Re: A Fitting Final Home For The Real You.

La douleur et la peine étaient devenus son quotidien. Enfin, ce n'était pas tout à fait vrai en réalité. Seule la peine persistait. La douleur l'avait depuis longtemps envahie, avec une telle force qu'elle faisait désormais partie d'elle. Au stade, qu'elle avait cette sensation désagréable de ne plus rien ressentir désormais. Enchaînant chacun de ses mouvements avec automatisme, ne dormant plus de peur d'être réveillée par ces cauchemars qui la hantaient de jour comme de nuit. Ces gens qu'elle avait connus et qui n'étaient plus de ce monde. Mary, Ana, Jasper. Ces regards qui la jugeaient parfois et l'appelaient d'une voix d'outre tombe, comme pour lui reprocher d'être encore en vie.
Peut-être que c'était bien là le problème après tout. Mais elle devait s'interdire de penser à tout ceci, si elle voulait continuer sa route.

Le sang noirci qui éclaboussa son visage ne la fit pas tiquer, alors qu'elle écrasait enfin le crâne du rôdeur qui avait essayé de la mordre à la gorge dans un instant de flottement. Un second coup vint scinder sa cage thoracique, alors qu'elle passait ses nerfs sur lui une dernière fois, reprenant sa route.
Elle avait assuré à Axel qu'elle était capable de retourner en extérieur malgré sa récente grossesse. Au moins pour ne plus voir le fantôme de l'homme qu'elle aimait la hanter à chaque pièce du ranch qu'elle avait pu partager avec lui en découvrant les lieux près d'un an et demi auparavant. A cette époque ou elle était persuadée que tout irait pour le mieux, qu'ils pourraient presque faire comme avant.

Comme avant.

Un rictus naquit sur ses lèvres en y repensant. Elle y avait tellement cru, presque effleuré du bout des doigts ce rêve indécis qui s'était finalement échappé en volute de fumée durant le bûcher funéraire de l'homme qu'elle aimait.
Elle ne devait plus y penser. Pas pour l'instant. Au moins pour rentrer en vie à Issaquah et s'occuper de Jolan qui avait encore besoin d'elle.
Pourtant, une voix qui lui sembla lointaine la fit s'immobiliser un instant. Une voix presque suppliante, du moins dans ses songes. Si elle resta un instant immobile en songeant sérieusement à continuer sa route pour ne pas chercher à croiser le chemin de qui que ce soit, elle se tourna pourtant l'espace d'une seconde, un air suspicieux collé au visage.

De loin, la silhouette masculine lui disait vaguement quelque chose. Pourtant, elle n'attendit pas d'être plus proche pour sortir son revolver et braquer l'individu. Mains sur la tête. ordonna t-elle presque mécaniquement, alors qu'elle se rapprochait. Jusqu'à le reconnaître enfin, alors que la stupeur se lisait sur son visage. Si elle avait oublié son prénom, elle se rappelait pourtant parfaitement de son regard et de l'intonation de sa voix désormais.

Merde... le murmure s'échappa de ses lèvres alors qu'elle baissait immédiatement sa garde, rangeant l'arme à feu pour s'approcher d'avantage de l'homme. Mais qu'est-ce que tu fous ici ? Et sa femme dans tout ça ? La petite jeune là qui avait l'âge de sa fille ? J'sais pas si tu te rappelle de moi... Carmen. précisa t-elle tout de même pour la forme, s'assurant qu'aucun Wendigo ne traînait trop près d'eux; Reste pas planté là,
tu vas tous les attirer. souffla t-elle en lui faisant signe de rejoindre le porche d'une épicerie abandonnée suffisamment à l'écart du plus gros des ruines.

Alors qu’elle était en train de l’intimé de mettre ses mains sur la tête, Caleb prit peur l’espace d’une seconde. Est-ce que sa vie s’arrêterait ici ? Non, il ne pouvait pas, il n’avait pas le droit. Cependant, il ne dit rien, il ne fit rien de plus que d’obéir. Il avait besoin d’aide, il devait sauver sa femme alors il n’avait pas vraiment le choix. Mais cette voix lui parlait. Il avait longtemps eu la capacité de retenir des voix, des noms et des visages, c’était obligatoire quand on voyait la liste de contact qu’il avait, avant, sur son téléphone. Finalement, la femme s’approcha et il put la reconnaitre. Carmen, elle semblait bien plus fatiguée que la dernière fois qu’il l’avait croisé. Caleb se laissa aller l’espace d’un instant. C’était peut-être qu’il allait la sauver.

- Oui, je me rappelle… Je…

Dans le fond, il était éteint, heureux et éteint un même temps. L’inquiétude concernant Eileen était en train de le bouffer à l’intérieur. Il rappela vaguement son prénom d’une voix qui ne lui ressemblait pas beaucoup plus que l’état dans lequel il se trouvait actuellement. D’un geste machinal depuis qu’il était sorti, il surveillait sa montre. Il ne lui restait plus tant de temps que ça et il avait presque peur que cette discussion s’éternise. Il ne voulait pas que sa femme le cherche ou qu’elle ne s’inquiète pour lui inutilement. Il serra les dents alors qu’il portait son regard sur Carmen, il ne savait pas ce qu’elle faisait ici, mais elle n’était visiblement pas une simple voyageuse, elle n’avait pas autant d’affaires qu’eux sur le dos la dernière fois qu’il s’était croisé. Peut-être qu’elle pourrait faire la différence.

- L’état d’Eileen empire de jour en jour, j’étais venue lui trouver des médicaments à défaut de pouvoir trouver un médecin.

Eileen avait besoin d’un médecin, c’était une certitude, il avait pensé remonter sur Seattle pour obtenir ce qu’il voulait, mais c’était trop loin et il n’avait surtout aucune chance que cela aboutisse. Il soupira en posant son regard sur la brune. Il n’en revenait pas d’être arrivé à un stade là, mais il n’avait pas vraiment le choix. Il sentait la peur lui tenailler le ventre. Il sentait la douleur et le désespoir. Il n’aimait pas demander de l’aide à qui que ce soit, jusqu’à présent, ils avaient fait en sorte de s’en sortir tous les deux, mais c’était fini, une des rares choses qu’ils ne pouvaient pas gérer c’était bien leurs santés. Il n’était pas médecin, il ne savait même pas ce qui était bon.

- On est au bout du rouleau… Tu pourrais… nous aider ?

Il avait presque envie de se couper la langue pour ce qu’il venait de demander. Lui, le grand Caleb, sénateur de son état se retrouver à demander de l’aide d’une femme qu’il n’avait rencontrée que deux fois et de qui il ne connaissait pratiquement rien. Il n’avait pas envie de refaire confiance, il s’était déjà fait avoir une première fois, mais il n’avait pas le choix. Il avait envie de croire qu’elle serait prêtre à le faire. Il était prêt à faire tout ce qu’il pouvait, il était prêt à donner tout ce qu’il avait.

- Je suis prêt à tout sans aucune exception pour la soigner.

Les yeux de Caleb se posaient sur Carmen, la tristesse avait laissé place à la détermination. Il était même prêt à mourir si c’était le prix à payer pour qu’elle puisse vivre. Il ne savait pas à quoi s’attendre comme réponse, mais il était sincère. La vie de sa femme était bien plus importante que n’importe quoi qu’il possédait.