Aaron raconta ainsi rapidement à son copain l’histoire de sa relation avec Josh et évoqua en quelques mots son ancien travail, quand il bossait avec son compagnon. Ce n’était pas une amitié qui remontait à l’enfance, mais elle datait d’avant l’épidémie et ce point était non-négligeable. Stanley ne fréquentait plus personne qu’il avait pu côtoyer avant… Il haussa les épaules à sa question.

- Un truc dans l’sport je pense. Ado, j’rêvais d’participer aux J.O, confia-t-il, tout en trempant de temps en temps ses lèvres dans sa bière. C’est peut-être con, mais je crois toujours que c’était vraiment jouable, insista-t-il avec confiance. À une époque, je ne faisais QUE ça ! Courir, tout le temps. Il avait fait des compétitions nationales au début de son lycée et avait même gagné une médaille d’argent au 400m haies. Puis son père était mort et il avait rencontré Sherry… Après, j’aurais sûrement continué dans ce créneau. Coach, préparateur sportif. Pour les grands athlètes, hein ! Un truc dans l’genre. Il réfléchit un instant. Ouais, j’me serais vraiment bien vu là-dedans.

Il n’avait pas encore essayé de former qui que ce soit, mais c’était quelque chose qui l’attirait déjà. Il aimait porter les autres vers l’excellence et pensait sincèrement que la persévérance était maitresse des vertus. Son défaut restait que la médiocrité l’irritait. M’enfin… Il avait changé de plan de carrière. Pour les beaux yeux d’une femme influente. Le résultat, c’était qu’il était maintenant coincé ici, tandis qu’elle avait dû être menée en lieu sûr avec les grands pontes de la CIA à l’autre bout du pays.

Aaron lui fit alors part de ses rêves d’évasion et le militaire esquissa un sourire. Un gouffre les séparait oui, parce que l’un des deux ignorait en quoi leur monde chéri s’était transformé.

- Tout ? J’ai fait l’Ukraine et l’Afrique, mec, crois-moi, on est nettement mieux à boire un coup sur cette terrasse que là-bas ! Le garçon n’avait lui-même jamais vraiment voyagé pour le tourisme, mais ses dernières missions professionnelles avaient été difficiles. Parfois le jeune homme essayait de s’imaginer à quoi ces régions du globe pouvaient maintenant ressembler. L’épidémie ne pouvait être, à ses yeux, que bien pires, dans des pays déjà en guerre ou plongés dans la misère. Il se garda d’évoquer à son pote qu’il était certainement dans l’endroit le plus paisible de l’état. Il préféra embrayer sur un sujet plus léger, en rebondissant sur ses propos. Quels endroits te brancheraient, pour barouder ? Demanda-t-il très sérieusement. J’ai jamais été trop voyageur. On a grandi dans le plus beau pays du monde aussi, pourquoi voir ailleurs ?!

Son ton était ironique, pourtant il le pensait un peu. C’était ce qu’on leur apprenait aussi depuis l’enfance. America is great.

Qu'ils avaient bel air, à refaire le monde à la terrasse de ce bar de la presque fin du monde, et même si leurs amis respectifs, tels que Josh, Graham ou Eddie n'étaient pas présents, il n'en fallait pas beaucoup pour qu'ils passent un bon moment ! La bière n'était pas mauvaise à cette période de l'année, qui sait celles qu'ils auraient pu savourer, et dans quel endroit ce serait si ils avaient fait d'autres choix ? Rien d'étonnant que son ami lui confie qu'il serait resté dans le domaine sportif, c'était sans doute ça qui les avait rapproché dés le début, au hasard d'un footing plutôt matinal. " Allez, il n'est pas encore trop tard pour te préparer à ceux de 2018 ! " sauf qu'en fait, c'était déjà trop tard, mais lui n'en avait pas vraiment conscience.

Il sirota quelques gorgées de sa bière en hochant la tête aux propos de Stanley, coach sportif, c'était plutôt pépère, et avec de bonnes possibilités pour amménager son temps libre ! Nul doute que ça semblait être le créneau parfait pour le jeune Maverick. " Ça aurait pu le faire … Et pourtant t'es ici hein ? " le taquina-t-il en entrechoquant son verre contre le sien avant d'en boire une autre gorgée. Sauf que dans sa bouche, ça n'avait rien de déterminant, mais ça n'aurait peut-être pas le même sens dans la tête de son interlocuteur vu les circonstances.
Lui avait déjà trouvé ce boulot, dans lequel il ne s'ennuyait pas une seule seconde, mais loin de lui l'idée de laisser tomber ses ambitions, comme celle de faire le tour du monde, il suffisait de bouger de cette île, il voulait croire que ce serait qu'une question de temps, que ses vieux ne seraient pas trop regardants sur le sujet. Après tout, il pourrait exercer sa profession n'importe où non ? Son ami n'était pas exactement du même avis, gardant de mauvais souvenirs de l'Ukraine. " Bon d'accord, mauvais exemple peut-être... " ricana-t-il, de toute façon, ça n'aurait peut-être pas été son premier choix de destination. Stan lui n'avait sans doute pas eu beaucoup de temps pour se la couler douce, lui qui s'était enrôlé si jeune et dévoué pour le bien-être et la protection des autres.

Il marquait tout de même un point, l'Amérique était un des plus beaux pays du monde. " Je sais … Mais il y a tellement d'endroits que j'aimerais visiter... Il y a de putains d'immeubles à escalader en Asie, en Angleterre et en France aussi... Pourquoi pas la forêt amazonnienne ? Enfin tu vois, je pourrais pas me contenter de cette île. " si son discours avait commencé de manière enthousiaste, il s'était ensuite laissé retomber contre son siège en poussant un soupir. " Et je commencerais par un petit tour à Vegas avant … En espérant que j'aie de la chance, je suis un peu à sec pour le moment... " c'est fou comme il était facile de constater à quel point on était cloué au sol ! " Prochaine fois qu'un hélico se pointe ici, on monte dedans, t'en penses quoi ? On devrait bien arriver quelque part ! " Si toutefois il en passait un, rien n'étais moins sûr. " Le sénateur doit avoir quelques ressources mais je doute qu'il soit du genre à partager hein ? " ricana-t-il en terminant son verre. " Bon, la prochaine c'est toi qui régale de toute façon ! " s'amusa-t-il en regardant son verre presque vide face au sien. " J'espère que Phil est pas prêt d'annoncer sa faillite, à mon avis, on a pas fini de se retrouver ici... " il fit d'ailleurs signe au barman pour lui indiquer qu'il pourrait resservir la même chose, avant d'hausser les épaules, c'était peut-être pas si mal en fin de compte.

- Octobre 2016 -

Effectivement, Stan ne serait jamais champion olympique. Il avait rayé ce rêve de longues années plus tôt et ne l'avait jamais regretté. Il ne fonctionnait pas comme ça, il savait – généralement – assumer ses responsabilités et ses choix ! Alors oui il était là, au milieu de toute cette merde. Il pouvait regretter de ne pas avoir pu rester près des siens, de sa mère, de sa sœur, de sa maitresse, mais il était vivant. Formé, entrainé pour affronter la plaie qui s'était répandue sur le monde. Il avait pleinement conscience d'à quel point ce détail était important ! Et il s'apprêtait à le réaliser une nouvelle fois...

Il était de patrouille dans les rues de Fort Ward ce jour-là. Le travail consistait globalement à se balader dans la partie civile pour s'assurer que tout se passait bien et être disponible en cas de besoin. L'occasion surtout de taper la discut' à droite à gauche, car tout était généralement plutôt tranquille. Stanley était donc passer saluer Aaron au passage, et lui avait proposé de se faire un tour avec lui dans les parages. Josh les avait accompagnés. Les trois garçons étaient donc ensemble quand un cri déchirant se fit entendre dans leur dos. Ils échangèrent un regard, avant de se précipiter dans cette direction.

- Il... Je comprends pas, il... La jeune femme qu'ils croisèrent fut incapable de leur expliquer davantage ce qu'elle venait de voir. Elle avait le souffle court, les yeux exorbités. Elle était livide, comme si elle avait vu un revenant... Elle dévoila son avant-bras mordu. Stan serra les dents, comprenant ce qui se passait au moment où la femme pointa une silhouette derrière eux.

Un jeune homme titubait dans leur direction. Pour qui n'avait jamais croisé d'infectés, son état ne paraissait pas inquiétant. Seuls ses yeux vitreux, presque blancs, lui donnait un air étrange, distant. Ainsi que sa démarche hésitante. Le militaire connaissait ceux de son espèce cependant. Il avisa la fille qui commençait à prendre ses jambes à son cou.

- Rattrapez-la ! Somma-t-il à ses compagnons. Assurez-vous à tout prix qu'elle se rende au dispensaire ! Les docteurs là-bas sauraient quoi faire. Ils avaient de temps en temps des morsures de ce type là. Le jeune homme devait en tout cas s'assurer qu'elle ne parte pas se réfugier Dieu seul savait où pour revenir ensuite s'attaquer à d'autres gens.

Josh lui obéit immédiatement et partit courir après la jeune femme. Au même moment, le soldat avait dégainé le couteau qu'il portait à la taille. Il s'approcha du rôdeur et prit des risques inutiles pour le neutraliser sans l'achever. Il le plaqua au sol, le maintenant face contre terre.

- Ne reste pas là ! Gueula-t-il à Aaron, pour qu'il n'assiste pas à ça. Son job était de préserver les civils de tout ça ! Va me chercher des renforts aux baraquements !

Il pensait alors encore – à tord – que cet infecté était un cas isolé... pourtant un peu plus loin, ils étaient quelques autres à rôder...