Le temps s'égrenait paresseusement, grignotant peu à peu la patience fragile de la grecque qui, seule assise sur sa chaise, guettait les prémices de la moindre activité suspecte par dessus les remparts avec la même concentration qu'elle usait depuis près d'une heure. L'air s'était considérablement rafraîchi depuis les derniers jours, offrant une nette perspective de l'automne qui les attendait. Ce fut le murmure des herbes foulées qui approchait qui la détourna de son champs de vision, pour la première fois depuis que son binôme s'était éclipsé pour faire un tour du ranch. Projetant son attention par dessus son épaule, Elena croisa le visage de Isha, venu pour la remplacer dans ses fonctions manifestement. Elle lui adressa un bref sourire avant de se redresser péniblement, hissant ses bras au-dessus sa tête pour dégourdir son corps ankylosé.

« T'es toute seule ? » s'étonna le jeune le Cheyenne.

« Hm ? » Elle réalisa alors après un instant de flottement en posant ses yeux sur la seconde chaise vide.« Oh non, James fait l'tour. » répondit distraitement la brune qui bâillait à présent à s'en décrocher la mâchoire. « Bon beh moi j'y vais, à plus tard ! »

Le jeune homme la salua d'un vague signe de la tête, amusé, et la grecque s'éloigna bien vite du poste de garde, soulagée d'avoir terminé. Les gardes l'ennuyaient toujours beaucoup mais au moins avait-elle pu réfléchir aux travaux d'aménagement prévus pour le campement. Si l'idée avait été soulevée et éveillé l'intérêt général, elle nécessitait bien plus de matériel qu'ils n'en disposaient actuellement. Des expéditions supplémentaires devraient être organisées s'ils voulaient conclure leurs ouvrages avant le début de l'hiver. Sujet dont elle s'était déjà entretenue la veille avec Carmen et Ethan au cours d'une conversation à propos des ravitaillements, et au terme de laquelle la Navajo l'avait sollicité pour un tête-à-tête fixé au lendemain.

C'était donc dans l'optique de retrouver la brune que Elena s'achemina jusqu'à sa chambre dans laquelle elles avaient « rendez-vous ». Et parce qu'il apparaissait peu probable que Carmen ait requis sa présence dans le cadre d'une rencontre formelle sans y convier l'époux Walker avec lequel elle partageait les responsabilités au sein du camp, elle ne pouvait nier la curiosité naturelle qu'elle éprouvait quant à la raison de cette convocation. La jeune femme s'était alors livrée au jeu des suppositions, sans pour autant être réellement en mesure d'anticiper ce qui l'attendait. Toujours en proie au trouble donc, elle s'annonça en frappant trois petits coups rythmés contre la porte, avant de s'en voir autoriser l'accès par la leader qui semblait l'attendre, assise sur son lit.

« Je ne sais pas encore si je dois m'inquiéter ou me sentir honorée d'être ainsi conviée dans ton intimité. » fit-elle, une moue faussement hésitante, avant que ses traits ne se détendent en une expression plus complice, l’œil rieur. « S'il s'agit d'un licenciement, sache que j'apprécie les formes. Vraiment. » poursuivit-elle dans sa lancée.

C'était la première fois qu'elle découvrait la chambre de Carmen et Jasper, et spontanément la jeune femme en détailla la décoration alors qu'elle laissait le soin à sa camarade d'entamer le vif du sujet. Et si elle prenait les choses autant à la légère, c'était parce qu'elle commençait à connaître suffisamment la jeune femme pour ne pas remettre en doute sa capacité à dire les choses franchement et sans détour lorsque quelque chose n'allait pas. Si Elena avait fauté un moment, Carmen n'aurait pas attendu pour le lui dire.