Le Stade de Century LinkField. C'est là que tout à commencer, le cauchemar. Mon cauchemar. La perte de l'être aimé, la douleur qui y est associée. Des jours pour tenter de faire avec, des jours pour tenter d'oublier un peu pour pouvoir passer à autre chose. Et je crois que ce jour est arrivé. Nous sommes proches, tout proche du stade. C'est la première fois que je viens si près de ces lieux, que j'ose enfin affronter mes démons parce qu'au fond je sais que tout ira bien. Mes acolytes sont là, mes plus proches amis m'entourent. Du moins ces deux là, ceux qui marchent devant moi. Eli et Roza, les deux personnes pour qui je ferai n'importe quoi. Et il y a Aodhan, cet étranger qui ne l'est plus tant que ça depuis cette nuit là. C'est étrange comme il lui ressemble, c'est étrange comme ils sont différents. Il a un truc, ce truc mystérieux qui capte mon attention.

C'est moi qui ai proposé de venir ici pour nous préparer à l'opération de la semaine prochaine. Il nous fallait des armes, des vives. J'y ai pensé aussitôt. Personne du lycée n'avait osé y remettre les pieds depuis l'année dernière trop de risques, trop de rôdeurs. Mais la rumeur s'était répandue, les partisans de la mort avaient plus ou moins déserté l'endroit. Il y a avait des ressources j'en mettrai ma main à couper. Peut être que je tomberai sur notre petite tente, sur nos lits d'appoints. Je secoue la tête et reporte mon attention sur Aodhan qui ne parle pas trop mais qui me jettent quelques coups d'oeil de temps en temps. Tous les trois savent pertinemment ce que ce lieu représente pour moi, aucun ne dit rien à ce sujet. Je leur en suis reconnaissante. Nous avançons tout en couvrant nos arrières, Eli et Roza ouvrent la marche tout en discutant. Un sourire léger sourire se dessine sur mes lèvres, je suis rassurée d'être avec eux en ce jour. Inconsciemment une main se pose sur mon ventre, je déglutis. La pensée de ce bébé perdu flotte dans mon esprit. Eli se tourne vers moi comme pour jauger mon visage. Ca va. Je l'ai murmuré, il n'a peut être pas entendu mais a pu lire sur mes lèvres. Un sourire, nous continuons. On y est bientôt. Enfin vous avez du le devinez vu la grosseur du stade hein. L'endroit se dessine sous nos yeux. Je me suis sentie obligée de leur faire remarquer comme pour me rassurer.

Une sortie de préparation... C'est vrai, l'opération prendrait place loin du lycée. On a tout intérêt à tester l'efficacité de cette équipe pour s'assurer de survivre sur la durée. J'ai pas le moindre doute sur les capacités de Roza et de Calypso. Même si depuis notre petite conversation, j'ai une boule de stress qui me pèse sur l'estomac. C'était sans doute une erreur de sa part de me rappeler qu'à n'importe quel coin de rue, elle pouvait se faire mordre et infecter. Aodhan, qui reste à l'arrière à ses côtés, je ne le connais qu'en tant que réfugié dans le camp. Le mec est discret, on n'a jamais vraiment parlé. J'ai qu'à espérer qu'il n'a pas survécu dans cet enfer par chance seulement.

J'ai le poing serré contre le manche de mon couteau. A la ceinture, le flingue que je ne dégainerai qu'en cas d'urgence. Les pas s'enfoncent dans la neige jusqu'aux chevilles, nous éloignent doucement de la voiture qui ne pouvait continuer sur ce chemin. Je souffle longuement, pour évacuer une part d'angoisse. Etire haut les bras avant d'les laisser retomber. "J'en r'viens pas que t'aies pu ramener tout ça !" Je lâche un large sourire à la tatouée, reprends naturellement notre échange. "T'as intérêt à faire tourner." Un petit haussement de sourcil ; Roza a ramené une grosse cargaison de friandises de son salon. J'suis p'têtre pas au courant de tout. Juste de l'alcool. C'qui est déjà la promesse de réchauffer quelques soirées froides et mornes. J'ai bien l'espoir qu'après la véritable opération de la semaine prochaine, on se la mette dur pour fêter notre victoire.

J'tourne brièvement la tête par dessus mon épaule. Considère Caly, avec un peu plus de sérieux. Remarque la main qui flotte contre son ventre. Quand j'capte son regard, c'est juste pour lui adresser un air inquiet. Elle y répond en quelques mots succincts. J'imagine que ça doit être douloureux, de revenir fouler un morceau de son passé. J'crois que c'est là, que son mec s'est fait buter. Elle sourit ; j'reporte mon attention sur Roza, puis devant moi. "Ouais, difficile de l'rater." J'lève les yeux vers le bâtiment. Il émerge du sol en deux grands arcs symétriques, centrés sur une tour d'une trentaine de mètres. On devine vaguement, à l'intérieur, les gradins nappés de blanc. Ça a toujours été un fantasme, de grimper ce truc. Monter jusqu'en haut pour s'asseoir sur la ville. J'doute que j'en ai le temps, aujourd'hui. Mais ça fait pas d'mal de rêver un peu. Autour, de grands bâtiments de briques et de verre. Des bureaux, sans doute. L'endroit a le mérite d'être assez dégagé. Faut juste se méfier de ce que cachent le manteau de neige et les voitures garées. "Par où on est censés rentrer, au fait ? L'entrée principale va être encore barricadée, non ?" La question est ouverte à tous ; j'suis loin de tenir le rôle du stratège. J'réfugie mes mains gelées dans l'fond d'mes poches, retournant la lame contre mon poignet.