Lost in the storm

S'éloigner de Tacoma n'était peut-être pas une mauvaise idée et, de toute évidence, où qu'ils puissent aller, les morts seraient toujours présents. Désormais plus personne ne pouvait lutter contre, sauf les quelques survivants éparpillés un peu partout sur le globe. L'absence d'électricité, de carburant même, ne permettait guère d'imaginer éradiquer le mal déjà bien trop étendu. L'armée de rôdeurs s'était étalée comme un raz de marée sur le monde, engendrant toujours plus de soldats aux dents longues et infectieuses, forçant l'Homme à se retrancher toujours plus dans l'espoir, quasiment vain, de s'en sortir par tous les moyens possibles et imaginables. Dean avait depuis longtemps perdu espoir de revoir le monde tel qu'il était autrefois, ce n'était désormais plus qu'un songe, tout au plus un rêve qu'il faisait les yeux fermés et dans lequel son fils était encore et toujours auprès de lui. Chaque jour que Dieu voulait le voir vivre encore, le trentenaire pensait à lui, à ce qu'il pouvait ressentir, aux potentielles chances qu'il fut encore en vie, à l'abri quelque part à attendre patiemment que les siens viennent le chercher. Alors même s'il n'en parlait pas à celle qui le tenait encore debout, même si elle ne savait que peu de choses à ce sujet, Parker n'en oubliait pas sa raison d'être.

Ce jour là, après avoir parcouru de nombreux kilomètres les rapprochant peu à peu de Seattle, ils s'étaient arrêtés. La fatigue, comment aurait-il pu lui en vouloir alors qu'elle lui annonçait qu'elle était incapable de continuer encore ? Tous, encore droit sur leurs jambes, étaient usés, lessivés par la situation précaire dans laquelle la mort les avait plongé un an et demi plus tôt. Cependant, en revenant sur les traces qu'il avait suivi avant de la rencontrer, Dean sentit son cœur se tordre à l'idée qu'il puisse être ici, peut-être tout proche, et sans moyen de le joindre. Se reposer ne lui serait d'aucune utilité, du moins l'imaginait-il pour être taraudé par ce qui l'avait poussé à continuer sa route autrefois, alors tandis qu'elle lui quémandait de rester, dans cet abri sommaire où le peu de confort suffirait malgré tout, Parker préféra refuser. Elle avait besoin de repos, soit, qui était-il pour lui refuser ? Personne, mais outre son désir « capricieux » que de le voir attendre auprès d'elle, le temps de recharger ses batteries, Gin ignorait ce qu'il avait derrière la tête et qui l'invita à lui faire faux bond pour les heures à venir. Il était peu fréquent qu'ils se séparent tant de temps néanmoins, ici, et parce qu'elle refusait de reprendre la route, Dean en profiterait pour reprendre ses recherches.

Il évolua ainsi durant des heures sous le temps capricieux, tantôt ensoleillé, tantôt grisâtre, l'orage menaçant même d'éclater d'une minute à l'autre. Ses pas le menèrent à divers endroits qu'aurait pu investir le type l'ayant remplacé auprès de son ex, simplement pour protéger celui qui le reliait à elle, néanmoins, et comme il en avait été cas jadis, pas un signe n'assurait à Parker que Diego était passé par là et subitement, tandis que sa main dévalait ses traits, un éclair déchira le ciel au point qu'il y redressa les yeux pour, en à peine une poignée de secondes, se faire saucer par l'averse. Un juron quitta ses lèvres, l'obligeant à se remettre en route assez rapidement sans plus y voir au delà de cinq mètres. C'était dangereux, bien plus dangereux qu'on pouvait l'imaginer car, désormais, le chant des morts était couvert par les pluies diluviennes, leur présence masquée par la vapeur d'eau que générait la flotte en inondant l'asphalte chaude.

Il devait s'abriter, continuer ainsi lui vaudrait de mauvaises rencontres, il n'avait plus le choix. Sans se retourner,  Dean suivit les contours d'une allée, d'un pas rapide et franc pour mieux se figer, l'horreur peinte sur les traits en un haut le cœur, lorsqu'il se rendit compte qu'à un pas près, il terminait sa course dans la flotte où stagnait des restes de Décharnés encore bien mobiles. Le vent, la pluie, l'orage, forçaient les vagues et les corps qu'elles emportaient, à s'écraser contre le bitume du quai. Il avait rejoint les Docks sans le vouloir, désormais perdu dans ce labyrinthe d'usines qui s'étendait sur des mètres et des mètres.

Reculant après avoir observé une dernière fois les orbites vides qui pesaient contre lui depuis leur bassin nauséabond, Parker rejoignit un préau improvisé, nul autre que l'entrée d'un entrepôt, pour dégager le trop plein d'eau de ses traits et reprendre le contrôle de ses membres encore tremblants d'avoir failli sombrer au creux des eaux troubles où la faucheuse l'aurait accueillit à bras ouverts. La nuit ne tarderait plus à tomber, si ce n'était déjà le cas en réalité.... Le ciel était bien trop sombre et déchaîné pour imaginer rebrousser chemin afin de retrouver celle qu'il espérait ne pas trop inquiéter. On y voyait pas à cinq mètres, et bien que l'idée d'investir l'une des usines lui traversa l'esprit, ce fut une ombre, qui s'étalait sur le sol devant lui, à quelques pas à peine, qui l'obligea à agripper le flingue qu'il possédait... S'il s'agissait d'un mort, il valait mieux s'en débarrasser avant d'imaginer se mettre à l'abri, uniquement pour s'assurer qu'il ne le suivrait pas en invitant ses potes putréfiés à la partie.