Cole ! Ce fut avec enthousiasme que Casey lui ouvrit la porte. Elle laissa Esther quelques secondes dans son couffin, gagnant la poignée pour l’ouvrir à la volée. Rendez-vous était pris depuis un moment avec le blond, pour une après-midi jeu-vidéo en sa compagnie. Un petit rituel qui aidait beaucoup les deux grands enfants qu’ils étaient dans les moments comme celui-ci. Son sourire fut donc sincère, en adéquation avec celui qu’il lui offrait : Ooooh cool ! Fit-elle en récupérant le doudou.

Pâle comme un linge, Casey ne tarda pas à faire place à l’homme pour qu’il fasse comme chez lui. Il commençait à avoir l’habitude de venir la visiter, d’autant plus que ses journées là devenaient plus ou moins régulières à cause du vaccin. Il aurait pu être d’ailleurs le quatrième colocataire de la maison sans que cela ne soit vraiment étonnant. Parfois, Casey songeait au fait que c’était dommage qu’il y ait si peu de place ici, et qu’ils soient déjà serrés dans leurs chambres.

Retrouvant Esther, elle se mit à son niveau. Sa fille s’agita en voyant ce qu’elle tenait entre les mains, un grand sourire prit place sur ses petites lèvres, ses yeux s’éclairèrent de curiosité et de joie :

T’as vu, il est beau hein ! Commenta Casey d’une petite voix aigue en montrant la peluche à sa fille : Oui c’est pour toi ! Ajouta-t-elle lorsqu’Esther l’attrapa dans ses petites mains malhabiles. Fais comme chez toi ! Fit-elle avec un sourire à son tour en relevant le nez vers Cole.

Le salon était en désordre : au sol, trainé deux consoles qu’elle avait sortie pour l’occasion, sur le canapé, les différents plaids qu’elle utilisait pour se réchauffer, quelques comics sur la table basse et ses gros chaussons pour trainer à l’intérieur. Casey n’était toujours pas au mieux de sa forme, il lui arrivait souvent d’être trop fatiguée pour simplement s’occuper de sa fille. Pour cette raison, la bassine était toujours à disposition, si jamais les nausées la reprenaient à l’occasion.

Ma sœur et les autres sont sortis, Graham est dans le jardin mais au moins si y’a un problème il pourra intervenir, confia-t-elle à Cole. Tu vas mieux toi ? T’as eu droit aux premières chasses ? Demanda-t-elle. Les sœurs Summer avaient eu pas mal de chance, Stanley faisait toujours pression à ce sujet pour qu’elles aient leurs doses. Mais elles se restreignaient pour en laisser aux autres, quand bien même ça leur était difficile parfois. Je savais pas trop à quoi tu voudrais jouer, Eddie a ramener pas mal de RPG la dernière fois, même si ça se fait pas trop à deux, ça pourrait être sympa ! Commenta-t-elle en ramenant couffin et jouet de sa fille vers le canapé où ils purent s’installer.

Ok alors ! Lança-t-elle avec enthousiasme en branchant cette fois la bonne console : Eddie m’a trouvé le premier The Witcher ! Fit-elle fièrement en tendant le boitier à Cole avec un énorme sourire satisfait : On va le faire ensemble !

Elle ne l’avait pas encore fait – à part le trois lorsqu’il était sorti à l’époque sans réussir à aller jusqu’au bout du jeu ! – et était curieuse de connaitre les premiers temps de ce rpg apparemment notable. Eddie n’avait eu de cesse de lui répéter qu’elle allait vraiment s’amuser, surtout que l’univers était sacrément sympathique. Mais la difficulté était rarement bien dosée dans les premiers temps du jeu vidéo, et Cole et Casey risquaient de se prendre la tête sur certains passages.

Tombant finalement à côté de son ami, elle lui confia la manette entre les mains pendant qu’elle tira à elle Esther pour la sortir de son couffin. Ramenant sa fille sur son ventre, elle mordilla amoureusement sa petite main pour la faire rire – et ça n’y manqua pas !

Cependant, les mots de son voisin la tirèrent d’un petit moment de communion avec sa petite, elle lui adressa une grimace de surprise – comme souvent avec Casey, il lui était difficile de ne pas être particulièrement expressive avec quelqu’un, tous ses sentiments s’affichaient sur son visage !

Tu veux dire que t’es vacciné contre rien du tout ? Pourquoi ? Demanda-t-elle alors.

Une mère responsable aurait sûrement davantage fait le rapprochement avec le fait que sa fille n’avait pas encore un système immunitaire totalement poussé. Certes, l’allaitement aidait, mais ne suffisait pas contre certaines maladies. Cole était peut-être porteur sain de quelque chose de dangereux, et un nourrisson n’aurait aucun moyen de s’en prémunir à cet âge. Esther avait cependant l’immunité contre le virus des zombies, c’était déjà quelque chose !

Un soupir lui échappa pendant que Cole faisait les premiers réglages du jeu. Elle scruta l’écran quelques instants et il la remercia de son invitation :

Bah, c’est normal : moi aussi je me fais chier en vrai, j’hésite à trop sortir vu qu’avec les effets secondaires du vaccin, c’est vite une plaie d’y arriver. Et puis, si c’est pour faire un malaise au bout de trois mètres, autant te dire que je préfère le faire dans mon lit ce malaise, commenta-t-elle nerveusement : J’ai pas envie de retourner au dispensaire pour je sais pas combien de temps.

C’était d’ailleurs sa hantise ! Casey était très appliquée sur son repos, justement pour s’éviter de devoir repartir et laisser sa famille ici.

Leurs conneries m’ont déjà empêché de profiter des premiers mois de ma fille, faut qu’ils trouvent une solution rapidement, fit-elle sèchement. Geralt de Riv apparut à l’écran, elle esquissa un sourire : Tu as lu les livres, toi ? s’enquit-elle à son voisin.

Grave mon gars, t’aurais pas aimé la rougeole ou la coqueluche je crois, que je soupire.

Enfin, je dis ça parce que moi, petite, j’ai enchainé les deux apparemment et mes parents ont détesté. Par contre, j’en ai vraiment aucun souvenir et c’est sans doute mieux comme ça. Comme la varicelle par exemple, où on m’a dit que je l’avais fait deux fois ! Le pire c’est que y’a plein de gens qui savent pas qu’on peut la faire plusieurs fois dans une vie, c’est qui importe, c’est plutôt les périodes où on la fait !

J’écoute Cole m’expliquer que sa vie solitaire lui convient bien comme ça, et j’esquisse un sourire. Vrai qu’on a pas forcément les bons exemples, mais je crois que c’est comme tout : on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide dans tous les situations. Moi, j’en sais rien, je me dis déjà que si j’ai un verre vaut mieux que je le finisse avant que quelqu’un boive dedans à ma place. Dans tous les cas, j’ai un petit rire à sa remarque, j’suis peut-être l’une des seules mais faudrait pas qu’il se renferme de trop :

Ouais mais à ce titre, les jeux vidéos et les bouquins montrent aussi que y’a des gens avec qui tu peux être amis, ou alors qui peuvent être loyaux ! Oui, je plaide un peu une cause perdue là, surtout quand ça parle pour Cole : Faut pas voir que le négatif ! Et puis, y’a qui d’autres au camp que t’aime bien ?

Autant voir de ce côté-là, sur les plus de deux cents personnes qui vivent ici, y’en a forcément plus que ça qui compte à ses yeux, pour qui il serait prêt à se battre. Moi, je peux me débrouiller puis je suis ultra bien entourée avec tous les militaires qui dorment à la maison. Un soupir m’échappe, je me redresse un peu :

Dommage que t’ais pas tout ramené alors, Maddie aurait lu autre chose que ses bouquins de philosophe ou d’histoire d’amour, ouais je me plains un peu, faut dire que quand elle me le conseille après, j’ai plutôt tendance à la regarder avec une grimace. Woh, attention au monstre ! Je bondis presque sur Cole pour qu’il fasse mieux ses combinaisons, il finit par s’en sortir de justesse : Tain, le jeu est galère, ta vie a pris trop chère d’un seul coup, ça va être chaud, à côté, c’est Esther qui rigole un coup en nous voyant faire. A moi de lui adresser un sourire : Ma sœur a fait des cookies, t’en veux ?!