« Tu sais que je vais revenir, encore et encore jusqu’à ce que tu cèdes ? T’en as conscience, hm ? » Elena lui offrit une moue qui voulait dire « et oui mon grand, je sais, ça craint ». Pas de chance pour le garçon, la grecque était du genre particulièrement têtu. Abandonner ne faisait pas vraiment parti de son état d’esprit, et qu’il le veuille ou non, le remettre sur pieds était un de ses objectifs. Elle savait bien que le camp était plutôt scindé sur le sujet, sans franchement comprendre pourquoi. Il y avait ceux qui regardaient le garçon avec pitié, qui compatissaient à sa douleur, et d’autres qui semblaient le voir comme une menace. Si Elena pouvait facilement entendre que Serena n’ait pas le courage de venir affronter celui qui avait volé la vie de Jesse, si elle comprenait qu’elle ait besoin de temps, elle ne trouvait pas d’excuses aux autres. Comment juger cet adolescent qui vivait déjà dans la tourmente de sa propre prison mentale ? Comment le blâmer davantage qu’il ne le faisait déjà lui-même ? Pas un jour ne se passerait sans qu’il n’y repense. Pas une nuit ne serait immaculée de cauchemars agités dans lesquels il reproduirait son geste accidentel. Il était condamné à voir dans son reflet, cet assassin, le meurtrier de son frère. « Ce n’est pas juste. » commenta la brune à voix haute, alors révoltée par ce mauvais coup du sort, comme si elle prenait seulement conscience.

C’était injuste oui. Et personne ne méritait d’entrer pareille expérience. Elena soupira doucement alors que Millow refusait les gants. Elle eut un regard un peu désolé pour ces derniers, abîmés par les heures d’entraînements vigoureux. Elle ramena ses bras vers elle, les observant un instant en se remémorant quelques souvenirs du ranch. Leur premier entraînement. Nostalgique, mais pas résignée pour autant, elle se détourna du lit pour aller les poser sur la commode derrière elle. Elle s’éclaircit doucement la gorge avant d’aller s’installer sur le siège face au lit. Elle croisa silencieusement les jambes, ses iris sombres figés sur la silhouette fuselée du jeune Lewis. Elle n’aurait pas parié sur leur lien de famille à première vue. « Je ne vais pas te laisser mourir Millow. Ça tu l’as compris, pas vrai ? » Oui, à en juger par l’expression qu’il tirait -en plus de sa tête déconfite quoi- le brun réalisait qu’elle n’allait pas lui rendre la vie facile. « T’as compris aussi qu’on jetterait pas ta soeur dehors. » Sa pique de la veille c’était surtout pour le faire réagir. Personne ici ne balancerait une gamine à la rue. « Mais c’est pas de nous qu’elle a besoin. Et t’auras beau te répéter le contraire, imaginer que sa vie sera mieux sans toi autour, penser bêtement qu’elle t’en veut, tout ça, c’est des conneries. » Elle haussa les épaules en secouant la tête.

Il nageait dans la culpabilité et en plus de se sentir comme le pire des monstres, il envisageait sûrement que le monde entier lui en voulait aussi. C’était bien loin de la vérité bien sûr.

« C’est ta soeur, ta responsabilité, quoi que tu en dises. Rien ne changera ça. Ce que tu vis… la culpabilité qui te ronge la peau, les cauchemars qui agitent tes nuits… Son visage que tu revois à chaque fois que tu fermes les yeux… ça passera. Ce sera long, mais Ryan, moi et tous les autres, on est là pour t’aider à surmonter ça. » Elle pensait chaque mot qu’elle lui offrait.