Quatre jours étaient passés, quatre longues journées, à ne rien faire, où Bateson m'avait ordonné de me reposer. J'avais donc écouté, jusque-là en tout cas, je dois avouer que le repos forcé m'avait fait le plus grand bien. Je m'étais légèrement isolé des autres, préférant réfléchir à la suite, aujourd'hui j'allais partir, il fallait que je retrouve Caly. Je n’avais aucune intention de partir définitivement, je n’allais pas laisser Finn qui n’était pas complètement rétabli, ou bien Bateson et les autres…

Je me levais, regardant cette chambre, certes confortable, mais froide, tellement vide, sans elle… Mon package était prêt, je voulais le faire le plus rapidement possible, il y en avait pour plus de deux heures de marche, ce ne serait pas simple, j’espérais aussi ne pas tomber sur des problèmes, puis j’espérais surtout la retrouver là-bas, qu’elle était vivante, car rien ne me le garantissait. Cependant, je préférais me montrer optimiste. Armes, munitions, j’étais équipé pour faire face au moindre problème, mon bras était encore douloureux, mais je pouvais le mouvoir, certes trop de vitesse. Je n’allais donc pas courir, ce qui était dommage car j’aurais pu gagner une heure au pas de course.

La nuit n’était pas encore tombée, mais cela ne tarderait pas, j’avais profité de cette dernière journée pour me reposer, je voulais aussi profiter de l’obscurité de la lune pour me fondre dans le paysage et me déplacer telle une ombre au milieu des rues. J’étais parti sans prévenir, car je ne voulais pas que Finn me suive ou que Bateson m’empêche d’accomplir ma mission, je ne voulais tout simplement pas les mêler à ça, j’avais pris soin de leur laisser un mot afin qu’ils ne s’inquiètent pas et qu’ils ne me cherchent pas. Ils sauraient ou me trouver.
Je marchais, profitant de la fraîcheur des rues, les morts que je rencontrais étaient rare, les derniers événements du lycée avaient dû les attirer en masse et y retourner ne serait sans doute pas la meilleure des idées, mais c’était une aubaine pour moi, je pouvais ainsi déambuler sans trop de soucis dans les rues. Au fond le plus grand danger serait de tomber sur des vivants, qui sait, peut-être que nos assaillants étaient toujours dans le coin et c’était en çà que de me déplacer dans la nuit était utile.

Pour gagner du temps, j’avais coupé par le parcours de golf et lorsque les rues me semblaient dégager, je trottinais afin de gagner un peu de temps. Au final, ce ne fut qu’au bout de deux heures que je put atteindre le lieu-dit. Mieux, je fus très rapidement rassuré, car oui, elle était vivante, oui elle était là. Caly. Mon cœur battait comme rarement, je compris en le sentant frapper ma poitrine, que j’avais réellement été inquiet pour elle.
Pousser par l’adrénaline du moment, j’oubliais la douleur encore présente dans mon bras pour me mettre à courir vers elle, il était temps qu’on se retrouve. « Caly ! » Ma voix perçait le silence de la nuit. Elle, elle était au pied de l’immeuble, seule, belle. J’aurai même pu croire à un mirage, mais non, elle était bien là. « Caly… » Dans un dernier souffle alors que je m’étais rapprocher assez d’elle pour voir ses yeux… Tout n’était pas fini… Pas encore.

Je tourne en rond dans cet endroit. Je ne me sens pas chez moi, le lycée mon refuge me manque. J'ai du mal à accepter les derniers événements comme si tout ça n'était qu'un terrible cauchemar. Mais après m'être pincée une bonne douzaine de fois, j'ai réalisé que tout était bien réel.

Les jours et les nuits ont un goût amer et mon lit est beaucoup trop vide meme si la présence de Roza comble un peu le vide qui m'habite. Je me demande quand est ce qu'on pourra enfin reprendre la route pour retrouver les autres et surtout le retrouver lui. Son caractère, sa peau contre la mienne, ses baisers, des étreintes, tout me manque. J'ai peur qu'il n'est pas survécu mais dans le fond je sais que mon militaire est toujours vivant, je le sens.

J'ai du mal à dormir cette nuit là. Les pensées négatives envahissent mon esprit et les images de dimanche dernier sont ancrées à jamais. Je me remémore les fumées noires de notre endroit derrière nous. De la gifle d'April qui s'abat sur la joue d'Eli et du dernier regard de Jacks qui semble être un lointain souvenir. Je repousse les couvertures, enfile un pull puis mes chaussures avant de descendre sans bruit pistolet en main.

J'ouvre la baie vitrée et m'introduit dehors sous une nuit étoilée. Une légère brise s'éveille et me donne quelques frissons. Je m'assois sur les marches et fixe les alentours avant de plonger mon visage entre mes mains. J'entends mon nom une première fois, je relève la tête pendant que mon esprit me joue des tours. Et puis une silhouette se dessine sous mes yeux, un peu plus loin devant moi. Je fixe la personne qui s'avance et me redresse aussitôt. C'est lui. Putain c'est lui.

Je lâche mon arme sur la marche et m'avance vers cet homme qui fait battre mon cœur. Je plaque ma main contre ma bouche pour étouffer un sanglot. Je l'observe et me rue dans ses bras lorsqu'il prononce une nouvelle fois mon prénom. Mes mains s'accrochent à ses cheveux, je pleure ne retenant plus rien. Je le serre aussi fort que je le peux oubliant sa blessure et m'écarte ensuite pour l'observer. Mes mains descendent jusqu'à son torse et agrippent son t-shirt. Tu...tu m'as tellement manqué... que je murmure avant de déposer mes lèvres sur les siennes pour l'embrasser. Je pleure encore.

Elle contre moi, moi contre elle sous une lune pleine et ronde, nos corps, bien qu’habiller ne forme plus qu’une entité dans le tréfonds de l’obscurité. Elle me touchait comme-ci elle me redécouvrait et j’en faisais autant, l’enlaçant avec plus de vigueur que la situation le demandait. « Doucement, doucement gamine… » En effet dans nos mouvements relativement brusques, j’avais réveillé la douleur de mon épaule. Il faudrait plusieurs semaines avant de ne plus rien sentir, de toute façon, rien ne comptait et la douleur était bien superflue. « Toi aussi tu m’as manqué… » Puis j’avais été tellement inquiet pour toi. Je ne le lui dis cependant pas, il était inutile de réveiller des pensées qui n’avaient maintenant plus d’importance. Tout ce qui comptait, c’était elle, c’était moi, c’était nous. « Explique-moi alors, vous êtes arrivé sans embûche ? Tout le monde vit ? » J’ignorais qui avait survécu au voyage et bien que le simple fait de savoir qu’elle, était vivante m’importait plus que tout le reste, j’espérais sincèrement qu’il n’y avait pas eu plus de pertes. De notre côté, Rowen et Rosaleen nous avaient fossé compagnie et nous n’avions hélas retrouvé aucune trace d’eux. Je l’écoutais me raconter son aventure, une fois de plus Roza c’était montrer héroïque, je ne fus pas étonné par sa témérité, mais je dois admettre que j’étais impressionné par sa résistance.

Une fois son récit terminait alors que nous nous étions assis sur la marche où elle avait laissé tomber sur la arme un peu plus tôt, je lui expliquais ce qui s'était passé de mon côté, nous avions beaucoup de choses à nous dire et je n’avais aucune envie de parler aux autres. Je ne voulais qu’entendre sa voix, je voulais qu’elle me parle jusqu’au ce que le sommeil m’emporte, car oui, j’étais encore épuisé, surtout après cette marche, certes tranquille, mais non dénuer d’un certain stress, le stress de ne pas la retrouver surtout. Demain j’irais affronter les autres, il faudrait que j’explique à April la perte de son fils adoptif et de son copain rouquin, que j’explique que Finn allait se remettre malgré ses blessures, puis nous verrons ce que nous ferions. Retourner au lycée était exclu, peut-être que nos routes allaient se séparer, après tout le groupe n’était plus. Dans le fond, je m’en foutais, je n’étais guidé que par le besoin de la suivre, de la protéger.

Quelques éclats de rires, de la tendresse, j’étais heureux, heureux de la voir sourire malgré les derniers événements. « Si on rentrait maintenant. » Bien qu’en été, la nuit était froide et je la sentais elle aussi frissonner. Puis je n’avais qu’une envie maintenant, me blottir contre elle dans le confort d’un lit chaud… Bercer par ses murmures et frissonnant sous ses caresses…

Je me demande si je ne suis pas entrain de faire encore un de ces rêves qui rythment mes nuits. Mais la chaleur qu'il dégage, ses mains contre ma peau et sa voix me permettent de dire que c'est la réalité. J'ai du mal à y croire alors je le sers de toutes mes forces contre moi. Que c'est bon de le retrouver. Entendre mon surnom me fait rire légèrement, j'essuie mes larmes et tente de me ressaisir même si je pourrai le regarder pendant plusieurs heures. Mon dieu qu'il m'a manqué. Je remarque sa grimace et me rappelle la balle qu'il a reçu, j'effleure instinctivement son épaule. Je ne te laisserai plus jamais t'en aller sans moi Shelby.

Si nous étions arrivés sans embûches ? Loin de là. On nous a suivi, ça a été plutôt éprouvant. Roza a encore assuré. Je commence le récit de nos mésaventures jusqu'à évoquer la claque qu'April a collé à Eli. J'ai du mal à raconter ces évènements qui sont encore tout frais, j'ai du mal à ne pas pleurer en racontant l'image des fumées noires qui s'élevaient du lycée. Et puis c'est à lui de me narrer ce qu'il a vécu, et quand j'entends qu'ils ont perdu la trace de Rowen et de Rosa je ne peux pas m'empêcher de fermer les yeux très fort. April va être dévastée. On les retrouvera, hein ? C'est plein d'espoir même si j'ai du mal à y croire. J'aimerai tellement qu'on se retrouve tous pour reformer notre groupe.

On reste encore plusieurs minutes sur les marches à chuchoter pour ne pas réveiller les autres. Quand il me propose de rentrer je ne rechigne pas n'ayant qu'une hâte : me retrouver avec lui dans un lit. Nous nous levons et j'ouvre la porte le plus doucement possible pour éviter de faire le moindre bruit. Je plonge mes yeux dans les siens et l'invite à entrer avec moi. Je referme la porte à clé derrière lui et ne peux m'empêcher de poser mes lèvres contre les siennes. Je plonge mes mains dans ses cheveux et l'attire encore plus vers moi. Je reprends à peine ma respiration tant j'ai besoin de ce contact.

Nous nous dirigeons tant bien que mal vers l'escalier qui conduit aux chambres sans pour autant nous lâcher. J'ouvre la porte de la dernière chambre libre, la referme la derrière nous et n'attends plus pour lui enlever son haut. Le mien rejoint le sien presque aussitôt sur le sol. Je stoppe mes caresses et dans un murmure je lui glisse pour la première fois un Je t'aime. C'est tôt, beaucoup trop tôt pour prononcer ces trois mots et ces sept lettres mais ça m'est égal. J'ai failli le perdre une fois, je n'attends plus.