Farewell, old love.

Mer 3 Jan 2018 - 11:35

Farewell.

Tout s'était déroulé si vite. Une simple sortie en extérieur, une horde, des morts. Si elle avait finalement récupéré des forces, on lui avait refusé cette sortie. Elle revoyait encore Jasper lui assurer avec un sourire que tout irait bien, et de prendre soin de leur fils en attendant son retour. Et pourtant aujourd'hui, elle se tenait là debout devant ce bûcher funéraire. Les larmes n'avaient coulés qu'une fois, lors de leur ultime au revoir. Lui assurant que tout irait bien, et qu'elle se devait d'être forte pour leur fils. Elle, incapable de dire autre chose que des murmures d'amours entre ses sanglots qui lui déchiraient la gorge.

C'était la fin du monde, encore une fois. A la mort de sa soeur, elle avait pensé pouvoir se relever, et avancer aux côtés de Jasper. Tenter de créer un monde, dans celui ci taillé en pièce, et reconstitué par ce qu'il restait de survivants. Ils avaient lutté de toute leurs forces, réussi à trouver de quoi survivre, s'installer. En fermant les yeux, elle parvenait même à s'imaginer une nouvelle vie ici. Un fils, un homme qui l'aimait. Qui avait su voir derrière ce masque de froideur qu'elle gardait pour faire face à l'adversité.
Les yeux baissés vers le sol, elle s'était approchée une dernière fois du corps, venant déposer ce collier qu'elle lui avait offert au creux de sa main, avant de récupérer le flambeau que lui présenta Axel pour allumer les flammes du bûcher funéraire.
Jasper était mort, et elle était morte avec lui.

Elle n'avait autorisé que de rares personnes pour ce dernier adieu. Les premiers survivants de Sanctuary Hills, Elena. Et c'était bien tout. Plus rien ne comptait désormais. Et si elle se devait de faire face pour leur enfant, son esprit lui, n'en était plus capable. Pas après avoir lutté autant de temps, à s'être battue pour des chimères qui désormais brûlaient sous ses yeux secs, incapable de verser de nouvelles larmes. A quoi bon, puisque qu'elle ne se sentait même plus dans ce monde ici bas, quand son âme soeur rejoignait désormais le reste des personnes qu'elle avait aimé ?
Elle était restée jusqu'à la fin devant ce bûcher, les souvenirs du passé revenant la hanter alors qu'elle indiqua aux autres d'un signe de tête qu'ils pouvaient y aller, ne revenant qu'à la nuit tombée.
Elle se sentait si épuisée, si vide. Son corps entier lui réclamait un repos qu'elle ne pouvait lui offrir, bien trop tourmentée pour oser fermer les yeux et retrouver ce petit paradis qui fût quelques temps la réalité. Bien trop effrayée à l'idée de croiser ce regard bleu dans ses rêves, qui lui rappelleraient une fois réveillée tout ce qu'elle devait encore affronter seule.
Seule. C'était bien ça. Axel, Ashley, Elena et les autres étaient relégués au second plan, ne pouvant imaginer cette douleur qui étreignait sa poitrine en la suppliant d'en finir. Elle y pensa bien au cours de la nuit, avant d'entendre son fils geindre dans son berceau, la forçant à interrompre le cliquetis de sécurité de son arme posée sous son menton. Quasi immédiatement, elle avait récupéré Jolan entre ses bras, incapable de lui offrir autant de tendresse qu'elle aurait aimé le faire. Statique, presque automatique, alors qu'elle réalisait que jamais Jasper ne verrait cet enfant grandir. Qu'elle devrait affronter cette route seule, jusqu'à ce que son fils soit en âge de se débrouiller. Après peut-être, pourrait-elle s'offrir un repos éternel mérité. Ici, plus personne n'aurait besoin d'elle. Elena reprenait son rôle, Axel savait gérer la pression. Ashley était une excellente conseillère, les survivants s'étaient adaptés à ce mode de vie. Et si elle passa le reste de la nuit à observer son arme à feu en tentant parfois de poser cette dernière contre sa tempe dans une tentative de vouloir en finir plus tôt, à chaque fois Jolan intervenait presque naturellement, l'empêchant d'achever son geste.

C'était la fin du monde. La fin du sien, dans tous les cas.

Jeu 4 Jan 2018 - 12:12

What could possibly go wrong ?

Depuis un an qu’Ashley avait rejoint le camp, les choses n’avaient été qu’en s’améliorant malgré quelques périodes difficiles. Et entourée de ses proches, les départs avaient été plus simples, parce que chacun avait décidé de poursuivre sa route seul pour ses propres raisons. Les derniers mois avaient amené leur lot de changements mais rien ne paraissait insurmontable. Tout était à nouveau possible et ils étaient invincibles.

Sauf qu’ils ne l’étaient pas, et que le retour à la réalité fut dur. Douloureux. Violent. Ash’ refusa d’abord d’y croire, persuadée que ce n’était rien. Puis égoïstement, elle chercha à protéger sa fille, la tenir éloignée de tout cela pour ne pas l’attrister, lui faire peur. Et elle avait réalisé. Sa propre tristesse de perdre un ami, de voir Carmen et Jolan seuls. Elle avait réalisé la tristesse de Carmen, ce chagrin qui pouvait tout détruire sur son passage.

Sur le moment, Ashley n’avait pas réussi à pleurer, trop choquée. Ce n’est que lorsque Carmen les invita elle et quelques-uns des habitants du ranch dont elle était le plus proche que la blonde avait versé ses premières larmes, prenant toute la mesure de ce qu’il s’était passé. Jasper était là avant elle, il faisait partie de ces gens qui l’avaient accueillie, elle, Hope. Il faisait partie de sa famille. Ils avaient survécu ensemble, craint pour leur vie, celle d’Axel. Il faisait partie des piliers de ce groupe. Hope confiée à son père, Ashley était donc restée aussi longtemps qu’elle le pouvait auprès de Carmen, aussi longtemps que son amie le voulait. Incapable d’arrêter de pleurer jusqu’à ce que finalement elle ne regagne sa chambre, retrouvant sa fille pour la serrer dans ses bras. « Jasper a rejoint mamie et Reese ? » avait demandé innocemment Hope. « Oui, et il faut que nous soyons fortes, toi et moi, pour Carmen et pour Jolan. »

Inquiète pour Carmen, Ash’ avait gardé un œil vers le bucher funéraire de loin, s’assurant que la navajo regagnait bien sa chambre. Une nuit passa, la nuit d’après. Le soleil se leva sur un nouveau jour, ce jour d’après, celui qui marque le début d’une nouvelle ère après la perte d’un être cher. S’assurant que la blondinette dormait à poings fermés, Ashley s’était levée aux aurores pour préparer ce qui ressemblait le plus possible à un petit déjeuner. Le cœur lourd, elle monta les marches pour aller frapper à la porte de la chambre de son amie. « Carmen ? Je peux entrer ? » Elle connaissait suffisamment la navajo pour savoir qu’elle préférerait rester seule, mais de la même manière, celle-ci devait suffisamment la connaître pour savoir qu’elle ne la laisserait pas seule. Ash’ attendit néanmoins pour entrer d’avoir une réponse.

Ven 5 Jan 2018 - 0:16

L'embout de son crayon heurtait vigoureusement le papier de son carnet dans des gestes francs qui n'ôtaient rien à sa calligraphie soignée, légèrement tremblante à la lueur de la bougie. Étrangement, depuis le départ de Connor avec Roza, la grecque avait repris ses activités intimes, soulageant ses remords et rancœurs en les étalant sur une feuille la nuit tombée. Impossible de mesurer l'efficacité de la thérapie par l'écrit, mais Elena avait toujours trouvé un certain soulagement à mettre des mots sur le brouhaha tumultueux qui agitait ses songes. Et après les nombreux départs, l'accouchement périlleux de Carmen et maintenant la mort de Jasper, la brune ressentait plus que jamais le besoin de calquer ses pensées, de les imprimer, les concrétiser dans un exercice curieux d'investigation. Pour comprendre notamment. Trouver une explication, une erreur, pointer du doigt un coupable. Et la vérité, brutale et cruelle, c'était que rien n'aurait pu être fait autrement. Elena n'avait rien à quoi se raccrocher, aucun élément pour blâmer l'autre ou flageller sa propre conscience. Il n'y avait rien, hormis cette épouvantable frustration qui la grignotait de l'intérieur, se repaissait avec un appétit glouton de ses entrailles.

Cette nuit là, la grecque n'acheva sa rédaction furieuse qu'après que la mine se soit usée. Et la frustration était toujours présente, lovée sous son abdomen. Vaincue, elle lâcha son arme qui roula sur le bureau, consciente que rien ne pourrait faire taire le fracas révolté entre ses tempes. Une personne peut-être aurait trouvé les mots justes pour l'apaiser, mais il n'était pas là. Résignée, Elena souffla sur la lueur chancelante mais le reflet d'un feu plus puissant provenant de l'extérieur empêcha la chambre de retrouver l'obscurité. Elle n'osa même pas un regard à travers la vitre vers la silhouette qu'elle devinait toujours présente, respectant son deuil, son dernier moment d'intimité avec l'homme qu'elle aimait. Elle flatta distraitement le crâne du malinois qui s'était levé pour l'imiter, et retrouva le lit qui lui semblait quasiment hostile tant il paraissait froid. Il n'y avait bien que les présences réconfortantes de Alpha à la place habituellement occupée par Connor, et Khan fidèlement couché au pied du lit pour apporter un peu de chaleur à cette chambre.

Elena ne dormit pas.

Les yeux marqués, la grecque s'était levée aux aurores afin de prendre le premier tour de garde. Et elle se surprit presque à réaliser que la journée fut exactement comme une autre. Une tempête ne s'était pas abattue sur eux, le monde n'avait pas cessé de tourner, la gravitation était toujours d'actualité, la neige était toujours là aussi... Il n'y avait que cette ambiance de mort dans le ranch, et seuls quelques cris et rires innocents ramenaient un peu de vie. Carmen n'était pas sortie une seule fois depuis la veille. Tous, lorsqu'ils passaient devant la porte de sa chambre baissaient les yeux presque religieusement.

Au total, la navajo était restée trois jours isolée du reste du groupe. Si la vie reprenait peu à peu son cours, l'absence de la jeune femme ne passait pas inaperçue. Certainement pas pour Elena en tout cas. Respectueuse, elle avait mis un point d'honneur à ne pas perturber son deuil, mais ce matin-là, poussée par la même intention que la blonde sans s'être concertées, la grecque se retrouva devant la chambre de Carmen près d'Ashley et son plateau déjeuner. La gorge un peu enrouée, l'esprit embrouillé et le sentiment naissant de ne peut-être pas avoir sa place ici, elle consulta d'un regard la maman près d'elle. Est-ce que c'était une bonne idée ? Lui avait-on laissé assez de temps ? Le visage grave, elle attendit sans un mot que la jeune femme se décide à les laisser entrer.

Ven 5 Jan 2018 - 14:25

Ce ne sera plus mon monde, si tu n'y es pas.

Presque inconsciemment, elle avait glissé comme elle le craignait dans un sommeil semi éveillé, son esprit relatant les dernières phrases partagées avec l'homme qu'elle aimait. Combien de temps s'était écoulé depuis ? Un jour, une semaine ? Les volets fermés avaient cachés sa notion du temps, uniquement rythmées par les exigences de son fils. Fils qu'elle tenait dans ses bras quand des bruits de pas derrière sa porte lui firent relever les yeux vers cette dernière. Trop bruyants pour qu'il ne s'agisse que d'une personne. Et si Isha avait bien tenté de lui parler au travers de la porte, elle était restée muette. Mais la voix féminine qui s'éleva lui fit légèrement froncer les sourcils. Ashley, évidemment. L'espace d'une seconde, la brune jeta un regard à sa tenue qui n'avait pas bougé depuis la crémation. Le même jean noir, le même débardeur noir. Elle soupira longuement, fatiguée. Ash ne bougerait pas de derrière la porte tant qu'elle n'aurait pas accepté qu'elle entre, alors... Jetant un dernier regard vers le revolver en se demandant à nouveau si elle n'aurait pas dû appuyé sur la gâchette, la Navajo finit par se lever, ouvrant la porte pour tomber nez à nez avec Elena et Ashley.

Au fond d'elle même, son coeur se serra en constatant que ces femmes étaient venues s'inquiéter pour elle, là ou elle même avait tout abandonné dès l'instant ou la flamme avait commencé à brûler le bûcher de Jasper. S'effaçant pour les laisser entrer dans la pièce, elle se força tout de même à ouvrir les fenêtres pour laisser percer la lumière, grimaçant face au flot brillant qui rétracta ses pupilles au point de les brûler. Au moins, la chambre était impeccable. Rien n'avait bougé depuis le départ de l'homme qu'elle aimait, du lit fait au carré jusqu'à ses effets personnels rangés dans l'armoire.

Je vais bien. mentit-elle à ses deux amies en évitant leur regard, croisant son reflet dans la glace qui lui donna la sensation d'être face à un fantôme.

Le peu de parole qu'elle venait d'offrir l'avait épuisée par ailleurs. Revenant embrasser son fils dans son berceau, la jeune femme se laissa tomber à sa chaise de bureau, avisant le plateau que tenait la blonde entre ses mains. Ash... C'est adorable, mais je n'ai pas faim, vraiment.

Leur compassion la touchait autant qu'elle enfonçait le couteau dans la plaie béante de son coeur, la ramenant encore et toujours à cet instant précis ou elle était morte. Se refusant à croiser le regard de ses deux amies en sachant toute la détresse qu'elle pourrait y lire, Carmen se contenta de fixer le mur derrière elles deux, rajoutant. Vraiment. Ca va aller. J'ai juste... besoin d'être seule.

Le revolver était toujours posée sur la table. Est-ce qu'elles allaient s'en rendre compte ? Mieux valait éviter, sinon cela annoncerait clairement une très longue discussion. Mais si elle souhaitait être seule, pourquoi avait-elle ces mots qui lui brûlaient les lèvres, maintenant que ses deux alliées étaient ici devant elle ?

J'ai juste... La sensation d'être morte.

Elle l'avait admis. De toute manière, à trop assurer qu'elle se portait comme un charme, ni Elena ni Ash ne l'auraient crue. Et si il y avait bien deux personnes ici qui ne la jugerait pas sur sa faiblesse, ce seraient elles sans aucun doute. Il est mort, et je suis morte avec.

C'était bien ça finalement qu'elle ressentait. Ce vide intense, mêlée à la douleur.

Sam 6 Jan 2018 - 13:02

Lorsqu’elle vit Elena apparaître à ses côtés sur le pas de la porte, Ashley lui adressa un sourire triste. Elles avaient toutes les deux accepté de succéder à Carmen, d’aider Axel. Elles savaient toutes les deux que la navajo avait fait cela pour profiter de sa famille qui comptait désormais un pilier de moins. C’était un cruel concours de circonstances que la blonde avait du mal à digérer, elle avait perdu un ami et craignait désormais pour Carmen. Aussi lorsque la porte s’ouvrit finalement, Ash’ soupira légèrement. Son aînée avait l’air épuisé, elle peinait déjà à se remettre pleinement de l’accouchement difficile, le deuil risquait d’être l’élément de trop, et c’était ce qu’elle voulait à tout prix empêcher.

Entrant dans la pièce, Ash’ déposa le petit plateau sur une des tables de chevet, écoutant ce mensonge qui cherchait à les rassurer. Elle allait bien ? « Peut-être pas maintenant, mais il faudra que tu manges, je le laisse là. » La blonde garda un air décidé, loin d’être sévère, mais elle insisterait tous les jours s’il le fallait pour que Carmen mange quelque chose. Quant à ce besoin d’être seule, si Ash’ le comprenait parfaitement, ça ne l’empêcherait d’essayer de soutenir son amie dans cette épreuve. Même s’il s’agissait simplement de rester là, sans rien dire, sans la forcer à parler.

Quand Carmen reprit finalement la parole, la blonde baissa son regard triste vers ses pieds. Cette sensation elle la connaissait, évidemment le deuil n’était pas le même mais lorsqu’elle avait perdu sa mère, Ash’ avait voulu mourir, ne voyant pas comment continuer sans celle qui avait été son meilleur soutien durant plusieurs années. Inspirant doucement, Ashley releva finalement son regard sur Carmen, les yeux brillants de larmes.

« Une partie de toi peut-être, mais il y a encore une part de toi bien vivante. » Elle ne pouvait imaginer ce que traversait son amie, mais elle savait pour sûr que sa meilleure raison de vivre, la meilleure part d’elle qui était encore en vie, qui était là. « Une part de lui aussi. » Sa gorge nouée, Ash’ avait hésitait à prononcer ces mots, craignant d’en dire trop, de remuer le couteau dans une plaie encore trop à vif. « Jolan a besoin de toi, et tu as besoin de lui. » Parce qu’elle en était sûre, ce lien qui unissait une mère à son enfant était la plus puissante des forces. C’était ce qui l’avait poussée à vivre chaque journée depuis le début de l’épidémie, ce qui l’avait poussée à toujours se relever même avant tout ce merdier.

Fouillant dans la poche de son gilet, Ash’ en sortit un papier plié qu’elle tendit à Carmen. « Hope l’a dessiné pour toi, je saurais pas te le décrypter mais … si un jour tu as envie, je suis sûre qu’elle pourra le faire à ma place. » La blondinette encaissait la mort de Jasper, à sa façon, avec ce détachement propre à l’enfance. Mais elle s’inquiétait pour Carmen qui était cette fière et forte princesse guerrière à ses yeux. Le regard de la jeune mère se posa un instant sur Elena, peut-être aurait-elle des mots plus justes, les deux jeunes femmes se ressemblant après tout énormément.

Mar 9 Jan 2018 - 14:51

Immédiatement en pénétrant dans la pièce sur les pas de Carmen et Ashley, la grecque fut saisie par l'obscurité ambiante, le froid et l'odeur de renfermé qui s'accrochèrent à chaque particule de son épiderme. Elle avait cette désagréable impression d'entrer dans une chambre mortuaire. Les effets de Jasper étaient tels qu'il les avait laissé, chacun à sa place lui semblait-il. Ses yeux balayèrent l'ensemble de la pièce, alors que plus les secondes s'écoulaient, moins elle ne se sentait à sa place, jusqu'à ce qu'ils accrochent quelque chose. Là, soudain illuminé comme une évidence macabre par le rai lumineux qui se faufila entre les fenêtres, le revolver posé sur le bureau de la navajo. La gorge de la brune se serra douloureusement alors que les deux autres jeunes femmes échangeaient calmement. Ses yeux sombres ne lâchèrent pas une seule seconde l'arme, comme si, poussée par une acuité nouvelle, la jeune femme pouvait pressentir le dessins funeste que projetait son amie.

Elena ferma momentanément les paupières quand elle l'entendit exprimer ses besoins. Être seule... Bien sûr. Ce serait plus simple comme ça, pas vrai ? Tu n'aurais pas à affronter nos regards quand tu seras prête à presser la détente. Tu n'aurais pas non plus à croiser le reflet de toute ta lâcheté dans nos prunelles effondrées. A présent, la brune n'entendait presque plus les ressentis de sa vis-à-vis. Il n'y avait qu'une profonde colère pour battre à travers ses tympans. Une rancœur amère, qui avait ce goût de rouille sur sa langue et le poids de mille maux sur sa poitrine écrasée. Elena avait regretté et pleuré bien des disparus. Quant aux sacrifiés, elle leur avait voulu, s'était déchirée l'âme à en devenir folle, s'était rongée l'esprit en maudissant leurs noms, avant de se haïr pour ça. Le temps ne lui avait pas enlevé cette souffrance, mais il avait apaisé sa conscience, il avait soulagé ses tourments au nom de ceux qui étaient morts pour qu'elle et d'autres survivent. La noblesse de leur geste, elle avait mis du temps à le comprendre.

Ici, face à elle, il n'y avait aucune noblesse. Elena aurait préféré s'arracher les yeux plutôt que voir son amie devenir lâche. Le sang fleurissait doucement sous la peau d'albâtre de ses joues. Après l'échange entre les deux mères, elle demeura silencieuse un moment. Pour laisser le temps à Ashley de comprendre aussi ? Ou pour s'empêcher de cracher des mots qu'elle regretterait plus tard... Le visage fermé, sans un mot depuis son arrivée, la jeune femme devait ressembler à une statue de marbre. Mais dessous la pellicule de glace, un tourbillon semblait emporter toutes ses convictions, et menacer sa placidité apparente. Son cœur battait à tout rompre, pompait et renvoyait son sang dans un exercice furieux.

« Tu peux nous demander de te succéder à la tête du groupe, mais compte pas sur moi pour élever Jolan à ta place. » balança finalement froidement la grecque, comme une gifle glaciale. La mâchoire serrée, elle abandonna finalement le revolver pour trouver le visage blafard de son amie. Aucun doute qu'elle saurait de quoi Elena voulait parler.

Même si elle l'avait souhaité, Elena n'aurait pas pu cacher toute la déception qui l'imprégnait à cet instant. La dureté de ses mots n'était qu'un ersatz de ce qui la faisait bouillir de l'intérieur. Elle ne chercha pas non plus le soutien de Ashley, elle était à peu près certaine de ne pas l'avoir dans cette bataille. Non, c'en était fini des pincettes. La grecque refusait de voir son amie dépérir, de la voir renoncer alors que le plus frappant des espoirs gesticulait paisiblement dans son berceau.

« T'attends quoi ? Tu trouvais pas les bons mots pour ta lettre d'adieu ? Hm ? » La brune la provoqua du regard. Qu'elle sorte de ses gonds, ce serait toujours mieux que cette fade silhouette inerte et fantomatique qu'elle leur offrait, ce pantin tout juste animé d'une envie de mettre fin à son existence. « Parce que je suppose que c'est ce que t'avais prévu, hein ? Une putain de lettre dans laquelle tu nous aurais dit ô combien tu était désolée et tu nous aurais demandé de prendre soin de Jolan ? »

Jeu 29 Mar 2018 - 20:10

Merci Ash... murmura la brune en récupérant le dessin qu'elle glissa dans son poche, presque par automatisme alors que la grecque prenait la parole à son tour.
Elena l'aurait giflée que Carmen l'aurait mieux pris. Lentement, la brune avait tourné la tête vers Ash avant de ramener ses yeux noirs vers la Grecque. Mesure tes paroles, Elena. avait-elle grogné à la manière d'une louve blessée et prête à mordre, se redressant avec lenteur devant ses deux meilleures amies. Pourquoi mourrait-elle d'envie de se jeter dans la mêlée, quand à une époque elle se serait contentée d'hausser les épaules ? Elle accusa le choc, avant de répliquer à la grecque avec une colère vibrante. Et ? Tu vas faire quoi, me punir en m'enfermant dans ma chambre ? Ouais, j'y ai pensé !

Elle voulait tellement hurler. Sortir cette douleur et cette colère de son être, mais pourquoi sur elles ? Ni Ash, ni Elena n'y étaient pour quoi que ce soit dans la mort de Jasper. J'vais te dire même mieux que ça, j'ai déjà essayé. J'ai essayé, et à chaque fois un... un espèce de truc m'a retenu.

A croire que la mort ne voulait pas d'elle. Elle ne sentait même pas les larmes menacer de poindre à chaque minute de son dialogue, alors qu'elle embrayait. J'suis trop lâche pour arrêter de vivre, et pour me relever. Quelque part, je suis pas mieux qu'un Wendigo à l'heure actuelle. Mais toi Elena, tu sais tout mieux que tout le monde. Sainte Elena qui se permet de juger sans comprendre. Vas-y, j'écoute la pro. Faut faire quoi dans cette situation ? C'pas grave Jasper est mort mais la vie continue ?

Le bûcher funéraire n'avait pas dû être suffisant. Se détournant rageusement des deux femmes en faisant voler la moitié de ses effets personnels du bureau, la Navajo se prit la tête dans les mains, se refusant à déverser sa rage sur ses amies. Un sanglot coupa les insultes qu'elle aurait aimé sortir, se tenant au bureau pour ne pas s'écrouler à genoux. J'y arrive pas, j'suis désolée...

Elle ne savait plus réellement si elle était désolée pour ces paroles, ou pour tout le reste. Peut-être un peu des deux au final. Si j'avais été là, peut-être qu'il serait encore vivant.

Les questions lui martelaient le crâne, alors qu'elle tournait encore le dos aux deux femmes, s'incitant à se calmer. Excuse moi Elena. C'est pas toi le problème, c'est moi...

Elle ne parvenait plus à rien de toute manière, elle le savait. Et les sanglots reprenaient de plus belle, alors qu'elle avait tenté de se calmer. Il me manque... parvint-elle à articuler en venant cacher son visage, honteuse de se retrouver devant les filles dans un tel état.

Farewell, old love.

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