Si elle avait eu la peur de sa vie en attendant au chevet de Donovan, au moins se sentait-elle plus légère désormais. Non seulement il s'était réveillé, mais en plus il avait rapidement retrouvé son caractère électrique, ce qui l'avait rassuré.
Elle avait passé la journée à s'occuper de Nina, avant de passer dans l'appartement du brun dans le but de lui ramener ce qu'il lui avait demandé. Quelques cassettes, des vêtements de rechange, rien de bien sensationnel mais qui l'avait faite se retrouver dans le baraquement en fin d'après midi.
Et si a la base, y aller en compagnie du brun ne la dérangeait pas, y aller seule... C'était une toute autre histoire. Elle avait toujours la sensation désagréable que Merl allait lui tomber dessus, ou Jason, ou leds deux frères Rogers en même temps. Si elle appréciait Jason bien qu'il soit un peu simplet, elle avait d'avantage de retenue avec Merl et son regard froid.

Alors, elle n'avait absolument pas regardé devant elle quand elle avait récupérer toutes les affaires en questions, allant jusqu'à rentrer littéralement dans quelqu'un en manquant de s'étaler au sol. D...
Désolée. bafouilla t-elle stupidement en ramassant son sac éparpillé au sol, relevant tout de même les yeux vers la personne qui lui faisait face. Si au début elle ne le reconnut pas immédiatement à cause du contre jour, il lui semblait pourtant connaître un peu cette tête. Si elle ne disait pas de bétises, elle l'avait même croisé alors qu'il partait en mission aux côtés de Donovan, et pas qu'une fois.

Stan ?

Visiblement, c'était bien ça. Terminant de ramasser ses affaires à la va vite, la brune ramena une mèche de cheveux derrière son oreille en lui offrant un sourire timide. Je pensais pas te croiser ici.

En même temps, il y habitait. Se sermonna t-elle avant de se reprendre. Enfin. Je ne sais pas si on te l'as dis, mais Donovan est réveillé. Tu peux aller lui rendre visite quand tu auras le temps.

Une parfaite petite assistante, songea t-elle avec amusement en fouillant dans son sac pour en sortir un paquet de cigarette. Je suis Beatriz. Précisa t-elle tout de même. Transparente comme elle était, elle ne savait même pas si Stan avait déjà entendu son nom une fois dans une conversation à dire vrai. En même temps... Elle sortait de chez son collègue, ce qui devrait lui mettre un tant soit peu la puce à l'oreille, en toute logique.

Pas de doute, leur sortie avait tourné au vinaigre. Sur le papier, le plan était pourtant basique : aller collecter de la mécanique dans un garage, non loin de leurs barricades. Et voilà que ça avait viré en fusillade et accueil de réfugiés. Donnie s’était retrouvé sur le carreau et Stanley et Angel avaient dû rendre des comptes. Le quinquagénaire restait secoué. Alors que leur compagnon se faisait soigner, ils avaient passé tous les deux plusieurs heures de débriefe avec Jensen et d’autres membres des forces armées de l’île. Ça restait la procédure. Le sénateur Chambers était même venu leur serrer la main, en les gratifiant du travail qu’ils effectuaient pour la communauté. Stan se souvenait avoir reçu la même poignée de main solide, deux mois et demie auparavant, après le massacre dans la montagne.
 
Puis on leur avait sommé d’aller se reposer. Et une journée entière s'était écoulée. Refusant de rester inactif - sous aucun pretexte, pourquoi faire ? - Stan s'était remis en action dès le lendemain. Il avait donc pris place au poste sud-est de l'île, pour faire son quart, comme c'était initialement prévu dans les plannings. Aaah contempler le bras de mer qui les séparait de Seattle-la-Fantomatique, ça permettait vraiment de s'occuper l'esprit... ou pas du tout, puisque c'était généralement d'un ennui mortel ! En fin d'après-midi, le jeune homme n'était donc pas mécontent de pouvoir enfin rejoindre ses quartiers. Il espérait bien trouver Graham pour se détendre. Les deux copains partageaient un appartement dans les baraquements. Avec Eddie aussi, un autre militaire.
 
Le choc avec Beatriz eut lieu à ce moment là.
 
- Oh putain ! C'était sorti comme ça. Un réflexe. Il s'était mangé la jeune femme de côté. Il l'avait vue lui bien sûr, mais n'avait pas imaginé une seconde qu'elle ne se serait pas décallée aussi un peu. Ça va ? Son ton voulait tout aussi bien dire « ça va pas !». Il resta regarder la jeune femme une seconde interdit, alors qu'elle ramassait ce qu'elle avait fait tomber.

Il reconnut rapidement l'hispanique et son air renfrogné disparut. Il ne la connaissait pas vraiment. A vrai dire, ils ne s'étaient même jamais parlé. Mais il aimait bien Donovan – quand il ne le trouvait pas complètement con – alors il pouvait bien faire un effort avec elle. D'autant plus après les évènements de la veille... Il secoua négativement la tête.

- On me l'a pas dit, non. Il n'avait pas vraiment pris des nouvelles du grand gaillard aujourd'hui non plus. La veille, on lui avait dit qu'il s'en remettrait, ça lui avait suffi. Il n'était pas du style à s'inquiéter outre mesure. Il hocha la tête. Ouais si Donnie était réveillé, il irait définitivement lui rendre visite. Demain peut-être. Tant mieux, se contenta-t-il de dire, alors que la fille se présentait. Je sais qui tu es, lui répondit-il, en esquissant pour la première fois un sourire. Si tu savais combien il nous bassine avec toi.

Un vrai coq, ce Donnie, quand il était question de parler de sa donzelle. Aussi Stan s'était créé son opinion sur la jeune femme, sans même l'avoir rencontrée. Il se la réprésentait sympathique, mais certainement un peu sotte. C'était qu'il fallait l'être, et pas qu'un peu, pour être séduite par un type comme lui, non ? Son petit surnom, parmi les copains, c'était la « soubrette ». Allez savoir ce que Donovan avait bien pu leur raconté d'autre...

- C'est pas terrible ce qui s'est passé hier, confia-t-il en pinçant les lèvres. Il repensa un instant à l'échange des coups de feu. A ses mains salies, une fois de plus. Il la regarda sortir son paquet de cigarettes. Tu as pu lui parler alors ? Il avait le moral ? Ils savent quand il sera de nouveau sur pied ?

Le rouge lui était immédiatement monté aux joues en écoutant la remarque du militaire. Visilement, il savait très bien qui elle était et en prime, Donovan les bassinait avec ça.
Oh, je... Désolée. Je ne pensais pas qu'il en parlait à ce point... fit-elle avec un rire nerveux, venant ramener une mèche de cheveux derrière son oreille en lui offrant un sourire sincèrement désolé. Sa mine s'assombrit néanmoins en l'entendant parler de la fusillade de la veille alors qu'elle pinçait les lèvres avant de tirer sur sa cigarette. Oui, je te confirme.

Chez n'importe quelle autre personne, sa remarque aurait pu paraître froide et sèche, mais elle avait suffisamment d'éducation pour rester calme malgré l'envie de secouer Stan dans tous les sens pour lui dire que c'était son petit ami à elle qui avait été inconscient une journée entière. Le principal, c'est que tout le monde s'en soit sorti... marmonna t-elle en regardant ailleurs avant d'écouter les questions du militaire.

Oui, j'ai pu. Se gardant bien de parler de leur histoires personnelles restant le plus pro possible. Le moral, je pense que tu le connais suffisamment. Il à beau être faible, il trouve le moyen de sortir des stupidités. Les médecins disent qu'il à perdu beaucoup de sang, et qu'il est au repos forcé pendant minimum deux semaines. Sans compter qu'il ne pourra pas utiliser son épaule avant un bon moment.

Elle n'avait pas pu s'empêcher de grimacer, bien plus travaillée par cette blessure que n'importe qui dans ce camp. Et si elle était dans une colère noire contre ceux qui étaient allés avec Donovan en extérieur, elle n'oubliait pas que c'était aussi grâce à ses coéquipiers si il avait pu revenir vivant. Merci... De l'avoir ramené. souffla t-elle en baissant le regard vers le sol, ne voulant pas montrer à quel point elle avait été affectée par cet épisode. Tu viens de terminer ton service ?

Elle lui était rentrée dedans. Peut-être que Stan n'avait aucune envie de parler à qui que ce soit et n'aspirait qu'à aller se coucher. Lui offrant un sourire poli avant de rejeter doucement la fumée de sa cigarette,elle termina de ranger parfaitement les affaires de Donovan dans son sac pour qu'elles ne se retrouvent plus à dégringoler sur le sol.

Pour tout dire, Stan n’en avait pas grand-chose à faire de la façon dont Beatriz percevait leur dernière sortie avec Donovan. Que pouvait-elle en savoir ? Que pouvaient-ils d’ailleurs tous en savoir ? Seul les deux militaires, Angel et la famille qu’ils avaient ramenée avec eux étaient en mesure de juger. Les autres n’étaient pas là. Et au final, si le grand brun s’en sortait sans plus de dommages, ils pouvaient même tous s’estimer plutôt contents de la conclusion de toute cette affaire.

La jeune femme résuma l’état de son homme en quelques phrases et Stanley hocha la tête. Il n’était pas surpris que Donnie se montre positif comme ça à son réveil. On pouvait lui reprocher bien des choses, mais l’apitoiement sur soi-même n’en faisait clairement pas partie. Un truc qu’il ne partageait pas forcément avec son collègue ici présent, qui avait de son côté souvent bien du mal à faire la part des choses !

- Oui, il est costaud. Encore une fois, le jeune homme ne s’inquiétait pas plus que ça de la récupération de son compagnon, et il montra sur ce commentaire comme un détachement que Bea ne put que remarquer. Ce n’était pas du désintérêt, entendons-nous bien, seulement une réelle confiance dans le « tout ira bien ». Puis pour tout dire, il n’imaginait pas le brun rester immobile, en convalescence, pendant de longues semaines. Ça ne correspondait ni à son caractère, ni aux besoins du groupe. La situation était trop critique, il leur fallait des bras. Et des gros de préférence ! Il sera bien obligé, je le crains, répondit-il d’une moue légèrement navrée. J’espère surtout qu’il ne gardera pas de grosses séquelles. Si séquelles il devait avoir.

L’hispanique avait pris sur elle pour atténuer sa colère envers le partenaire de son chéri, et lâcha même un merci, les yeux vers le sol. Ce ne fut qu’à ce moment-là que Stanley se souvint des échanges qu’avaient faits Donovan dans son planning au cours du mois précédent pour éviter de faire des sorties à l’extérieur. Il dévisagea un peu la fille et devina que la situation ne devait pas lui plaire du tout au final.

- Oui, j’étais en poste de garde. Pas de repos pour les braves ! Il ne se sentait d’ailleurs pas fatigué, il avait juste besoin de sortir de l’ennui dans lequel cette journée l’avait plongé. Cette conversation, comme toutes autres, remplissait très bien cette mission. Ça a été calme. Il reprit sur sa réflexion précédente. Je sais que c’est pas évident à gérer pour… toi, il pensait aux civils aussi, en général, c’est assez mystérieux et plutôt effrayant ce qui se passe dehors. Ceux qui n’avaient jamais mis le pied en dehors des murs de leur enceinte, ces derniers mois, ne pouvaient même pas imaginer. Je me doute que Donovan a tenté de te rassurer, mais… on peut pas y échapper. On ne peut pas tous rester cloisonnés ici, et bientôt, il devra retourner au front.

Trop tôt pour elle, c’était évident. Il ne savait pas s’il était clair dans le message qu’il désirait lui faire passer. Il voulait, même si ses quelques mots n’étaient pas grand-chose, qu’elle soit préparée au fait que son copain repartirait en mission à l’extérieur sous peu. Et que tout ne se déroulerait pas idéalement à chaque fois. Voir même bien pire que ce qu’ils avaient vécu la veille. Qu’elle ne pouvait pas réellement espérer pouvoir toujours le protéger.

- C’est comme une guerre, ajouta-t-il, c’est moche, mais faut s’y faire.

Il pinça les lèvres l’une contre l’autre, dans une moue désolée. Eux avaient été formés pour des situations comme celles-ci, même si cette crise était d’une ampleur sans précédent. C’était un travail, comme ils avaient pu en effectuer ailleurs, avant. Ils parvenaient davantage à se détacher.