C’était dur pour lui de la voir comme ça, de la revoir comme ça. Aussi sauvage qu’aux premiers jours, aussi blessée que quelques mois en arrière. Sauf que cette fois Will savait mieux gérer, il avait pris le temps de la connaître, de la comprendre, de tisser avec Morgan ce lien peut-être encore fragile mais réel. Important. Le blond lui assura une nouvelle fois son soutien avant qu’ils n’entrent tous les deux dans le bâtiment. A la manière de ces maisons laissées à l’abandon pour quelques mois ou plus, tout y était poussiéreux, les  toiles d’araignées et leurs occupantes constituaient la seule vie en ces lieux. Juste une table, une chaise, et un vieux matelas qui n’invitait à rien d’autre qu’à fuir.

Son regard clair détailla chaque élément de la pièce avant de se poser sur l’ancienne barmaid qui se lançait dans une explication concernant l’endroit où ils se trouvaient. Ceux qui voulaient les rejoindre, de gré ou de force finalement. Le californien savait que son groupe n’était pas constitué d’enfants de chœur, chacun avait fait le pire et le meilleur pour survivre, et même si lui-même ne se tournait pas vers le pire, Will avait conscience qu’il était parfait nécessaire. Il ne jugeait pas, se contentait d’être là pour ces personnes qui l’avaient accueilli et étaient devenues ce qui ressemblait le plus à une famille pour lui. Février 2017, à vue de nez, plus de deux ans donc qu’elle avait retrouvé Zack, pour le perdre à nouveau. « C’est une seconde nature chez toi … » souffla-t-il avec un sourire, légèrement moqueur, mais qui visait surtout à détendre l’atmosphère, après tout elle l’avait effectivement agressé lui aussi.

Retrouvant le silence, Will la laissa continuer l’explication. Aodhan n’avait pas eu droit au même traitement de faveur qu’elle, ce monde n’avait clairement pas aboli les rares privilèges de l’ancien monde. Et à bien l’écouter, il avait eu pas mal de chance de son côté, son arrivée c’était fait avec plus de calme, grosso modo. « J’ai eu de la chance donc ? C’était … votre mode de fonctionnement ou Aodhan avait été vraiment chiant ? » Pour mériter ça, il avait dû être sacrément chiant ou agressif. Ou alors ils fonctionnaient ainsi et s’étaient adoucis après leur arrivée à Renton où lui les avait rencontré et rejoint ? Allez savoir.

Un bruit à l’extérieur attira son attention. « J’vais voir ce que c’est, reste ici. » C’était loin d’être un ordre, Morgan saurait se gérer toute seule, mais autant qu’ils se séparent pour inspecter comme tout avait l’air plutôt calme. Elle connaissait les lieux donc elle aurait rapidement fait le tour de ce bâtiment, le plus long – et le plus pénible pour elle – serait sans doute d’aller faire le tour des maisons. Le blond récupéra son couteau pour repasser la porte vers l’extérieur, fronçant les sourcils en remarquant deux rôdeurs qui trainaient la patte jusqu’à eux. Ils avaient dû suivre le bruit du moteur, le bruit de leur passage ici tout simplement. L’un des deux s’était coincé dans l’ancienne clôture, l’autre avançait en trainant un reste de chaine métallique à sa cheville. Ce pauvre type avait dû passer un mauvais quart d’heure, et il n’avait pas l’air si vieux que ça.

Will avança dans sa direction, le repoussant d’un coup de pied dans le genou gauche. Un craquement sinistre et le rôdeur s’affalait au sol, tendant tristement ses bras vers le blond qui l’acheva d’un geste rapide. Fringues plutôt en bon état, teint livide mais pas encore décomposé. Ce type était mort peu de temps avant de se mettre à les suivre comme une groupie suivrait sa star préférée. Par acquis de conscience, le californien alla achever celui qui s’était coincé dans la clôture, bien plus ancien, ça le rassurait. Will reprit la direction du phare et poussa la porte. « Morgan ? » appela-t-il avant de reprendre. « J’pense qu’on est pas seuls dans le coin, faudra pas trop trainer ici. On fait le tour, on cherche ce qu’on peut et on continue. » Comme ils avaient fait dans chaque maison près de leur camp.