Se garder occupée plutôt que de ruminer? C'était l'histoire de sa vie - rien de moins, bordel. Elle avait soufflé du nez à sa réplique, presque surprise de constater qu'il pouvait peut-être la comprendre beaucoup mieux qu'elle ne le pensait. Aussi, May n'avait pu s'empêcher de sourire, quelques secondes plus tard, quand Vaughn avait affirmé - de façon très crédible - qu'il était touché de sa proposition. Et puis quoi encore. Enfin, il semblait accepter sa suggestion, du moins, puisqu'il quittait déjà la pièce en lui faisant signe de le suivre. La blonde n'allait pas se faire prier, d'ailleurs. Elle marchait déjà derrière lui, pressée de répondre à sa question qui laissait clairement transparaître qu'il doutait un brin de ses capacités.

« J'travaillais à l'identité judiciaire. Alors t'as pas tort, en fait. C'est vraiment que quelques bases. Et la plupart du temps j'aimais mieux bosser avec les cadavres qu'avec les vivants, pour être honnête. » Trop d'informations? Peut-être. Mais il devait commencer à comprendre qu'elle avait plus ou moins de filtre. Elle hocha la tête à la suite de ses paroles, avant d'ajouter quelques spécifications. « Le coroner a toujours beaucoup de choses à dire, suffit d'écouter pour apprendre. » ajouta-t-elle avec un demi-sourire.

Mais il s'arrêta d'un coup sec, lui demandant ensuite si elle était vraisemblablement capable de bosser ici, dans cet endroit où elle avait dû panser tellement de plaies. Elle n'avait fait que rire nerveusement. « Eh bien, je connais déjà tout le monde ici, c'est pas chouette ça? M'dit pas que c'est pas une valeur ajoutée à mon C.V. » Un vrai sac à blagues. Dans tous les cas, Cendrillon avait pressé le pas, ne souhaitant pas s'étendre davantage sur le sujet. Ce n'est qu'à la fin du couloir qu'elle s'arrêta de nouveau, après réflexion. C'était cmme si cette fois, elle avait envie de se justifier, de se prouver quelque chose. « J'peux pas non plus avoir peur du dispensaire toute ma putain de vie. » C'était une affirmation, mais la blonde donnait plutôt l'impression de poser une question, attendant presque son approbation. Qu'on lui confirme que de craindre ce stupide dispensaire était complètement irrationnel. Que cet endroit ne voulait rien dire, qu'il ne dictait ni ses souvenirs, ni son existence, merde. Enfin, être rationnel n'avait jamais trop été son truc, de toute façon. Il ne fallait pas se leurrer.

« J'ai une réputation à maintenir, d'toute façon. » ajouta-t-elle en déconnant une fois de plus. La seule réputation qu'elle avait réussi à se faire, Vaughn la connaissait déjà. Et la plupart des habitants de Fort Ward aussi. Mais peu importait, elle ne voulait simplement pas passer pour celle qui aurait éternellement peur de tout - même si elle l'était; terrorisée.

Une fois à destination, elle jouait un peu avec les différents appareils, n'ayant aucune idée de leur fonctionnement. Mieux valait ne pas trop y toucher, donc. Elle reprit ensuite, se retournant pour lui faire face en plantant son regard clair dans le sien. « Toi, tu t'occupes ici plutôt qu'ailleurs... Pourquoi? » Si lui n'avait pas peur de dire les choses telles qu'elles étaient, et sans velours, Liv n'avait pas peur de poser des questions, de toute évidence. Ce n'était ni pour le provoquer, ni pour le fâcher, au contraire. Winchester ne la jugeait pas, ne la pressait pas, et semblait tellement calme, voir imperturbable, qu'il en invitait involontairement la princesse à se livrer un brin, visiblement. Il la fascinait presque, au final. Normal de vouloir poser des questions.  

Écoutant les explications de la blonde, Vaughn n'avait pu s'empêcher de rire brièvement quand elle affirmait qu'elle aimait mieux avoir affaire aux morts qu'aux vivants, avant. « On est deux » avait-il simplement rétorqué sur ce point, se gardant bien de revenir sur ses quelques bases. Ce serait toujours mieux que rien au vu des circonstances et un peu d'aide ne serait assurément pas de trop. Arquant un sourcil sur la suite, presque étonné de la voir parler tant d'un seul coup, une nouvelle réalité lui vint en mémoire : cet endroit était néfaste pour elle, bien trop porteur de mauvais souvenirs et de démons qu'elle cherchait peut-être à éviter. Était-ce seulement une bonne idée de la faire bosser là ? Ou peut-être que, justement, elle avait besoin d'affronter tout ça une bonne fois pour toute afin de passer le cap, faire de sa faiblesse une force. Il lui posait directement cette question, l'esquisse d'un sourire filant sur ses lèvres à la réponse bien qu'il ne prit pas la peine de rajouter quelque chose. C'était sa décision à elle, si elle s'en sentait capable alors soit, il n'allait pas jouer au psy pour être certain qu'elle ne craquerait pas dans l'heure.

Ils avaient repris leur avancée quand la jeune femme s'arrêta, reportant sur elle l'attention du quarantenaire. Et ses mots le poussèrent à hocher la tête, expirant un simple « ouais » approbateur. Peu de personnes parvenaient à réellement contrer leurs craintes, peu également avaient la chance de pouvoir les affronter de la sorte, alors puisqu'elle l'avait autant qu'elle se donne toutes les cartes en main pour avancer sans plus craindre ce qui viendrait dans son dos. Pour autant, le thanato n'avait en rien l'idée de la brusquer. S'il n'était clairement pas le plus compatissant en temps normal, il ne comprenait que trop bien ce que représentait la perte d'un enfant pour ne pas prendre le mal de Goldenberg à la légère. Et elle avait une réputation à tenir. A nouveau le plus âgé secouait la tête en se remettant à avancer, malgré tout assez rassuré qu'elle n'ait pas encore pété un plomb pour l'instant. Si elle trouvait le moyen de plaisanter c'était qu'elle arrivait à gérer pas vrai ? Ou, au contraire, qu'elle se sentait couler et qu'elle masquait ce fait sous une dose de connerie. Et lorsque quelqu'un s'en rendrait compte elle serait déjà bien trop brisée, à l'intérieur. Il n'irait cependant pas jusqu'à s'aventurer là, ce n'était pas à lui de s'en charger, même s'il avait bien l'intention de garder un œil sur elle le temps de sa présence ici.

Arrivé dans la réserve, Vaughn s'attelait à récupérer le matériel dont ils auraient besoin avant de se tourner, se trouvant face à la jeune femme apparemment curieuse. Au fond ça ne l'était pas, il en savait bien plus sur elle qu'elle sur lui, à dire vrai, le brun en savait plus sur tout le monde alors que l'inverse n'était pas vrai. Lui ne parlait pas, il restait discret sur son passé, sur ce qu'il avait perdu, bien que certaines personnes avaient été à même de supposer la source de certains de ses silences. Mais il s'assurait toujours de rester relativement distant avec ses pairs, hormis Quinn qui avait su passer outre cette carapace. Et en un sens, il estimait également plus May que certains autres habitants de l'île, sans doute à cause de ce par quoi elle était passée. Après quelques secondes de réflexion, il inspirait. « Parce-que si je m'occupais en cuisine tout l'monde finirait intoxiqué ? » A son tour de faire des vannes pourries, de faire comme s'il n'avait pas compris le fond de sa question.

Refilant les gants et le masque qu'il avait en main à la blonde, il la contourna pour chercher le reste du matériel dont ils auraient besoin, soupirant doucement. « On a tous des traumatismes à gérer, et parfois c'est plus simple d'les laisser dans un coin plutôt que de trop s'y attarder » ajoutait-il avec plus de franchise cette fois, se gardant toutefois bien d'en dire trop, tant parce-que le dire faisait trop mal que parce-qu'exposer une telle faiblesse ne lui convenait pas. Sûr qu'il aurait pu lui dire qu'il comprenait son mal à elle, qu'il savait, mais il n'avait pas l'intention de faire une sorte de course à la douleur ni quoi que ce soit de ce goût là en comparant leurs vécus même s'ils portaient des similitudes. Se tournant vers elle, bien conscient que sa curiosité ne serait pas étouffée de la sorte, il lui filait ce qu'il avait pris sur les étagère. « Peut-être qu'un jour on en parlera, mais pour l'instant tu vas devoir te contenter de ça. » Et il n'en démordrait pas. Il n'avait aucun compte à lui rendre et si en effet un jour il venait à lui parler de son passé, ce ne serait pas pour lui faire plaisir ni même satisfaire sa petite curiosité. « Allez on s'y met. » Sur ces mots il ressortait de la pièce, expliquant à sa cadette qu'il fallait faire un tour des malades pour s'assurer que leur état ne s'était pas dégradé.