« Et tu sais maman, je suis sûre que Barbara sait aussi dessiner, mais elle peut pas me montrer parce que j’ai presque plus de crayons ou de papier. » La blonde hocha la tête en refermant le livre qu’elle venait de lire avec Hope pour l’aider à s’endormir. « Eh bien on verra si quelqu’un peut te trouver ça pour que Barbara nous montre ses talents, ça te va ? Mais pour l’instant, il faut dormir ma puce, okay ? » La blondinette hocha la tête avant de se blottir dans les bras de sa mère. C’était leur petit rituel, leur truc à elles qu’elles avaient réussi à préserver malgré les épreuves.

Encore quelques instants et Ash’ déposait un baiser sur le front de sa fille pour aller aussi se mettre au lit de son côté. Jon assurait l’une des rondes de la nuit ce soir et c’était étrange pour elle de trouver étrange qu’il ne soit pas à ses côtés. Même si les choses avaient repris sur un rythme moins pressé et risqué qu’à l’époque, il lui semblait que tout allait vite, et pourtant elle aimait ce rythme-là aussi. Les choses allaient bien, parfaitement bien, trop bien ? Ash’ n’y pensait pas, elle ne voulait pas être pessimiste, ce n’était pas sa nature et elle préférait se concentrer sur ce qui était positif.

Le sommeil ne tarda pas à l’emporter et lorsqu’elle rouvrit les yeux, alertée par du mouvement dans la chambre, la blonde crut qu’il s’agissait de Jon de retour de sa garde. Mais l’ancien livreur dormait déjà à poings fermés à ses côtés. Plissant les yeux avant de récupérer sa lampe torche, Ash’ se leva, enfilant un gilet par-dessus son t-shirt et son pantalon de jogging et s’approcha de la porte de sa fille. Un soupir qui trahissait une maigre inquiétude s’échappa de ses lèvres. Il n’y avait aucune agitation dans le ranch donc la petite s’était sans doute levée pour aller aux toilettes ou boire un verre d’eau.

D’un pas discret pour ne pas réveiller les habitants de l’étage, Ash’ regagna le rez-de-chaussée. Le faisceau de sa lampe balaya l’entrée, la cuisine jusqu’à ce que finalement elle n’entende des éclats de rire. Fronçant les sourcils, la blonde débarqua pour voir Hope occupée à regarder Emmanuel en pleine activité artistique. « Hope Elisabeth Sasha Grant ! Que fais-tu debout à cette heure-ci ? » La blondinette se cacha derrière le brun qui écopa du regard noir de la mère.

Ash’ soupira. « J’étais inquiète ma puce … » « Pardon maman … » Son expression se radoucit et elle s’approcha finalement pour voir de quoi il était question. « J’espère qu’Hope ne t’a pas dérangé dans … ce que tu faisais … quoique ce soit. » Elle ne comprenait pas l’art, ne l’avait jamais compris, il n’y avait que la musique qui avait le moindre sens à ses oreilles, mais la peinture, le dessin … Si elle trouvait certaines œuvres jolies, Ash’ était bien incapable de dire ce qu’elle ressentait devant tel ou tel tableau.

Sans doute que la vision d’une mère en colère était la chose la plus effrayante du monde, juste après les rôdeurs et leurs visages décomposés, mais tout de même. Ash’ n’avait pas été assez virulente pour traumatiser et sa fille et Emmanuel. Fort heureusement, l’attitude de la jeune femme était plutôt rassurante et ni Hope ni le brun n’avait à craindre de passer un sale quart d’heure. Au lieu de cela, la blondinette mima un éléphant mondialement célèbre, arrachant un sourire à sa mère. « Sans doute pour mieux écouter les consignes de sa mère. » Quel sort avait d’ailleurs connu la mère de Dumbo ? Ce n’était pas elle qui était morte tuée par un chasseur, non ? Ash’ secoua la tête, peinant à se rappeler les détails de tous ces dessins animés qu’elle n’avait pas vu depuis des lustres.

De son côté, l’artiste se fit discret quelques instants avant de tendre le dessin en question à la gamine qui le récupéra et le tint contre elle, comme un précieux trésor. La jeune mère esquissa un sourire devant l’air sérieux de Hope. Elle buvait les paroles d’un Emmanuel qui tentait de la convaincre de faire une bonne nuit de sommeil et de garder l’art pour le lendemain matin. Faites ce que je dis et pas ce que je fais, en somme. « Promis ! Je ferai attention, et je viendrai te montrer ce que j’ai dessiné ! » Apparemment l’histoire prenait, ou alors Hope savait que sa mère ne la laisserait pas en faire qu’à sa tête pleine d’histoires à dormir debout.

Son regard clair posé sur l’œuvre résolument plus sombre qu’il avait couchée sur un tableau, Ashley haussa les épaules à son commentaire. « J’aimerais pouvoir dire que j’y vois autre chose que … je sais même pas ce que j’y vois en fait … » avouta-t-elle un brin honteuse. Quant à savoir si Hope avait posé son regard d’enfant là-dessus, la blonde savait que malheureusement, elle avait eu l’occasion de voir bien pire. « T’en fais pas, Dumbo est là pour compenser. » souffla la blonde avec un sourire rassurant.

« Tu restes souvent peindre comme ça jusqu’à pas d’heures ? » demanda-t-elle finalement, curieuse. Après tout s’il pouvait se coucher aussi tard, il pourrait peut-être prendre plus de gardes la nuit. Un sourire mesquin étira ses lèvres, elle ne le forcerait pas à lâcher son loisir pour crapahuter dans les bois avoisinants le ranch quand ils étaient assez nombreux pour se répartir les tâches. « Maman, on peut rester ici un peu ? » demanda alors la petite tête blonde accrochée aux jambes de sa mère. « Pas trop longtemps, sinon Jon va se demander où on est. » La gamine hocha la tête avec un sourire avant de se diriger vers Emmanuel. « Tu peux dessiner une princesse aussi ? C’est une princesse journaliste aventurière qui a deux chiens pour la protéger. » Ash’ afficha une moue désolée, son moment de calme était pour l’instant mis en pause pour répondre aux exigences d’une cliente très spécifique dans ses souhaits de dessin.

Les soirs d’insomnie. Ashley n’avait jamais pensé à faire de la peinture quand elle ne parvenait pas à dormir. Cela arrivait de moins en moins souvent, à croire que toute cette nouvelle vie lui apportait le réconfort et la quiétude dont elle avait besoin. Hope était là, Jon était là, de quoi avait-elle besoin en plus pour se sentir bien ? « Ça me parait une bonne raison. » commenta-t-elle avec un sourire tout en cherchant toujours à décrypter l’œuvre devant son nez.

Hope se mêla à la discussion, coupant tout sérieux, pour demander un dessin de princesse journaliste aventurière, rien que ça, évidemment. Ash’ la laissa filer vers Emmanuel qui semblait apprécier ses idées farfelues. Pour beaucoup de personnes ici, la blondinette était un rayon de soleil, comme tous les enfants du ranch. Les enfants étaient leur futur, donc ils étaient légitimement les plus à même de porter l’espoir. La blonde observa la scène, regardant le dessin prendre forme, écoutant les explications du brun et surtout ne ratant pas la mine ébahie de sa fille. Cela faisait plaisir à voir.

Tous les détails étaient là sur le dessin pour reconnaître cette princesse, qui était bel et bien aventurière et journaliste à la fois. Elle était classe et elle avait l’air sérieuse, fière, sûre d’elle. La blondinette tourna rapidement la tête vers sa mère, lui adressant un large sourire, comme les matins de Noël quand elle découvrait ses cadeaux. Oui, Hope était heureuse de ce dessin, et sa réponse ne se fit pas attendre quand Emmanuel posa la question.

En revanche, le fourbe lui refilait le bébé et c’était à elle de trouver un nom à cette princesse. « Un nom … Eh bien … je suppose que je peux faire ça … Qu’est-ce que tu dirais de Barbara ? Je veux dire, c’est une parfaite représentation de la vie de Barbara, tu penses pas ma puce ? » Hope afficha une moue pensive, observant le dessin et sa poupée. « Oui je pense que Barbara ça lui va bien. Je peux le prendre ? » demanda-t-elle avant de croiser le regard sévère de sa mère. « S’il te plait Emmanuel. » C’était un comble qu’Ash’ soit celle qui lui apprenne la politesse, mais il fallait bien qu’elle soit une mère exemplaire.

« Il va falloir revenir dormir ma puce. Ton père va s’inquiéter. » Face à ce regard qui disait encore un peu s’il te plait maman la blonde capitula, reposant son regard clair sur Emmanuel. « Tu faisais des études d’art ou quelque chose dans le genre ? Ou alors tu vendais tes créations ? » Cela lui rappela Eli l’espace d’un instant, cette soirée où elle et Selene avaient été quand le latino exposait ses œuvres. Un accomplissement, une fierté.