Jason contemplait brièvement et d'un air satisfait le rôdeur étendu à ses pieds. Il avait réussi à l'abattre en un seul coup, ce qui était plutôt une belle réussite. Il aurait pu rester là encore quelques instants à se gonfler de fierté, mais ce n'était pas l'endroit ni le moment. Il restait encore d'autres morts-vivants à mater, et il se sentait pris d'une soudaine envie de les massacrer tous. Pourtant, il avait bien demandé à son frère juste avant d'en garder un vivant pour leur petite expérience. Avec l'excitation du moment, c'était comme si une part de lui avait déjà tout oublié.
Heureusement, cela ne dura pas. Merl avait immobilisé un des monstres et se retrouvait naturellement démuni et sans défense face au dernier des rôdeurs qui restait dans la pièce. Maîtriser un macchabée qui se débat et cherche à vous croquer n'était déjà pas simple, mais avec un danger dans le dos cela devenait plus compliqué encore. Le blond avait entendu l'appel à l'aide de son aîné, et il se hâta donc d'aller lui donner un coup de main.

« Bouge pas.

Le jeune homme ne chercha pas à se demander si sa phrase avait un sens quelconque, étant donné que Merl n'avait pas vraiment l'occasion d'aller où que ce soit dans cette situation. Ayant repéré le dernier rôdeur qui comptait faire de l'humain exposé son repas du jour, Jason gagna un peu de temps en sautant par-dessus un plan de travail dans un tintamarre de casseroles qui chutaient. On aurait pu se croire dans un film hollywoodien un brin cliché. L'avantage, ce fut que le bruit attira l'attention de la créature sur lui. Néanmoins, on ne pouvait pas exclure que le bruit ait pu alerter d'autres monstres présents dans le bâtiment.
Ne se souciant même pas de cette question, le blond fut en quelques instants sur sa cible, qu'il envoya bouler au sol grâce à l'élan qu'il avait pris et en jouant de son poids. La chose manqua de s'étaler sur Merl, passant seulement à quelques centimètres de lui pour finir sur le sol carrelé. Le pied que Jason posa sur la poitrine du monstre ne servit qu'à le tenir fermement avant qu'il ne l'abatte de quelques coups de machette bien placés. La prise que le mort avait refermée sur sa cheville se relâcha instantanément.

- Et voilà le travail ! Plus qu'à saucissonner celui-là, hein ?

Pour le moment, cette cuisine était sécurisée. Le seul rôdeur restant était celui qui continuait à se débattre sous Merl avec une mauvaise humeur apparente, si tant est qu'on puisse attribuer des émotions aux morts-vivants. Peu impressionné par les grognements de la chose, Jason se saisit de la corde de son frère pour la passer autour du cou de leur prise. Il allait falloir au moins entraver les bras de la créature et la bâillonner pour ne prendre aucun risque. Ils pourraient toujours la laisser enfermée ici jusqu'à ce qu'ils aient tout ce qu'il leur fallait pour mener à bien leur expérience.
Une fois qu'il tint fermement le macchabée, le blond fit signe à son aîné de lâcher prise. Libéré du poids de celui-ci le rôdeur tenta bien de se relever comme une espèce d'immonde cancrelat qui s'agitait maladroitement le dos contre le carrelage, mais il était malgré tout maintenu par la corde que le jeune homme tenait serrée. Ne se souciant pas de pendre sa prise, celui-ci remit le monstre debout en le tirant vers le haut d'un mouvement vif. Avec l'aide de son frère, ils purent rapidement l'entraver solidement dans la corde. Avec un chiffon qui traînait dans la pièce, ils lui lièrent également les chevilles ensemble pour plus de sûreté. C'était désormais une sorte de paquet putride qui s'agitait au sol de manière impuissante, non sans rappeler une chenille ou un grossier cocon.

- Ca va ta jambe ? »

Jason donna une tape affectueuse et victorieuse sur l'épaule de Merl. Ce n'était pas tous les jours que celui-ci s'offrait un petit rodéo de rôdeur. Ils avaient au moins réussi sans casse et sans mal à obtenir une première partie de ce dont ils avaient besoin pour s'amuser. Ils avaient leur cobaye, qui n'avait probablement aucune idée de ce qui l'attendait. Ils pouvaient bien le laisser là à présent, le temps de trouver l'alcool. Ils pouvaient jeter un œil dans la cuisine, mais la cave ou les réserves seraient sans doute des endroits bien plus indiqués pour y chercher de l'alcool. Avant de continuer, le blond voulait toutefois s'assurer que son frère allait bien. Il était hors de question de l'entraîner plus loin si c'était pour qu'il y reste à cause d'une bêtise.

Heureusement, je pouvais comme toujours compter sur mon frère pour couvrir mes arrières. Ensemble, on faisait une équipe de choc, on l’avait déjà prouvé à de nombreuses reprises que se soit quand nous étions que tous les deux où qu’il y avait des gens qui comptait sur nous. Je souriais en le voyant passer par-dessus le comptoir comme si c’était une formalité. Je n’étais pas surpris de mon frère, mais ça faisait toujours plaisir de voir un peu de légèreté. Cependant le grognement que j’avais sous moi me ramena rapidement à la réalité. J’avais un connard entre les pattes et il fallait dans la mesure du possible que j’évite de me transformer en casse-croute. Je le bloquais un peu plus dans entre mes mains alors que j’entendais Jason revenir vers moi. Il devait en avoir fini avec l’autre horreur de la nature. Je le voyais s’emparer de la corde et le boulot de saucissonnage aller commencer.

- À deux ce sera plus une formalité qu’autre chose. Je ne m’en inquiète pas avec toi sous le coude.

C’était un travail qui devait être fait avec minutie pour ne pas finir avec une morsure sur la peau. Je crois que c’était la première fois depuis longtemps qu’on faisait vraiment attention à ce qu’on faisait. Il était hors de question que l’un de nous ne rentre pas à la maison ce jour-là. Ce serait tout de même ridicule de voir qu’une connerie aura eu raison de nous. Finalement le monstre fut attaché et bâillonné, ce qui me permit ensuite de me redresser tout en faisant craquer quelques articulations de mon dos au passage. Souvent, je disais pour rire que je me faisais vieux, mais il fallait dire que mes vingt ans étaient loin maintenant. Je soupirais doucement en pensant à ça alors que je reprenais mes appuie convenablement et que j’entendais mon frère faire une remarque à propos de ma jambe. C’est vrai que c’était aussi pour ça qu’on était là aujourd’hui et qu’il ne fallait pas l’oublier. Je regardais en direction de ma blessure passée tout en tapant du pied une ou deux fois sur le sol. Pour le moment tout semblait bien se passer, mais il fallait voir comment ça allait se passer dans le futur.

- Elle est toujours en place donc c’est plutôt une bonne chose pour le moment. Je n’ai pas encore mal donc c’est aussi une bonne nouvelle.

Il aurait sans doute fallu que je lui réponde un peu plus sérieusement, mais ça irait très bien pour le moment. Je le savais parfaitement. Je lui dirais si j’avais mal en tout cas. On n’allait pas rester à s’occuper de ça, on était ici pour trouver de l’alcool douteux alors, on avait encore du travail à faire, le pire qui pouvait nous arriver c’était de tomber sur de l’alcool pas douteux et commencer à picoler, dans le fond, j’avais comme un pressentiment sur le fait que les choses allaient finir comme ça. Laissez deux Rogers partir en expédition et ils revenaient bourrés comme des trous. Du moins, c’était une vérité qui était déjà arrivée à plusieurs reprises. Les gens du groupe nous connaissaient et ne se posaient plus trop de questions. Heureusement parce qu’en soi, Jason et moi, on ne s’en était pour le moment jamais posé. Je remarquais une porte dans ce qui semblait être l’arrière-cuisine. Je l’ouvrais sans réfléchis et tombais sur des escaliers sombres qui s’enfonçait dans les ténèbres. Pour le coup, j’avais presque l’impression qu’on allait s’enfoncer en enfer, mais je savais que c’était sans doute là-bas qu’on allait trouver notre fameux sésame. Sans réfléchir plus longtemps, j’interpellais mon frère, y avait peut-être des connards qui étaient en bas et qui allait nous entendre, mais c’était définitivement là que je voulais me rendre alors je m’en fichais bien.

- Bro ! Je crois que j’ai trouvé la cave, par contre, j’espère que tu n’as pas peur du noir.

J’avais un sourire jusqu’aux oreilles évidemment, je ne voyais pas comment il pouvait en être autrement. Ce n’était pas vraiment si effrayant que ça, mais c’était comme un plongeon dans l’inconnue. J’avais toujours mon pied de biche à la main et j’étais toujours prêt à défoncer des crânes au besoin. Cependant, on avait sans doute besoin d’un peu de lumière pour descendre alors j’attrapais ma lampe torche qui était restée accrochée à ma ceinture avant de m’enfoncer dans ce gouffre.

Avec le rôdeur saucissonné comme il le fallait, voilà une part importante de leur plan qui s'accomplissait. En supposant bien entendu qu'ils aient eu un plan à un moment donné, ce qui était loin d'être garanti. Jason prit une inspiration profonde en se gonflant comme un coq fier de lui. Même si les autres monstres étaient encore en train de répandre leurs fluides noirâtres sur le carrelage jadis blanc de la cuisine du restaurant, celui qui se tortillait en grognant de manière étouffée à leurs pieds était un petit trophée à lui tout seul.
Juste pour le plaisir, il colla un coup de pied à la créature, occasionnant un grognement étouffé supplémentaire mais d'autant plus intense. Cela le fit franchement rire, et lorsqu'il en eut terminé avec ses bêtises, il dut jeter des coups d'oeil rapides d'un côté et de l'autre pour voir où son frère était passé. Il avait clairement raté un épisode. Il ne tarda pas à le repérer, qui avait ouvert une nouvelle porte dans le fond de la pièce et qui s'adressait désormais à lui. Le blond le rejoignit, un sourire idiot aux lèvres en entendant ses propos.

« Ah merde si, je suis putain de terrifié.

Il jeta un regard à la volée de marches qui s'enfonçait dans l'obscurité. Naturellement, il n'était absolument pas impressionné. Ils avaient bien fini dans un fichu bunker souterrain rempli de cannibales la dernière fois, non ? En comparaison, une cave de restaurant avait de vraies allures de promenade de santé. Et si quelque chose y était caché... cela ne changeait strictement rien. Ils feraient parler les armes et régleraient le problème. Ce serait même bien plus amusant s'il y avait une petite intervention musclée à la clé. Par ailleurs, il y avait bien eu des rôdeurs dans le restaurant depuis leur arrivée, il n'était donc pas impossible qu'il y en ait encore d'autres ailleurs.
Le jeune homme pointa sa lampe-torche jusqu'en bas des marches, comme pour essayer de jauger ce qu'ils pourraient trouver. Il ne vit aucune trace de sang, aucun signe visible de danger imminent. Ce qui ne voulait pas dire que rien ne se cachait plus loin dans cette cave. Avec une moue qui en disait long, il se retourna vers Merl et lui adressa un regard pétillant. Il était plus que temps de se lancer vers l'inconnu.

- Bon, si l'autre saloperie se tient bien tranquille, on n'a plus qu'à trouver de l'alcool. Et faudra chercher un entonnoir aussi.

Il était évident qu'il serait plus facile de mettre de l'alcool dans le gosier d'un rôdeur avec un entonnoir que simplement en utilisant le goulot d'une bouteille. Sans plus attendre, et sachant que son frère allait lui emboîter le pas, Jason posa le pied sur la première marche avant de les descendre une à une jusqu'en bas. Le faisceau lumineux de sa lampe-torche éclairait une cave parfaitement normale, sans rien qui sorte de l'ordinaire à première vue. Une légère odeur de renfermé flottait dans l'air, mais rien à voir avec les effluves de putréfaction qu'on pouvait rencontrer ailleurs lorsque des créatures étaient enfermées quelque part. Heureusement pour eux, il n'y avait pas d'aliments stockés là, sans quoi l'odeur aurait pu être non seulement insoutenable mais infestée de bactéries et dangereuse.
Le blond commença à progresser dans la cave qui était d'une taille plutôt respectable. Il avait une idée assez précise de ce qu'il voulait trouver, et attendait que son regard tombe sur l'objet de son intérêt. Devait-il se montrer optimiste et penser qu'il allait dénicher un petit pactole, de quoi satisfaire sa soif et celle de son frère pour un petit moment ? Ils étaient sans nul doute en droit de l'espérer, dans un lieu tel que celui-ci.

- J'crois qu'il y a un truc là. »

Jason s'arrêta et désigna à Merl des casiers disposés plus loin, qui semblaient encore contenir des bouteilles. Il s'agissait sans doute de vin. Cela les laissait espérer que le reste se trouverait plus loin, peut-être dans des caisses. Ils pouvaient sans nul doute s'estimer heureux de chercher de l'alcool et non pas de l'alimentaire. Il y avait sans nul doute de grands frigos ou des chambres froides pour les denrées alimentaires, qui devaient renfermer un amas de pourriture infâme et un air délétère et contaminé. De quoi tuer un bison sur le coup. Leur quête du moment, bien qu'insensée, était au moins plus sûre de ce côté-là. Il n'y aurait pas d'atteinte à leur santé... du moins à priori.

C’était un sourire débile qui ornait mes lèvres alors que je m’étais retourné à la remarque de mon frère. Jason avait toujours le mot pour rire et pour le coup, il fallait bien admettre qu’il avait été bien trouvé. C’est dans la bonne humeur que je lui emboitais le pas alors qu’il venait vers moi. Pour le coup, les escaliers me faisaient un peu peur, mais ce n’était pas le noir, le danger, ni l’inconnu. C’était ma jambe. Je ne m’étais pas amusé à monter et descendre des marches pour le bonheur d’essayer. De toute façon si on était ici c’était en partie pour le baptême du feu alors il était temps de faire les choses correctement. Je laissais Jason passait devant, au moins il pourrait descendre les marches quatre à quatre pendant que j’étais en train de prendre mon temps pour faire les choses convenablement. Je regardais la silhouette de Jason s’enfonçait plus rapidement que moi dans les ténèbres, mais je savais qu’il ne lui arriverait rien après tout, j’avais demandé à Dieu de veiller sur lui et je savais qu’il le ferait.

Quand enfin, j’arrivais en bas, mon frère était déjà en train de farfouiller à la recherche de ce dont on avait besoin. C’était plaisant de le voir aussi motivé. Non pas que je ne l’étais pas moi-même, disons plutôt que j’avais cette épée de Damoclès sur la tête qui me faisait flipper alors je me contenais un tout petit peu histoire de ne pas finir la journée à boité comme un connard parce que j’avais commencé à sauter partout. C’était la première sortie et si tout se passait bien, il était évident que ce ne serait pas la dernière. J’avais passé beaucoup trop de temps enfermé entre les murs du groupe et ça me faisait un bien fou d’être dehors avec l’homme sur lequel je pouvais compter en toute circonstance.

- Peut être qu’on en trouvera un ici, s’il y a des futs dans le coin, ça devrait être envisageable.

Un entonnoir dans une cave, c’est comme trouver des Santiags chez un cow-boy non ? Je commençais à fouiller ce qu’il y avait autour de moi sans véritablement savoir si j’étais en train de chercher de l’alcool ou l’objet que Jason venait de réclamer, en tout cas, j’avais aussi l’espoir de trouver des trucs sympas à picoler, mais il n’y avait pas tant de choses que ça ici. Il fallait croire que des gens étaient déjà passés dans le coin pour récupérer à boire. En tout cas, ce n’était pas ce qui allait nous faire baisser les bras. On était ici pour récupérer de l’alcool et on repartirait avec ce précieux liquide, c’était une évidence. Finalement, c’était Jason le plus doué parce qu’il m’appelait déjà alors qu’il venait de trouver un truc qui était sans doute intéressant. J’avais hâte qu’on puisse passer à l’expérimentation, mais pour le moment, il ne s’agissait que d’une caisse fermée et visiblement lourde. Sans hésiter vraiment, j’attrapais mon pied de biche et commençait à l’ouvrir. Il ne me fallut pas longtemps pour faire sauter le couvercle et voir de quoi il était question dans la boite. C’était des bouteilles de vin avec des écritures dans une langue étrange, sans doute du vin européen, mais incapable de dire quel pays en même temps, j’étais à peine capable de citer tous les états de mon pays c’était pas pour connaitre des pays que je n’avais jamais vu et que je ne verrais jamais parce que de toute façon, je n’avais pas spécialement l’intention de remonter dans un avion et encore mieux, la question ne se posait plus à présent.

- Ce n’est pas mal, mais je pense qu’il nous faudrait un truc plus fort.

Hors de question de s’arrêter en si bon chemin, alors je m’enfonçais un peu plus loin dans la cave. Devant moi, je découvrais un truc un peu douteux. Je le regardais sans véritablement savoir quoi en penser. Les bouteilles étaient poussiéreuses, mais je n’avais jamais vu des trucs comme ça. Je n’étais pas un cador en matière d’alcool, mais clairement ça m’avait l’air typiquement le genre de truc qu’on était venue chercher.

- Jason, je crois qu’il y a vraiment un truc étrange ici. Il me faut l’avis d’un expert.

J’avais prononcé cette phrase en rigolant, ce n’était pas nouveau que mon frère était celui qui buvait le plus de nous deux. Il aurait sans doute un meilleur avis que moi sur la question.

Jason s'était mis à farfouiller dans les casiers sans attendre, rapidement rejoint par son frère. Ils eurent bientôt entre les mains une pléthore de bouteilles de vin de différentes origines. Apparemment, il y en avait un certain nombre qui venaient de France ou d'Italie, il n'était pas trop difficile de lire ces noms même si ce n'était pas dans la bonne langue. Il y en avait d'autres qui venaient de Californie et qui lui étaient déjà un peu plus familiers. Tout était cependant relatif, car il ne s'y connaissait absolument pas en la matière. Lorsqu'il écumait les bars avant que le monde ne perde la tête, il était plutôt porté sur la bière ou sur des alcools forts. Le vin était un peu trop raffiné pour lui. Toutefois, en l'état actuel des choses, il n'aurait pas craché sur une rasade de vin. Tout alcool était bon à prendre, désormais plus que jamais.
Il continua à fouiller tandis que Merl s'éloignait un peu plus loin dans la cave après avoir fait une remarque. Il voulait quelque chose de plus fort, qu'à cela ne tienne. En tout cas, le blond était bien décidé à emporter toute cette cargaison dans leur véhicule et de l'entreposer chez eux. Cela leur ferait du stock pendant un certain temps, et il n'était pas prêt à passer à côté d'une telle aubaine. Il abandonna sa recherche en entendant son aîné lui demander de donner un avis sur les bouteilles qu'il avait trouvées. Des bouteilles qui étaient extrêmement poussiéreuses, mais qui avaient surtout un contenu des plus discutables.

« Tu veux que je goûte, c'est ça ?

Le jeune homme avait proposé ça avant de voir vraiment de quoi il retournait. Goûter lui semblait être le meilleur moyen de donner un avis et de savoir de quoi il retournait. En réalité, les bouteilles contenaient de l'alcool très fort et on ne peut plus spécial. Lorsqu'il en attrapa une par le goulot pour la tirer vers lui, il découvrit un serpent entier à l'intérieur, et lâcha une exclamation de surprise en laissant tomber l'objet qui se fracassa au sol, laissant se répandre son contenu. Le malheureux serpent mort se retrouva sur les chaussures de Merl, au moins partiellement. Toute la caisse contenait des bouteilles d'alcool assorties d'animaux : scorpion, vers, serpents. Elles provenaient de divers pays du monde, notamment du Mexique ou d'Asie. Même si Jason avait déjà mangé des choses étranges dans sa vie, il n'avait aucune envie de goûter à ça.
Dans le fond, il était en train de se demander comment ces choses avaient atterri dans ce restaurant. Sans doute était-ce un moyen de proposer un digestif original à la carte. Le blond désapprouvait par ailleurs ce genre de pratiques. Il avait entendu dire que les serpents étaient mis en bouteille vivants, dans les pays d'Asie qui produisaient cet alcool. Depuis quelques temps, il avait d'ailleurs été interdit d'en importer. Saisissant une autre bouteille contenant un serpent, il l'agita avec une moue perplexe.

- Mouais, ça a l'air bien pour ce qu'on veut en faire.

Pour un rôdeur, ce serait bien suffisant. Pour sa part, il était hors de question d'en boire une seule goutte, et il espérait bien que son frère en ferait autant. Avec un soupir désapprobateur, il rangea la bouteille avec les autres. Voilà au moins qui réglait la question de ce qu'ils allaient faire ingurgiter à leur cobaye. Peu lui importait qu'il s'agisse d'un alcool relativement rare – à défaut d'être forcément bon – qui se vendait auparavant à un prix outrancier sur la carte du restaurant. Il ne voulait pas boire de telles horreurs. Même lorsqu'il en avait été réduit à manger des insectes dans leurs pires moments de survie, il n'avait pas été aussi rebuté. Alors qu'il saisissait la caisse de bouteilles douteuses, il remarqua ce qui s'était passé avec les chaussures de Merl. Cela le fit au moins se fendre d'un sourire désolé mais néanmoins un brin amusé.

- Au fait... Désolé pour tes chaussures. On vérifie s'ils n'ont rien d'autre ? Et puis, on a aussi tout cet alcool à mettre dans la bagnole, et vérifier s'il n'y a pas d'autres bouffeurs dans le coin. »

C'était naturellement une donnée à ne pas négliger. Ils ne pouvaient pas se permettre de se mettre dans une situation dangereuse pendant qu'ils chargeaient leur véhicule. Une fois que tout le bâtiment serait sécurisé, ils pourraient faire tout ce qu'ils voulaient sans le moindre mal. De plus, avec la jambe amochée et encore faible de Merl, mieux valait ne pas prendre de risques. Ils étaient sans doute du genre à se mettre facilement en danger, mais ils avaient survécu jusque là. Ce n'était pas dû qu'à la chance, il s'agissait aussi de savoir préserver leur propre vie, même si ce n'était pas toujours évident au premier coup d'oeil.

La situation était étrange, il était évident que mon frère ne savait pas de quoi il était question sinon, il n’aurait pas réagi comme ça. Mais d’un côté sa réaction me faisait sourire, il était toujours prêt à boire quand il était question d’alcool, dans le fond, j’étais persuadé qu’un jour ça lui porterait préjudice. Enfin ça, il n’avait pas vraiment besoin de le savoir, je serais présent ce jour-là pour veiller sur lui comme à chaque fois. C’est tout de même sur la défensive que je répondais à son exclamation. Il était hors de question qu’il ne boive ça et je savais très bien qu’il réagirait pareil.

- Non ! Je t’ai juste demandé un avis !

Tout n’était pas à boire, Jason ne s’attendait pas à ça, mais pourtant, il aurait dû se douter que je ne lui aurais pas proposé de l’alcool que je considérais comme buvable, ça aurait été un gâchis sans non. Je posais mes yeux sur mes pieds avant de les fermer d’un air dubitatif. Je n’allais pas raller sur mon frère, de toute façon ce n’était pas nécessaire. C’était juste une paire de chaussures et un peu d’alcool. Je donnais tout de même un coup de pied dans le serpent que j’avais devant moi. Il était hors de question que je reste de marbre devant un truc comme ça. Je n’avais pas envie de le garder sur moi c’était simplement répugnant. Je levais finalement la tête vers mon frère avec un air qui voulait bien dire que j’étais en train de l’emmerder intérieurement, mais pas dans le sens négatif, plutôt parce que j’aimais bien l’emmerder et que c’était mon frère.

- Je n’accepte pas non plus ce genre d’alcool, mais il existe et je te demande pas du picoler simplement de le mettre dans la gueule du connard qu’on a là-haut…

S’en servir ne tuerait pas une deuxième fois les bestioles contenues dans les bouteilles, ce n’était pas non plus une façon de cautionner tout ça. De toute façon, il n’y avait sans doute plus personne sur cette terre pour faire des trucs comme ça et ce n’était pas plus mal si on me demandait mon avis. Je fouillais un peu dans le tas pour voir ce qu’il y avait d’autre de marrant alors que j’entendais à nouveau la voix de mon frère s’élever et regarder mes chaussures, pour le coup, je préférais cet alcool aux tripes humaines de la dernière fois et c’était en grande partie pour ça que je ne prenais pas le truc très mal. Je lui offrais un sourire avant de lui répondre simplement.

- T’en fais pas va ! Ce n’est rien ! L’alcool à l’air transparent donc je ne pense même pas que ça tache et puis admettons-le, c’est moins pire que les tripes. Surtout qu’une sortie dont on revient tout propre, ce n’est pas très drôle.

Voilà tout ce qui comptait à mes yeux, le fait de s’amuser. C’était le plus important et vu la raison de notre départ aujourd’hui, je savais qu’il en était de même pour l’homme que j’avais à côté de moi. Je lui offrais un sourire, une tape dans le dos avant de me retourner vers ce qu’il y avait autour de nous. On avait trouvé l’alcool, on avait un connard saucissonné à l’étage. Il ne nous manquait plus grand-chose pour réussir notre plan qui était plutôt douteux.

- S’il y avait du danger dans le coin avec le bordel qu’on fait, on se serait déjà fait agresser. Qu’on se le dise, il y a plus discret que deux cons qui parlent fort et cassent des trucs.

Oui, j’étais en train de faire référence à la bouteille qui avait été brisée, mais c’était un détail. Je commençais tout de même à surveiller autour de moi pour savoir ce qu’on pouvait encore trouver d’intéressant dans le coin. Il aurait été dommage de repartir avec le minimum syndical.

- Alors, je pense qu’on devrait emmener à l’étage tout ce qu’on veut récupérer et ensuite on ira de là-haut à la voiture, ça sera plus simple.

Surtout qu’au milieu de tout ça, on pourrait s’en prendre au connard par terre le temps de se reposer trois secondes et d’assouvir se besoin de connaissant qu’on avait et qui était pour le coup sans doute débile.

Heureusement, Merl ne semblait pas fâché du traitement infligé à ses chaussures par la maladresse de son cadet. Jason n'avait pas envie de se disputer avec lui, surtout sachant qu'il était handicapé par son ancienne blessure à la jambe. Déjà qu'en temps normal on ne devait pas frapper les handicapés, alors si en plus la personne en question était l'être qu'il aimait le plus au monde... cela posait un véritable cas de conscience. Quoique si une situation dans un futur proche s'y prêtait, il n'aurait peut-être pas de scrupules si longtemps.
Dans tous les cas, le grand frère semblait douter de la présence d'autres morts-vivants dans les parages, ce qui n'était pas complètement idiot quand on songeait au bruit qu'ils avaient fait dans cette cave. En revanche, il ne fallait pas oublier non plus que cet endroit avait un étage et que les créatures pouvaient être coincées sans aucune possibilité de les rejoindre pour l'instant. Ce qui, quand on y réfléchissait, voulait aussi dire qu'ils pouvaient bien les laisser pourrir dans leur coin sans s'en occuper, ce qui ne serait pas si bête.

« Faut voir, s'il y a des bouffeurs coincés quelque part ils sont pas obligés de savoir comment venir nous voir.

Le blond songeait malgré lui que c'était plutôt tentant de faire la chasse aux rôdeurs restants et de les expédier dans un autre monde, peu importait lequel. Il n'allait pas commencer à disserter religion et morts-vivants maintenant, surtout pas avec Merl à proximité. Dans le fond, il se fichait bien de savoir où allaient ces choses une fois mortes pour de bon. Du moins, tant qu'il n'essayait pas de se rappeler que leur mère avait fait partie d'entre elles.
Au bout du compte, il se rangea à la suggestion de son aîné qui consistait à rassembler tout ce qui les intéressait puis de les monter sur le palier avant de faire la navette vers leur véhicule. Il se mit de bonne grâce à rassembler l'alcool qu'ils voulaient, aussi bien celui qui leur servirait que celui pour leur cobaye. Le moins qu'on puisse dire, c'était qu'ils auraient une belle réserve à se partager avec tout ce qu'ils venaient de trouver. Une fois de retour dans la cuisine, Jason entreprit de fouiller les meubles avant de commencer à charrier les caisses qu'ils avaient montées vers leur pickup. Il ne mit pas bien longtemps avant de brandir triomphalement sa trouvaille vers le ciel.

- Bon, v'la un putain d'entonnoir. Y a plus qu'à lui foutre dans la gorge !

Ayant presque envie de joindre le geste à la parole, le jeune homme se contenta de mettre un coup de pied dans le rôdeur ligoté qui gisait à terre, provoquant de sa part des grognements étouffés. Avec un ricanement prononcé, il s'éloigna pour aller chercher des caisses qu'il emmena jusqu'à leur véhicule. Malgré le poids des bouteilles, cela ne fut qu'une formalité pour lui comme pour Merl. Rien à voir avec certaines lopettes qu'il pouvait y avoir au camp. Lorsque ce fut terminé, le coffre de leur pickup était bien rempli par de nombreuses caisses d'alcool varié. Il y avait aussi bien le vin et la bière qu'ils avaient trouvé que des alcools plus forts ainsi que l'hérésie qu'ils allaient faire boire à leur cobaye. En parlant de celui-ci, Jason retourna à l'intérieur du restaurant pour attraper celui-ci par les chevilles et le tirer tel un sac de pommes de terres jusque dehors. Le traiter avec aussi peu de ménagements l'amusait grandement, et il le balança littéralement aux pieds de son frère comme une parodie post-apocalyptique d'une scène de triomphe romain d'antan.

- Tu veux faire ça ici, ou on se trouve un coin tranquille ailleurs où se poser ? »

Jason n'avait surtout pas envie de se faire déranger par qui ou quoi que ce soit. Il n'était pas contre l'idée d'aller se trouver un autre endroit où rester un peu plus longtemps pour mener à bien leur expérience et en profiter pour ouvrir déjà quelques bouteilles à présent dans leur coffre. Si tout se passait bien, ils mettraient même la main sur quelque chose à manger. Cette perspective fut une sorte d'étincelle dans sa cervelle, et il se retourna vers le restaurant d'un air songeur. Les aliments frais devaient être devenu un cocktail décomposé de gaz toxiques, mais il y avait sans doute des choses qui tenaient de la longue conservation... En d'autres termes, de la nourriture disponible qu'ils n'avaient même pas cherché à trouver, tant ils avaient été absorbés par leur but.