Ce moment sur ce phare avec ce nouveau colocataire lui faisait du bien, il était content de l'avoir invité, même s'il n'en avait peut-être pas l'autorisation. C'était trop tard maintenant. Mais qu'est-ce qu'il risquait exactement ? Ce type avait l'air assez sympa pour qu'il n'est pas spécialement peur de lui, même s'il fallait toujours rester sur ses gardes. Mais cela faisait déjà plusieurs jours qu'il était là et pour l'instant il n'avait pas essayé de les étouffer dans leur sommeil, c'était probablement bon signe, aux yeux de Kyle évidemment. Peut-être que pour les autres ce n'était pas une preuve suffisante pour inclure Aodhan comme il se devait. Dans tous les cas lui l'appréciait suffisamment pour l'inviter à partager son tour de garde. Et au final la conversation venait d'elle-même, ce qui était assez amusant. Probablement parce qu'il discutait des banalités de l'apocalypse. Où ils étaient avant, leur famille, leurs amis. Ils avaient tous perdu des gens, chacun avait un poids qu'il portait sur les épaules, chacun avait une histoire. Fut un temps Kyle avait pensé à écrire les histoires des personnes qu'il rencontrait dans son carnet, avoir un souvenir de ces jours affreux si un jour le monde arrivait à se relever. Il avait vite abandonné l'idée lorsqu'il avait vu les énergumènes et les fous qui se promenaient maintenant dans les rues, à la recherche de vivre et prêt à tout pour survivre. Il était prêt à tout pour survivre, parce qu'il ne voulait pas mourir, c'était logique après tout. Mais de là à faire du mal à certains, non, il n'était pas prêt à ça. Il se renforçait, oui, mais il y avait des limites et il ne voulait pas changer au point de devenir comme Cassandre. Un prénom qu'il n'oublierait probablement pas de sitôt, parce qu'au final Stew ne l'aurait peut-être pas hébergé s'il ne l'avait pas trouvé aussi amoché. En un sens, c'était grâce à elle qu'il était là maintenant.

Il se mit à sourire en pensant à ça. C'était amusant de transformer ce mauvais souvenir en quelque chose de plutôt positif. Ça le faisait presque relativiser. Preuve que cette conversation avec Aodhan avait du bon. Il tourna immédiatement la tête vers son interlocuteur quand celui-ci affirma qu'il savait ce que c'était. Et puis il avait commencé à expliquer. S'il était resté assez discret jusqu'à présent sur sa vie, du moins c'était comme ça que Kyle l'avait senti, il avait l'air de se livrer cette fois-ci un peu plus. Kyle avait tourné la tête vers l'horizon, acquiesçant légèrement aux paroles du brun. Oui, il avait peut-être tout autant fui que Kyle lui-même, quoique. Le journaliste se trouvait lâche mais à part quelques semaines auparavant, il n'avait jamais véritablement fui pendant cette apocalypse, même pour Allan, il était revenu le voir à l'endroit où il était mort, preuve qu'il n'avait pas fui. Il déglutit difficilement à cette pensée avant de se reconcentrer sur les paroles d'Aodhan. Les plus belles filles ? Le brun avait presque envie de sourire en entendant ça. Pas étonnant, vu sa tête, probablement qu'avant l'apocalypse il faisait tomber n'importe qui sous son charme. L'explication sur sa fuite du risque de paternité aurait également pu faire rire Kyle, il se contenta cependant de sourire lorsqu'Aodhan avait expliqué. Au moins il ne retenait pas sa langue.

Il le regarda une nouvelle fois lorsqu'il parlait de son groupe. Fier de lui ? Pas vraiment. Il avait joué au lâche pendant plusieurs semaines, s'était volontairement éloigné du groupe. Il haussa les épaules. «Je sais pas trop.» avait dit Kyle. Le fait que le brun lui dise que c'était important de ne pas avoir fui, comparé à lui probablement, rassura légèrement Kyle quand même. Oui, il n'avait pas fui au final. Certes. Et il était là, avec ce groupe, encore vivant. Mais pour combien de temps ? «Ton groupe.. t'avait de la famille ? Des amis ?» avait-il demandé avec une petite voix.
Il avait renchéri après la réponse d'Aodhan : «Moi avant ça j'avais pas grand monde... juste mon.. copain. Il est.. mort y a un petit temps maintenant. Après j'étais tout seul pendant un bon moment.» avait-il expliqué avec la gorge serrée. Il ne pouvait jamais parler d'Allan sans se sentir un minimum oppressé, sa mort avait créé un certain vide en lui à l'époque, qui était encore présent d'ailleurs même s'il allait mieux, il l'espérait. Cela commençait à dater, il essayait de se dire qu'il allait bien mieux maintenant, qu'en faisant partie d'un groupe il n'était plus seul. Les moments où il avait été seul avaient probablement été les plus difficiles.