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Don't ask.

Ven 22 Mar 2019 - 23:21


Depuis combien de temps Nigel était-il assis dans cette barque au milieu de Union Bay ? De longues heures sans doute, mais il ne les voyait plus défiler, ces heures. À bien y penser, depuis la mort de sa sœur, l'écrivain avait le sentiment que le monde s'était arrêté de tourner, son monde intérieur du moins. La perte d'Isiah avait été compliquée à encaisser, amenant toujours son gros lot de nostalgie lorsqu'il y pensait, mais le décès de Hannah était tout simplement insurmontable. Et le temps ne servait absolument pas à panser cette plaie encore béante, ce vide qu'elle avait laissé. Même après cinq mois, il y pensait comme si cet événement était survenu la veille, ses nuits hantées par les souvenirs de son corps sans vie, de son regard éteint, de son monde qui, en une fraction de seconde, s'était dérobé sous ses pieds. À dire vrai, le Mainois ne prenait même pas la peine d'essayer de s'en remettre, se laissant simplement porter par chaque nouveau jour qui lui était donné sans avoir la sensation de le vivre réellement. Une part de lui s'était éteinte à l'instant même où la blondinette avait rendu son dernier souffle et il était au dessus de ses forces de juste vivre comme si rien n'était arrivé. Il s'était pourtant fait une raison, la première fois qu'il l'avait perdue, mais là les choses étaient bien différentes. Parce-que plus aucun espoir n'était permis, qu'elle était belle et bien morte, pour de bon. Plus jamais il ne verrait son sourire si rayonnant, n'entendrait sa voix parfois agaçante, ne pourrait la serrer contre lui en lui promettant de la protéger, d'être là jusqu'à la fin. Il aura tenu cette dernière promesse.

Le regard perdu dans le vide, il ne s'était même pas rendu compte que le fil de sa canne à pêche s'était rompu. Le seau à côté de lui était déjà suffisamment plein et, après tout, c'était bien la seule chose qu'il pouvait encore faire. Se démener pour permettre à son groupe de survivre plus convenablement, leur trouver des vivres et assurer leur sécurité. Ça ne remplaçait en rien celui qu'il était auparavant mais c'était le mieux qu'il pouvait faire pour l'instant, et aussi, d'une certaine manière, ce qui lui permettait de ne pas totalement perdre pied et ne pas attendre simplement la mort. Rester chaque nouveau jour, pour eux, parce-qu'ils avaient tous fait tellement pour lui, pour Hannah. Les membres de cette nouvelle famille étaient tout ce qu'il lui restait, mais aucun d'eux ne pourrait remplacer sa sœur ni même ôter la culpabilité de ses épaules. Combien de fois avait-il rêvé de revenir en arrière et la forcer à rester au complexe plutôt que de les accompagner là-bas ? Beaucoup trop. Sans doute cette culpabilité et tous ces autres sentiments s'étaient-ils vus dans ses prunelles, longtemps, mais il faisait au mieux depuis un certain temps pour les masquer derrière une impassibilité qui ne lui correspondait pourtant pas. Le type fermé et froid, ce n'était pas lui, et pourtant.

La température chutait doucement, lui arrachant quelques frissons qui le poussèrent à se décider à rentrer. Quelques coups de rames plus tard, la petite barque arrivait au niveau du bord de la rive. Comme à chaque fois, il récupérait ses affaires et s'appliquait à la retourner pour lui donner un air échoué avant de s'éloigner de la baie pour rejoindre le complexe. Il s'arrêta à la cuisine, s'occupa de vider les poissons avant d'entendre du bruit derrière lui. Adrian. « On en aura largement pour tout le monde ce soir » lança-t-il machinalement. Souvent, il évitait de manger avec tout le groupe, préférant monter la garde bien que ce ne soit pas tout le temps nécessaire. La raison ? La dernière arrivée dans le groupe. Hannah. A croire que le sort avait décidé de se foutre royalement de lui. Au fond, le Mainois n'avait rien contre elle à proprement parler, elle avait simplement le malheur de porter le nom de sa sœur disparue et d'être arrivée après cet événement. Alors il s'était fermé, pour ne plus risquer d'apporter une importance à une nouvelle personne qu'il pourrait perdre aussi. Mais ce n'était pas suffisant, et à chaque fois que ses prunelles sombres se posaient sur la jeune femme, il ne pouvait s'empêcher de penser à sa cadette. Ce même air insolent, le même prénom. Trop tôt pour pouvoir passer au dessus de ce qui le tourmentait.

Sa tâche terminée, Nigel était allé jusqu'au camping-car qu'il partageait désormais avec Alainna et cette fameuse Hannah. La blonde était d'ailleurs non loin, accompagnée de Marvin. Le canidé trottina vers lui en le voyant et écopa d'une caresse sur la tête. Prenant quelques secondes pour profiter de ce contact avec celui qui était bien plus qu'un animal à ses yeux, celui qui l'avait déjà aidé à ne pas perdre pied la première fois, le trentenaire esquissa un bref sourire. Il renvoya son compagnon à quatre pattes vers Alainna et prit la direction de son logement de fortune. Un peu de repos ne lui ferait pas de mal, juste une heure avant de ressortir pour rejoindre les autres dans la salle commune. Il entra dans l'habitacle et déposa ses quelques affaires sur le bureau avant de s'appuyer sur ce dernier en soupirant. Le calme environnant était bien paradoxal. À la fois apaisant et porteur de ce vide douloureux qui ne faisait que lui rappeler l'absence de sa sœur. Un bref bruit derrière lui le poussa à se retourner vivement. L'autre Hannah était là. Tellement habitué à ce qu'elle soit dans la serre ou avec Billy, le brun n'avait même pas pris la peine de s'assurer que le camping-car était bien vide. « Je ne t'avais pas vu. Je vais te laisser te reposer » lança-t-il de ce ton un peu éteint, pas agressif mais fuyant. Il récupéra le livre déposé sur sa table de nuit improvisée, prêt à quitter l'habitacle, à la fuir une nouvelle fois.
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Re: Don't ask.

Sam 23 Mar 2019 - 1:08



Don't ask.









        Deux semaines. Voilà deux semaines qu’elle était arrivée à Recovery Grove et bénéficiait des soins de Billy et de la gentillesse des autres membres du groupe. La vie lui semblait peu à peu plus paisible et elle se sentait s’enfoncer dans le piège de l’attachement sans vraiment rien faire pour s’en dépêtrer. Elle passait encore beaucoup de temps à l’infirmerie avec Billy ou même à se promener avec le vieux médecins dans les serres extérieures. Et quand elle n’était pas avec le canadien, elle était avec Alainna et Luisa dans les serres. C’était devenu une routine plutôt agréable. Elle ne s’était jamais sentit aussi bien et reposée, en paix avec elle-même depuis la mort d’Aaron.

       Pourtant, aujourd’hui, Hannah se sentait fatiguée. La matinée s’était déroulée normalement, elle n’avait pas trop ressentit de baisse d’énergie. Mais la vérité était qu’elle avait très peu dormi à cause d’une insomnie suivi d’un cauchemar et le repas du midi avait fini par l’achever avec la digestion. Elle avait donc expliqué à Ethan alors que ce dernier venait la chercher voulant se reposer aujourd’hui, qu’il n’aurait pas à l’emmener à la serre ni venir la chercher. Elle allait rester tranquillement installée. Bien qu’au début, cela inquiéta l’homme grognon et Luisa qui passait par là après être allée rapidement à son logement, elle les rassura assez facilement. Après tout, elle allait juste ENFIN ne rien faire de son après-midi. Une première pour eux qui avaient couru après les premiers jours, elle si intenable. Et c’était bien ça l’inquiétant, la sauvageonne ne s’arrêtait jamais. Mais ils décidèrent de la croire lorsqu’elle leur disait que tout allait bien, ce qui était le cas, malgré un regard inquiet légèrement insistant qui lui fit rouler des yeux.

       Enfin, ce n’était pas tout à fait vrai. Le truc avec la fatigue, c’est que tout semblait se décupler, dont la douleur à sa cheville qui la lançait un peu par spasmes réguliers. Autant ne pas bouger dans ces cas là. Elle était donc installée confortablement dans le camping-car, assise en travers des fauteuils autour de la table à manger dont la plaque qui servait de dossier et de coupure pour faire une séparation la cachait de l’entrée. Elle s’était plongée dans un livre lorsqu’elle entendit des pas approcher. Habituée à présent aux allers-retours des membres du Recovery Grove, Hannah ne releva pas le nez de sa lecture lorsqu’une silhouette entra pour déposer apparemment quelques affaires. Mais le silence qui suivi eut raison de sa curiosité et elle quitta les lignes imprimées de son bouquin pour poser son regard sur Nigel qui lui tournait le dos, appuyé contre le bureau, la tête basse. Il semblait si lasse, si triste, si fatigué ainsi, le dos voûté, les épaules basses. Hannah se permit de le détailler légèrement comme elle l’avait fait avec les autres au début, pour une fois qu’il ne fuyait pas pour l’unique raison qu’il ne l’avait pas vu. Elle était si silencieuse en même temps qu’elle en surprenait souvent plus d’un comme ça. Combien de fois déjà Billy lui avait râlé dessus qu’elle allait finir par lui faire faire une crise cardiaque. Mais elle n’y pouvait rien si on ne l’entendait pas voyons. Hannah finit par avoir un traître de spasme à cause de sa cheville bandée, son genou tapant contre le contreplaqué, attirant l’attention de Nigel qui se redressa et se retourna brusquement. Hannah prévoyait déjà tellement la suite des évènements qu’elle avait posé son livre sur la table à la seconde où elle l’avait vu se crisper, le regard soudainement plus acéré et ses muscles bandés, comme prête à bondir sur un animal sauvage et craintif. Cette fois, il ne lui échapperait pas, elle en avait assez de le voir ainsi envers elle sans comprendre.

       A nouveau cette distance sans pour autant être méchant envers elle. Le voyant prêt à partir du camping-car sans demander son reste alors qu’il était plus chez lui ici qu’elle et que la boiteuse ne l’avait jamais agressé verbalement ou physiquement pour le dégager, cette dernière eut le réflexe stupide de bondir pour bloquer l’entrée, les deux mains fermement serrées dans l’encadrement de l’ouverture, faisant barrage avec son corps. N’utilisant qu’une jambe, elle se rattrapa de justesse en se sentant tomber de par son geste précipité imbibé de sa maladresse naturelle. Elle n’avait pas utilisé sa cheville blessée par instinct, sentant toujours le tiraillement désagréable de la foulure, mais le geste brusque suffit à lancer la douleur, la faisant légèrement grimacer. Rien à faire, elle voulait des réponses ! Elle espérait juste que Nigel n’use pas de sa force pour la remettre à sa place – au sens propre, c’est-à-dire sur la banquette- pour pouvoir sortir car il n’aurait aucun mal à le faire. Elle était trop fatiguée pour user de force physique aujourd’hui et elle n’avait pas envie de se faire mal. Elle tenait à ce que cette cheville guérisse. Mais elle ne lâcherait pas l’affaire, alors autant faire passer la pilule maintenant. Promis, se sera rapide et sans douleur, c’est ce qu’ils disent toujours en tout cas.

      Nigel lui faisait à présent face, coupé dans son élan de partir. Elle le fixa en se redressant de toute sa hauteur de boiteuse à la jambe levée comme un flamand rose. Il était légèrement plus grand qu’elle mais elle restait une grande perche et pouvait lui tenir tête malgré qu’elle devait lever subtilement la tête pour le fixer dans les yeux. Marron contre vert. Légères cernes contre regard noircit par une peine insurmontable.

      «  Pourquoi tu me fuis ? »

      Hannah ne tourna pas autour de quatre chemin, parlant avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, le coupant sûrement à nouveau. Elle ne le laisserait pas faire cette fois. Elle fut cash et n’en rajouta pas plus. Simple, net, précis, avec une pointe d’autorité pour montrer qu’elle ne faisait pas ça pour s’amuser au risque de se retordre la cheville et qu’elle était à prendre au sérieux. Elle voulait ses réponses, elle voulait qu’il arrête de lui donner l’impression de le chasser du camping-car de par sa simple présence, sa simple existence, qu’elle le dérangeait. Après tout, ils avaient été à peine présentés, elle ne savait rien de lui, et vice versa. Aucune altercation, que dalle. Si c’était vraiment le cas, qu’elle était une épine dans le pied sans savoir pourquoi, un fardeau, une gêne, un agacement qu’en sais-je, qu’il lui dise franco et elle changerait de camping-car. Ça l’énervait qu’à cause d’elle, il ne profite plus de sa maison, de son lit quand il le voulait, trop occupé à l’éviter pour une obscure raison. Il était temps que ce comportement cesse, vous ne croyez-pas ?
     



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Re: Don't ask.

Sam 23 Mar 2019 - 22:21


Livre en main, le Mainois s'était apprêté à ressortir du camping-car. Oui, il évitait la nouvelle Hannah, et ce n'était pas très sympa pour elle, mais il n'avait plus la force d'être sympa, et elle lui rappelait bien trop sa petite sœur pour qu'il parvienne à prendre sur lui. Pour autant, il ne s'était jamais montré agressif envers elle, avait même accepté qu'elle reste parmi eux sans omettre la moindre réserve. Certes, la confiance était difficile à accorder en ce nouveau monde mais personne ne pouvait faire ses preuves sans avoir une chance, alors il avait dit oui, sa confiance en Frances et Ethan pesant pour beaucoup dans la balance. Par ailleurs, ce n'était parce-que lui avait ses problèmes non résolus, ces fantômes d'un passé pourtant trop proche qui n'avaient de cesse de le hanter, qu'il devait en faire pâtir la brune. Pourtant il en était bien conscient, qu'il répercutait sur elle toutes ses émotions, qu'elle ne devait pas se sentir à l'aise alors qu'il l'évitait constamment, mais lui accorder une place ici était le mieux qu'il pouvait faire pour l'instant. Le temps ferait le reste, pour cela fallait-il du moins qu'il accepte de lâcher du lest, de s'ouvrir un peu, d'accepter son deuil. Et le temps aussi long soit-il ne lui semblait pas suffisant.

Ce qu'il n'avait pas prévu dans cette nouvelle fuite était que, pour la première fois, elle réagisse, allant jusqu'à se planter devant la porte, la bloquant en manquant de se casser la figure dans le même temps. Plus de peur que de mal heureusement, autant dire que l'écrivain aurait relativement mal vécu le fait qu'elle se blesse d'avantage par sa faute. Ne retenant pas un soupir, il la toisait de cet air éteint. « A quoi tu joues ? » demanda-t-il après quelques secondes, les sourcils froncés. C'était une nouvelle méthode pour montrer qu'elle était là ? Qu'il ne pourrait pas l'éviter pour toujours ? Il l'avait bien compris ça, puisqu'elle dormait ici également. Mais ça aussi il l'avait accepté, sa présence. Et maintenant quoi ? Elle allait lui demander de taper la discute, faire connaissance ? C'était normal dans un groupe, tout comme ça l'était auparavant, mais tout le problème était là : Nigel n'était plus comme avant, et les marques de sa perte avait laissé un homme bien trop silencieux, incapable de nouer un quelconque contact. Seules les personnes présentes ici avant le drame avaient droit à un semblant de conversation, et encore, il ne parlait que rarement à Billy et Adrian, peu enclin à s'étendre dans une longue discussion.

S'il avait soutenu son regard un instant, il ne tarda pas à soupirer une nouvelle fois, levant les yeux au ciel. Allait-elle seulement se décider à lui répondre ? Mieux valait qu'elle le fasse parce-qu'il n'attendrait pas là bêtement jusqu'à la nuit tombée et s'il devait la repousser pour sortir il le ferait. Mais la brune parla enfin, lui posant cette question qui avait l'air de lui brûler les lèvres depuis un temps déjà. Pourquoi il la fuyait ? Ayant replanté ses prunelles sombres sur elle, Nigel restait impassible, presque las. Il fut tenté de répondre qu'il ne la fuyait pas, qu'elle se faisait des illusions, mais dire cela reviendrait à se foutre royalement d'elle. Inutile de rester dans le déni : il était bien conscient de l'éviter, volontairement la plupart du temps. Il secoua la tête, inspirant profondément. « Écoute... j'ai rien contre toi, mais je n'ai pas non plus l'obligation de me justifier » rétorqua-t-il finalement comme si c'était évident. Il n'avait aucun compte à lui rendre en effet, mais le respect n'avait jamais tué personne et là, ce qu'il faisait en l'évitant de la sorte, c'était clairement un manque de respect. « Je comprends que ça t'agace, que ça te mette mal à l'aise, mais tu peux dormir tranquillement : tu n'es pas fautive. » Ca allait comme ça ? Suffisant pour qu'elle le lâche et le laisse vaquer à ses occupations ?

« Je peux sortir maintenant ? » L'agacement dans ses prunelles se mêlait clairement à cette peine habituelle. Sûr qu'il était désagréable, mais pourtant son ton n'était pas agressif, simplement las. Las de devoir se justifier sur son attitude, d'avoir à porter un deuil qu'il ne parvenait même pas à accepter. Fatigué, voilà ce qu'il était. Fatigué de se battre chaque jour pour ne pas tomber. Hors de question de se battre avec elle en plus.
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Re: Don't ask.

Dim 24 Mar 2019 - 0:30



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      Bon, premier point positif, elle n’apprendrait pas à voler aujourd’hui. Nigel aurait très bien put la virer de l’entrée par la force, mais il n’en fit rien, restant planté là devant elle. Point positif numéro deux, il était clairement agacé par son comportement MAIS pas au point de lui hurler dessus ou de lever la main sur elle. Hannah se sentait déjà très soulagée par ces deux points et sentit son courage et sa confiance en elle gonfler dans sa poitrine, mais pas trop quand même. Elle restait méfiante sur les réactions que l’homme pourrait avoir. Elle frissonna lorsqu’il planta à nouveaux ses yeux sombres sur elle. Trop sombre à son goût, un regard qui ne lui semblait pas naturel et qu’il arborait pourtant depuis son arrivée ici, voir même bien avant. En voyant la réaction des autres, son problème devait dater d’un petit moment déjà. Quelque chose s’était clairement passée dans la vie de l’homme qui le tirait chaque jour vers le fond. Hannah ne savait rien, personne n’avait voulu lui raconter ce qu’il se passait, mais il fallait être idiot pour ne pas comprendre ça. Les regards, les silences, les réactions de Nigel, son visage marqué par le manque de sommeil et la peine. L’homme sembla hésiter à sa question, mais sembla finalement la respecter un minimum en lui évitant du baratin. A être honnête avec elle, il évitait bien des emmerdes croyez moi.

       Alors oui, Hannah se mêlait peut-être de ce qui ne la concernait pas. Oui, Nigel n’avait pas à se justifier. Mais en fait non pas du tout ! Indirectement, sans n’avoir rien demandé à personne, elle était belle et bien concernée dans l’histoire car il l’évitait elle et pas un autre. Donc c’était bien sa personne qui posait problème. Quelque chose chez elle avait un lien avec ce qu’il lui était arrivé, quelque chose qui ne l’aidait pas à remonter à la surface, s’enfonçant au contraire d’avantage, s’isolant de plus en plus en la fuyant. Alors si, il avait à se justifier envers elle, car c’était elle le problème. Car visiblement, à cause d’elle, il s’enfonçait, et s’il finissait par abandonner, Hannah aurait ça sur la conscience sans savoir pourquoi. Elle s’en voudrait de ne pas avoir essayé de comprendre s’il décidait de faire une connerie, si c’était à cause de sa présence qui lui rappelait quelque chose de trop triste pour vivre avec. Qu’il ne lui sorte pas son discours comme quoi elle n’était pas fautive. Indirectement, il l’avait mêlait à tout ça, et Hannah avait le droit de savoir ce qui clochait avec elle, du moins pensait-elle qu’elle avait le droit d’exiger ce droit -ça fait beaucoup de droit tout ça-.

       Hannah durcit son visage, contractant les muscles de ses bras pour montrer qu’elle ne lâcherait pas l’affaire. Elle n’était pas ce genre de femme à tourner le dos aussi facilement lorsqu’il y avait bel et bien anguille sous roche. Il ne voulait pas l’impliquer ? C’était trop tard. Elle ne lui demandait pas de changer d’attitude, mais de lui parler juste assez pour trouver une solution. Hannah refusait que cette situation continue sans en savoir un minimum. Ce n’était pas ses affaires et en même temps elle avait le droit de savoir, puisqu’il la mêlait sans son consentement.

       « Non. »

       Un non catégorique qui montrait bien que cette réponse ne lui convenait pas du tout, que c’était juste du blabla pour la rassurer mais qui ne réglait en rien le problème. Alors oui, d’autres en entendant que ce n’était pas de leur faute dirait « ok ça me va » et retournerait à leurs occupations, rassurés. Mais pas Hannah. Elle n’était pas ce genre de femme à tourner le dos alors que clairement, l’homme s’éloignait de plus en plus des siens depuis qu’elle vivait dans son camping-car alors qu’il semblait avoir visiblement besoin d’aide et de soutien. S’il y avait un problème, elle voulait savoir, voir si elle pourrait faire quelque chose pour moins le déranger même si ce n’était pas de sa faute. Car ses fuites sont belles et biens de sa faute sans le vouloir. Pas la peine d’insister, Hannah ne lâcherait pas l’affaire. Les choses ne se passeraient pas aussi facilement que dans un livre.

       Hannah l’observa plus en détail. Derrière son visage marqué, il semblait être plutôt un homme doux. C’était bizarre à dire, mais il n’avait pas le profil d’un homme dépressif ou sombre, sec, cassant, froid, solitaire, agressif, à ne jamais sourire. Non, derrière les tâches noires qui cernaient ses yeux, son teint d’une pâleur maladive,  sa barbe mal entretenue de quelques jours et ses cheveux en bataille montrant une absence de soin de soi, Hannah pouvait observer un tout autre profil. Les pattes d’oie au coin des yeux, les plis au coin de la bouche, des petits détails qui racontaient plutôt l’histoire d’un homme qui avait le naturel de sourire à la vie. Mais ce monde là les avaient tous changer, ils avaient tous perdu des proches, fait des choses horribles pour survivre, et chacun y survivait à sa manière. De ce qu’Hannah avait observé de sa fenêtre des serres, c’est que tout le monde semblaient le laisser tranquille, n’osant pas trop lui parler. Le résultat n’était pas très convainquant : l’homme semblait s’enfonçait dans un gouffre sans savoir comment remonter. Alors puisqu’ils n’étaient pas en bon terme, ni en mauvais en fait, juste de l’indifférence, Hannah allait oser une autre approche. Elle allait essayer de le pousser dans ses retranchements. Puisque la douceur de ses amis ne fonctionnait pas, Hannah allait le pousser à bout pour qu’il crache ce caillot qui grossissait en lui et lui comprimait peu à peu la poitrine, l’empêchant de respirer et de se relever. Tactique risquée qui pouvait tourner mal autant pour elle que pour lui, mais il semblait être bloqué dans un tourbillon sans savoir à quoi s’accrocher. Hannah n’était pas bavarde, et justement elle savait de ce fait que se murer dans le silence n’était pas une bonne chose. Lorsqu’Ethan lui avait fait cracher le morceau sur le pourquoi elle les fuyait au début, elle s’était sentit beaucoup mieux par la suite, s’entendait mieux avec les autres, même si elle ne referait pas ça de si tôt de parler comme ça à cœur ouvert. Ça restait un moment très gênant pour elle. Quoi qu’elle allait peut-être devoir le faire avec Nigel.

       Hannah gonfla sa poitrine et commença à parler d’une voix dure, s’approchant de lui à chaque paroles tout en veillant à ce qu’il n’en profite pas pour filer, car elle le suivrait. De toute façon il ne le pourrait pas, Hannah se tenant aux meubles pour ne pas trop appuyer sur sa cheville, sur la pointe des pieds sur sa jambe blessée. La bombe était lancé.  

       «  Tu sais quoi ? Fais ce que tu veux, planques toi si tu veux, continues de fuir si ça te chante, mais me sort pas tes conneries comme quoi t’as rien contre moi, car il y a clairement un problème avec moi. Trouves ça gonflé de ma part si tu veux, mais j’ai le droit de savoir qu’elle est ton problème avec moi. Tu peux t’en prendre qu’à toi même de m’avoir impliqué sans mon consentement dans ton obscure problème. Tu sais quoi ? Je sais pas c’est quoi ton soucis, mais clairement, ça te bouffe, faut pas être stupide pour pas le comprendre, et ça bouffe les autres. J’te demande pas de me raconter ta vie, on se connaît pas, mais tu me dois bien de me dire au moins ce qui te reviens pas chez moi. Car désolé de te l’apprendre, mais je suis pas de ceux que l’on rassure d’un simple « t’es pas fautive » ok ?Et tu peux me croire quand je te dis que de te murer dans le silence, c’est pas une solution, bien au contraire, ça ne fera qu’empirer. »


       Elle avait fini en pointant un doigt sur la poitrine de Nigel, le regard sévère, légèrement énervée au fond d’elle de l’attitude de l’homme. Le but du jeu était de paraître agressive, insolente, utilisant certains mots pour le faire tiquer dans son égo, tout pour l’énerver en espérant dans la lancé qu’il vide enfin son sac, bien qu’elle avait plutôt l’impression d’être un chihuahua inoffensif qui s’égosillait inutilement et ridiculement. C’était vraiment pas son truc de traiter verbalement avec d’autres vivants. Elle était très mal à l’aise et maladroite. Mais ce qu’elle savait, c’est que s’isoler, ne pas en parler, c’était mauvais, quel que soit le problème. Elle n’était pas son amie, mais s’il fallait ça, qu’une inconnue pénètre violemment dans sa vie pour qu’il sorte de sa coquille, de son isolement, alors elle jouerait le mauvais rôle. En espérant ne pas aller trop loin. C’était compliqué et délicat comme tactique quand on ignorait quel était le problème et quand on ignorait tout de l’homme et surtout comment il réagirait. Mais si l’homme le prenait comme ça, alors elle ne lui laisserait pas le choix de parler. Elle pouvait tout de même sentir une pointe d’angoisse en elle tout en continuant de le fixer dans les yeux sans ciller, le bout de son doigt toujours contre son torse dans l’attente d’une réaction.
     



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Re: Don't ask.

Dim 31 Mar 2019 - 16:04


Non. Un simple mot qui suffit à lui arracher un nouveau soupir franchement excédé cette fois. Reposant le livre derrière lui, l'écrivain s'était adossé contre le meuble, croisant les bras en portant son regard vers l'une des fenêtres. « J'ai tout mon temps » lança-t-il afin de bien lui laisser entendre que le forcer à rester ne changerait rien à la donne, elle n'en saurait pas plus et oui, il était prêt à attendre aussi longtemps qu'il le faudrait pour sortir d'ici, quitte à prendre son livre pour lire et faire passer le temps plus vite. Bien sûr, le Mainois aurait simplement pu la prendre par le bras pour la dégager de son chemin, avec sa jambe encore bancale elle n'aurait pas pu le suivre bien longtemps. Mais non. Parce-qu'il le savait : la colère qu'il gardait en lui -orientée tant sur le monde entier que sur sa propre personne- pouvait être dangereuse, bien trop. Il pourrait complètement vriller, comme c'était arrivé peu après la mort de sa sœur, il pourrait perdre le contrôle et cette option n'était pas acceptable, pas alors que la brune en face de lui faisait désormais partie de ce groupe. Alors il tâchait de garder son calme, préférant l'ignorer plutôt que de nourrir cette rage en lui.

Poings serrés, bras croisés, le trentenaire inspirait profondément, expirant tout aussi lentement, avant de percevoir le mouvement de la jeune femme du coin de l’œil. Par automatisme il reporta ses prunelles sombres sur elle, fronçant les sourcils en la voyant s'approcher. Qu'il fasse ce qu'il voulait ? Oh il aimerait bien oui, mais elle était là à l'empêcher de mettre de la distance entre lui et ses souvenirs. L'hôpital qui se foutait de la charité, réellement. Il l'écoutait cependant, ne bougeant pas d'un pouce alors qu'elle avançait toujours, se tenant aux meubles en claudiquant. Son attitude se répercutait sur les autres ? Sans doute oui, mais à aucun moment il ne leur avait demandé de porter son deuil. Peut-être était-il égoïste d'agir de la sorte, de se fermer, devenir l'ombre de soi-même, mais y avait-il seulement une personne dans ce foutu cauchemar qui parvenait à poursuivre sa vie comme si de rien n'était après une telle perte ? Il en doutait sérieusement. Mais il n'était pas pour autant indifférent à cette inquiétude qu'il faisait naître chez les siens, ceux qui représentaient désormais sa seule famille. Il n'y était pas indifférent non, et avait même envisagé de partir pour qu'ils puissent évoluer sans avoir à se traîner chaque jour son fantôme mais ça non plus, il n'y arrivait pas. Parce-que s'il se coupait des seuls repères qu'il lui restaient, il perdrait pied pour de bon. Cependant, qui s'en soucierait encore lorsqu'il ne serait plus dans leurs vies ? Peut-être serait-ce la seule solution après tout, pour les préserver eux.

La brune termina sa morale d'un doigt sur son torse. Sans ciller, Nigel ne quittait pas son regard du sien, c'était presque à se demander lequel des deux était le plus mauvais, exprimait le plus de colère. Mais l'écrivain, derrière cette colère, portait également le poids d'une peine qu'il n'acceptait pas de ressentir, d'avoir à vivre, et en ce sens, il n'avait en effet aucun compte à lui rendre. Parce-que sa peine ne la concernait pas. Décroisant les bras, il leva une main pour attraper son poignet et écarter ce doigt de son torse. Malgré sa poigne ferme, il n'avait pas été brusque, prenant sur lui pour ne pas se laisser aller à cette rage. « En effet, on ne se connaît pas » commença-t-il en relâchant le poignet de la jeune femme, prunelles sombres toujours posées sur elle. « Donne moi une seule bonne raison de te parler de ce qui ne va pas, hormis le fait que tu te sentes blessée dans ton amour propre parce-que je ne fais pas l'effort d'aller vers toi ? Ça te vexe ? Et alors ? Pourquoi porter de l'attention à ce que peut penser une personne qui est un inconnu pour toi ? » Parce-que c'était bien ce qu'ils étaient pas vrai ? Des inconnus qui vivaient sous le même toit, se côtoyaient sans s'adresser la parole, comme s'ils évoluaient dans un même monde mais en parallèle, sans jamais se croiser réellement.

Se passant une main sur le visage en soupirant à nouveau, Nigel recroisa ses bras. Signe de protection en apparence. La réalité était surtout qu'il essayait de contenir la colère qui grondait en lui, celle née du poids du deuil, de la réaction de la brune en face, et d'un tas d'autres choses qu'il ne parvenait pas beaucoup plus à gérer. « Arrête de croire que le monde tourne autour de toi, tu n'es pas le centre du problème. Mais puisque tu as envie de me faire une leçon de morale je t'en prie, dis moi en quoi lâcher le morceau plutôt que de garder le silence aidera à quoi que ce soit. » Il la défiait clairement du regard, et nul doute qu'elle pourrait y voir cette rage latente qui assombrissait d'avantage ses prunelles. Elle parlait en connaissance de cause en avançant que se murer dans le silence ne faisait qu'empirer les choses ? Bien, qu'elle parle dans ce cas, pour qu'il puisse lui prouver que non, discuter de ce qui n'allait pas ne changerait rien. Ça n'effacerait pas ses erreurs, ça ne lui ramènerait pas sa Hannah.
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Re: Don't ask.

Lun 1 Avr 2019 - 21:26



Don't ask.









     Hannah ne se découragea pas devant l’attitude de Nigel. Il pouvait toujours essayer de l’ignorer comme un enfant qui dirait simplement « si je ne te vois pas tu ne me vois pas », regardant ailleurs comme-ci effectivement elle allait disparaître, mais elle ne pouvait pas reculer maintenant. Elle avait donc lancé son attaque, pointant son doigt sur son torse à la fin. Hannah ignorait qu’elle réaction elle allait obtenir, mais n’importe la quelle pour qu’il s’ouvre enfin un peu. Elle semblait l’atteindre, d’une manière ou d’une autre, mais n’en montra rien sur le coup, bien qu’elle ressentait son agacement. Regard contre regard, aucun des deux ne cilla. Puis, il lui attrapa son poignet pour qu’elle éloigne ce doigt de son torse. Hannah eut juste le temps de se rattraper avant qu’il ne la lache. Il n’avait pas était brusque, ne lui avait pas fait mal, mais Hannah se sentait très instable sur sa seule jambe valide et avec les émotions fortes qu’elle ressentait, elle n’en était que plus maladroite. Puis Nigel parla, se dévoilant légèrement sans le savoir.

       « Donne moi une seule bonne raison de te parler de ce qui ne va pas, hormis le fait que tu te sentes blessée dans ton amour propre parce-que je ne fais pas l'effort d'aller vers toi ? Ça te vexe ? Et alors ? Pourquoi porter de l'attention à ce que peut penser une personne qui est un inconnu pour toi ? »

      Il avait choisi d’attaquer en pensant toucher son égo, sauf qu’il ignorait encore la façon de penser d’Hannah. C’était peut-être stupide et difficile à concevoir, mais elle se souciait facilement des autres. Et même s’ils ne se connaissaient pas vraiment, dans ce monde où les bons vivants se faisaient rares, qu’il le veuille ou non, Nigel faisait parti de cette famille dont elle avait l’impression de faire de plus en plus partit. Hannah le regarda un instant en silence avant de secouer sa tête lentement en émettant un léger rire qui pourtant ne reflétait aucun amusement. Plutôt de la tristesse, de la peine, comme-ci ce qu’il venait de dire ne l’atteignait pas comme il l’aurait voulu. Elle le fixa à nouveau, son regard dénué de colère. Elle avait retrouvé son calme et le regardait avec douceur, parlant d’une voix calme et posée, sincère.

       «  Tu fais parti de ma famille maintenant. »


       Hannah ne chercha même pas à le contredire dans ses paroles tellement elle ne se sentait pas concernée. Elle se moquait bien qu’il l’ignore elle, mais il allait mal, et sa famille s’inquiétait pour lui. Hannah s’inquiétait pour lui. Bien qu’il était encore trop tôt pour elle pour prendre une décision définitive, elle venait d’avouer à Nigel ce qu’elle-même n’arrivait pas facilement à s’avouer. Recovery Grove était devenu sa nouvelle famille, qu’elle reste ou non. Elle s’était attachée à eux et devrait faire avec à présent. Au fil des jours, elle se rendait compte comme ces personnes étaient des gens biens et attachants à protéger du monde extérieur. Ils étaient rares et précieux, le pourquoi ils se battaient aujourd’hui, pour conserver ce qu’était Recovery Grove. Hannah ne dit rien de plus, car il n’y avait rien de plus à dire. Qu’il l’accepte ou non, Nigel faisait parti de ceux qu’elle voulait protéger aujourd’hui, et comprenait également de lui-même. C’était peut-être simple comme façon de penser, mais Hannah était simple et pour elle, et bien s’était suffisant pour se soucier du solitaire en peine.

       Nigel fini par soupirer, se frottant le visage comme pour se calmer. Il était visiblement sur la défensive avec elle. Il n’avait pas peur d’elle, mais plutôt de la bombe en lui sous pression prête à exploser. Et c’était bien ça qu’Hannah essayait d’atteindre. Son instabilité mentale était visible. Hannah fut un peu peiné par ses mots. Non parce qu’elle se sentait touchée personnellement, elle ne l’était pas, elle savait que le monde ne tournait pas autour d’elle. S’était stupide comme pensée, elle n’était que la sauvageonne. Même si les autres s’attachaient peu à peu à elle et vice versa, il était encore trop tôt. Leur lien était trop récent, trop fragile. Elle était encore une inconnue il y a peu, ils ne partageaient pas de lien fort, et c’était normal, le temps ferait les choses. Elle pourrait partir demain, ils s’en remettraient vite. Mais lui, Nigel, était important pour les autres qui iraient le chercher sans hésiter dehors pour le ramener, quitte à se mettre en danger. Hannah eut un sourire triste en le regardant. Oui, elle n’était plus le centre du monde de personne, mais lui avait des amis qui attendaient qu’il remonte la pente.

       «  Non, tu as raison. Je ne suis le centre du monde de personne. Mais toi, tu es important. Des personnes t’aiment et tiennent à toi. »

       Vous savez, Hannah n’est pas idiote, du moins son sens de l’observation lui faisait comprendre à force certaines choses. Bien qu’elle n’en avait pas la preuve, elle se doutait du pourquoi du comportement de Nigel. Les théories étaient plutôt réduites car ce qui détruisait un homme aujourd’hui, ce n’était pas de voir sa maison brûler, de se faire voler sa bagnole ou son porte feuille ou de perdre son emploi et de ne plus pouvoir payer ses factures. Non, ce qui touchait aujourd’hui le coeur d’un homme, c’était la trahison ou la perte d’un être cher. Soit il a été trahit et repoussait alors le monde. Soit il avait perdu quelqu’un de très proche. Disparu dans la nature ou parti pour toujours. Chacun avait sa manière de vivre une perte. Au début, les choses furent si rapides qu’ils ne purent y penser. La pilule était passée rapidement au nom de la survie. Certains préféraient abandonner. D’autres comme Hannah préférait fuir mais on ne pouvait le faire indéfiniment et les morts vous rattrapaient toujours. D’autres s’isolaient, comme Nigel, sans trop savoir comment surmonter la chose. Ils avaient tous perdu des proches. Mais elle n’en était qu’aux suppositions, elle ne pouvait rien affirmer à haute voix. Hannah soupira, se reculant légèrement en rompant le contact, regardant par terre, le regard plus dur, les bras croisés. A son tour d’être sur la défensive, elle allait faire un effort monumentale qu’elle avait déjà fait avec Ethan et Luisa. Elle allait s’ouvrir un peu à un « étranger ».

      «  Je te trouves égoiste. Toi, t’as encore des personnes qui tiennent à toi. Tu sais, on a tous perdu dans l’histoire. Nos maisons, nos vies, des proches. Lorsque les morts se sont mis à marcher et à dévorer les vivants, j’ai perdu la dernière personne qui comptait à mes yeux et pour qui je comptais. »

       Hannah haussa des épaules, mais on voyait bien à son froncement de sourcil que c’était un sujet qu’elle n’avait pas encore digéré. Mais hors de question que Nigel se mette à penser qu’elle cherchait de la pitié où elle lui foutrait son poing dans la figure. Ils avaient tous le même vécu aujourd’hui, à quelques détails prêt.

       « Sur le coup, j’ai pas eu le temps de me focaliser dessus, fallait survivre. J’ai croisé un groupe, je me suis liée à eux, et à nouveaux, j’ai tout perdu. »


       Hannah haussa des épaules à nouveau, comme-ci tout ceci ne la touchait pas, ou plus, mais ce n’était qu’une façade. Elle n’attendait rien de Nigel, elle voulait juste lui expliquer quelque chose, lui faire comprendre ce qu’il perdait à se morfonde dans son coin.

      « J’ai décidé de vivre seule, de me débrouiller seule, de ne plus m’attacher à personne. Mais tu sais quoi ? C’est pas une vie. On pense pouvoir fuir la douleur, mais ce n’est pas le cas. On y pense, chaque jour. La douleur ne part pas, elle empire. A se voit que quelque chose te fait souffrir, mais ne pense pas que la douleur sera moins forte en t’isolant. Alors je ne dis pas qu’on y pense moins quand on vit en groupe, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais la douleur s’efface peu à peu avec ceux qu’on aime et qui sont toujours là. Tu as cette chance d’avoir des gens qui t’aiment et qui t’attendent. Ca peut te sembler insurmontable, et je sais pas exactement ce qui te bouffe, mais seul, tu n’y arriveras pas. Avec eux, si. »

       Elle releva son regard vers lui, décroisant ses bras en faisant un pas boiteux dans sa direction.

      «  Nigel, le temps ne cesse pas de s’écouler. Si tu continues à te focaliser sur le passé, le présent va te filer sous les doigts. Tu finiras par perdre l’essentiel, par perdre ceux que tu aimes et qui sont encore là pour toi. Ils t’attendent, mais le temps passe, et tu ne pourras pas rattraper le temps perdu. Tu ne feras qu’accroisser la douleur. »

      Son regard semblait le supplier de se reprendre, quel que soit le problème. Elle ignorait qu’il avait perdu sa sœur qui avait son prénom, mais ils avaient tous perdu un parent, un frère, une sœur, un mari, un enfant… et pourtant la vie continuait. Après tout, le petit de Frankie portait le nom de son grand-père, son père d’adoption, celui qui l’avait élevé et qui avait essayé de la dévorer avant de tomber définitivement dans les limbes. Hannah soupira. Elle se semblait si lasse d’un coup. Après tout, il avait raison, ils ne se connaissaient pas. Ce n’était pas pour elle qu’elle faisait ça. Mais la vie était si précieuse aujourd’hui. Pouvait-on encore se payer le luxe de s’isoler pour les morts quand la vie pouvait basculer d’une minute à l’autre ? Hannah était certaine que les amis de Nigel l’attendaient, qu’il avait besoin d’eux en retour pour remonter la pente. Mais pendant qu’il continuait à s’isoler, il perdait des moments précieux. Aaron grandissait, les autres continuaient de sortir pour aller chercher du matériel ou des vivres. S’il continuait ainsi, il finira par perdre ces moments là avec ceux encore en vie, il finirait par perde tout ce qu’il avait construit avec ceux qui étaient sa famille aujourd’hui, encore en vie ou non, et il sera seul pour pleurer à la fin. Ils avaient tous perdu quelqu’un, séparés par la mort ou parce que ce monde les changeait et les séparait, mais il fallait continuer de vivre pour ceux qui persistaient et en mémoire de ceux perdu. Ils allaient tous mourir un jour ou l’autre, et ça a toujours été ainsi, mais aujourd’hui le temps semblait plus court, il n’avait plus ce luxe de dire qu’ils avaient le temps. Hannah finit par se reculer, puis se décalla pour laisser l’accès libre. Il pouvait partir, elle avait dit ce qu’elle avait à dire, et tanpis si ses paroles ont été dures à les regretter, tanpis si elle prenait le mauvais rôle et qu’on finnissait par la repousser, mais elle avait hérité du tact d’Aaron et disait les choses franchement, quitte à blesser. Parfois, la douceur ne suffisait pas et un bon coup violent dans les tripes faisaient mieux passer le message. Qu’il fasse ce qu’il veule après tout, même lui hurler dessus d’avoir dit de telles paroles, après tout elle était peut-être allée trop loin sur ce coup là, d’où le pourquoi elle parlait peu, maladroite qu’elle était, mais Frankie, Aaron, Luisa, Ethan, Billy, Adrian, Alainna, et même Marvin et Sunny, eux continuaient de vivre, l’attendaient, à lui de choisir pour qui ils voulaient vivre. Les morts ou les vivants ?

       Les bras croisés, Hannah était appuyée contre la porte d’un placard en contre-plaqué, les yeux clos, la tête légèrement baissée, comme-ci elle se reposait. Oui ce n’était pas ses affaires, mais Nigel avait un tel trésor sous ses mains, elle voulait qu’il se réveil et qu’il profite de ceux qui l’aime tant qu’il le pouvait. Lui avait des personnes qui tenaient à lui, et Hannah n’appréciait pas qu’il gache ça pour elle ne savait quoi réellement. Son grand-père aurait été triste qu’elle s’arrête de vivre pour lui, qu’elle se laisse mourir dans leur ranch.
     



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Re: Don't ask.

Jeu 4 Avr 2019 - 20:37


Tu fais partie de ma famille maintenant. De simples mots qui lui firent froncer les sourcils. Elle les considéraient donc tous comme une famille, en aussi peu de temps. Le Mainois aurait pu en douter mais la brune avait réellement l'air sincère. Cela n'empêchait cependant pas qu'ils soient des inconnus. Parce-qu'on ne choisissait jamais vraiment sa famille pas vrai ? Alors certes, peut-être que la jeune femme avait choisi Frances, Ethan, les autres, mais lui elle ne l'avait pas choisi, il était simplement une partie du packaging, un fantôme qui errait dans ces lieux et qu'il valait mieux ne pas trop ennuyer. Pourtant elle le faisait, là. Elle était venue lui demander des comptes comme si elle avait une quelconque légitimité à le faire, comme si elle se faisait réellement du souci. Avant, s'il avait été à sa place, Nigel aurait sans doute agit d'une manière plus similaire à celle de sa cadette. Il se serait inquiété tout en restant méfiant, aurait souhaité nouer un minimum de contact pour ne pas être considéré comme un paria. Mais il n'était plus le même qu'avant, et envisager de laisser entrer une nouvelle personne dans son cercle tout en sachant qu'elle pourrait lui être arrachée d'une seconde à l'autre était bien au delà de ses forces. Le fait que la concernée porte le même prénom que sa sœur faisant sans doute son poids dans la balance également.

Il avait alors reprit la parole, lui posant une question claire, avant d'attendre la réponse de la brune qui était toujours plantée en face de lui. Il ne retint pas un soupir un peu las à ses premiers mots. Bien sûr qu'il savait qu'il comptait pour les siens, même -surtout- pour Frances avec qui les débuts avaient pourtant été plus que compliqués. Il n'était pas idiot et aveugle au point de ne pas voir qu'il avait son importance ici, qu'il donnait sa voix pour chaque décision, qu'ils assuraient sa sécurité comme il assurait la leur. Il faisait partie de ce groupe, mais le monde était ce qu'il était, tout le monde ne pouvait pas être préservé, même si le concerné n'était pas seul. Aimer quelqu'un ne le ferait pas rester, ne le protégeait pas de tout. Hannah, sa Hannah, s'était sacrifiée pour lui parce-qu'elle l'aimait, et lui ? Lui n'avait eu d'autre choix que de la regarder rendre son dernier souffle, se laisser submerger par cet amour fraternel qui n'avait pourtant pas été suffisant pour la sauver. Alors qu'est-ce que ça pouvait bien valoir, dans ce monde plein de dangers ?

Reportant ses prunelles sur elle alors qu'elle reculait enfin un peu, ses mots lui firent à nouveau froncer les sourcils. Égoïste ? Sans doute oui. Pourtant, ça ne l'empêchait pas de compatir à la perte de sa cadette. Il comprenait parfaitement ce que ça faisait, pour la simple qu'il avait perdu celle qui le rattachait encore un peu à son passé, qu'elle était morte pour lui. Il ne répondit rien, la laissant simplement poursuivre. Son expression restait relativement fermée, ne laissant ainsi rien entrevoir de ce qu'il ressentait. Avec Hannah aussi ils avaient perdu des compagnons de route, il l'avait perdue elle, avait trouvé Isiah et Frances, perdu Isiah, perdu Hannah. Leur groupe avait grandi depuis, mais le trentenaire ne pouvait oublier ceux qui n'étaient plus à leurs côtés. Cette sœur si précieuse, ce frère de cœur qui lui avait redonné foi en l'humain. Et malgré sa volonté de rester de marbre, ses prunelles s'étaient faites un brin plus triste, le poussant à baisser la tête.

Il le savait oui, que ne plus s'attacher n'était pas une vie, que c'était précisément les liens en les Hommes qui leur permettaient de ne pas perdre pied, et ceux depuis toujours. L'humain avait besoin de cette nourriture si particulière que représentaient ses semblables, il n'était pas fait pour rester seul. Et pourtant l'écrivain s'isolait de plus en plus. Mais personne ne pourrait combler ce vide qu'elle avait laissé, ni même apaiser sa culpabilité, et ceux qui lui répondaient que le temps arrangeait les choses n'était que des abrutis. Au moins, la jeune femme qui lui faisait face avait eu la décence de ne pas appuyer la théorie de ce foutu temps qui passe. Le pas qu'elle fit vers lui lui fit relever la tête et il lui adressait ce même regard, à la fois froid et peiné. Il essayait de ne rien montrer, mais les mots de la brune l'atteignaient directement. Bien sûr qu'il avait déjà pensé à ce qu'elle disait, qu'il savait que le temps filait et qu'il risquait de rater les meilleurs moments mais comment le faire quand une partie de l'essentiel n'était plus de ce monde ?

Alors qu'elle se reculait pour lui libérer le passage, lui ne bougeait toujours pas, bras à nouveau croisés, en prises à une réflexion qui le fatiguait sérieusement. Pourquoi avait-il fallu qu'elle vienne chercher la petite bête ? Remuer le couteau dans la plaie de la sorte ? Pourquoi n'avait-elle pas juste pu l'ignorer pour le laisser dans sa chute ? Tout aurait été plus simple. Mais elle ne le lâcherait pas, et le brun le savait : son attitude se répercutait sur les siens. Avait-il seulement le droit de leur infliger cela ? Hannah comptait pour eux aussi. Frances avait fait tellement pour lui, tous avaient peu à peu pris cette importance à ses yeux, et lui... il se fermait totalement. Il le savait. Mais relever la tête et continuer était bien trop compliqué.

Après quelques minutes, il soupira bruyamment, se détachant du meuble contre lequel il était appuyé. « Suis-moi » lança-t-il sans un mot de plus en se dirigeant vers la porte du camping-car. Une fois dehors et, sans même s'assurer qu'elle le suivait bien, il prit la direction de cet endroit un peu plus loin, à l'orée de la forêt qui menait à la baie. Une minute à peine avant qu'il ne s'arrête devant une croix de bois plantée dans le sol, glissant les mains dans ses poches. Du coin de l’œil, il s'était assuré que la brune arrivait, posant alors son regard sur la stèle improvisée. « C'était ma sœur. C'est arrivé il y a quatre mois et... elle s'appelait Hannah. » Son ton resté relativement neutre contrastait sérieusement avec ses prunelles lourdes d'émotions qu'il gardait fixées en face de lui. Bien plus simple de lui montrer directement plutôt que d'avoir à mettre des mots sur la situation. Elle avait voulu savoir ? Elle savait. Et mieux valait espérer qu'elle s'en contente.
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