31 Août 2017.

Une fois de plus le soleil allait mourir de par delà l’horizon pour naître de l'autre côté du monde. Une fois de plus elle avait détesté cette journée. Une fois de plus elle s'était montrée infernale. Elle était agressive envers tout le monde, restant cependant le moins possible avec la petite troupe. Elle supportait la présence d'Ansel cependant. Mais les remarques d'Aodhan ou de Neil lui donnait des pulsions de meurtres. Elle s’apercevait bien aussi que Kyle ne l'appréciait pas, qu'il n'osait pas l'ouvrir mais ne devait pas en penser moins. Et les blagues vaseuses de Rafael pour détendre l'atmosphère lui tapaient sérieusement sur le système. Puis il y avait Zack. Que dire ? Elle n'en savait rien, elle l'avait envoyé baladé, l'avait frappé au visage et donc vexé. Mais après tout il l'avait bien chercher et avait récolter la monnaie de sa pièce. Certaines choses ne passaient vraiment pas avec Morgan, surtout avec un tel comportement. Elle prenait sur elle, le jour elle était imbuvable, ne s'accordant aucun répit. Il fallait nettoyer les alentours pour plus de sécurité. Il fallait remplir un peu plus les placards. Il fallait s'organiser. Morgan faisait en sorte de sortir le plus possible, de ne pas croiser l'ombre de son aîné. L'ignorer même si cela était douloureux, qu'elle se sentait encore plus seule. Mais elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Elle avait rejeté Zack. Mais après tout, lui aussi l'avait rejeté, il avait refusé son aide, il avait refusé qu’elle tente de l'aider, certes pas de la meilleure façon qu'il soit. Et le résultat avait été catastrophique. Zack lui manquait mais elle était bien trop fière pour faire le premier pas vers un réconciliation possible.

Ce soir encore elle était montée dans sa chambre et en passant devant celle du plus jeune du groupe elle s'arrêta quelques secondes avant de soupirer, et aller dans la sienne, fermant la porte afin de pouvoir se changer sans que des regards curieux ne se posent sur elle.
Morgan avait rejoint ensuite son lit et épuisée par sa journée avait rapidement sombré dans les bras de Morphée. Mais cette nuit encore, elle revoyait son couple d'amis là seul au milieu des flammes cette fois-ci. Cela changeait, son cauchemar changeait, du moins la toile de fond variait, mais jamais les personnages. Elle les voyait s'éloigner plus encore, et dans ce cauchemar ça n'était pas Ansel qui mettait un vrai terme à la vie de Stew. C'était Zack. Zack qui tuait son compagnon, avant de la regarder et pointer le canon de son Desert Eagle sur sa tempe. Elle le voyait sourire d'un air parfaitement désolée, et elle avait beau avoir la sensation de courir vers eux rien n'y faisait ils s'éloignaient toujours. Prise alors d'une angoisse, ne voulant pas vivre ou connaître la suite de ce rêve désastreux, elle s'éveilla essoufflée et perdue. Mettant quelques seconde à se resituer, elle fixa le mur face à son lit avant de voir les rayons de lune éclairer la pièce. Ses draps étaient chiffonnés, elle devait avoir bien bougé.

La rouquine, se rallongea mais resta là à fixer le plafond avant de se sentir à nouveau étouffer. Elle devait sortir, aller boire un verre d'eau. Elle se leva, sortie de son alcôve pour rejoindre le couloir sombre de la maison. Elle ne se faisait pas encore à ce nouvel environnement mais ça viendrait avec le temps.
Tout en approchant des escaliers elle entendit des voix, Ansel et Neil sûrement. Merde. Ils ne dormaient pas et elle ne pouvait descendre et affronter leurs regards sur son corps. Tout en lâchant un soupire agacé elle rebroussa chemin et se stoppa de nouveau devant la chambre du latino. Sa porte était close. Il devait peut-être dormir. Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait bien être mais elle se souvenait que les soirs où elle veillait dans le couloir, elle avait eu envie de toquer à la porte du brun mais n'avait rien fait. Elle avait tenté plusieurs fois, mais en vain. Elle secouait toujours la tête et repartait se sentant stupide à venir là. Mais ce soir encore elle faisait face à cette porte close. Ce soir encore elle avait levé le poing et ce soir, elle inspira à fond. Ce serait ce soir, cette nuit, sinon jamais. Elle devait franchir le pas. Elle devait lui dire une chose importante, elle devait essayer de ne pas s'énerver. Et puis elle savait qu'il l'avait désormais déjà vue telle qu'elle pouvait être. Une simple femme abîmée par la vie. Elle savait que si elle toquait en pyjama il ne jugerait pas une seconde fois ce corps lézardé de cicatrices anciennes.

Tout en fermant les yeux pour se donner du courage elle laissa s'abattre son poing sur la porte pour toquer. Morgan venait de franchir enfin le pas, elle allait vers le plus jeune, elle acceptait doucement de lui parler, ou du moins s'en sentait obligé. Mais il y avait aussi le fait qu'elle ne voulait pas aller dans sa chambre, ne pas retrouver ses draps en vrac avec l'odeur de la peur, de la tristesse. Ne pas rejoindre Zack, elle ne céderait pas. Alors elle allait vers la seule autre personne avec qui elle pouvait presque échanger normalement quelques paroles.
Reprenant sa main elle crisa ses bras sur son ventre et attendit un instant avant de toquer une nouvelle fois un peu plus fort pour peut-être mieux se faire entendre. Elle espérait un peu qu'il lui ouvre et ne lui referme pas la porte au nez. Elle ne voulait pas rester seule. Pas ce soir.

Renton. Nouvelle maison. Nouvelle vie. Nouvelles emmerdes aussi. La tension était tellement insoutenable ici qu'elle en était devenue écrasante. La disparition de Stew planait comme une ombre malfaisante au dessus d'eux et l'humeur de Zack était pire que jamais. En soit il comprenait assez ce que ressentait l'homme mais préféré n'interférer en aucun cas sur son ressenti. Il n'avait pour une fois pas envie de se mêler de ce genre de chose, Zack était une ombre, une loque, qui n'hésiterait sûrement pas à flinguer le premier qui s'agiterait trop. Du moins, c'est ainsi que le percevait le plus jeune du groupe. Il avait chaque fois l'impression que lorsque le plus âgé passait dans la pièce de vie, qu'il allait sortir son arme pour en flinguer un. Même les plaisanteries avaient du mal à sortir de sa bouche ces derniers temps, comme si tout trace d'humour s'était évaporé depuis leur fuite du phare.

Quand il s'était endormi ce soir-là, ça n'avait pas été sans remuer, se retourner, soupirer. Ça lui donnait envie de se casser loin de toute cette pression. Le fait que le latino ne gère rien et que cette mauvaise humeur les achève tous à petit feu n'était pourtant rien à ce que devait vivre Morgan. Après tout, si les murs étaient épais, il était clair qu'il s'était passé quelque chose de mauvais entre le chef et sa seconde. Ils s'étaient engueulés plus durement que jamais.

Le latino donnait l'impression de ne rien voir, rien que pour ne pas porter la lourde charge de récolter les pots cassés du duo. C'était pas son rôle en vrai, c'était plutôt Stew qui était doué pour ça en faites. Quoique. Il n'savait pas trop. Dans un semi-sommeil, il s'était préparé à se laisser hanter par des cauchemars plus récents. Il se réveilla en sursaut lorsqu'il entendit des coups frapper à la porte. Ses doigts se refermèrent par instinct autour son arme blanche qu'il avait posé sur sa table de nuit. Depuis leur départ précipité du phare, il avait veillé à garder toutes ses armes à proximité. La machette était posée sur ses chaussures juste à coté de la table de nuit, son couteau de cuisine sur la table nuit comme déjà précis, et son arme à feu au même endroit. Ça l'rassurait un peu de les savoir là et il voulait pas vivre de deuxième mauvaise expérience. Au début il avait eu un peu d'mal à dormir avec la machette avec lui, chaque fois qu'il fermait les yeux, son esprit lui renvoyait des sons étranges qui provenaient justement de la dites machette. Inconsciemment savoir qu'elle appartenait à Stew le rendait plus nerveux que jamais, et il allait jusqu'à croire qu'son âme où un truc du genre était restée dans l'arme. Flippant.

Encore dans la vapeur du sommeil, il mit un temps avant de se lever en relâchant son arme. La pression était descendue, mais il s'demandait ce qui pouvait donner envie à quelqu'un de toquer en pleine nuit. C'était le genre de personne ici mais sa curiosité était plus forte que sa fatigue, et il s'activa pour atteindre la porte. En l'ouvrant, quelle fut sa surprise en voyant se dessiner dans l'ombre de la maison la silhouette de Morgan. Le temps que ses yeux s'habitue à l'obscurité, il mit un temps à l'observer de ses yeux plissés. La lumière extérieure de la lune filtrait à travers sa fenêtre et lui permettait de détailler le visage gris de la rousse. Il était salement décomposé et elle avait l'air tellement au bout du rouleau qu'elle faisait peur. Le brun resta un peu surpris quant à sa présence, la détaillant pendant de longue seconde, il finit enfin par parler d'une voix pâteuse et un peu endormi :

T'en fais une d'ces têtes... Qu'est-ce qui t'amènes ?

Il pouvait pas tellement deviner ce qu'elle avait en tête, et là il cherchait pas plus loin. Ça pouvait qu'être une histoire de sale nuit, elle arrivait pas à pioncer, elle était crevée, elle avait peut être envie de parler qui sait. Il savait pas s'il pouvait faire grand chose pour elle, l'aidait ou quoique ce soit d'autres. La conversation viendrait d'elle même et s'il devait resté assis à attendre qu'elle cause peu importe, il pourrait très bien meubler avec quelques banalités... Il savait pas trop comment elle s'était retrouvée à vouloir venir ici. S'ils étaient en meilleur terme, ils étaient pas pour autant plus proche que jamais. Pourtant, ça l'empêcha pas de s'avancer vers elle, de glisser sa main sur son épaule et d'y donner une légère pression.

Reste pas là planté là, c'est grave flippant... Rentre si tu veux.

Si cette pression sur l'épaule de la jeune femme avait pour but de la rassurée, il attendit pas qu'elle s'avance pour se diriger vers la fenêtre et tirer une clope du paquet posé sur le rebord.

M'en reste un paquet entier, on sait jamais si t'as envie d'en prendre. Hésite pas.

Au même moment, la flamme du briquet rougeoya près de son visage l'éclairant momentanément. Il ne se retourna pas pour voir les mouvements de l'ombre qu'était Morgan et se concentra d'abord sur le bout brillant de la cigarette. Il était fatigué, crevé au possible, mais il ferait peut être l'effort de pas aller se rendormir. Elle avait pas toqué ici pour rien. Ça lui rappelait vaguement le moment où il l'avait vu si fragile ce soir là, et il se voyait pas être assez cruel pour refermer cette porte devant son nez même s'il crevait de sommeil. La nuit le rendait peut être moins salaud. L'air frais du dehors pousser la fumée de la cigarette dans la chambre. Il laissait souvent sa fenêtre ouverte le soir lorsqu'il faisait chaud, quitte à entendre les pas trainants et la voix des rôdeurs plus loin.

C'était l'angoisse. Elle avait cette fichue boule au ventre, cette sensation désagréable de porter un poids. L'angoisse qu'il ne réponde pas, qu'elle reste plantée comme une idiote face à une porte close. Elle espérait bêtement qu'il lui ouvre, elle espérait qu'il ne la juge pas. Elle espérait qu'il ne soit pas à nouveau mal à l'aise de voir ses cicatrices. Elle savait que ça l'avait profondément gêné cette nuit où il l'avait vu pour la première fois sans cette lourde et épaisse armure. Peut-être le serait-il à nouveau. Elle n'en avait aucune idée.

Tout en ne cessant de se questionner et de se rassurer, que tout irait bien, qu'il ne la jugerait pas, qu'il ne l'enverrait pas balader, qu'il ouvre cette porte, elle jouait nerveusement avec ses mains. Déglutissant difficilement elle tentait de préparer ce qu'elle pourrait bien lui dire, mais lorsque le bruit de la clanche qui se baisse se fit entendre et qu'elle vit le latino apparaître la tête enfariné, elle se sentie figée. Morgan l'observa en silence, croisant son regard. Il était clairement surprit de la voir là, de voir cette tête déconfite. Elle pinça brièvement ses lèvres entre elles, soudainement intimidée. Elle qui avait toujours eu l'habitude de tenir tête, d'avoir réponse à tout, de trouver de différentes manières de dire le fond de sa pensée, de causer sans filtre, voilà qu'elle restait muette. Ça ne la changeait guère de d'habitude cependant.
Puis Rafael parla d'une voix encore endormie qui lui donnait un timbre presque plaisant. Mais d'un côté elle espérait qu'il ne soit pas le genre de type de mauvais poil quand on le réveille.

Morgan ne disait rien, elle l'observait simplement, attendant une remarque désagréable qui pourrait lui faire tourner les talons, qu'elle accompagnerait d'une claque. Et tant pis pour son visage qu'elle jugeait séduisant par moment. A sa main sur son épaule, elle sursauta un peu et fut étonnée qu'il ne la repousse pas. Ils n'étaient pas proches, loin de là. Ils se jetaient toujours des tacles, ils se cherchaient toujours avec les mots, se défiaient sans cesse. C'était un long combat, un auquel baisser sa garde le jour signifie que l'on capitule. Mais la nuit c'était différent. Elle avait l'impression que son cadet laissait de côté son côté petit con de vingt-trois ans. Elle avait sut son âge par Stew, à l'époque où il respirait encore. A ce souvenir furtif elle sentie les lambeau de son coeur se briser plus encore. Faire un deuil, elle n'y parvenait pas.

La jeune femme suite à l'appui léger sur son épaule finit par entrer dans la chambre, il y faisait frais, ça la fit frissonner. Mais ce n'était pas désagréable encore cette fraîcheur. Par habitude, elle ferma la porte derrière elle et tout en silence s'approcha un peu. Le latino reparla tout en allumant sa clope. Morgan secoua négativement la tête. Elle était une des personne les plus clean sur ce point là. Elle n'avait jamais fumé de sa vie, et n'en avait jamais ressenti le besoin. Elle conservait ainsi des poumons clairs, et puis elle n'avait ainsi pas de sensation de manque, d'addiction. Le tabac, son odeur peu sympathique chaud ou froid, ce n'était pas du tout son truc. Elle l'observa donc fumer en silence, et s'avança de nouveau un peu vers lui. Il fallait qu'elle parle, il fallait qu'elle le lui dise. Il lui fallait du courage, elle l'était mais là, il était bien bas. La rouquine avait envie de hurler sa peine, de frapper la moindre personne, de crier que Stew lui manquait, qu'elle avait merdé avec Zack qu'il lui manquait atrocement aussi.
Mais là, en cet instant précis elle ne pourrait dire cela, elle avait plus important à faire. Alors en inspirant à fond pour se donner de l'énergie pour lui parler, elle expira à fond aussi et leva son regard vers le sien.

"Je... Je n'arrive pas à dormir. Je n'arrête pas de les revoir. "

"Les revoir" c'était Le blond et son compagnon se serrant l'un contre l'autre. C'était ces foutus flashs, c'était la mort de Stew, c'était son cri qui était sorti de sa gorge. Et puis c'était l'emprise ferme qu'avait eu le plus jeune sur elle. C'était ce moment où il l'empêchait de ne se jeter dans la gueule du loup. Elle n'en pouvait plus, il lui avait sauvé la peau à deux reprises et Morgan avait été bien incapable de lui adresser un seul merci, alors elle le dirait ce soir.

"Je sais pas pourquoi tu m'as empêché de les rejoindre, mais..."

Ca restait bloqué dans sa gorge ça ne sortait pas. Non c'était trop difficile. Elle devait prendre le temps, mais y parviendrait-elle ? Peut-être que oui, peut-être que non. Elle n'en savait rien. Alors elle regarda ailleurs, elle regarda la chambre du brun autour d'elle, puis la lune au travers de la fenêtre avant de poser ses yeux sur une des épaules aux muscles saillants de son vis-à-vis. Mais elle ne disait plus rien. La peur qu'il se foute d'elle l'empêchait de prononcer un mot. La peur de ne plus savoir remercier la bloquait. Alors elle se taisait, presque intimidée.