cette route. Et il nous voit. Je croise son regard. J'ai pas l'temps de causer qu'on est déjà en ligne de mire. "Hey ! Hey !! Stop !!" Le type nous jauge, finit par baisser son arme. Kathlyn se redresse entre mes bras.
"- Ça va. Ça va..." Que j'lui murmure, en lui prenant les joues. "Pleure pas, ça va j'te dis..." Le soldat approche, crache quelques phrases dans sa radio.
"- Y a encore des civils qui traînent dans les rues, c'est quoi ce bordel ?" Pas de réponse pour monsieur. Il s'adresse directement à nous, avec tout ce que l'autorité a de détestable. "Rentrez chez vous ! C'est dangereux par ici !" Et Kate chiale de plus belle, toute tremblante. J'paie pas de mine non plus. Mais quitte à être là, j'ai besoin de savoir.
"- ...Qu'est-ce qui s'passe ? Sur quoi vous tirez ?
- Pas vos affaires. Dégag... AH !" Il est coupé. Une femme qui rampe depuis la rue et lui agrippe le pied. Je la vois. La chair putréfiée. Le sang, les plaies béantes. Comme un corps en décomposition, comme un mort, comme un monstre. Elle souffle une haleine sifflante, lève son bras vers la cuisse du soldat. Celui-ci a tout le temps de mettre en joug et tirer. Une rafale, qui se plante dans le visage déformé et meurt en écho contre les immeubles. Qui tue. Il l'a tuée. "..." Je suis juste.. tétanisé. À ne plus savoir qui de Kate ou moi rassure l'autre en l'enlaçant avec force. Paraît que les morts se relèvent, ouais. J'sais pas ce que je préfère croire. Soit l'armée massacre les malades, soit on plonge la tête la première en plein cauchemar. Le soldat crie à son collègue, "La tête, John !! T'en as laissé passer une, Ducon !" Deux larmes acides, aux coins des yeux. Merde. La scène est trop irréelle pour être intégrée.
" - On... On rentre, Kate. Viens." Je tourne le dos à la rue et la pousse vers notre immeuble.
J'ai pas fermé l'oeil. Une clope au bec, les cernes noires, les yeux grand ouverts sur la chaine d'infos qui tourne en boucle les mêmes images d'horreur. Le portable serré dans ma main. J'ai appelé mes parents. Sans réponse. J'ai appelé Tyron. Sans réponse. Kathlyn a fait de même. Le seul contact qu'on ait eu ? Son putain d'oncle au Texas. D'après lui, la situation est encore relativement calme, en campagne. Il l'a encouragée à venir. Mais on se retrouve coincés. Pris entre quatre murs enfumés. A attendre. Que ça passe. Que la situation s'arrange. Mais ça empire. Le temps passe et ça ne fait qu'empirer.
Mon téléphone vibre. La cendre dégringole de la cigarette sur ma main, sur ma manche. Je me précipite dessus, décroche. C'est Tyron.
"- Tyron, merde !!
- Mec... Oh p'tain...
- T'es où ?!
- Dans... Dans une p'tain de pizzeria de merde... P'tain, mec...
- Ton père ?
- J'ai... j'l'ai trouvé à sa boutique, mais j'ai du l'laisser... Merde, Eli...
- Putain...
- ... Kate, elle est avec toi ?
- Ouais... elle... elle s'est endormie." J'ai un rire nerveux. Lui aussi. Mais c'est bref. Le drame de la situation pèse à nouveau de tout son putain d'poids. La fatigue joue, elle aussi, à faire gerber les larmes.
"- J'suis désolé, Tyron. P'tain, j'suis désolé...
- C'est moi qu'suis désolé, merde..." J'l'entends, sa voix se casser comme la mienne. J'me replie, me balance nerveusement, d'avant en arrière. Sanglotant, les nerfs tirés, lâchant la clope pour me frotter le visage.
"- Elle... Elle est où, la pizzeria ?
-... J'suis pas bien sûr... Attends... [voix brouillées] ... Ouais. Ouais, c't'au croisement d'la... d'la septième. Et.. et d'la rue St King. Ouais, c'est ça... Mais mec... Faut pas qu'vous sortiez. C'est la p'tain de guerre, là dehors...
- J'sais... J'sais.
- Y en a... qui grattent la porte... Comme des p'tains de chats affamés, mec. T'sais que j'déteste les chats...
- Ouais... j'sais.
- C'pas un p'tain d'virus comme la grippe, Eli... Z'ont l'air morts, ceux-là. Ils puent la mort.
- ...
- Ils sont morts, Eli..."
Et les nuits passent. Et les voisins ne font plus un bruit. J'ai renversé une armoire contre la porte, quand j'ai entendu gratter. Parfois, on entend encore un petit coup, quelque chose trébucher. On reste. On finira bien par partir, mais pour le moment, on se rationne et on reste.
"- Bon anniversaire, Eli...
- Hein ?
- On est le vingt-deux, idiot. D'habitude tu me chies un cake, si j'oublie."
Kate fait de son mieux pour sourire. Alors je m'exécute, de même. Un peu de chaleur, même si elle est superficielle, réconforte. On se blottit ensemble dans le pieu de Tyron. On s'embrasse, faiblement. Aucun de nous n'a eu le courage de taper dans la bouffe jusqu'à satiété. Aucun de nous n'en priverait l'autre. Alors on se prive ensemble. Tant pis s'il faut tourner de l'oeil. On s'échauffe. On glisse des caresses rassurantes, des mots doux, des je t'aime... On ôte les vêtements qu'on n'a pas eu le courage de laver depuis des jours, on s'enlace, on se serre, on se presse, on baise, on baise, on s'aime, on s'agite mollement l'un contre l'autre, et on se libère, et on s'enlace plus fort, et on savoure la chaleur, les quelques secondes de bonheur. Avant le froid. Celui qui glace le sang, sans que la chair ne fasse plus obstacle.
"- Tyron a coupé son téléphone. Il doit économiser sa batterie." J'annonce la nouvelle à Kate, en jetant le dernier paquet de clopes vidé jusqu'aux miettes. Ce foutu appart commence à me rendre dingue. Ce canapé miteux commence à me rendre dingue. La tension grimpe, et le manque imminent de nicotine ne fera qu'empirer les choses. "Le dernier message parlait d'un mort. À cause d'un soldat." Je roule le crâne sur le dossier, pour capter son regard. Faut qu'on s'mette d'accord. "Faut qu’on y aille avant qu'il s'fasse buter." Kate se renfrogne, mais ne dit rien. Elle se contente de ronger ses ongles qui n'ont pas le temps de pousser entre deux assauts nerveux. "On est là bien au chaud, et il est coincé d'puis des jours dans c'te foutue pizzeria de merde." Pas de réponse. "Hey ! Tu m'écoutes ?" J'me suis redressé, et j'la toise. "J'ai pas non plus d'réponses de mes vieux, tu sais ?" Sujet sensible, qui la fait s'éveiller avec violence. "Ta gueule, Eli ! Ferme ta gueule !" Elle rougit, furieuse, fond en larmes, refuse mon accolade, y cède lorsque je persiste.
On passe le reste de la journée à rassembler des affaires. Quelques conserves, un nécessaire de premiers secours, les passeports, tout écrasé dans un sac à dos. On se trouve des gants, des vestes chaudes et solides, des lampes de poche, piles, batteries, et des armes. Couteaux de cuisine pris dans un filet à la ceinture, couvercles de casseroles comme boucliers. Masques à gaz sur la gueule. On ignore comment le virus se transmet exactement. Alors autant mettre toutes les chances de notre côté.
L'aube nappe la ville de rouge. Dissimule à moitié les traînées sanglantes qui parsèment le sol, les murs. Ça et là, quelques départs de feu. Des cris, des fracas. Un type qui passe en hurlant, en courant, en boitant. "Grouille toi." J'arrache Kathlyn à sa contemplation morbide, l'attire vers l'avant. On croise parfois quelques pilleurs, qui profitent de la panique pour se ravitailler. Des cadavres, beaucoup, que l'on contourne avec soin. Et puis, ces morts errants, qui se traînent avec lenteur. Qui suivent, un instant, avant d'être semés. Quand il le faut, on se hisse sur les toits déserts pour accélérer la progression.
C'est dans l'allée étroite qui sépare deux bâtiments, qu'on repère un groupe de trois personnes. Un homme d'une quarantaine d'années, une femme du même âge, et une ado tétanisée. Acculés, face à deux mortifiés. On pourrait simplement continuer. Et on hésite, puis on réalise que chaque seconde est précieuse. Kate reste en haut, déroule une corde qu'elle accroche à une sortie de clim. Je descends à peine que la mère nous brandit déjà sa fille qui s'en débat. Bordel. J'lâche prise pour m'accrocher à la tuyauterie, m'y balancer, repousser les monstres d'un bon coup de pied. Sont plus vifs que les autres, ces horreurs. Les femmes grimpent, portées par l'adrénaline qui leur échappe des yeux en grosses larmes. Le père suit, par instinct, et me laisse seul, suspendu les pieds dans le vide devant la mort qui se rétame sur elle-même et vient en redemander. D'autres arrivent pour rejoindre la fête. Je remonte à la force des bras, en pousse un de la semelle, chope la corde à la suite du père, qui sous l'effort devient rouge et boursouflé, le prie de pas trop prendre son temps, pendant que Kate gueule déjà à ma mort. Un coup encore, pendant que ça s'amasse. Et le vieux monte, et j'le pousse par le cul pour qu'il tienne la cadence. On finit par s'en dépatouiller, et s'écrouler ensemble sur le morceau de toit épargné. J'dois virer le masque pour que mes poumons et mon coeur s'en remettent, même si c'est affronter la puanteur cadavérique qui alourdit l'air de la ville.
"- Merci... merci.." chouine la mère en serrant sa gosse comme aux premiers jours. S'en suit un bavardage sur les destinations de chacun, et les présentations. Va falloir qu'ils se fassent à l'idée de courir, et ils acceptent sans rechigner. Z'ont pas tellement le choix.
Une heure plus tard, on est cinq à rejoindre c'te foutue pizzeria comme on se ruerait sur la terre promise. Les militaires qui gardent l'endroit ont l'amabilité d'nous inspecter avant d'nous faire entrer. A peine la porte passée, c'est notre pote qui se jette à nos pieds.
"- Tyron !!
- Chicanos d'mes couilles !!" On s'enlace tous les trois à s'étrangler, et on s'met à pleurer d'un même sanglot en articulant maladroitement nos peurs et nos remords. Jusqu’au soir, on prend le temps de faire le point.
Le père de Tyron est contaminé. Avant de faire s'échapper son fils, il a pu lui donner des nouvelles du quartier.
Les parents de Kathlyn sont barricadés chez eux.
Les miens ont tenté de rejoindre le Mexique.
On reste sur place. On arrive à s'nourrir un peu, malgré la vis d'angoisse qui nous serre la gorge. On est tous les trois, c'est encore c’qu'on pouvait espérer de mieux. Quand les autres dorment, on s'regroupe dans un coin pour planifier la suite. Tyron est pâle. J'vois bien qu'il commence à céder au désespoir.
"- Y en a trois qui sont partis pour le lycée. M'ont dit que c'était sûr, là bas. Genre organisé, vraiment. Pas comme ici." J'dis à la petite assemblée en grignotant un vieux bout de croûte de pizza desséché. J'le fais tourner comme un joint.
"- On n'est même pas sûrs que ce soit vrai.
- J'préfère tenter l'coup que m'faire refroidir par l'un d'ces types." Six yeux qui se retournent vers l'un des militaires endormi sur sa chaise, l'arme pendant de son buste. J'veux bien croire Tyron quand il dit qu'ils ont abattu un type encore sain de corps et d'esprit. Les yeux d'mon pote s'y attardent un peu trop, d'ailleurs.
"- Ty ?
- On va avoir b'soin d'un p'tain d'flingue, si on sort." Pas besoin d'en dire plus pour s'comprendre. J'lui agite la carcasse d'une main sur le genoux pour le réveiller.
"- Tente pas l’diable, mec.
- J'veux qu'on aille dans ton p'tain de lycée, Eli.
- On peut l'faire.
- Plus l'temps passe et plus y'a d'ces monstres dehors. Faut pas attendre.
- On aura qu'à courir.
- On crèverait comme des merdes avant d'pourrir les tripes au soleil.
- On part demain." C'est Kathlyn, qui tranche. La voix bien plus ferme qu'à son habitude. L'innocence éteinte. Du sang plein l'vert de ses yeux.
"- Ca m'va. Ty ?
- Ouais. Ok."
Tyron a pas attendu le lendemain. Quelques heures plus tard, alors que la rousse dort sur mon ventre et que j'ai trouvé une place à même le sol dégueulasse, lui reste les yeux grand ouverts, comme une bête sauvage en éveil. J'le sens m'enjamber. J’ouvre les yeux, et les lèvres sèches n'articulent qu'un vague gémissement inconfortable. J'le suis du regard, tant bien que mal, frottant les cernes douloureuses. Et puis, j’percute enfin. Et le palpitant s'agite. J'peux juste rien faire. Pas un bruit. Rien. Il faut qu’il s’arrête. Y faut qu’tu t’arrêtes, Ty. Il s'approche du soldat endormi. Il se penche sur lui, et puis il me retourne un regard complice. Un sourire en coin comme de ceux qu'il lançait quand il s'apprêtait à faire une belle connerie. J'remue la tête. Non. Me redresse, doucement. Lui articule sans un son de revenir, de sortir de son gros délire.
Il met la main sur le canon. L'autre se réveille en sursaut. J'me relève dans la précipitation, dégage Kate. Mais l'coup de crosse lui fracasse déjà l'menton. "TYRON !!" Je gueule. Le monde ouvre les yeux. La balle fuse et se plante entre les siens.
"- On aurait pu tous s'en sortir..." Kate souffle. Kate a passé des heures à pleurer. À crier, à s'arracher les cheveux, avant d'se calmer. Kate prend doucement l'apparence d'un fantôme. Kate est en train de sombrer.
"- Ouais..." Ouais. Moi aussi, j'ai l'regard vide. Les yeux asséchés. C'est devenu réel. J’les ai insultés, j’ai pris les coups, mais ça a rien changé.
"- Militaires de merde...
- ...'itaire de merde..."
On a traîné son corps jusque dans la chambre froide, avec le premier. Tout le monde a peur de les voir se réveiller. Les soldats assurent que si la tête est touchée, il n'y a pas de risque. Pas de risque... C'que j'aimerais leur mettre, à ces enfoirés. C'que j'aimerais leur coller mon poing dans l'nez, et leur broyer les couilles, et les attacher dehors pour les laisser pourrir au bon vouloir des créatures. Tyron n'est plus qu'un pauv' glaçon noir et sans vie.
On est plus que deux.
"- On devrait y aller." Elle écrase mon sac sur mon buste, avance la première vers l'entrée. J'cherche pas à négocier. Les autres non plus. Ils ont dû comprendre qu'on était plus très loin de la névrose. Ils nous laissent filer.
"- Tu sais par où passer?
- Ouais." Faudra remonter la rue sur deux ou trois kilomètres. Espérer que le centre ne soit pas totalement bloqué. Les barricades sont refermées derrière nous. Le chemin dégagé, grâce à la première ronde de la journée. Ça va pas durer. On se met en route.
On parvient encore à les semer en courant. L'idée de prendre une voiture à l'arrachée a germé, tout aussi rapidement avortée par l'encombrement des rues. On irait toujours plus vite à pieds.
"- Il y en a plus qu'avant." elle me tient par le bras, couvre nos arrières.
"- Beaucoup plus.
- Et ils ont l'air de se déplacer en groupes.
- On s'fera pas coincer si on reste sur la route. On entre nulle part, aucun putain de détour, on s'rend droit au but."
Ce sont deux autres soldats qui nous ont récupérés sur le chemin pour le lycée. Le véhicule blindé a frayé sa route entre les monstres qui venaient s'y éclater sans ménagement. On est arrivés au refuge, entiers.
On a soufflé. Sans vraiment chercher à s'intégrer. Kathlyn et moi avons passé le plus clair de notre temps collés l'un à l'autre, à se consoler mutuellement. Les communications de la périphérie sud ayant été coupées, on n'a plus jamais eu de nouvelles de nos parents.
Dans l'une de mes vieilles salles de classes, assis sous les tables, on se prend les mains et on s'invente des prières, récitées sans un son. On s'autorise à faire notre deuil, seuls.
"- On devrait lui rendre hommage." J'acquiesce, alors qu'elle roule nerveusement ses doigts contre les miens.
"- Comment ?"
"- Hm... Attends." Elle se couche sur le dos, entre deux pieds de bureau, et je fais de même. De la pointe de mon couteau, elle grave le bois qui nous surplombe. Il faut quelques instants, pour y dessiner nos trois initiales entremêlées, décharger la table de quelques copeaux qui rebondissent sur nos visages. Le plus important, c'est savoir qu'on a laissé notre marque.
Les jours passent. On entend l'histoire d'un jeune homme malmené par l'armée pour avoir tenter d'entrer en zone gardée. La tension grimpe d'un cran dans le lycée. Le soir de Noël, qui devait nous rendre un peu de chaleur, est ruiné par le comportement des militaires trop imbus de leur rôle de grands protecteurs.
Le bruit circule qu'un des autres refuges principaux de la ville, à CenturyLink Field, est tombé aux mains des monstres. Ils les ont nommé les rôdeurs. J'dois avoir perdu en humanité. Depuis la mort de Tyron, celle des inconnus ne fait plus que m'effleurer.
Dans le même temps, Kathlyn et moi donnons du nôtre pour faire fonctionner le camp. J'apprends à travailler sur les pièces électroniques des radios. On m'envoie parfois au casse-pipe pour décrocher les corps des morts pris sur les barricades. Pour la première fois de ma petite existence, je tire de vraies balles avec un vrai flingue. On a perdu notre statut de pauvres petites choses sur-protégées. C'est pas plus mal. L'inaction m'aurait rendu malade.
Au cours du mois de février, le viol d'une civile par l'un d'eux balaie le maigre respect qu'on pouvait encore leur porter. Nous nous rapprochons d'autres réfugiés, tissons quelques nouvelles amitiés. A l'occasion, je chipe un paquet de clopes à un soldat inattentif, pour le griller avec les civils. Et le plan de révolte prend forme. Kate n'y participera pas. Elle restera s'occuper des autres, dans le gymnase.
Le grand jour. Le grand final.
Bien sûr, je ne fais que suivre les leaders du mouvement. Je leur fais confiance, à peu près autant que le clan adverse me répugne.
C'est un massacre. Je ne pensais pas être capable un jour de donner la mort à qui que ce soit. Alors, j'me rassure en me disant que c'est probablement leur faire une faveur que de les arracher à ce cauchemar. On prend le dessus. La plupart crève, les autres déguerpissent comme des lapins le cul plein de plomb. On aurait bien pu en rester là. Mais quand le calme retombe sur le front, c'est à l'arrière qu'on entend les cris et les rafales détoner et fendre l'air.
Lorsque j'arrive, les derniers militaires sont abattus aux portes du gymnase.
Devant eux, les corps remuants et gémissants des civils baignent dans le sang.
J'avance, glisse, me prends les pieds dans les bras raidis, dans les poings fermés. Les râles grimpent les murs, entrent en écho. Un vacarme morbide, de pleurs et de souffrances.
Je distingue, au centre de la salle, la chevelure feu qui se promène sur le sol.
Je m'assieds. Lentement. Lui prends la main. Ignore le reste du monde, cette fois. Sa chair est encore chaude. Encore agonisante. Ses doigts se plient sans force autour des miens. Rouges, trempés. Je les embrasse. Encore, et encore. A travers ses vêtements, on devine que les balles ont frappé les côtes, le coeur. Elle suffoque. Les poumons incapables de pomper l'air. Elle se noie, dans son propre sang. Elle tremble, et son corps entier se débat. La peau bleuie, les lèvres noires. Ses veines se gonflent de poison. Elle meurt, mais revivra. Comme les autres. Tous les autres. On me gueule de sortir, alors que les miraculés se ruent vers les portes.
Kathlyn a cessé de se battre. Les yeux blancs grand ouverts sur les miens. J'entends. Les ordres. Je les comprends. Elle va devenir l'un d'eux. Et j'hésite, un instant. Elle pourrait bien me tuer. Je serai incapable de lui en vouloir. Je pourrais bien... l'accompagner.
"Eli, bordel !!" C'en est un autre qui m'arrache à elle, me tire vers l'arrière. Je panique. Résiste. Chiale. Saisis l'agate accrochée à son cou, l'en détache.
Je suis foutu dehors. Ils font le tri entre les condamnés et ceux qu'on pourrait encore sauver. Le feu désintègre les corps des revenants, qu'on aura pris soin d'achever d'une balle dans le crâne.
On n'a pas le droit d'oublier. Pourtant, on se retrouve bien obligé d'avancer. De vivre, d'essayer. Pour ne pas bafouer les mémoires. Par instinct, mais aussi par devoir. Kathlyn et Tyron m'en auraient voulu, si j'avais décidé de tout abandonner. Alors les semaines passent. Les mois passent, sans se ressembler. A chaque jour sa galère. Chaque arrivée dans le camp porte son lot d'histoires. Son lot de misères. Plus que jamais, j'aide activement à la vie du camp. J'ai tout à y gagner, et plus grand chose à y perdre.
Parfois, je reviens m'isoler dans cette salle de classe. M'allonger sous les tables. Contempler l'inscription, l'effleurer en silence.
time to meet the devil
passeport :≡ recensement de l'avatar. - Code:
Luke Pasqualino <bott>Eli Delgado</bott>
≡ recensement du prénom. (prénom utilisé uniquement)- Code:
Eli
≡ recensement du nom. (nom utilisé uniquement)- Code:
Delgado
≡ recensement du métier. - Code:
Artiste de rue
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Re: Eli - Run, clever boy.
Mar 24 Jan 2017 - 1:23
Te voilà fraîchement inscrit sur The Walking Dead RPG ! Après avoir lu consciencieusement le règlement du forum, voilà quelques petites choses à retenir pour tes débuts parmi nous :
1 – Le délai pour finir ta fiche est de 10 jours . Un délai supplémentaire peut être accordé par un Administrateur.
2 – Si tu as oublié de le faire avant de t'inscrire, jette un petit coup d’œil aux bottins des noms, des prénoms, des métiers et des avatars.
3 – Lors du choix de ton avatar, il est important de bien respecter ces deux points du règlement : Les images choisies doivent être cohérentes avec le contexte, et l'âge de ton personnage avec l'aspect physique de ta célébrité.
4 – Afin d'éviter les RP répétitifs d'intégration dans un camp, nous te conseillons d'intégrer ton personnage à un groupe dès son histoire ! Si tu choisis d'intégrer le groupe des solitaires, il te faudra conserver ce statut durant 1 mois minimum avant de pouvoir t'installer dans l'un des groupes sédentaires.
5 – Si ton histoire comporte des personnages que tu souhaiterais proposer en Scénario, sache qu'il faudra également patienter 1 mois et être actif en zone RP.
6 – Une fois ta fiche terminée, signale le dans ce sujet AVERTIR ▬ FICHE TERMINÉE.
Bonne rédaction !
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Bienvenue Eli !
Si tu as des questions, n'hésite pas !
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Re: Eli - Run, clever boy.
Mar 24 Jan 2017 - 1:38
Bienvenue parmi nous.
Bon courage pour la suite de ta fiche.
Bon courage pour la suite de ta fiche.
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Re: Eli - Run, clever boy.
Mar 24 Jan 2017 - 5:23
Luke il est vraiment trognon ! Bienvenue parmi nous ! Et Emerald c'est bieeen !
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Re: Eli - Run, clever boy.
Mar 24 Jan 2017 - 7:30
Aaaaaaaaaaaah Freddiiiiiiiiiiie (kof kof, pardon).
Salut ! sois le bienvenu
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