On avait quand même vécu un sacré bordel... Un semblant de diplomatie qui nous avait mené droit vers la fin d'une histoire. Ils, les enculés qui nous avaient frappé, venaient de raturer le livre de l'histoire d'Emerald Freedom pour y écrire un « The End » avec une plume dégueulasse, dégoulinante et sans saveur, trempée dans l'encre pourpre du sang des morts. Alors quoi ? On devenait sans abris, on errait à quatre dans une voiture à moitié déglinguée et on croisait les doigts tout les jours pour trouver de la bouffe et pour pas tomber sur un tas de merde ? Nah. J'avais réussis à planquer la bagnole en la poussant comme je pouvais derrière un conteneur, sortis les quelques affaires du coffre et j'avais fait le tour du bâtiment pour nous assurer une tranquillité partielle. Le port était calme et le son de l'eau avait quelque chose d'agréable malgré tout.

Avant bras plaqué contre la taule du hangar, j'observais l'extérieur au travers d'une vitre en plastique bien pourrie en fumant mon cerveau avec toutes les idées que j'avais. Donne moi un crayon et du papier et je te sortais un EP en quatre heures avec tout ça. Mais à l'heure actuelle, personne n'avait besoin d'un EP et de toute façon, je n'avais aucune prod pour poser dessus. Je fermais les yeux un moment et me frottais le visage avec mes mains, soupirant comme jamais. Je n'imaginais pas rester à Seattle, sans les protections du lycée, c'était difficile. Et puis la bouffe était forcément limitée en ville. Les conserves avaient le luxe d'être bouffable n'importe quand, mais elles n'existaient pas en quantité illimité. Faire pousser des conneries en ville c'était un pari risqué, la flotte, les infectés, les pillards... Trop de variables inconnues, instables et dangereuses. Si encore j'étais seul ou juste avec London, mais à quatre, il nous faudrait l'aide du Diable pour réussir. J'aurais pu demander l'aide de Dieu, d'un dieu, n'importe lequel, mais vu notre monde, j'imagine bien que les rats ont quitté le navire depuis un moment.

On avait plus personne au dessus, on avait plus personne en qui croire, en qui espérer. On avait plus que nous et c'était largement suffisant. Plus personne derrière se cacher quand on fait des trucs dégueu, plus personne sur qui crier quand il nous arrive une merde, plus personne en qui croire pour avoir des jours meilleurs. Nous et juste nous, il fallait s'en remettre au pire truc de notre monde, nous. C'était presque étrange, les fous diront que Dieu test notre foi, que tout ceci n'est qu'une épreuve parmi tant d'autre. Ferme ta gueule. Demande à ton Dieu de planter ton couteau dans la tête de la petite fille de huit an qui cherche à te bouffer le mollet que je me marre. Reniflant sur ses pensées, j'entendis London m'appeler derrière et je croisais les bras, reprenant un énervé mais confiant. Même si j'avais des gros doutes sur notre futur, elle ne devait pas le voir, elle devait avoir confiance en moi, je devais lui apporter du confort et de l'espoir, aucune place pour le doute dans sa tête.

Ici.

On faisait quoi ? Bonne question, pas grand chose pour l'instant, il fallait attendre que le gros reprenne son souffle...

On reprend notre souffle et on sort d'ici.

Je tournais mon visage vers elle avec un petit sourire fier aux lèvres avant de passer mon bras autour d'elle.

T'as appris où à conduire toi ? T'aurais dû le dire que tu conduisais comme ça, je t'aurais embaucher comme chauffeur personnel hein !

Je riais un petit peu, histoire de lui changer les idées, elle en avait besoin vu sa tronche.