Jared était en train d’aider en cuisine quand une tête connue vint lui parler. Duncan. Il s’appelait Duncan. Et si Jared était toujours avenant et à l’écoute, ce que lui proposa ce dernier le laissa perplexe :

« Effectivement, j’aimerais me perfectionner mais… » On ne le laissa pas finir. On lui demanda qu’en contre partie de la leçon de tire - qui avait visiblement été décidé sans son accord - il devait jouer le « pasteur » auprès de cette Daniella. Bien qu’il se retint de reprendre Duncan en lui affirmant qu’il ne jouait pas et qu’il était bel bien pasteur, il accepta tout de même d’aller trouver cette jeune femme. Du moins, supposa-t-il qu’elle était jeune d’après la description de son vis-à-vis.

Il termina d’aider Olivia à nettoyer la cuisine puis se mit en quête de Daniella Offman. Duncan lui avait indiqué où la trouver et il fut bien surpris d’apprendre qu’elle était encore dans le dortoir. Il y avait tant à faire dans le camp. Pourquoi restait-elle seule à l’intérieur ? Ses affaires. C’était ses affaires. Jared ne devrait pas s’en mêler. Et pourtant, cette petite curiosité continua de le titiller dans un coin de sa tête.

Quand il arriva finalement dans le dortoir de la jeune femme, il toqua doucement contre la porte déjà ouverte. Plus par politesse que par nécessité, à vrai dire. Il trouva alors une brune en sueur, faisant des exercices de musculation. Jared lui offrit un sourire maladroit et avança doucement :

« Tu dois êtes Daniella ? » demanda-t-il incertain que ce soit bien elle.

Elle confirma et prit sa bouteille d’eau, buvant visiblement pour étancher une soif sans nom. Jared la regarda faire, patientant qu’elle finisse. Avant même qu’il ne puisse se présenter, l’autre lui demanda peut-être un peu sèchement ce qu’il voulait. Ah. Elle n’était peut-être pas au courant que Duncan avait fait appel à lui pour aller faire « ses trucs de pasteurs ». Sérieusement, qu’entendait-il par-là ? Il était Pasteur, pas psy.

« Je m'appelle Jared. Je suis nouveau et... Ton ami Duncan m’a dit que tu avais besoin de parler. » dit-il simplement, s’approchant calmement : « Je… Je suis pasteur et il a cru bon de me demander de t’aider à extérioriser tes démons. » Il lui offrit un doux sourire : « As-tu la foi Daniella ? »

Devant le rire à gorge déployée de Daniella, Jared se sentit un instant stupide. Bien sûr. C’était le petit bizutage du petit nouveau hein ? On lui demande d’aller voir une nana en lui faisant croire qu’elle a besoin d’aide et bel abruti qu’il est, il plonge dans le panneau. Ce n’était pas la première fois qu’on se foutait de sa gueule et certainement pas la dernière.

Il fronça alors les sourcils et se prépara déjà à quitter le dortoir avant que les mots de Daniella ne l’arrêtent. Il la dévisagea un petit instant mais finit par venir s’assoir à côté d’elle sur la couchette, l’écoutant parler. Elle n’avait pas la foi. Ce n’était pas grave. Peu de gens l’avaient. Ça ne faisait pas d’elle une mauvaise personne pour autant. Jared le savait, et pourtant, ce petit espoir qu’il s’était lui-même imaginé quand ce Duncan était venu le trouver – celui de trouver une chrétienne ou chrétien autre que lui dans ce monde de fou – venait de s’envoler. Il offrit cependant un sourire poli à la femme lui faisant face, tentant de la sonder. Pourquoi Duncan voulait-il qu’il aille voir son amie ? Qu’est-ce qui clochait ?


Puis comme s’il l’avait demandé à haute, Daniella lui expliqua. Pas envie de déranger les gens avec ses problèmes ? Il connaissait ça. Il était le même genre de type. Faire passer les autres avant soit. Toujours. La suite lui fit froncer d’avantage les sourcils : une toxicomane ? Etait-cela son problème ? Bien que Jared ait déjà eut à faire à des paroissiens et paroissiennes addicts aux drogues, il ne comprenait pas comment dans un monde comme le leur, Daniella pouvait encore avoir des problèmes de drogues. Peut-être que ses démons la hantaient encore. Possible. Bien qu’il ne comprenne pas non plus. Le monde actuel ressemblait à s’y méprendre à un cauchemar. Comment des souvenirs, aussi terribles soient-ils, de l’avant « ça » pouvait encore la hanter ? Jared se mit une baffe mentale. Ne la juge pas trop sévèrement. Nombreux sont ceux à ne pas percevoir le monde comme toi Jared. Sois miséricordieux et à l’écoute. Si ce passé est une souffrance pour elle, alors tu dois lui venir en aide.


Fort de son rappel à l’ordre mental, Jared ne put retenir un sourire quand sa vis-à-vis le questionna à son sujet. Ses questions étaient légitimes, bien sûr. On lui avait déjà demandé et à chaque fois Jared avait répondu la même chose. Il planta alors son regard brun dans celui de la brune et dit d’une voix posée :


« J’ai la foi. » lui confirma-t-il. « N’est-ce pas dans les jours les plus difficiles que croire en Dieu nous est le plus utile ? Même si le monde semble à sa perte, le seigneur est là. Il veille sur nous. Et même si toi, ni moi, ne comprenons ses choix, que tout ce qui arrive nous dépasse, il y a une raison à tout ça. » Jared soupira un instant, baissant ses yeux quelques secondes avant de revenir les poser sur Daniella : « Du moins, c’est ce que je crois. Et quand j’étais seul dehors, c’est Dieu qui m’a aidé à m’en sortir. »

A la fin de son explication, le pasteur se redressa, marchant vers la porte :

« Que dirais-tu de prendre l’air ? Il fait si sombre dans ce dortoir. » Proposa-t-il. « Nous pourrions faire une petite balade et apprendre à nous connaître. »

Jared écouta Daniella lui expliquer que Dieu n’avait pas grand-chose à voir avec sa survie. Oh elle se trompait. Que l’on croit en lui ou non, il avait été sa bouée de sauvetage. Cette idée à laquelle il s’était raccroché. Pour ne pas abandonner ou désespérer. Il lui avait sauvé la vie, littéralement. Car quand l’idée de se tirer une balle s’était faîtes dans son esprit, les enseignements du seigneur l’avaient poussé vers la lumière. Alors si. Dieu l’avait aidé et il avait guidé ses pas dans ce monde devenu bien trop cruel. Il ne lui dit cependant pas, se contentant de lui répondre : « Chacun a un avis qui lui est propre. Je respecte le tiens. »

La jeune femme sembla accepter la balade à l’extérieur car elle s’habilla rapidement. Jared la regarda faire, silencieux. Ils sortirent alors du dortoir et Daniella sembla éblouie par le soleil. Cela fit doucement sourire le pasteur. L’extérieur lui ferait le plus grand bien. Il en était persuadé. Elle lui proposa alors d’aller voir les chevaux et l’homme accepta volontiers. La suivant alors sur le chemin d’un pas tranquille. Il croisa quelques têtes connus sur le chemin, leur souriant.
Alors qu’ils marchaient tous les deux tranquillement, Daniella relança la discussion. Lui demandant si il était nouveau. « Oui, je viens d’arriver. Ça fait du bien d’être dans ce genre d’endroit. J’ai passé trois ans avec peu de personnes. J’ai été seul la majorité du temps. » lui répliqua-t-il sans s’étendre cependant. Pas utile. Pas intéressant. La jeune femme lui expliqua alors être arrivée la veille de l’attaque qu’avait subi le camp. Il la regarda alors un instant. Se sentant navré pour elle.

Elle était arrivée dans un nouvel endroit, plein de promesse et le lendemain même de son arrivée, voilà qu’elle essuyait une attaque. Elle avait dû faire face à la violence, à la tragédie. Il lui lança un regard compatissant et continua à marcher à ses côtés.

Ils arrivèrent doucement vers les enclos des chevaux et Jared fit un petit sourire. Des animaux. Il aimait vraiment les animaux. Il accéléra un peu le pas, malgré lui et se positionna devant un cheval à la robe brune. Seule une liste blanche lui barrait la tête, contraste de lumière dans un pelage obscur :
« Salut… » Murmura-t-il à l’attention de la bête : « Tu ne sembles pas craintif… »
Chose rare au vu de ce qu’il se tramait dehors. Le cheval avait toujours été un animal craintif, tendant plutôt à fuir plutôt qu’à affronter. Jared sourit : il devait être un cheval dans une autre vie.
« Tu sais monter ? » demanda-t-il à l’attention de sa vis-à-vis qui arrivait finalement à sa hauteur.